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CHAPITRE 5 : Notions et concepts didactiques transposés à l’EMILE

2. La motivation dans l’EMILE

2.1. La motivation en contexte scolaire

Gurtner, Gulfi, Monnard et Schumacher (2006) partagent la définition de Viau (1994) :

La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but. (Viau, 1994, p. 7)

Ces auteurs, qui cherchent à comprendre ce qui fait évoluer cet état et à quel rythme il évolue, partent du principe que « la motivation est multidimensionnelle et entretient des liens étroits avec d’autres domaines de la vie affective et cognitive des individus » (Gurtner et alii, 2006, p. 22). Selon eux, la motivation d’un élève est un processus complexe en constante évolution.

La motivation est un état dynamique, un continuum, qui peut varier d’extrinsèque à intrinsèque pour un même individu en fonction du contexte. Le schéma 3 présente les différents stades de motivation.

Le schéma 3 montre que la motivation extrinsèque découle des avantages dérivés de l’activité alors que la motivation intrinsèque est directement liée à l’activité. En effet, comme le fait remarquer E. L. Deci (1975), « une personne motivée de façon extrinsèque ne fait pas l’activité pour cette dernière, mais plutôt pour en retirer quelque chose de plaisant ou pour éviter quelque chose de déplaisant une fois l’action terminée » (cité par Vallerand, 1993, p. 255). En revanche, « Une personne est intrinsèquement motivée lorsqu’elle effectue des activités volontairement et par intérêt pour l’activité elle-même » (Vallerand, 1993, p. 255). Les stades extrinsèques (régulation externe) et intrinsèques (intégration) ne sont pas si fréquents dans le cadre scolaire, les élèves y fonctionnent bien plus par introjection (culpabilité) ou identification (intérêt différé). Pour susciter la motivation, différents facteurs peuvent être utilisés : les récompenses, le besoin de curiosité, l’autodétermination, le sentiment de compétence et la conscience des buts.

Thorndike initia en 1898 le concept de ‘conditionnement opérant’ développé par Skinner dans le milieu du XXe siècle. Contrairement au ‘conditionnement répondant’ proposé par Pavlov

au début du XXe siècle, l’animal (respectivement le chat et le rat) doit faire quelque chose

pour accéder à la nourriture. Thorndike et Skinner ont démontré que la satisfaction du sujet (récompense, réussite...) renforce l’apprentissage. L’école a eu recours à diverses récompenses (bons points, images, métiers, notes, etc.) pour faire travailler les élèves, bien avant le concept de renforcement positif établi par les behavioristes. Cependant, cela modifie le rapport des élèves aux activités scolaires. En effet, ces derniers ne retirent pas de plaisir de l’activité même mais de la récompense qui en découle. Or de nombreux travaux ont montré que les récompenses ont pour effet de diminuer l’intérêt des sujets pour l’activité : « La motivation intrinsèque […] diminue fortement lorsqu’on leur a fait miroiter une belle récompense » (Lieury et Fenouillet, 2006, p. 34). Dans le cadre de notre recherche, nous avons pu voir en maternelle, des enseignantes coller des étoiles sur les vêtements des élèves qui respectaient les consignes ou qui avaient un bon comportement à l’égard de leurs camarades, renforçant ainsi l’identification (intérêt différé), plutôt que de réprimander ceux qui ne le faisaient pas, ce qui aurait renforcé l’introjection (culpabilité). Cela incitait certes les élèves à adopter la bonne attitude, mais dans le but d’obtenir une étoile. Même si cette technique consistant à valoriser ceux qui font bien plutôt que de sanctionner ceux qui font mal tend plus à développer la motivation intrinsèque (cf. schéma 3, Deci et Ryan, 1985), il n’en demeure pas moins que les élèves n’adoptent pas le bon comportement pour être dans les meilleures conditions pour apprendre. Au final, la motivation extrinsèque s’en trouve

renforcée au détriment de la motivation intrinsèque. De plus, l’attrait de la récompense s’amoindrit avec le temps.

Ce n’est pas le cas de la curiosité qui est un besoin naturel et qui par conséquent, est un facteur de motivation intrinsèque (contrairement aux récompenses). Dans notre recherche, nous avons pu constater que les professeures observées avaient le souci d’éveiller la curiosité de leurs élèves pour qu’ils s’impliquent dans les tâches à accomplir. Par exemple, une enseignante a fait goûter à ses élèves tous les fruits cités dans l’album qu’ils étaient en train d’étudier pour leur faire travailler la structure I like / I don’t like en anglais.

L’autodétermination est le besoin de penser que l’on est maître de son comportement. En effet, Deci (1980) explique que « le concept d’autodétermination fait référence au sentiment de liberté que procure un comportement » (cité par Vallerand, 1993, p. 252). La pression, la contrainte ou le contrôle font diminuer l’autodétermination et pourraient réduire la motivation, si celle-ci ne dépendait pas également d’autres facteurs comme les compétences de l’apprenant ou les objectifs de la tâche. En revanche, lorsque l’on peut choisir les tâches à accomplir et/ou leurs conditions de réalisation, ainsi que les objectifs à long terme, cela peut faire augmenter la motivation intrinsèque. Cependant, trop de choix peut également participer à un cadre mal défini et engendrer une incapacité à agir. Lorsque l’on n’arrive pas à satisfaire notre besoin d’autodétermination, la motivation disparaît et un comportement de résignation peut se développer. Dans notre recherche, nous avons pu constater que les enseignantes observées prenaient en compte l’autodétermination quand, par exemple, l’une d’entre elles a mis en scène une séance d’audition à Hollywood pour que les élèves récitent un poème en anglais.

Le sentiment de compétence naît du lien que nous établissons entre ce que nous faisons et les résultats de notre action. Le fait de réussir, d’avoir de bons résultats, d’être félicité, augmente le sentiment de compétence. « Les besoins de se sentir compétent et autodéterminé seraient des sources importantes de motivation pour l’apprentissage » (Vallerand, 1993, p. 263). Nous verrons dans l’analyse de notre corpus, que ‘féliciter l’élève verbalement’ est un des types de GPAL que nous avons identifié pour ‘encourager l’expression orale en LSco’.

La conscience des buts permet l’attention à la tâche, la mobilisation de l’effort, l’accroissement de la persévérance et la définition de stratégies de travail. De nombreuses expériences ont montré que de meilleurs résultats sont obtenus en donnant des buts difficiles

(tout en étant accessibles) plutôt qu’en demandant des choses faciles. « Les buts difficiles et accessibles ont un effet motivationnel important, dans la mesure où ils induisent un sens d’accomplissement personnel » (Vallerand, 1993, p. 396). Le fait de comparer ce qui a été fait au but visé augmente ce phénomène. En effet, le fait d’avoir un retour avec des informations sur la manière de progresser, renforce le sentiment de compétence. Dans le cadre de notre recherche, nous avons eu l’occasion d’une part, de constater que les professeures définissaient au préalable, auprès des élèves, les buts visés dans les activités proposées, et d’autre part, de voir des enseignantes expliquer à certains élèves qui n’avaient pas réussi à accomplir la tâche demandée, ce qu’ils pourraient faire pour y parvenir la fois suivante.