• Aucun résultat trouvé

La nature et le délai de traitement des signalements sont très hétérogènes

CONFERE UN ROLE MAJEUR A L ’ EVALUATEUR

2.3 La nature et le délai de traitement des signalements sont très hétérogènes

[511] Les tests de l’audit réalisés sur 12 dossiers de MRV183 répartis entre les deux DP font apparaitre une hétérogénéité importante dans les traitements des dossiers de MRV en termes de délais de traitement.

 La réglementation définit peu les délais impartis

[512] Dans le cadre réglementaire de la MRV, seules 2 notions de délais apparaissent :

○ Le signalement des incidents ou risques d'incidents mettant en cause un dispositif ayant entraîné ou susceptible d'entraîner la mort ou la dégradation grave de l'état de santé d'un patient, d'un utilisateur ou d'un tiers, de la part des fabricants ou utilisateurs doit être transmis « sans délais »184.

○ Le signalement des autres incidents considérés comme facultatifs185 doit être transmis selon une « périodicité trimestrielle »186.

 Les délais entre l’incident et le signalement ne sont pas maitrisés

[513] Les tests réalisés sur les dossiers de MRV ont mis en évidence des délais extrêmement variables et parfois très longs entre la survenue des incidents majeurs et leur déclaration : en moyenne 108 jours mais pouvant aller jusqu’à près d’un an187. Les incidents majeurs n’entrainant pas de signalement obligatoire, ils devraient être transmis selon une périodicité trimestrielle et ne devraient pas être déclarés plus de trois mois après l’incident. Ces dépassements peuvent en partie s’expliquer par une sensibilisation insuffisante des professionnels utilisateurs et des fabricants aux délais réglementaires, et par l’absence de mesures prises lors du non-respect des temps de déclaration par les fabricants.

[514] Pour les 2 incidents graves étudiés188, les délais ont été de 38 et 98 jours alors qu’ils auraient dû être transmis « sans délais ». Cependant, il a été remonté des difficultés d’interprétation par les CLMV des notions de « sans délais » et de « mettant en cause un dispositif ». En effet, certains établissements de santé considèrent que cette notion de temps s’applique à partir du moment où la responsabilité du DM est avérée dans l’incident, donc après enquête de l’établissement lui-même. Or, si le DM est effectivement en cause, ce délai d’investigation peut être préjudiciable et retarder une éventuelle décision de l’agence. Il y aurait lieu de faire savoir largement ou de rappeler régulièrement que pour les incidents graves, et si l’imputabilité est difficile à attribuer, la déclaration doit être effectuée avant la fin des investigations locales.

 Le temps d’évaluation laissé au fabricant est parfois trop long et devrait être adapté selon les cas.

183 Le dossier sur les draps de contention a été traité séparément des autres dossiers (cf. encadré). Les 12 dossiers relevaient ainsi au total

4 FSCA, 2 incidents critiques et 14 incidents majeurs

184 Art. L5212-2 du CSP

185 Art. R5212-15 du CSP

186 Art. R5212-22 du CSP

187 Incident n°R1703178 sur les stents intracrâniens de flow diverters (Stents FRED Jr)

188 Instructions I1707109 sur les endoprothèse thoracique Zenith Alpha Thoracic et I1609910 sur les moniteurs de surveillance de paramètres intracrâniens (Sensmart moniteur d'oxymétrie tissulaire)

[515] L’ANSM a fixé un délai maximal de 60 jours aux fabricants pour l’établissement d’un rapport relatif aux incidents, contenant les résultats de l’investigation pour en connaitre la cause et les propositions de mesures correctives. Dans 3 des 6 instructions lors desquelles l’ANSM a demandé une évaluation au fabricant, ce délai était dépassé, et atteignait une moyenne de 71 jours pour ces 6 instructions.

[516] Si ce délai était dépassé dans les 2 cas d’incidents critiques, des réponses ont été apportées beaucoup plus rapidement à l’agence par l’intermédiaire d’échanges téléphoniques ou électroniques.

Le caractère urgent des décisions à prendre dans le cas d’un incident grave ne peut en effet permettre d’attendre 60 jours pour prendre les décisions qui s’imposent.

[517] Le recours au rapport final du fabricant et le délai limite associé, sans considération de la gravité de l’incident, devraient donc être adaptés selon les cas. Une distinction de délais entre le retour des résultats de l’investigation et des propositions de mesures correctives pourrait par exemple être mise en place pour les incidents graves. Les fabricants dépassant les délais pourraient être systématiquement alertés sur les diligences leur incombant.

[518] Par ailleurs, sans système informatique adapté, les évaluateurs n’ont pas de dispositif d’alerte automatique des dossiers pour lesquels le fabricant a dépassé les 60 jours fixés pour rendre leur rapport (cf. infra)

 Le délai entre réponse du fabricant et mise en œuvre d’une action par l’ANSM est également long

[519] Les réponses du fabricant et les conclusions du rapport final sont généralement discutées par l’évaluateur, dans le cadre d’un processus de « négociation » entre l’agence et le fabricant. Ce processus rende difficile un décompte clair et précis du délai de mise en œuvre d’une action par l’ANSM ou le fabricant. Cependant, on remarque que les délais entre un incident et l’adoption de mesures correctives sont d’une part très variables (de 21189 à 215190 jours), d’autre part globalement longs (95 jours en moyenne sur les 8 dossiers ayant abouti à des mesures correctives).

[520] Les échanges qui peuvent se multiplier, les contestations des décisions de l’ANSM par le fabricant et les recours à des experts externes peuvent allonger jusqu’à 7 mois la mise en place de mesures correctives suite à un incident191. Au final, les délais apparaissent d’une très grande hétérogénéité, globalement longs et pas toujours proportionnés à la gravité des enjeux.

[521] Un dossier de risque d’incident majeur, qui s’est finalement avéré être sans risque pour les utilisateurs du DM et les patients, a été traité en 3 semaines, avec une mise en quarantaine puis une levée de quarantaine dans ce laps de temps192.

[522] A l’inverse, une série d’incidents critiques, ayant entrainé le décès de plusieurs patients, a abouti à une première mesure de recommandation et de modification de notice près d’un an seulement après le premier décès considéré (cf. encadré).

[523] Préconisation : L’agence doit se doter de moyens permettant de maitriser et diminuer les délais de traitement d’un incident, à tous les niveaux de l’investigation (signalement, réponses du fabricant et réactivité des évaluateurs), et de les proportionner à la gravité de l’incident.

189 Instruction I1712557 sur la contamination de matelas thérapeutiques au dichlorobenzène

190 Instruction I1602849 sur les cathéters de perfusion intracardiaque Helix - Biocardia

191 id

192 Dossier de contamination de matelas par du dichlorobenzène

Encadré 11 : Drap de contention : un exemple d’incidents liés aux dispositifs médicaux (DM) Le dispositif de drap de contention se compose d’une partie inférieure dont le principe est identique au sac de couchage, reliée à un haut assimilable à un pyjama à manches longues. La partie inférieure doit se fixer aux parties mobiles du lit (4 sangles).

Commercialisé depuis 2005 comme un produit d’usage, il est qualifié de dispositif médical de classe I, marqué CE selon la directive 93/42/CEE depuis seulement février 2016. Il relève d’une prescription médicale au titre de matériel de contention.

Il est indiqué, entre autres, pour prévenir les chutes de personnes désorientées pendant le sommeil.

Il n’est pas indiqué dans le cas d’un patient capable de s’extraire ou de se détacher du dispositif.

L’utilisation d’un tel couchage de sécurité nécessite obligatoirement la mise en place des barrières de lit relevées (pas de ½ barrières).

Le dossier peut être scindé en plusieurs phases.

1° L’agence considère qu’elle n’est pas compétente car le produit n’est pas un DM

De 2010 à 2013 : 4 décès sont identifiés sur un dispositif non marqué CE, mais signalés à l’ANSM : - 1 décès lié à l’absence de barrière => une précision est apportée par le fabricant dans la notice.

- 1 décès lié à l’utilisation en dehors de l’indication et sans respect de la technique du dispositif =>

une actualisation de la notice est effectuée et une formation dans l’établissement concerné dispensée.

- 1 décès, sans investigation possible => une information /recommandation est faite à l'établissement déclarant et une modification de la notice et de l'étiquetage est réalisée par le fabricant.

- 1 décès lié à l’état du patient et à l’absence de barrière => une révision de la notice et une inscription de règles de sécurité de base sont portées sur le tissu.

Durant cette période, l’analyse de l’ANSM consiste à considérer que le produit n’est pas un dispositif médical mais un article de couchage. L’agence part du principe que les revendications d’usage données par le fabricant constituent les éléments de qualification du produit et que, même si le mot contention apparaissait, le produit servait à sécuriser le sommeil de personnes âgées désorientées.

L’article n’apparait pas destiné à être utilisé à des fins médicales sur des personnes agitées ou déambulantes. Il est même fortement déconseillé pour cet usage. Le fabricant ne met pas le produit sur le marché en tant que DM. A la même époque, d’autre articles se présentaient explicitement comme un couchage médical et étaient classés à ce titre comme DM. L’ANSM en déduit que le drap de contention n’est pas un DM.

2° L’agence prend acte du changement de destination du produit et de son classement en DM Entre 2014 et 2015 : 2 décès sont traités par la DGCCRF

L’agence décide le 27/01/2014 que, le produit n’étant pas un DM, les signalements seront adressés dorénavant à la DGCCRF. Des échanges entre cette dernière et l’ANSM montrent une divergence d’appréciation sur la qualification du produit. Dans ses échanges avec le fabricant, la DGCCRF considère le produit comme un DM. Le fabricant écrit à l’ANSM pour indiquer qu’il souhaite qualifier son produit de DM de classe I. L’ANSM répond que l’usage revendiqué n’en fait pas un DM mais qu’il doit, s’il persiste dans son intention, en modifier l’usage indiqué et constituer un dossier en ce sens.

Le fabricant annonce que le produit ne passera finalement pas DM car il sécurise le couchage des personnes âgées. L’ANSM considère que, rien ne permet de démontrer que les ventes sont faites à des fins médicales ; les incidents déclarés sont liés à un mésusage du produit.

Deux autres décès se sont ainsi produits jusqu’en février 2015, dont les dossiers ont été investigués par la DGCCRF. Celle-ci maintient sa position et rencontre le fabricant. Ce dernier informe l’ANSM en juillet 2015 de son intention de déclarer le produit en DM classe I. Par courriers du 13 aout 2015, adressés respectivement à la DGCCRF et au fabricant, l’agence prend acte du changement de qualification et informe ce dernier de ses obligations, notamment la nécessité de produire une évaluation clinique.

3° L’agence tire les conséquences de la qualification en DM pour le traitement des nouveaux incidents déclarés

Depuis 2016 : 6 décès conduisent à une décision de police sanitaire.

A partir de février 2016, le produit est auto-certifié CE et devient donc un DM de classe I. Six décès surviennent entre février et septembre 2016, pour des utilisations sur des patients ne correspondant pas à l’indication et avec des barrières de lit défectueuses, ou pour des raisons inconnues. Le centre opérationnel de réception et de régulation des urgences sanitaires et sociales (CORRUS) est averti193. Le fabricant propose de modifier la notice et de réaliser de nouvelles formations à l’utilisation de ces produits. L’agence, pour qui les réponses du fabricant semblent manquer de profondeur, convoque ce dernier en novembre 2016. S’agissant d’un DM, elle considère que le problème se pose désormais en termes d’analyse de risque et de balance bénéfice/risque (B/R), la récurrence des cas devenant problématique (la norme ISO 14 971 sur les dispositifs médicaux indique que lorsque le mésusage est répété, il doit être intégré dans l’analyse des risques et conduire à des mesures de gestion du risque consistant, par ordre de priorité, à éliminer le risque/protéger/faire de la formation). Le fabricant oppose l’augmentation conséquente du volume de produits vendus, multiplié par 6 entre 2010 et 2015194. L’agence demande une nouvelle analyse de risques, des actions tendant à limiter le mésusage et une étude post suivi pour mieux apprécier la balance B/R.

En mars 2017 l’ANSM communique sur son site internet. Le fabricant diffuse une notice améliorée et plus aucun accident n’est déclaré entre mars et juillet 2017. En juillet 2017, 2 nouveaux décès sont signalés en 48 heures. L’ANSM notifie le 25 juillet 2017 une décision de police sanitaire ordonnant la suspension de la mise sur le marché, de la distribution et de l’utilisation du produit, ainsi que son retrait auprès des utilisateurs concernés.

Un dossier reflétant les enjeux de la MRV

Ce dossier, examiné à l’occasion des tests de l’audit effectués sur une demi-douzaine de dossiers, est emblématique d’un certain nombre de problématiques observées au sein du processus de traitement des signalements de MRV. Il pourrait à ce titre faire utilement l’objet d’un véritable retour d’expérience au sein de l’agence. Le résumé succinct ci-dessus, qui ne prétend nullement à l’exhaustivité, permet en tout état de cause de tirer quelques enseignements.

D’une part, l’absence de procédure d’AMM cadrante, du même type que celle applicable aux médicaments, montre la complexité, en l’occurrence en grande partie juridique, à laquelle l’évaluateur est susceptible d’être confronté dans le traitement de l’incident lié à un DM. Ce moindre cadrage mérite d’être compensé par une procédure interne sécurisante, permettant de repérer très rapidement les cas justifiant un traitement ad hoc.

D’autre part, les nombreux paramètres à prendre en compte avant d’apprécier l’opportunité de prendre des mesures coercitives justifient un encadrement et un processus collégial renforcés afin de bien apprécier la situation et prendre la mesure de toutes ses implications et de l’ampleur des évènements. En l’espèce, par exemple, le nombre de décès rapporté au nombre de draps vendus laisse apparaitre un risque important (6 victimes pour environ 13 000 draps vendus) mais le ratio n’est plus du tout le même si on le rapporte au nombre de nuitées, estimées à 5,5 millions par an, rendant le risque faible. De même, les mesures à prendre ne peuvent être regardées sans considération des services effectivement rendus par le produit, comme l’attestent en dernier lieu les conclusions du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire « Dispositifs médicaux de contention

193 Le CORUSS est structure opérationnelle de la DGS créée en 2007 et qui assure une veille opérationnelle permanente (24 heures sur 24 dans le cadre des urgences et des crises sanitaires nationales et internationales ainsi que de toute information émanant des territoires ou d’autres ministères

194 Volumes de vente en nette augmentation: 2140 en 2009, 3186 en 2010, 4100 en 2011, 7300 en 2013, 12843 en 2015

physique», les études révélant une mortalité importante dans les lits médicalisés et les débats éthiques sur la contention physique alternative aux draps de contention.

Cette complexité a un effet direct sur les délais de traitement.

Tous ces points militent en faveur d’une identification et d’une prise en charge ad hoc des dossiers épineux dès l’amont du processus.

Source : ANSM/DMDPT, traitement : IGAS

2.4 Le nombre des signalements à traiter n’est pas compatible avec une veille