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IMPLANTES COCHLEAIRES

ADL 12 mois post-activation

II.6.1. Fonctionnement psychologique des enfants de notre cohorte

II.6.1.3. Développement des capacités perceptives

II.6.1.3.1 Une amélioration de la capacité de perception des sons environnementaux ?

Compte-tenu de ce qui est usuellement décrit du développement perceptif des enfants sourds porteurs d’un implant cochléaire, nous avions fait l’hypothèse que les enfants de notre cohorte détecteraient, en moyenne, moins de sons que les enfants entendants lors de la première année d’implantation, même si leurs capacités perceptives devraient s’améliorer significativement au cours des mois suivant l’activation de leur implant.

Comme dans les études de De Raeve (2010) et de Martines et al. (2013), nos résultats montrent que les enfants de notre cohorte n’étaient capables, lors de l’évaluation pré-implantation, de détecter qu’un petit nombre de sons environnementaux. C’est à 3 mois post-activation qu’ils deviennent capables de détecter un nombre significativement plus élevé de sons. Si ce score, en moyenne, stagne voire subit une légère baisse à 6 mois post- activation, la tendance à la hausse reprend dès 9 mois post-activation. Leurs capacités perceptives s’améliorent donc nettement au cours de la première année suivant leur implantation. Nous observons d’ailleurs qu’à partir de 9 mois post-activation, leurs résultats ne sont plus significativement différents de ceux obtenus par les enfants entendants du groupe contrôle. A 12 mois post-activation, certains enfants implantés arrivent même à détecter la quasi-totalité des sons présentés, au même titre que les enfants entendants. Cela insiste donc sur l’apport indéniable de l’implant (et de la rééducation) dans la perception des sons, qu’ils soient vocaux (e.g. Bergeson et al., 2003; Calmels et al., 2004; Geers, Brenner, et al., 2003; Gordon et al., 2000) ou non vocaux (e.g. Inverso & Limb, 2010; Uziel et al., 1992). Cependant, nos résultats ne confirment que partiellement notre hypothèse, puisque nous ne pensions pas qu’ils seraient en mesure, un an post-activation, de détecter le même nombre de sons que les enfants entendants.

II.6.1.3.2. Etapes du développement perceptif

Le résultat précédent, quoique très intéressant reste à nuancer puisque nous n’avons pas d’information sur le traitement qu’ils font de ces sons. Le fait de pouvoir détecter les sons ne signifie pas qu’ils sont capables de les identifier, et donc d’y mettre du sens, comme peuvent le faire les enfants entendants (Berland et al., 2013; Berland, Gaillard, Guidetti, & Barone, en révision). Si cette détection évolue largement pendant la première année post-implant, nous ne pouvons donc rien conclure quant à l’identification des sons, c’est-à-dire à leur compréhension. Cependant, il est très positif de constater que les enfants peuvent avoir leur système attentionnel de plus en plus impliqué dans la perception de ces

sons, et l’on pourra supposer que cet apprentissage à la détection contribuera probablement au développement de l’identification.

Par ailleurs, nous avons montré chez les entendants, que, même si les enfants sont tous capables de détecter les sons, ils ne réagissent pas tous à tous les stimuli. Plusieurs étapes semblent alors se dégager dans la manière de réagir aux sons à mesure que les enfants grandissent : plus les enfants entendants sont âgés, moins ils réagissent aux sons pendant les périodes de jeu, les sons semblant faire partie de leur monde auditif habituel. Il s’agit ici d’un phénomène d’habituation et d’inhibition des distracteurs (Logan, 1994). Cette décroissance n’est pas observée chez les enfants implantés de notre cohorte à 12 mois post- activation. Nous pouvons donc nous poser la question de savoir si les enfants implantés n’ont pas plus de difficultés à considérer ces sons comme des distracteurs, peut-être par manque d’identification, que celle-ci soit juste ou fausse. En revanche, deux étapes semblent se dégager chez ces enfants : aucune réaction aux sons (lorsque les enfants sourds profonds ne sont pas appareillés), puis réactions importantes souvent accompagnées de réactions émotionnelles après l’implantation. Etant donné que nous constatons, 12 mois post- activation, une baisse en moyenne du nombre de réactions émotionnelles associées à la détection des sons, nous pouvons faire l’hypothèse qu’une baisse des réactions devrait également se produire au cours du développement futur des enfants implantés. Ces éléments semblent intéressants et devront être explorés de manière plus approfondie, afin de déterminer à quel âge la diminution du nombre de réactions s’opère chez les enfants entendants et si ce pattern développemental et sa temporalité sont retrouvés chez les enfants implantés. Pour ce faire, il semble pertinent de mener une étude longitudinale plus longue et avec un plus grand nombre de sujets. La comparaison devra être menée en tenant compte à la fois de l’âge chronologique mais aussi et surtout de l’âge auditif des enfants.

II.6.1.3.3. Evolution au cours du temps de la détection des sons

D’un point de vue purement technique, les enfants sont capables de détecter la majorité des sons présentés dès les premières semaines suivant l’activation de l’implant cochléaire. Comme le montrent Uziel et al. (1992) dans une étude déjà ancienne, les enfants implantés sont capables dès 3 mois post-activation de détecter les sons de l’environnement tels que le froissement de papier. Dans notre étude, cependant, nous avons pu constater que les réactions aux sons n’apparaissaient pas toutes au même moment, même si la majeure partie d’entre elles apparaissent à 3 ou 6 mois post-activation. Certains stimuli auditifs, transmis par l’implant, semblent ne pas avoir été traités par l’enfant. Nous avons donc cherché à déterminer si certaines caractéristiques acoustiques, subjectives, et sémantiques des sons pouvaient expliquer pourquoi certains sons semblaient être perçus plus tôt que d’autres. Nous n’avons malheureusement pas réussi à répondre à cette question, car le choix initial des sons utilisés dans l’étude ne s’est pas fait en utilisant comme critère de sélection des caractéristiques acoustiques identifiables. Une des perspectives de notre travail pourra

donc être d’approfondir les liens entre les critères acoustiques des sons et le codage fait de ces sons par l’implant, à la lumière des autres études réalisées sur les sons environnementaux (Inverso, 2009; Inverso & Limb, 2010; Shafiro, Gygi, Cheng, Vachhani, & Mulvey, 2011). Le test de la pièce sonore semble d’ailleurs particulièrement adapté à une telle étude puisque même si les capacités des implants actuels leurs permettent de retranscrire une plage importante de fréquences, il n’en reste pas moins que les sons de l’environnement ne sont pas des sons purs mais des sons multi-fréquentiels complexes possédant des caractéristiques extrêmement variées avec très peu de corrélations entre la sémantique de ces sons et leurs caractéristiques acoustiques. Il est alors possible que le codage des implants sur ces sons soit plus ou moins efficace selon le type de son. Trouver des prédicteurs à une prise en compte rapide de l’ensemble des stimuli auditifs permettrait d’améliorer le codage des implants et de réduire encore un peu plus le temps mis par les enfants pour développer leurs capacités auditives et donc au final leur langage.

II.6.1.4. Liens observés entre les différents domaines de