• Aucun résultat trouvé

IMPLANTES COCHLEAIRES

II.3.4. Cotation des tests développementaux validés et codage du test perceptif

II.3.4.2. Cotation de l’ECSP

Pour coter cette échelle, l’observateur doit cocher, sur la feuille de réponse (Annexe 4), tous les comportements présentés par l’enfant dans une situation donnée. Les items réussis dans chacune des 8 séries (initiation, réponse, maintien de interaction sociale ; initiation, réponse, maintien de l’attention conjointe ; initiation et réponse à la régulation du comportement), sont ensuite reportés sur la feuille de niveau. Chaque série est créditée de 25 points, à raison de 5 points par niveau développemental acquis. Le nombre de points attribué à un item dépend du nombre d’items par niveau. Celui-ci est différent en fonction des séries et des niveaux d’âge, puisqu’il traduit le développement et l’émergence de nouvelles capacités chez les enfants. Lorsque tous les items d’un niveau d’âge sont acquis dans une série, l’enfant est crédité des items des niveaux inférieurs. La lecture des compétences communicatives et sociales des enfants peut ensuite se faire en termes de niveaux de développement. Un niveau optimal, un niveau moyen et un niveau médian sont obtenus par série, par domaine et de manière générale sur toute l’échelle. Le niveau optimal est le plus haut niveau obtenu par l’enfant. Les niveaux moyens et médians permettent, pour leur part, d’évaluer s’il y a des discordances entre le niveau réel de l’enfant et ce qu’il a été en capacité de produire et permettent ainsi de mieux situer l’enfant. Si une différence notable est observée entre le niveau optimal et le niveau moyen, nous pouvons supposer que l’enfant a eu des difficultés à produire des comportements reflétant réellement son niveau de compétence au cours de l’évaluation. Son score sous-évalue alors peut-être ses compétences communicatives. Ceci peut être mis à jour avec le niveau médian. Si le niveau moyen se confond avec le niveau médian, la probabilité que son score reflète son niveau réel est très forte. Nous pouvons alors statuer sur le niveau réel de compétences communicatives des enfants.

La validation de l’ECSP permet également de comparer ces niveaux à ce qui est attendu à l’âge de l’enfant. Un âge de développement peut en effet être calculé, en convertissant les scores en âges à partir de tables disponibles dans le manuel. Cependant, les enfants de notre échantillon présentant des compétences hétérogènes -l’aspect langage étant généralement chuté- les scores ne nous permettent pas d’obtenir des âges de développement valides. En effet, ces enfants ne réussissent pas, en règle générale tous les items d’un niveau d’âge, car il fait intervenir le langage oral. De fait, les niveaux inférieurs ne peuvent pas leur être crédités automatiquement. En revanche, ils ne présentent plus les comportements des niveaux inférieurs, leurs autres capacités ayant évolué normalement. Leurs scores sont donc très bas et ne reflètent pas réellement leur âge de développement. Nous nous centrerons donc sur les niveaux de développement obtenus.

Par ailleurs, plusieurs autres problèmes méthodologiques ont pu être soulevés lors de la cotation. Celle-ci a donc été sujette à de multiples discussions. Comme ce qui a été fait pour le Brunet-Lézine Révisé au § II.3.4.1., nous ferons part de certaines d’entre elles ci- dessous et présenterons les décisions que nous avons finalement prises.

II.3.4.2.1. Adaptation aux conditions de passation

La première difficulté sur laquelle nous avons achoppé concernait les conditions de passation : les enfants que nous avons rencontré, l’ont été au cours d’un bilan plus global durant une demi-journée, après plusieurs heures de route pour certains pour venir à l’UPIC. Les enfants n’étaient donc clairement pas dans des conditions leur permettant « d’exprimer leur plus haut niveau de performance dans chacune des compétences communicatives évaluées » (Guidetti & Tourrette, 2009, p.23). Ils étaient souvent fatigués et refusaient très régulièrement de répondre à plusieurs situations proposées par l’adulte. Or, ce type de bilan est le seul moment où les équipes peuvent évaluer les enfants. Il est donc important d’essayer d’observer leurs compétences communicatives et sociales au plus près de celles dont ils disposent effectivement, afin ensuite de faire du lien avec les équipes de soin qui réalisent leur suivi thérapeutique.

Nos décisions de cotation :

Pour répondre à cet écueil, nous avons pris en compte les comportements produits par les enfants indépendamment des situations proposées, même si la feuille de réponse de l’ECSP ne permet normalement de coter les comportements qu’à partir de certaines situations définies afin de faciliter la passation (Guidetti & Tourrette, 2009). Ainsi, tous les comportements cotables ne sont pas mentionnés sous chaque situation, considérant qu’ils seront observables/-vés à un autre moment de la passation. Cela présuppose que les enfants seront disponibles dans toutes les situations, ce qui n’est pas notre cas. Or, nous souhaitons comprendre et évaluer la façon dont les jeunes enfants interagissent avec les adultes et non pas leur capacité de réponse à une situation particulière. La situation, comme reprécisé d’ailleurs dans le manuel, est un support nous permettant d’observer ces comportements. « Les comportements correspondant à des initiatives de l’enfant, même s’ils sont regroupés dans des situations précises, peuvent en règle générale apparaître à tout moment en cours de passation, l’adulte doit être attentif et les relever (… ) » (Guidetti & Tourrette, 2009, p.24). Nous avons donc décidé de proposer toutes les situations de l’échelle au cours de la passation, mais nous avons dû nous détacher de la feuille de réponse lors de la cotation afin de ne pas minorer les compétences des enfants. Pour cela, nous avons pris la décision de nous interroger sur chaque comportement afin de savoir à quelle fonction du développement socio-communicatif il renvoyait (interaction sociale, attention conjointe ou régulation du comportement) et quel rôle l’enfant jouait dans chacune de ces trois dimensions de l’interaction (initiation, réponse, ou maintien). Nous cherchions ensuite à quelle conduite, notée par un item, il pouvait être relié. Ainsi, si l’enfant refusait de réaliser la tâche proposée, cela ne minorait pas forcément ses résultats. Cela revient en réalité à considérer la liste de comportements présente dans le manuel (des pages 11 à 21) comme feuille de réponse. Nous pensons ainsi être au plus près des capacités de l’enfant, tout en respectant les fondements théoriques de l’échelle.

Notons néanmoins une légère modification de la cotation de l’échelle. Nous avons regroupé les items IAC 2-3 et RRC 6-7 à la suite de discussions avec l’équipe travaillant sur la validation de la version italienne de l’échelle (Pr Paola Molina, Université de Turin), car ces items, non dissociés dans la version italienne, sont très proches en terme de conduites observées.

Concernant les conditions de passation, un deuxième écueil a été soulevé : lors de nos passations, le nombre d’adultes présent dans la pièce était variable. Peut-on alors coter l’échelle et se fier au score global alors que les conditions de validation de l’échelle étaient différentes de celles observées au cours de nos passations ? En effet, la population d’étalonnage du test a été recrutée majoritairement en crèche, sans les parents à proximité de l’enfant. De fait, lors de la cotation, peut-on prendre en compte les interactions que l’enfant produit avec ses parents ou avec l’orthophoniste lorsqu’ils sont présents pour établir le score à l’échelle ou doit-on les relever uniquement de manière qualitative ?

Nos décisions de cotation :

Pour poursuivre dans la même démarche que celle suivie lors de notre première décision, nous avons pris en compte tous les comportements communicatifs et sociaux des enfants, y compris ceux produits avec un adulte familier. En effet, l’enfant était placé, lors du bilan, dans un cadre nouveau et avec des personnes peu familières. Par ailleurs, l’examen était proposé, quelle que soit la disposition des enfants (fatigue…), l’organisation du service et leur éloignement géographique potentiel ne permettant pas de les voir plusieurs jours de suite. La présence des parents, quand cela s’avérait nécessaire, nous a donc permis d’observer les enfants dans des conditions favorables (enfant rassuré, communication plus naturelle…). Ainsi, le biais induit par la situation même du bilan, situation atypique et pouvant être stressante pour l’enfant, a pu être atténué. Cette décision a également été prise par une équipe suisse évaluant une population d’enfants autistes avec l’ECSP, ainsi que par une équipe italienne qui a validé l’échelle en italien en présence des parents.

II.3.4.2.2. Adaptations liées aux caractéristiques de la surdité Comme abordé précédemment dans les adaptations de la cotation du Brunet-Lézine à notre population (§ II.3.4.1.2.), certains items sont considérés comme acquis uniquement s’ils sont réalisés « à l’oral seul ». La question du mode de communication utilisé lors de la passation et accepté pour la cotation reste donc ici également présente, car elle nous confronte à une problématique double : soit les performances des enfants risquent d’être sous-cotées, soit la validité de nos outils peut être entravée.

Nos décisions de cotation :

Pour résoudre ces difficultés, nous nous sommes interrogés sur les questions de fond auxquelles elles faisaient appel :

1. Qu’est-ce que les items, impliquant de la perception et/ou du langage, évaluent exactement : est-ce que ce sont ces capacités intrinsèques qui sont évaluées ou sont-ce les processus cognitifs sous-jacents qui permettent aux enfants de les produire ? Par exemple, sur le plan du langage est-ce la réception d’un mot à l’oral qui est évalué ici ou est-ce la capacité de répondre à une consigne simple ou plus complexe sans iconicité ?

2. Que cherche-t-on à évaluer ici réellement ? Une précision de notre objectif nous a semblé nécessaire afin de prendre les bonnes décisions de cotation. Cherchons-nous à évaluer le retard que présentent les enfants sourds de notre échantillon dans leur apprentissage de la langue orale, ou souhaitons-nous évaluer le développement communicatif et langagier global des enfants sourds porteurs d’un implant ?

Nous avons donc considéré qu’il pouvait être intéressant de répondre à ces deux questions, afin de ne pas rester sur une description trop grossière des capacités des enfants de notre cohorte. La passation a donc été réalisée dans un contexte bimodal (oral+mode de communication de l’enfant). Cependant, certains items verbaux ont été soit proposés à l’oral seul en première instance, soit supprimés, quand ils ne pouvaient pas être cotés même avec l’usage de la LSF (ex. : « demander à l’enfant de localiser les parties du corps et des objets de l’environnement » : impossible de le proposer en LSF, les signes pour les parties du corps les désignant directement).

Par ailleurs, nous avons réalisé une double cotation :

- La première à l’oral seul, afin de pouvoir comparer leur développement du langage oral à la norme, et ainsi de collecter des informations précieuses quant à la mise en place des acquisitions auditivo-verbales chez les enfants sourds implantés,

- La deuxième en prenant en compte les informations codées ou signées, afin d’évaluer leurs capacités réelles de communication.

II.3.4.2.3. Fiabilité des données inter-observateurs

Au vu de ces modifications, et considérant que la transcription et le codage des comportements sont des démarches complexes, laissant toujours une place à l’interprétation subjective de l’observateur, et ce, même lorsque les grilles d’observation sont précises, nous avons jugé pertinent de contrôler, pour cette tâche, la fiabilité de nos données. Pour ce faire, deux juges indépendants, formés à la passation et à l’analyse des échelles développementales, ont codé les items de l’ECSP. Une vidéo a été codée par ces deux juges en amont, afin de se familiariser avec les règles spécifiques de codage de cette échelle. Par la suite, le coefficient de Kappa de Cohen (J. Cohen, 1960) a été calculé pour 20% des résultats afin de contrôler la fiabilité des données inter-observateurs. Le choix des

vidéos double-codées a été réalisé de manière à évaluer la fiabilité du codage chez différents sujets, mais aussi, chez le même sujet, au cours de différents temps de la longitudinale. Les comportements de quatre enfants différents ont ainsi été double-codés, et trois l’ont été de manière longitudinale (sur deux temps différents). Au moins une vidéo par temps a été contrôlée afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de différence majeure de cotation entre les différents temps de la longitudinale (les items se complexifiant à mesure que l’enfant grandit). Les valeurs du Kappa s’étendent de .81 à .96, ce qui s’avère très homogène (cf. Tableau 20). L’accord inter-juges pour l’évaluation des compétences communicatives et sociales des enfants de notre cohorte s’est donc montré satisfaisant.

Tableau 20

Valeurs des Kappas de Cohen pour le codage de l’ensemble des items de l’ECSP (présence/absence) pour 7 vidéos

Obs. 1

Obs. 2 Eliott T2 Eliott T4 Timéo T5 Diane T1 Diane T3 Nadia T2 Nadia T4

Eliott T2 .81 Eliott T4 .96 Timéo T5 .92 Diane T1 .95 Diane T3 .94 Nadia T2 .96 Nadia T4 .85

Note. Significativité pour tous, p<.0001.