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Partie 1: L’information du patient sur les effets indésirables de sa chimiotherapie

II. Les effets indésirables des chimiothérapies

3. Prise en charge des effets indésirables

3.5. Troubles sanguins

3.5.4. Anémie

Les causes possibles d’anémie chez un patient atteint d’un cancer sont nombreuses : syndrome hémorragique, envahissement médullaire métastasique, syndrome hémolytique, carence vitaminique,… A ces facteurs intrinsèques, s’ajoutent des facteurs extrinsèques comme la chimiothérapie à cause de son action toxique sur les précurseurs médullaires des globules rouges.

3.5.4.1. Généralités

L’anémie est la conséquence de la diminution du taux de globules rouges, appelés également érythrocytes ou hématies. Elle est définie par un taux d’Hémoglobine (Hb) plasmatique atteignant moins de 11g/dL chez la femme et 12g/dL chez l’homme. La toxicité est inconstante et souvent associée à des signes de dysérythropoïèse d’où le fait que l’anémie soit très souvent normocytaire (érythrocytes de taille normale), normo ou hypochrome (taux Hb diminué) avec un taux de Ferritine et de réticulocytes élevés. Les globules rouges ont une demi-vie plus longue (120 jours) que les globules blancs, ils seront moins affectés par la chimiothérapie et l’anémie n’apparaitra qu’après le cumul de doses de plusieurs cures. Les anémies causées par une hémolyse aigüe sont rares et résultent d’une toxicité spécifique (comme pour la Mitomycine C).

Les grades de toxicité sont définis ci-dessous :

Tableau 15 - Grades de l'anémie selon l'OMS

Grade OMS Taux hémoglobine (g/dL)

1 9,5 à 10,9

2 8 à 9,4

3 6,5 à 7,9

4 < 6,5

La prévalence du syndrome anémique est de 50% en moyenne pour un patient traité pour son cancer mais elle augmente à 65% (30 à 90%) en cas de prise en charge par la chimiothérapie. Cliniquement, l’anémie provoque une asthénie associant vertiges, pâleur, dyspnée, tachycardie, angor, palpitation, dépression, baisse de la conscience et de la libido. Une étude réalisée en 2013 à Barcelone rapporte que la fatigue ressentie par le patient est corrélée à la chute du taux de globules rouges et au traitement par chimiothérapie entre autres (101). L’anémie perturbe la qualité de vie mais aussi représente un facteur pronostique défavorable et est une cause de report de cure ou de diminution des doses. (18,78,102)

3.5.4.2. Facteurs de risque

D’autres mécanismes peuvent renforcer l’anémie chimio-induite : - Une anémie de maladie chronique,

- Des hémorragies discrètes,

- Un envahissement médullaire métastasique,

- Un syndrome hémolytique,

- Un syndrome de coagulation intravasculaire ou CIVD (Coagulation Intra-Vasculaire Disséminée),

- Une anémie inflammatoire,

- La chirurgie oncologique : hémodilution, hémorragie, inflammation,

- La radiothérapie associée à la chimiothérapie,

- Une carence en Fer, en folates, en vitamine B12 ou une carence nutritionnelle. (18)

 Molécules en cause

Les sels de Platine sont fortement anémiants. Le Sunitinib, le Sorafénib et l’Everolimus provoquent une anémie dans plus de 50% des cas. Une méta-analyse a démontré que l’utilisation des thérapies ciblées en monothérapie augmentait le risque d’anémie. (39,82,103)

3.5.4.3. Thérapies de soutien

L’anémie est traitée par la transfusion de culots globulaires et l’administration d’un facteur de croissance hématopoïétique spécifique de la lignée érythrocytaires ou Agent Stimulant

l’Erythropoïèse (ASE). L’utilisation des ASE n’est cependant pas indiquée si le patient ne reçoit pas

de chimiothérapie. Les recommandations sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 16 - Recommandations pour la prise en charge de l'anémie chimio-induite

Taux hémoglobine Traitements

< 8 g/dL Transfusion Traitement parallèle des autres causes

d’anémie

8 à 10 g/dL ASE ± transfusion

10 à 12 g/dL ASE éventuellement

Taux cible : > 12 g/dL

Le traitement transfusionnel curatif consiste en une transfusion de deux culots globulaires par 24 heures. Elle suit les règles de sécurité transfusionnelle : vérification du groupe sanguin au chevet du malade et surveillances tensionnelles, thermiques et cliniques strictes tout au long de la transfusion. Une numération de contrôle est effectuée en fin de transfusion afin de vérifier son efficacité.

L’objectif du traitement par ASE sera de prévenir la transfusion globulaire et d’améliorer la qualité de vie. Les médicaments à visée curative actuellement disponibles sont l’Epoïétine Alpha EPREXet ses biosimilaires BINOCRIT et RETACRIT, l’Epoïétine Bêta NEORECORMON, la Darbepoïétine ARANESP et l’Epoïétine Thêta EPORATIO. L’ASE est administré dès le début de la chimiothérapie si l’Hb est inférieure à 10 g/dL ou ultérieurement si l’Hb chute entre 9 et 11g/dL avec des signes associés d’anémie. L’administration sous cutanée est hebdomadaire mais elle peut être augmentée à 3 (Epoïétine Alpha) voire à 7 (Epoïétine Bêta) par semaine ou diminuée à une toutes les 3 semaines pour la Darbépoïétine. Les doses suivent des indications très précises que nous ne développerons pas. Les molécules sont équivalentes en termes d’efficacité et de sécurité d’emploi. Dès la 4ème semaine, une adaptation posologique au vu du taux d’Hb est possible : la posologie peut être

diminuée si la réponse est majeure (augmentation de plus de 2 g/dL ou proche de 12 g/dL) ou le traitement stoppé en cas d’Hb supérieure à 13 g/dL. Une NFS ainsi que le dosage du taux d’Hb et des plaquettes sont réalisés hebdomadairement pendant les 8 premières semaines de traitement. Une surveillance de l’apparition des thromboses est recommandée particulièrement en cas de chirurgie, d’immobilisation, d’antécédents thrombotiques ou au cours du traitement d’un myélome. Le traitement curatif, s’il demeure nécessaire, se poursuit 3 semaines après l’arrêt de la dernière cure de chimiothérapie.

En cas de carence en Fer, la supplémentation devra être réalisée par voie veineuse de préférence (et non orale) à la posologie de 200 à 300 mg par jour si la ferritinémie est inférieure à 100 µg/L. (39,78)

3.5.4.4. Conseils

Le pharmacien devra dispenser dans les meilleures conditions le traitement ASE en y associant les conseils appropriés. Il insistera également sur les signes évocateurs de l’anémie et sur les mesures hygiéno-diététiques à prendre.

o Favoriser l’observance du traitement ASE

En cas de prescription d’ASE, le patient, comme pour chaque ordonnance contenant des soins de support, devra connaitre les médicaments prescrits ainsi que le nom de l’ASE utilisé. Il devra être averti des effets indésirables de ces médicaments : céphalées et hypertension artérielle, cette dernière justifiera une prise régulière de la tension du patient. Les céphalées pourront être soulagées par des antalgiques. Des signes témoignant d’une hypertension plus intense comme des troubles moteurs, des troubles de l’élocution ou de l’équilibre, des céphalées intenses, doivent alarmer le patient qui contactera son médecin. Il est important de lui préciser que l’effet bénéfique des ASE n’est constaté qu’après deux semaines de traitement.

La supplémentation en Fer par voie orale entraine une coloration noire des selles parfois accompagnée de constipation ou diarrhée. Le patient doit être prévenu de l’éventualité de leur survenue. Si le Fer est administré sous forme de solution buvable, il est conseillé de le boire avec une paille afin d’éviter tout noircissement des dents, laquelle sera dans tous les cas réversible à l’arrêt du traitement. Le Fer est mieux absorbé s’il est pris entre les repas mais ceci augmente l’intolérance digestive : en prévention, il faudra recommander au patient de le prendre en début de repas ou de fractionner les doses si le Fer est sous forme buvable. Attention au thé et au café qui diminuent l’absorption du Fer. L’administration par voie veineuse se fera à l’hôpital à cause du risque élevé de réaction allergique associée.

La conservation des ASE est identique à celle des G-CSF sensibles à la chaleur (réfrigérateur, absence de lumière, …). Cependant, l’EPREX et le NEORECORMON peuvent être conservés

durant une période unique de 3 jours à une température inférieure à 25°C et l’ARANESP pendant 7 jours sous les mêmes conditions. Un passage à température ambiante peut être utile avant l’administration du produit afin qu’elle soit moins douloureuse.

Si le patient le désire et s’il est jugé apte, l’auto-administration de l’ASE est possible. Le pharmacien lui rappellera les modalités de l’auto-injection sous-cutanée et le schéma thérapeutique à respecter. (15,19)

o Apprendre au patient à reconnaitre les signes de l’anémie

Un certain nombre de symptômes peut laisser supposer au patient qu’il souffre d’anémie. S’il note un des symptômes suivants, il doit en avertir le médecin : (80)

- Une fatigue,

- Un essoufflement au repos et à l’effort,

- Des vertiges,

- Des maux de têtes,

- Une baisse de l’audition ou de la vue,

- Des frissons,

- Une pâleur des ongles et des lèvres,

- Un rythme cardiaque rapide,

- Des troubles digestifs,

- Des troubles de l’équilibre.

o Mesures hygiéno-diététiques

De nombreuses mesures pourront être prises par le patient afin de réduite sa fatigue. Cet effet indésirable majeur sera traité ultérieurement.

Le patient peut soigner son alimentation afin de réduire l’anémie et consommer au maximum des viandes et des poissons contenant du Fer facilement absorbable par l’organisme ainsi que du foie et des lentilles.

3.5.4.5. Traitements complémentaires

L’insuffisance immunitaire en général peut être traitée par homéopathie en utilisant des souches pouvant prévenir les anémies:

- ADN 5 CH, 7 CH et 9 CH, 2 granules de chaque tube le matin associé à ARN 5 CH, 7 CH et 9 CH, 2 granules de chaque tube le soir par cure de un mois. (65)