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S URDITE ET I MPLANT

I.4. R ESULTATS POST IMPLANTATION CHEZ L ’ ENFANT ET FACTEURS SUSCEPTIBLES D ’ INFLUENCER CES RESULTATS

I.4.2. Le mode de communication

Tout comme l’âge à l’implantation, le mode de communication est couramment considéré comme un facteur important de variabilité dans les études (Peterson et al., 2010). Derrière ce terme, il est souvent fait cas du mode de communication post-implantation utilisé par la famille, mais aussi en classe et en rééducation. Ce facteur est à considérer avec prudence, car il est le point de cristallisation de décennies de conflits entre les acteurs de la communauté sourde et ceux issus de la culture médicale entendante (Dalle-Nazébi & Lachance, 2008). En effet, les membres de la culture sourde se sont longtemps opposés à

l’implantation cochléaire, à la fois à cause du caractère invasif de l’implant mais également à cause du risque d’extinction de leur culture (Tucker, 1998).

S’il semble évident qu’après le diagnostic de surdité, l’ensemble des possibles devrait être présenté aux familles (implant, appareils auditifs, Langue des Signes, oral, LPC) afin qu’elles puissent faire leur choix de manière la plus objective possible (Archbold, Sach, O’neill, Lutman, & Gregory, 2008), dans la pratique, cela n’est semble-t-il pas toujours le cas. Beaucoup de parents vont chercher les informations auprès des unités d’implantation cochléaire, des orthophonistes/audiologistes, ou auprès d’autres familles d’enfants implantés (Sanchez, Sanpéré, Medina, & Ansel, 2005). Peu de parents se tournent vers les associations de Sourds, et cela ne leur est que peu proposé. De fait, beaucoup de parents, même s’ils ne regrettent pas leur choix, disent qu’ils auraient souhaité recevoir des informations de plus d’acteurs différents de la surdité à propos par exemple des modes de communication et/ou de scolarisation existants au moment de leur nécessaire choix (Punch & Hyde, 2011).

Les parents peuvent malgré tout utiliser la langue des signes conjointement à l’oral avec leurs enfants implantés. Cependant, le choix d’un mode de communication relève d’un processus très complexe. Il est souvent influencé par les recommandations des professionnels, par le coût, la qualité ou la disponibilité locale des services de soin et des services éducationnels soutenant ce choix (Eleweke & Rodda, 2000; Li, Bain, & Steinberg, 2004), et par les politiques locales et nationales réalisées en matière d’intégration des enfants différents.

Les études sont également le reflet des contextes nationaux rééducatifs et communicatifs proposés aux enfants et à leurs familles. La majorité des travaux anglophones compare la communication orale seule à la communication totale. Un grand nombre de ces études montre que les enfants utilisant la communication orale seule ont de meilleurs résultats post-implantation à moyen et à long-terme pour la perception et la production de la parole, les capacités langagières, et/ou les capacités de lecture que leurs pairs utilisant une communication dite totale (e.g. Cullington, Hodges, Butts, Dolan-Ash, & Balkany, 2000; Hodges, Dolan-Ash, Balkany, Schloffman, & Butts, 1999; Kirk, Miyamoto, Ying, et al., 2002; Miyamoto, Kirk, Svirsky, & Sehgal, 1999; Svirsky et al., 2000). En effet, les deux modèles de communication présentés conjointement, peuvent alors être appauvris. Par ailleurs, les enfants sont moins exposés à l’oral que les enfants utilisant la communication orale seule. De fait, les enfants bénéficiant de communication totale peuvent avoir plus de difficultés à encoder, à maintenir en mémoire et à restituer les représentations phonologiques de mots ou/et de phrases à l’oral (Burkholder & Pisoni, 2003; Pisoni & Cleary, 2003).

Cependant d’autres études ne retrouvent pas ces différences, voire mettent en évidence des bénéfices supérieurs dans certains domaines de compétences langagières (comme le lexique oral en réception) pour les enfants utilisant une communication totale (e.g. Connor, Hieber, Arts, & Zwolan, 2000). Par ailleurs, comme certains auteurs le

soutiennent, l’utilisation de la Langue des Signes n’interfèrerait pas sur le développement des capacités langagières orales (P. E. Spencer, 2000; Yoshinaga-Itano, 2006).

L’une des explications de ces différences dans les résultats est que même si les méthodes employées dans les structures éducatives diffèrent peu pour l’éducation orale (Beattie, 2006), le terme de « Communication Totale » ou « Communication simultanée » recouvre des réalités parfois très différentes. Il peut s’agir d’une utilisation bimodale de l’oral et de la Langue des Signes, d’une utilisation de l’oral accompagné de signes issus de la Langue des Signes à des fréquences diverses (comme l’utilisation du français signé par exemple), voire même englober l’usage du « Cued Speech » (inventé par le Dr Cornett en 1967 à Gallaudet College, USA), appelé en milieu francophone « Langue Française Parlée Complétée » (LPC). En effet, certains chercheurs américains considèrent la langue des signes comme une aide visuelle au même titre que le Cued Speech (cf. différentes études de Tobey et al., par exemple). Or, les langues des signes sont certes visuelles, mais sont des langues avec un lexique varié et une syntaxe qui leur est propre. Elles sont culturellement marquées puisqu’il existe autant de langues des signes que de communautés différentes de sourds (Wittmann, 1991). En revanche, le Cued Speech (ou la LPC) est un code manuel réalisé autour du visage pour compléter les informations non délivrées par la lecture labiale, supportant donc le mode de communication oral (e.g. Leybaert, Alegria, Hage, & Charlier, 1998). Le type de « Communication Totale » pris en compte, rarement mentionnés dans les études, est fonction des décisions prises par les écoles/structures (L. J. Spencer & Tomblin, 2006) desquelles sont issus les enfants. Cette variabilité dans le type de « Communication Totale » peut ainsi avoir un effet fort sur les résultats obtenus.

En Europe, dans le contexte francophone essentiellement, les études sont plus orientées sur l’impact de la LPC sur le développement du langage des enfants. Langue des Signes et LPC sont, le plus souvent, dissociées. Ces études mettent en évidence que la majorité des enfants qui utilisent couramment la LPC sont des enfants qui perçoivent et développent plus facilement leur langage oral (Leybaert & LaSasso, 2010) et ce, d’autant plus facilement que le début d’exposition à la LPC a été précoce (Leybaert & Alegria, 2003).

Quoi qu’il en soit, une emphase sur l’oral semble malgré tout nécessaire pour que l’enfant développe son langage oral au mieux.