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CHAPITRE 1 : Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues

1. Le contexte politique et éducatif du CECRL

1.1. Les buts et objectifs de la politique linguistique du Conseil de l’Europe

Le CECRL participe à l’objectif général du Conseil de l’Europe qui vise à « parvenir à une plus grande unité parmi ses membres [...] par l’adoption d’une démarche commune dans le domaine culturel » (CECRL, 2001, p. 9)12.

Concernant les langues vivantes, le conseil de la coopération culturelle du Conseil de l’Europe adhère à trois principes fondamentaux : considérer que la diversité linguistique et culturelle est une richesse œuvrant à une meilleure compréhension entre Européens, que la connaissance des langues européennes facilitera la communication entre Européens, et que la coordination des politiques européennes permettra une plus grande concertation au sein de l’Europe :

- La diversité linguistique et culturelle en Europe constitue une ressource commune précieuse qu’il convient de sauvegarder et de développer [...] afin que cette diversité [...] devienne une source d’enrichissement et de compréhension réciproques ;

- C’est seulement par une meilleure connaissance des langues vivantes européennes que l’on parviendra à faciliter la communication et les échanges entre Européens, [...] à favoriser la mobilité, la compréhension réciproque et la coopération en Europe et à éliminer les préjugés et la discrimination ;

- Les États membres [...] pourraient parvenir à une plus grande concertation au niveau européen grâce à des dispositions ayant pour objet une coopération suivie entre eux et une coordination constante de leurs politiques (CECRL, 2001, p. 10)13

Le conseil de la coopération culturelle, son comité de l’éducation et sa section langues vivantes ont donc concentré leurs activités sur l’encouragement, le soutien et la coordination des efforts des états membres et des ONG14 pour améliorer l’apprentissage des langues

vivantes en Europe, selon ces principes fondamentaux. Pour y parvenir, ces instances européennes préconisent l’Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Étrangère (EMILE), dont nous explorons dans cette thèse une des formes existant en France

12 Recommandations R (82) 18 et R (98) 6 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe 13 Recommandation R (82) 18 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe

dans le premier degré, que représente l’enseignement dans les sections internationales du primaire.

Plusieurs objectifs politiques articulent les actions du conseil de la coopération culturelle dans le domaine des langues vivantes :

- Outiller tous les Européens pour les défis de l’intensification de la mobilité internationale et d’une coopération plus étroite les uns avec les autres et ceci non seulement en éducation, culture et science mais également pour le commerce et l’industrie ;

- promouvoir compréhension et tolérance mutuelles, respect des identités et de la diversité culturelle par une communication internationale plus efficace ;

- entretenir et développer la richesse et la diversité de la vie culturelle en Europe par une connaissance mutuelle accrue des langues nationales et régionales, y compris les moins largement enseignées ;

- répondre aux besoins d’une Europe multilingue et multiculturelle en développant sensiblement la capacité des Européens à communiquer entre eux par-delà les frontières linguistiques et culturelles ; il s’agit là de l’effort de toute une vie qui doit être encouragé, concrètement organisé et fiancé à tous les niveaux du système éducatif par les organismes compétents ;

- éviter les dangers qui pourraient provenir de la marginalisation de ceux qui ne possèdent pas les capacités nécessaires pour communiquer dans une Europe interactive (CECRL, 2001, p. 10)15.

L’Union européenne mise donc sur l’apprentissage des langues et cultures pour asseoir la stabilité européenne grâce à une meilleure connaissance des autres et aspire ainsi à éliminer la discrimination. L’EMILE participe à cet objectif politique général visé par le conseil de la coopération culturelle dans le domaine des langues vivantes.

1.2. L’approche plurilingue

Le Conseil de l’Europe a une approche de l’apprentissage des langues plus axée sur le plurilinguisme que sur le multilinguisme. Ce dernier est la connaissance ou la coexistence de plusieurs langues dans une société donnée. Pour arriver au multilinguisme, il faut diversifier

l’offre de langues dans les systèmes éducatifs, encourager les élèves à étudier plus d’une LE et réduire la place dominante de l’anglais dans la communication internationale. L’approche plurilingue va au-delà :

[Elle] met l’accent sur le fait que, au fur et à mesure que l’expérience langagière d’un individu dans son contexte culturel s’étend de la langue familiale à celle du groupe social puis à celle d’autres groupes (que ce soit par apprentissage scolaire ou sur le tas), il/elle ne classe pas ces langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais construit plutôt une compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent. (CECRL, 2001, p. 11)

Ainsi, deux personnes monolingues ne parlant pas la même langue peuvent tout de même communiquer en utilisant le paralinguistique (mimique, geste, mime, …) qui constitue alors leur unique recours. En revanche, deux personnes plurilingues, n’ayant pas de langue commune, peuvent faire appel à d’autres recours linguistiques pour communiquer, comme le fait de traduire dans une langue proche d’une de celles de son interlocuteur ou de faire des analogies avec une autre langue. Comme nous le verrons dans la quatrième partie de cette thèse, consacrée à l’analyse et à l’interprétation des résultats, pour prévenir ou gérer les difficultés des élèves pour entrer dans la Langue de Scolarisation (LSco), les professeures observées font toutes appel au paralinguistique. Au niveau linguistique, certaines permettent aux élèves d’utiliser une autre langue que la LSco dans un contexte prédéfini, soit par la situation d’enseignement, soit par le niveau de maîtrise de cette langue par les élèves.

L’approche plurilingue modifie le but de l’apprentissage des langues. Plutôt que de connaître parfaitement une, deux, voire trois LE indépendamment les unes des autres, il s’agit de développer un répertoire langagier dans lequel chacune trouve sa place. On passe d’une logique de maîtrise à une logique d’interaction entre plusieurs langues. La question du plurilinguisme sera développée dans la partie théorique (cf. chapitre 4, § 2).