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Développement de la coordination oculo-manuelle Nous pouvons observer trois grands types de profils différents dans le développement

IMPLANTES COCHLEAIRES

II.4. D ESIGN STATISTIQUE

II.5.1. Evaluation du développement global des enfants (BL-R) 1 Développement global et rapport à la norme

II.5.1.3. Développement de la coordination oculo-manuelle Nous pouvons observer trois grands types de profils différents dans le développement

des capacités de coordination oculo-manuelle des enfants de notre cohorte (cf. Figure 19). Une classification hiérarchique des données (méthode de Ward) confirme cette observation.

Figure 19. Evolution des âges de développement pour la coordination oculo-manuelle (obtenus au BL-R) des

enfants de notre cohorte en comparaison avec la norme, du bilan pré-implant à 12 mois post-activation.

Un groupe homogène est constitué de Timéo, Diane, Eliott et Jeanne. Les trois premiers, âgés lors du bilan pré-implant de 10 mois 5 jours à 11 mois 18 jours, ne présentent pas de retard à T1 (QDCT1 respectifs=96, 88, 86), et ne s’écartent que légèrement de la norme par la

suite. Jeanne, âgée de 13 mois 29 jours en pré-implant, présente quant à elle un léger retard (QDCT1=82) qu’elle comble dès T3. Néanmoins, Diane et Jeanne présentent les QDC les plus

proches lorsque l’on considère ensemble les 5 temps (cf. Tableau 22 ci-dessous). Ces quatre enfants, tous implantés avant 18 mois, peuvent donc être regroupés suivant le même profil, non significativement différent de la norme (Wilcoxon entre les QDC de ces 4 enfants à tous les temps et la norme, p>.05).

Tableau 22

Quotients de Développement de la Coordination oculo-manuelle des enfants de notre échantillon

Note. NC= Non calculé car l’enfant plafonne. Les médianes à T4 et T5 sont donc calculées avec 5 participants.

5 15 25 35 45 5 15 25 35 45 Ag e de ve lo ppe me nt co or di na ti on n

Age chronologique (en mois)

Timéo Diane Eliott Jeanne Léo Maël Nadia Norme Plafond test QDC T1 QDC T2 QDC T3 QDC T4 QDC T5 Timéo 96 83 75 88 85 Diane 88 84 82 89 92 Eliott 86 92 100 92 81 Jeanne 82 80 90 91 95 Léo 84 65 66 72 73 Maël 61 76 71 NC NC Nadia 52 56 66 NC NC Médiane 84 80 75 89 85 Centile 25 61 65 66 80 77 Centile 75 88 84 90 91.5 93.5

Maël et Nadia ont, pour leur part, obtenu des scores très en-dessous de ce qui est attendu à leur âge (cf. Tableau 22, mais leur progression observée au cours du temps (avant qu’ils n’acquièrent les items plafonds) est plus rapide que celle observée chez leurs pairs normo-entendants. Leurs capacités de motricité fine semblent très dépendantes de facteurs externes (attention et/ou capacité d’adhésion à la tâche proposée par l’adulte).

Le dernier profil est suivi par un seul enfant dans notre cohorte : Léo. Cet enfant a été rencontré en pré-implant à 17 mois et 17 jours. A ce moment-là, il présentait un quotient de développement en coordination, semblable à celui observé dans le premier groupe que nous avons détaillé ci-dessus (QDCT1=84). L’implantation de cet enfant ayant été réalisée 7

mois après ce bilan, nous avons revu Léo un an après notre première évaluation (soit à 29 mois 5 jours). Il présentait alors le même comportement de refus vis-à-vis des épreuves de coordination oculo-manuelle que les enfants plus grands, développant ainsi un profil similaire à ces derniers.

De fait, nous nous sommes interrogés sur le lien existant entre l’âge au bilan pré- implant et le développement de la coordination oculo-manuelle. S’ils semblent fortement et négativement corrélés à T1 (rs=-.96, p<.001) et à T2 (rs=-.82, p<.03), ce lien semble s’atténuer par la suite (aucune corrélation significative de T3 à T5). Le même constat peut alors être réalisé avec l’âge à l’activation.

Synthèse :

Trois profils distincts se dégagent ici :

· Les enfants implantés tôt (n=4) qui ne présentent qu’un retard léger par rapport à la norme, voire aucun retard (QDC variant de 82 à 96 en pré-implant et de 81 à 95 à T5) ; · Les enfants implantés tardivement (n=2) qui présentent un retard plus important comparé à la norme (QDC respectifs de 52 et 61 en pré-implant et de 66 à 71 à T3, dernier temps où un score est recueilli avant qu’ils ne plafonnent) ;

· Un dernier enfant, présentant un profil intermédiaire : son QDC pré-implant est proche de ceux obtenus par les enfants les plus jeunes, et diminue par la suite pour atteindre le même niveau que les enfants les plus grands.

La corrélation négative retrouvée entre l’âge à l’activation et le développement de la coordination oculo-manuelle à T1 et T2, ne l’est plus par la suite.

0 10 20 30 40 50 0 20 40 Ag e de ve lo ppe me nt la ng ag ie r

Age chronologique (en mois)

Langage

(Tous modes de communication)

II.5.1.4. Développement du langage

Le développement langagier des enfants de notre échantillon est massivement retardé (Figure 20). La différence avec la norme est significative à tous les temps, que ce soit à l’oral seul ou en prenant en compte tous les modes de communication utilisés par les enfants (Wilcoxon, p=.018 pour toutes les comparaisons).

Les performances obtenues par les enfants en pré-implant (QDL à T1) sont corrélées négativement avec leur âge à l’évaluation : plus les enfants étaient jeunes lors du bilan pré- implant, meilleurs étaient leurs résultats langagiers (rs=-.85, p<.02), ce qui n’est pas observé ultérieurement. En effet, aucune corrélation entre l’âge à l’activation et les performances des enfants entre T2 et T5 n’a été mise en évidence dans notre cohorte.

II.5.1.4.1. Différences entre les résultats obtenus à l’oral seul ou lorsque signes et LPC sont pris en compte

Une comparaison entre les QDL des enfants de notre échantillon à l’oral seul et ceux obtenus en prenant en compte l’utilisation de signes de la LSF et/ou du code a été conduite à chaque temps : les QDL sont strictement identiques à T1 et à T2, et diffèrent légèrement par la suite, le QDL moyen tous modes de communication confondus étant supérieur au QDL moyen lorsque seul l’oral est pris en compte. Cependant, cette différence n’est pas retrouvée comme étant significative (Wilcoxon, p>.05).

Figure 20. Evolution des âges de développement langagier des enfants en comparaison avec la norme, du bilan

pré-implant à 12 mois post-activation. Le premier graphique représente l’âge de développement langagier des enfants lorsque les items sont côtés à l’oral seul, le deuxième graphique prend en compte tous les modes de communication qu’ont les enfants à leur disposition (LSF et/ou LPC).

0 10 20 30 40 50 0 20 40 Ag e de ve lo ppe me nt la ng ag ie r

Age chronologique (en mois)

Langage

(Oral seul)

Compte tenu de la répartition des enfants sur le graphique (Figure 20), il nous a semblé pertinent d’appliquer une méthode de classification hiérarchique (Méthode de Ward) à nos données (QDL obtenus par les enfants avec et sans mode de communication augmentatif), afin de voir si statistiquement parlant des profils se distinguaient. Deux profils peuvent être dégagés : Timéo, Diane et Jeanne semblent obtenir des QDL proches les uns des autres, tandis qu’Eliott, Léo, Nadia et Maël constituent un deuxième groupe.

Trois enfants sur les quatre du deuxième groupe paraissent bénéficier d’autres modes de communication (ici, apport de la LSF) à partir de T3. En effet, si l’on observe la courbe de Maël, aucune progression n’est observée à l’oral seul. En revanche, l’utilisation de signes issus de la Langue des Signes lui permet de développer une communication de même niveau que celle développée par ses pairs oralisants. Nadia pour sa part a développé des capacités orales, mais des signes de la LSF sont utilisés en complément. Eliott quant à lui semble bénéficier de l’usage de signes, mais dans une moindre mesure. Pour valider statistiquement cette observation, nous avons comparé les résultats obtenus aux cinq temps avec et sans mode de communication augmenté pour chacun des enfants. Les tests de Wilcoxon effectués ne nous ont cependant pas permis de confirmer cette observation qualitative (p>.05 pour toutes les comparaisons).

Il apparaît donc que les mot-signés, bien qu’utilisés à la maison pour Eliott (de T2 à T5), Léo (de T4 à T5), Maël (de T2 à T5), Jeanne (entre T1 et T2, puis arrêt), et Nadia (de T2 à T5), soit pour 71% de notre échantillon, ne sont pas forcément repris en production par les enfants avant l’acquisition du langage oral. L’analyse qualitative des évaluations nous permet d’ailleurs de remarquer que les premiers signes apparaissent en production de manière concomitante aux premiers mots oraux pour Elliot, Jeanne et Léo. Par ailleurs, si Nadia produit oralement « non » en pré-implant, son stock lexical oral s’enrichit dès 3 mois post-activation, parallèlement au développement d’un petit lexique signé. Seul Maël produit des signes avant des mots oraux en post-implant : en effet, si les parents rapportent en pré- implant qu’il dit « papa » et « maman » (non observé en bilan), il ne vocalise que très peu à trois et six mois post-activation, et les premiers mots et ébauches de mots à l’oral n’apparaissent qu’à 12 mois post-activation. En revanche, son stock lexical signé s’enrichit : il produit deux signes minimum (« lumière » et « canard » observés) à trois mois post- activation, possède plus de cinq signes à 6 mois post-activation (ex. observés : « bonjour », « voiture », « oiseau », « vache », « maman », « boire »), et commence à associer deux signes à 9 mois post-activation.

Dans tous les cas, 21 mois semble être l’âge de développement langagier maximum pouvant être atteint à 12 mois post-activation, compte-tenu des items proposés par le Brunet-Lézine. Les items proposés au-delà (« nomme six images » déterminées par le test, « identifie huit objets ou en nomme quatre », « fait des phrases de trois mots ») deviennent alors trop complexes à ce stade de leur développement auditif et langagier.

0 5 10 15 20 25 30 T1 T2 T3 T4 T5

Langage avec LSF et/ou LPC

II.5.1.4.2. Différences observées au cours du temps

Figure 21. Evolution du langage oral pour chaque enfant au cours du temps.

Le retard langagier présenté par les enfants de notre échantillon, lorsque l’on compare leurs résultats à ceux des enfants de la population d’étalonnage de même âge chronologique, est présent à tous les temps, mais une progression est notable pour l’ensemble des enfants tous modes de communication confondus et pour 6 enfants sur 7 à l’oral (Figure 21).

Au global, comme nous pouvons le voir Tableau 23 (page suivante), une différence significative est observée pour les QDL obtenus entre :

- T1 et T2 : le quotient de développement langagier des enfants à T1 est plus élevé qu’à T2 pour 6 enfants sur 7.

- T2 et T3, T2 et T4, T2 et T5, T3 et T5 : une évolution positive du QDL est observée pour l’ensemble des enfants de 3 mois post-implantation à 12 mois post-implantation. Un plateau est néanmoins constaté entre 6 et 9 mois post- implantation (pas de différence significative observée entre T3 et T4).

0 5 10 15 20 25 30 T1 T2 T3 T4 T5 Langage oral

Tableau 23

Quotients de Développement du Langage (oral/oral+LSF et/ou LPC) obtenus par les enfants de notre échantillon, et comparaison de ces QDL aux différents temps

QDL T1 QDL T2 QDL T3 QDL T4 QDL T5 Timéo 69 38 42 47 49 Diane 65 36 46 47 60 Eliott 39 36 40 46 44/52 Jeanne 50 38 51 68 68 Léo 43 27 37 33 49 Maël 39 21 20/30 17/32 25/48 Nadia 30 32 37 34/36 35/40 Médiane 43 36 40 46 49 Centile 25 39 27 37 32/33 35/48 Centile 75 65 38 46 47 60 Moyenne 47.9 32.6 39/40.4 41.7/44.1 47.1/52.3 Ecart-type 14.4 6.4 9.8/6.8 15.9/12.4 14.5/9.1 z*

(oral/tous modes de communication)

p-value*

(oral/tous modes de communication)

Comparaison entre T1 et T2 -2.197/-2.197 0.028 Comparaison entre T2 et T3 -2.205/-2.375 0.027/0.018 Comparaison entre T2 et T4 -1.992/-2.371 0.046/0.018 Comparaison entre T2 et T5 -2.366/-2.366 0.018 Comparaison entre T3 et T5 -2.197/-2.371 0.028/0.018 Comparaison entre T4 et T5 -1.892/-2.207 0.058/0.027

Note. Ne sont présentés ici que les résultats significatifs. Sont indiqués les résultats à l’oral seul en premier lieu,

et les résultats tous modes de communication en deuxième instance *Test de Wilcoxon, si p<0.05 existence d’un lien significatif.

Le niveau de langage oral des enfants à 3 mois post-activation apparait comme positivement corrélé avec leur niveau langagier oral à T3 (rs=.90, p<.01) et T4 (rs=.92, p<.005), celui observé à 6 mois post-activation est fortement corrélé à leurs QDL à T4 (rs=.98, p<.001) et T5 (rs=.90, p<.01). Cela se confirme ensuite, puisque le QDL oral observé à T4 est également corrélé avec le QDL oral obtenu à T5 (rs=.92, p<.005).

Cependant, dire que le quotient de développement langagier évolue ou montrer qu’il existe un lien entre le QDL à un temps et celui du niveau directement inférieur, ne nous permet pas d’apprécier réellement l’amélioration du développement langagier entre les différents temps de l’étude longitudinale. Un quotient d’amélioration du langage a donc été calculé pour quantifier cette progression :

Amélioration du langage =AD T𝑛−AD T(𝑛−𝑥)AD T(𝑛−𝑥) , avec AD signifiant Âge de développement.

Tableau 24

Proportion d’amélioration du langage oral entre le bilan pré-implant et chaque temps de la longitudinale, et entre les différents temps

L’amélioration du développement langagier des enfants de notre cohorte est plus important entre T2 et T3 qu’entre T1 et T2. Cependant aucune différence significative n’est observée lorsque les améliorations entre chaque évaluation sont comparées deux à deux (T1-T2/T2-T3 : p=.063 ; T2-T3/T3-T4 : p=.115 ; T3-T4/T4-T5 : p=.612).

II.5.1.4.3. Comparaison à la norme en tenant compte de l’âge auditif des enfants

Plusieurs études (e.g. Duchesne, Sutton, Bergeron, & Trudeau, 2010; Flipsen, 2011) mettent en évidence que le fait de ne tenir compte, dans les comparaisons à la norme, que de l’âge chronologique des enfants implantés pour évaluer leur niveau langagier est inadapté. En effet, leur retard est alors de fait pointé. Cette constatation est également observée dans nos résultats. Afin de les nuancer, nous allons ici regarder si, en tenant compte de leur âge de développement initial et de leur durée d’expérience auditive, les enfants de notre cohorte se développent à une vitesse similaire à celle observée chez les enfants entendants de la population d’étalonnage.

Nous observons dans notre étude que tous les enfants en pré-implant ont obtenu des scores correspondant à des âges de développement compris entre 4,5 et 10 mois. Douze mois après l’activation de leur implant, leurs scores sont compris entre 11 et 20 mois à l’oral seul, et entre 14 et 21 mois, tous modes de communication confondus. Notons ici que l’enfant en échec à l’oral se retrouve être celui qui obtient les meilleurs scores tous modes de communication pris en compte.

Médiane Intervalle

interquartile Min. Max. Moyenne Ecart-type

T1-T2 0.07 [0;0.27] -0.30 0.56 0.11 0.26 T1-T3 0.55 [0;0.71] -0.25 1 0.37 0.46 T1-T4 0.71 [0.55;1.57] -0.30 1.67 0.79 0.67 T1-T5 1.43 [0.64;1.86] 0.10 1.89 1.21 0.66 T2-T3 0.29 [0.21;0.50] 0.07 0.50 0.33 0.16 T3-T4 0.20 [0;0.33] -0.07 0.50 0.19 0.21 T4-T5 0.17 [0.08;0.57] 0.06 0.58 0.28 0.23

Il nous paraît donc ici important d’ajouter le Tableau suivant (Tableau 25) pour évoquer ces résultats :

Tableau 25

Amélioration des compétences langagières en nombre de mois gagnés du bilan pré- implantation à 12 mois post-activation

ADL pré-implant

(oral seul/tous modes de communication)