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CHAPITRE 6 : Les outils de la méthodologie

3. L’approche comparative

3.1. Définition

L'approche comparative renvoie à la didactique comparée. Les premières didactiques (des mathématiques, du français - langue étrangère et langue maternelle - et des sciences) sont récentes puisqu’elles datent des années 1970. Depuis, les didactiques des autres disciplines se sont également constituées. Si au départ, l'isolement était nécessaire pour que les didactiques se consolident, il s'agit de ne pas le prolonger une fois la phase d'émergence passée, pour éviter l'enfermement disciplinaire. La didactique comparée va dans ce sens. D’après le dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques, la didactique comparée « vise à mettre en dialogue les didactiques disciplinaires » (Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre et Lahanier-Reuter, 2007, p. 75). Elle décrit à la fois les spécificités de chaque didactique qui dépend notamment des objets d'enseignement / apprentissage, mais aussi les invariants de l’ensemble des didactiques :

« Les enjeux de similitudes/dissemblances, particularités/généralités propres au travail comparatiste, sont caractérisés, dans les travaux actuels de la didactique comparée, par une nécessaire distinction entre caractère spécifique et caractère générique des phénomènes didactiques. » (Leutenegger, 2004, p. 3)

Mercier, Schubauer-Leoni et Sensevy résument en posant la question suivante :

« Dans le travail du professeur et dans celui des élèves, qu'est-ce qui est générique et peut être rapporté à un processus d'enseignement (ou d'apprentissage), qu'est-ce qui est spécifique et doit être rapporté à tel ou tel savoir enseigné-appris ? » (Mercier, Schubauer-Leoni et Sensevy, 2002, p. 9)

Pour Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre et Lahanier-Reuter (2007), il existe quatre approches comparatistes. La première consiste à confronter les notions communes à plusieurs didactiques pour en déterminer les fondements communs et les différentes utilisations au sein de chaque didactique. La deuxième revient à décrire les conditions pour qu’une interaction entre un savoir, un apprenant et un enseignant soit possible dans le cadre d'un système didactique. La troisième consiste à confronter les didactiques entre elles de façon globale, en déterminant ce qui, dans chacune d’elles, est inhérent aux objets d'enseignement / apprentissage et aux conditions d'émergence de chaque didactique comme discipline théorique. Enfin, la dernière approche comparatiste selon Reuter, Cohen-Azria, Daunay,

Delcambre et Lahanier-Reuter (2007) revient à comparer les didactiques d'un point de vue méthodologique. Notre recherche s’inscrit dans les première et deuxième approches comparatistes décrites par ces auteurs. En effet, d’une part, nous cherchons à confronter une notion commune portant sur les gestes professionnels d’adaptation linguistique (Zougs, 2016), intéressant les didactiques du français langue maternelle, seconde et étrangère (FLM, FLS, FLE) – que nous adaptons également au cas de l’anglais – mais aussi les didactiques de l’enseignement bilingue et du plurilinguisme. En outre, en comparant des séances d’enseignement qui varient en fonction des trois facteurs que nous avons déterminés (statut de la LSco, âge des élèves et degré d’hétérogénéité linguistique), dans des classes ordinaires et spécialisées, nous tentons de comprendre dans quelle mesure ces facteurs influent sur les GPAL utilisés par les enseignantes, afin de déterminer à la fois fondements communs de la notion étudiée et ses différentes utilisations au sein de chaque didactique. D’autre part, nous cherchons à décrire la façon dont les enseignantes s’adaptent à l’hétérogénéité linguistique des élèves en LSco, pour rendre possible l’interaction entre le savoir, leur manière de l’enseigner et la réception de ce savoir par les élèves.

3.2. Mise en œuvre de l'approche comparative

Nous avons entrepris de mener notre recherche dans le cadre de la démarche clinique, dans une approche comparative. Concernant l’influence du statut de la LSco, nous avons comparé des séances portant sur la même discipline, menées auprès d’élèves d’âge comparable, en français (langue vernaculaire) et en anglais (langue véhiculaire). Pour l’âge des élèves, il s’agit de comparaisons de séances portant sur la même discipline, menées par la même enseignante, dans deux niveaux de classe différents. Enfin, vis-à-vis du degré d’hétérogénéité linguistique, nous avons comparé des séances menées dans la même classe par la même enseignante, dans des conditions lui conférant une hétérogénéité linguistique différente. Détaillons ces comparaisons pour justifier notre choix concernant l’approche comparative.

Dans la suite de cette thèse, nous désignons les six enseignantes des classes filmées ainsi :

- PF est la Professeure Francophone des classes principales de CE1 et CM2 - PA est la Professeure Anglophone de la section anglaise de CE1

- PFLE1 est la Professeure de FLE du groupe de petite section de maternelle

- PALS1 est la Professeure d’ALS du groupe de petite section de maternelle

- PALS2 est la Professeure d’ALS des groupes de grande section de maternelle et CE1

Afin de comprendre l'influence du statut de la LSco sur le recours des enseignantes aux GPAL (chapitre 9), nous avons choisi de comparer deux séances de mathématiques d'une même classe de CE1, l'une dispensée en français par PF et l'autre en anglais par PA. Le fait qu'il s'agisse dans les deux cas de leçons de mathématiques en CE1 permet de comparer deux classes dans lesquelles les élèves ont le même âge et dans lesquelles l'hétérogénéité linguistique est forte puisqu'en mathématiques les élèves de niveaux débutant et intermédiaire en LSco sont intégrés dans les classes ordinaires (classe principale et section anglaise). Par ailleurs, nous avons comparé une séance de Français Langue Étrangère menée par PFLE1 et une séance d’Anglais Langue Seconde conduite par PALS1 en petite section de maternelle. Dans ces deux comparaisons, le statut de la LSco diffère, le Français étant une langue véhiculaire (l'une des deux langues de communication de l’école internationale) mais également vernaculaire puisqu'il correspond à la langue de l'environnement, et l'anglais (l'autre langue de communication de l’établissement) a ici un statut de langue uniquement véhiculaire.

Le fonctionnement de cette école internationale, à savoir deux jours de classe en français (classe principale) et deux jours de classe en langue de section, oblige chaque enseignant exerçant à plein temps à enseigner dans deux niveaux de classe différents. Ce fonctionnement s'avère très important pour la partie de notre recherche qui s'intéresse à l'influence de l'âge des élèves sur le recours des enseignantes aux GPAL (chapitre 10). En effet, cela a nous permis de comprendre cette influence, à travers une approche comparative des gestes d’adaptation utilisés par une même enseignante, ce qui induit une même LSco, avec les élèves des deux niveaux de classe dans lesquels elle enseigne. Pour optimiser cette comparaison, nous avons observé deux séances portant sur la même discipline, de sorte que l’hétérogénéité linguistique des deux classes ou groupes soit semblable. Ainsi, nous comparons deux séances de mathématiques menées par PF en CE1 et en CM2 durant lesquelles les élèves de niveaux débutant et intermédiaire en LSco sont intégrés dans la classe principale. De même, nous avons comparé deux séances d’Anglais Langue Seconde dispensées par PALS2 en grande section de maternelle et en CE1. Dans ces deux comparaisons, l’âge des élèves diffère en fonction du niveau de classe dans lequel ils sont scolarisés.

Pour comprendre l'impact du degré d'hétérogénéité linguistique sur le recours des enseignantes aux GPAL (chapitre 11), nous avons comparé deux séances menées par la même enseignante, dans la même classe ou le même groupe, mais lors de séances pour lesquelles le degré d’hétérogénéité linguistique est différent. Ainsi nous avons comparé deux séances menées par PF en CM2, l'une en mathématiques, pendant laquelle les élèves débutants et intermédiaires en LSco sont intégrés à la classe principale et l'autre en géographie, durant laquelle seuls les élèves ‘francophones’ sont présents. Précisons que dans cette école internationale, sont appelés ‘francophones’ les locuteurs natifs dont la langue maternelle est le français, ainsi que les élèves de niveau avancé dans cette langue qui n’est pas leur LM. Ces derniers témoignent d’un niveau suffisant en français pour suivre l'intégralité des cours dans cette langue, soit par une connaissance personnelle de cette langue, soit grâce aux cours de FLE qu’ils ont pu suivre dans l’établissement et dont l’enseignant a jugé qu’ils n’étaient plus nécessaires. Nous avons également comparé deux séances de Français Langue Étrangère menées par PFLE2 en CM1-CM2, d'une part dans le groupe 1 comprenant tous les élèves des classes principales de CM1 et de CM2 bénéficiant du FLE (de niveaux grand débutant, débutant et intermédiaire en français), et d'autre part, dans le groupe 2 constitué des mêmes élèves que le groupe 1, sans ceux de niveau intermédiaire en français. Nous parlerons du groupe ‘mixte’ (1) et du groupe ‘débutants’ (2). Dans ces deux comparaisons, le degré d’hétérogénéité linguistique diffère, soit en fonction des disciplines enseignées en classe principale, soit en fonction de la composition des groupes en cours de FLE.

Au total, nous avons donc procédé à six comparaisons pour comprendre à la fois, l’influence du statut de la LSco, de l’âge des élèves et du degré d’hétérogénéité linguistique sur le recours des enseignantes aux GPAL, et les spécificités des dispositifs d’aide à l’apprentissage des LSco (cours de FLE et d’ALS) vis à vis de ces trois facteurs, par rapport aux enseignements menés en classe ordinaire (section anglaise et classe principale).