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LA MORALE DES PURITAINS ET DES PIONNIERS

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IV - La communication et les valeurs américaines

LA MORALE DES PURITAINS ET DES PIONNIERS

La vague du protestantisme, associée aux noms de Luther, Calvin, Huss, Zwingli et de bien d'autres, s'est frayé un chemin vers l'Angleterre où elle s'est d'abord identifiée à la Réforme, puis, ensuite, au puritanisme de Cromwell. Le piétisme, la condamnation de la passion charnelle, une haute valorisation du contrôle de soi et du pouvoir de la volonté et la croyance en une responsabilité personnelle envers Dieu se trouvaient au centre de la morale puritaine. Les puritains prônaient une vie pure, le zèle au travail, l'effort, la propreté, la cohérence, l'honnêteté, et préconisaient la simplicité du culte et la solidarité envers les autres membres de la communauté puritaine.

Toutes ces valeurs ont pour origine une tendance à l'opposition chez les puritains britanniques. Ils protestaient - à la fois sur le 116 plan politique et religieux - contre les conditions qui existaient en Europe. En bref, ils s'efforçaient d'être simples et cohérents; et la confusion contre laquelle ils luttaient a peut-être été due à l'hétérogénéité culturelle. Les idées de la Renaissance s'étaient infiltrées graduellement au sein de la masse de la population, suscitant des contradictions dans les valeurs et les croyances, et des excès dans l'action, que beaucoup avaient trouvés intolérables. Pour échapper aux angoisses provoquées par la multiplicité des choix et l'absence de directives, les puritains prônèrent certains comportements rigides pour retrouver une sécurité perdue de longue date. Les systèmes qu'ils avaient établis rencontrèrent une forte opposition et, en guise de protestation, ils quittèrent la scène.

Ils arrivèrent en Amérique, sur un nouveau continent, habité par des Indiens hostiles, doté d'un climat rigoureux, aux hivers rudes et aux étés chauds. Il leur fallut faire face à des épreuves, et c'est dans ces conditions de vie totalement différentes que les puritains ont développé ce que nous appelons ici la «morale des pionniers». Parce qu'ils étaient peu nombreux, la vie avait une grande valeur. Pour survivre, il fallait des individus robustes, sachant bien lutter contre la nature et contre les Indiens, des individus capables de produire leur propre nourriture, de défricher et cultiver la terre. Il était primordial de savoir s'adapter à des situations changeantes et de faire face aux difficultés. A qui voulait survivre, il restait peu de temps pour le loisir. Le lot de chacun comportait un dur labeur. Les femmes, au début, étaient rares, notamment aux avant-postes vers la frontière, et les puritains renforcèrent encore les règles rigoureuses qu'ils avaient eux-mêmes introduites à propos du comportement envers l'autre sexe.

Les premiers colons furent également confrontés à la nécessité d'établir des relations sociales qui favorisent l'union et la solidarité du groupe, parce que l'adversité qui les entourait était grande et ne pouvait être surmontée que par une remarquable organisation. Les nécessités des pionniers et les besoins des puritains se conjuguèrent et se trouvèrent à la base du système de valeurs américain [23;

126].

Par la suite, ce système a été modifié par le passage d'une économie agraire à une économie industrielle et urbaine, puis par l'afflux de colons qui n'étaient pas puritains et par tous les changements 117 qui découlèrent de l'apparition de la civilisation et de la technique modernes.

L'attitude morale des pionniers et celle des puritains constituent le noyau du système de valeurs américain. Mais nous ne pouvons ici aborder en détail l'histoire concrète. Pour notre présente recherche, il suffit de souligner qu'il est courant aujourd'hui de voir les Américains manifester leur fierté vis-à-vis de ces racines culturelles. Les jeunes peuvent aujourd'hui lire toute une littérature réaliste ou de fiction qui exalte de façon romantique la «Frontière» et porte aux nues les valeurs qu'elle était supposée promouvoir. En même temps qu'il est plongé dans ces valeurs du passé, le jeune Américain subit aussi un véritable tir de barrage aussi bien de la part des bandes dessinées et des séries policières qui tentent de lui inculquer certaines valeurs, que d'autres publications qui essaient de lui communiquer la passion de la technique et de la mécanique. Ces dernières sources de formation des valeurs pourraient être jugées contradictoires avec les messages des puritains et des pionniers, mais en réalité la contradiction n'est que superficielle; les vertus prônées sont toujours les mêmes: ténacité, esprit d'initiative, décision et même pureté.

En concordance également avec le modèle traditionnel, l'arbitre et le censeur de la moralité américaine n'est pas un individu particulier; l'autorité est au contraire investie dans le groupe. Quand l'enfant européen s'en remet à ses parents et l'adulte européen s'en remet à des personnes identifiables qui ont une autorité réelle et bienveillante, l'adulte américain se réfère à l'opinion collective de ses pairs.

Cette organisation sociale et le type de moralité qu'elle renforce caractérisent une société de gens égaux. Des actions qui violent d'autres prémisses de valeurs américaines deviennent acceptables quand le principe des bonnes intentions morales n'est pas transgressé. Ces tendances sont clairement exprimées dans les procédures qui innocentent des pratiques brutales si elles sont accomplies au nom de la liberté d'entreprise et de la ténacité de l'individu. Au sein du système judiciaire américain, les juges locaux possèdent une liberté de décision sans égale

dans les autres pays. Ils interprètent réellement le sens profond de la moralité et, aussi longtemps que leurs décisions n'entrent pas en conflit avec les principes majeurs du système de valeurs américain, 118 leurs jugements sont habituellement confirmés par les juridictions supérieures.

Ce rôle particulier de la moralité dans la mentalité américaine explique en partie de nombreuses tendances contradictoires qui déconcertent l'observateur venu d'ailleurs [95]. Un voyageur étranger prend conscience de ces principes moraux dans des situations où il faut se justifier pour s'abandonner à ses impulsions. Il sera amené à reconnaître que l'on ne peut pas se livrer au plaisir pour le plaisir lui-même; ce qui est résumé dans le dicton: «Un puritain peut faire tout ce qu'il veut tant qu'il n'y prend pas de plaisir.» Satisfaire un désir personnel est admissible lorsque cela est justifié par un motif socialement acceptable. Par exemple, les distractions, les vacances, les rapports sexuels, la bonne chère et d'autres plaisirs deviennent acceptables dans la mesure où ces activités sont entreprises au profit de sa santé personnelle ou de celle des autres.

Le bien de la communauté constitue une autre motivation socialement acceptable. Dans le système américain, la personne la plus forte assumera la responsabilité de la plus faible dans la mesure où le handicap sera dû à l'âge ou aux circonstances. Les défaillances dues au manque de volonté, à la paresse ou aux passions charnelles ne sont pas tolérées. Et, comme dit le proverbe: «N'offre jamais la moindre miette à un parasite» (Never give a sucker an even break).

Quantité d'institutions s'occupent des gens les plus défavorisés et tout le monde essaie d'aider ceux qui, sans qu'ils en soient responsables, tombent malades ou perdent leurs biens. Cette aide représente rarement un acte de charité pure; en général, elle se réalise sous forme de prêts ou d'autres mesures de secours temporaires. Des actions qui améliorent le bien-être social ou qui contribuent à l'élévation générale du niveau de vie sont acceptables pour justifier la satisfaction de désirs. Gagner de l'argent, par exemple, même si cela implique d'exploiter cruellement les autres, peut être jugé nécessaire et justifié pour subvenir aux besoins de sa famille ou pour envoyer ses enfants à l'école, ou bien pour atteindre un objectif de caractère moral tel que la préparation de l'avenir ou le lancement d'une affaire qui procurera des emplois à d'autres.

La réglementation concernant la satisfaction des désirs a trouvé une place dans la Constitution américaine. Le dix-huitième amendement, 119 par exemple, a introduit la Prohibition aux États-Unis. De même, le Man Act avait pour but de lutter contre la prostitution. Un but semblable est poursuivi par le Johnston Office qui, instauré par l'industrie cinématographique, agit comme une instance de censure et d'autocensure contrôlant la «moralité» des films. Il est intéressant de remarquer que les producteurs de cinéma américains, l'Église et le public considèrent qu'il est parfaitement moral de présenter le meurtre, la violence et la brutalité dans les cinémas où sont admis les jeunes de tout âge. Par contre, les images qui montrent des relations sexuelles ou qui exposent excessivement les corps sont bannies. La brutalité et la rudesse sont considérées comme nécessaires à la survie, tandis que l'on croit que le plaisir sexuel amollit l'individu. Une idéologie semblable préside aux règles qui s'appliquent, aux États-Unis, au transport d'objets de caractère immoral par la poste.

Etant donné que l'individu est tout à fait conscient de ses impulsions, les Américains ont développé leurs propres méthodes pour satisfaire leurs besoins instinctifs. Ils peuvent se permettre de les satisfaire si le groupe se comporte de la même façon. Par exemple, un «type régulier» est celui qui cède aux tentations mais

en tant que membre du groupe. Un comportement, jugé immoral quand il est le fait d'une personne isolée, est accepté et exempt de sanction extérieure quand il se produit en présence des autres. La promiscuité, le jeu et la bagarre appartiennent à cette catégorie. On rencontre une situation analogue dans le mélange particulier de liberté, de retenue et de compétition pratiqué par les adolescents dans leurs rendez-vous et leurs flirts, au cours desquels se pratiquent les jeux sexuels, les concours de popularité et les réunions de groupes. Il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage d'exposer les pratiques sexuelles des adolescents américains; il suffît de souligner qu'elles se caractérisent par des rapports incomplets et par des perversions qui sont acceptées comme normales à cet âge [65; 87]. Ces jeux présexuels s'engagent couramment en présence d'autres couples, alors que l'intimité aurait un effet dissuasif. Le voyageur européen est frappé par l'étalage de familiarité qui prévaut dans les surprises-parties et dans des lieux tels que les

«allées des amoureux» où peuvent stationner des centaines d'automobiles avec de jeunes couples en train de s'explorer mutuellement. Pareillement, 120 le congrès annuel de la Légion américaine, les réunions d'anciens élèves ou l'escale à terre d'un bateau favorisent les frasques, les beuveries et les bagarres d'une façon qui ne serait pas admise dans des cas isolés.

Se conformer à la situation est considéré comme un devoir envers le groupe et se soumettre à l'opinion du groupe constitue une motivation de caractère moral. On organise des réunions pour que les gens puissent obtenir l'approbation morale de leurs actions par une participation active [103]. Des milliers d'organisations, depuis la Parent-Teacher Association [Association parents-enseignants], l'YMCA[NT 1], les Boy Scouts, jusqu'aux loges maçonniques et aux organisations d'entraide se réunissent afin d'atteindre un même but qui devient en lui-même un acte moral. L'église, par exemple, est aux États-Unis un lieu de réunion où les gens se rendent pour se conformer au groupe plutôt que pour développer une pratique religieuse individuelle. C'est pourquoi celui qui ose choisir sa propre voie sera mal vu s'il ne se conforme pas à la norme dans tous les domaines, que ce soit une célébration rituelle, son comportement quotidien ou bien une recherche intellectuelle ou artistique. Si toutefois il finit par percer, par prospérer et par obtenir l'approbation publique, il sera admiré par le groupe, et ses péchés antérieurs seront absous. De nombreux films américains montrent ce processus grâce auquel un homme mauvais est finalement converti et rejoint la bonne cause.

Au sein de la famille et dans les petits groupes, la femme veille au respect de la moralité pour l'homme, pour elle-même et pour l'enfant. En présence de la femme, les hommes surveilleront leur tenue vestimentaire et leur conduite. En fait, ils s'efforcent de répondre aux attentes du sexe féminin. Lorsque les hommes seront entre eux, il est probable qu'ils relâcheront leur conduite et se laisseront aller; ce fait contraste vivement avec les habitudes qui ont cours en Europe occidentale où les hommes incarnent et défendent la moralité et les traditions.

Dans la vie quotidienne aux États-Unis, l'honnêteté est tenue pour acquise quand il s'agit de petites choses telles que de laisser la monnaie pour un journal, déposer le lait ou le courrier à la porte des maisons particulières. Mais on doute de l'honnêteté 121 lorsque des questions de pouvoir sont en jeu. Voler un article de quelques cents serait un si petit délit que l'on considère que cela ne vaut pas la peine de risquer d'être surpris par des citoyens en colère ou de s'exposer à un sentiment de culpabilité.

En outre, certaines de ces pratiques quotidiennes impliquent que l'on participe, en tant que citoyen de la communauté, aux rites qui conviennent à l'intérêt du plus

grand nombre. Bousculer ce système reviendrait à mettre en danger la façon dont se passe la distribution du lait, des journaux et du courrier.

Si toutefois un homme aspire à un poste élevé, par exemple en politique, on s'attendra à ce qu'il utilise au maximum son pouvoir à des fins personnelles tant qu'il pourra tirer son épingle du jeu. Un homme qui abuse de son pouvoir et s'en tire à bon compte est admiré dans la mesure où, depuis longtemps, gangsters et escrocs sont devenus des idoles, tandis que les agents de la force publique qui ne réussissent pas à les attraper sont ridiculisés. Le recours à des méthodes agressives et brutales dans la lutte pour le pouvoir est accepté, mais on attend du groupe qu'il contrôle toute forme excessive de corruption. Le contrôle s'exerce par la presse, qui agit comme un agent de renforcement de la moralité. Le public soupçonne quiconque exerce une fonction officielle. Si un homme était totalement honnête et s'intéressait seulement à promouvoir le bien des autres, il serait considéré comme un gogo, et la réputation de gogo est la plus lourde à porter. C'est pourquoi, aux États-Unis, on n'épargne ni le temps ni les efforts pour créer des procédures administratives destinées à empêcher que la fraude et d'autres abus de pouvoir ne se développent sur une grande échelle. Le nombre de formulaires que des citoyens ordinaires doivent remplir en de nombreux exemplaires, les formulations compliquées des feuilles d'impôts et le nombre de situations dans lesquelles les gens doivent prêter serment sont sans équivalent dans d'autres pays. En ces domaines, la bureaucratie est vraiment florissante.

Lorsqu'un homme a acquis le pouvoir et l'a utilisé au maximum sans commettre d'impairs, on attend de lui qu'il restitue à la communauté les fruits de sa réussite.

Le groupe encourage effectivement l'individu avide de puissance à s'engager dans une sorte de jeu. Si les gens accordent du pouvoir à un homme, ils souhaitent qu'il soit égoïste; seuls les égoïstes sont censés avoir du caractère. S'il ne fait pas usage de son pouvoir, on le soupçonne d'être faible ou idiot. Le groupe l'aide volontiers à

122 s'emparer du pouvoir, mais, à la fin de son mandat, le groupe reprend possession du pouvoir et des biens qui lui avaient été prêtés, de sorte qu ils puissent être réinvestis sur un autre individu. C'est pourquoi il est rare en politique d'être éligible pour plus de trois mandats; des fortunes sont rarement amassées sans qu'une grande part soit restituée à l'État, sous forme d'impôts ou sous forme de donations; et il est exceptionnel que l'on laisse un escroc «magouiller» pendant bien longtemps.

L'ÉGALITÉ

«II y a quatre-vingt-sept années que nos pères ont bâti sur ce continent une nouvelle nation conçue dans la liberté et acquise à l'idée que tous les hommes ont été créés égaux». Le fait que ces paroles soient devenues célèbres montre qu'il s'agit là d'un principe important dans la culture américaine. Fondée sur ce principe d'égalité, l'Amérique est devenue le creuset dans lequel ont fusionné des nationalités au départ différentes. L'égalité, telle qu'elle est pratiquée dans la vie courante, provenait d'une part de la morale puritaine et d'autre part des frustrations vécues par les premiers colons et pionniers. La plupart des immigrants avaient laissé derrière eux, dans leur pays d'origine, soit ce qu'ils considéraient comme un système social oppresseur, soit une famille tyrannique. Une fois arrivés en Amérique, ils posèrent les fondements d'un système où une autorité oppressive ne pourrait jamais plus s'instaurer. Ils conférèrent l'autorité fonctionnelle à un tribunal composé d'égaux. Ainsi naquit le principe d'égalité. Et ainsi son fonctionnement,

spécifiquement américain, apportait une solution aux problèmes de légitimation de l'autorité qui se posaient aux immigrants.

De nos jours, l'importance que l'on attache à l'égalité se révèle dans de nombreux processus dont le résultat est d'éliminer les déviations extrêmes et, par conséquent, d'encourager une «régression à la moyenne». Le voyageur étranger est toutefois frappé par bon nombre d'étonnantes contradictions. D'un côté, on lui rebat les oreilles de la notion d'égalité; mais d'un autre côté il 123 peut observer la plus grande inégalité en termes de richesse, de situation et de pouvoir. Un Américain lui expliquera alors comment, ici, on interprète cette valeur qui est l'égalité. Il faut la rattacher à l'hypothèse de l'égalité des chances plutôt qu'aux résultats réels. Une fois que quelqu'un a réussi, en exploitant des chances qui étaient égales, il est en fait devenu supérieur et n'est plus un égal. Et, bien qu'il puisse discrètement se reposer sur le statut qu'il a obtenu, la remarque populaire «Pour qui te prends-tu ?»

résonnera comme un défi et lui rappellera d'où il est sorti. Nous arrivons ainsi à l'idée suivante: ceux qui parviennent à un statut social, à la richesse et au pouvoir sont censés avoir fait preuve de leur habileté à saisir les opportunités à partir de circonstances qui étaient semblables au départ.

Une fois que la réussite a établi une différence de prestige, ceux qui ont du pouvoir s'irritent d'être traités sur un pied d'égalité et, en même temps, ils craignent leur propre position de supériorité. Pour prévenir tout désagrément à ce sujet, des dispositions administratives très compliquées visent à éviter les rencontres entre individus inégaux: des secrétaires veillent comme des chiens de garde à la porte de leurs patrons; les membres de la haute société s'isolent dans des clubs privés, des quartiers résidentiels et des réunions très fermées; enfin, et ce n'est pas là le moins important, la crainte ou le respect ressentis par l'homme qui n'a pas réussi forme un obstacle naturel à des rencontres imprévues entre gens de statuts inégaux. Cependant, si, pour une raison ou une autre, une rencontre entre personnes de conditions différentes doit se produire, les signes extérieurs de l'égalité sont adoptés à la fois par le supérieur et par le subordonné. Par exemple, pendant les campagnes qui précèdent les élections générales, on verra apparaître d'innombrables photos montrant les candidats en manches de chemise, «trinquant»

Une fois que la réussite a établi une différence de prestige, ceux qui ont du pouvoir s'irritent d'être traités sur un pied d'égalité et, en même temps, ils craignent leur propre position de supériorité. Pour prévenir tout désagrément à ce sujet, des dispositions administratives très compliquées visent à éviter les rencontres entre individus inégaux: des secrétaires veillent comme des chiens de garde à la porte de leurs patrons; les membres de la haute société s'isolent dans des clubs privés, des quartiers résidentiels et des réunions très fermées; enfin, et ce n'est pas là le moins important, la crainte ou le respect ressentis par l'homme qui n'a pas réussi forme un obstacle naturel à des rencontres imprévues entre gens de statuts inégaux. Cependant, si, pour une raison ou une autre, une rencontre entre personnes de conditions différentes doit se produire, les signes extérieurs de l'égalité sont adoptés à la fois par le supérieur et par le subordonné. Par exemple, pendant les campagnes qui précèdent les élections générales, on verra apparaître d'innombrables photos montrant les candidats en manches de chemise, «trinquant»

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