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IMPLANTES COCHLEAIRES

II.3.1. Participants : cohorte d’enfants sourds et groupe contrôle

II.3.2.3. Epreuve de détection de sons non-linguistiques

L’épreuve de détection de sons non-linguistiques (ou « Pièce Sonore ») est une évaluation de la perception en milieu contrôlé. Elle se déroule autour d’un tapis de jeu posé au sol, entouré de quatre enceintes acoustiques. L’enfant joue sur le tapis avec l’expérimentateur, avec des jouets en mousse non susceptibles de produire du bruit. La durée de la séance de jeu est de 6 minutes, durée pendant laquelle 18 sons sont émis. La bande son identique pour chaque participant comporte trois sons par minute avec une durée de silence aléatoire entre eux. Chaque séance est filmée, afin de recueillir les données: une analyse des réactions comportementales des enfants au moment de l’émission des sons doit ensuite être réalisée.

Nous avons imaginé cette tâche originale car aucune épreuve, à notre connaissance, n’existe à l’heure actuelle pour évaluer la perception des sons non-linguistiques en milieu contrôlé chez le très jeune enfant. Ce travail a été réalisé en étroite collaboration avec Pascal Gaillard (plateforme PETRA), et Julien Tardieu qui a aidé à réaliser les pré-tests et à mettre en place la « Pièce Sonore » de manière concrète.

Paramètre mesuré : Le nombre et le type de réactions comportementales de l’enfant constituent les indicateurs retenus.

II.3.2.3.1. Démarche

La perception des sons de l’environnement est actuellement essentiellement évaluée dans les services cliniques accueillant des enfants sourds implantés par l’intermédiaire de questionnaires adressés aux parents. Le Infant-Toddler Meaningful Auditory Integration Scale (IT-MAIS) (Zimmerman-Phillips, Robbins, & Osberger, 2000), par exemple, est un questionnaire qui permet d’évaluer les réponses spontanées des enfants à des stimuli présents dans leur vie de tous les jours. La passation devant être menée comme une interview (e.g. « Pouvez-vous me dire à quels sons votre enfant répond dans son environnement quotidien ? »), cela évite d’obtenir des réponses socialement désirables, ou des réponses fermées (oui/non). En revanche, ce questionnaire exige de la part des parents une attention particulière à la réaction des enfants. De fait, nous pensons que les réponses données à ce questionnaire sont certes intéressantes puisqu’écologiques, mais devraient être accompagnées d’une mise en situation contrôlée de l’enfant où l’on pourrait observer de façon rigoureuse ses réactions par rapport à des stimuli sonores émergents.

Par conséquent, nous avons décidé de créer un outil expérimental, permettant d’observer, à l’aide d’enregistrements vidéo, la réaction d’enfants en bas âge à une stimulation auditive dans un contexte de jeu. Il s’agit de noter, à partir de la vidéo, toutes les réactions spontanées de l’enfant en fonction de l’apparition de bruits de l’environnement.

II.3.2.3.2. Pré-tests

Quarante-cinq sons ont été soumis aux pré-tests, afin de valider sémantiquement les stimuli sélectionnés et d’en extraire les plus prototypiques. Leur nature a été choisie en suivant la grille suivante (cf. Tableau 16) :

Tableau 16 Catégories a priori

Vocalisations humaines

non-linguistiques Sons environnementaux Instruments de musique

Enfant Femme Homme Animaux Environnement Alerte Cordes Vents Percussions Ces classes de stimuli se veulent être une bonne représentation des différentes catégories de stimuli non-linguistiques environnementaux rencontrés au quotidien. Cette grille a été établie à partir :

- Des catégories définies dans les autres études s’intéressant aux stimuli non- linguistiques (cf. Ballas, 1993; Gygi, Kidd, & Watson, 2007; Inverso & Limb, 2010; Marcell, Borella, Greene, Kerr, & Rogers, 2000; Shafiro, Gygi, Cheng, Vachhani, & Mulvey, 2009);

- Des échelles/questionnaires d’évaluation de la perception proposées aux parents d’enfants sourds sévères à profonds implantés cochléaires (MAIS, IT- MAIS, Little Ears…).

La grande majorité des 45 stimuli ont été extraits du site www.freesound.com. Cette première sélection, réalisée par un sujet jeune, de culture française, a donc constitué un premier filtre. Ces sons ont été ensuite égalisés en sonie, via une méthode très souvent utilisée en psychoacoustique pour égaliser des sons, et notamment les sons de l'environnement : quatre juges ont écouté les quarante-cinq sons, et ont modifié manuellement l’intensité perçue du son émis en fonction de l’intensité d’un son de référence. Ces quatre « points de vue » ont été compilés à partir du logiciel PsiExp v3.4 (Smith, 1995) , afin que les sons proposés ensuite soient tous à la même intensité perçue. Une fois ce processus d’égalisation en sonie terminé, les stimuli ont été proposés à 15 sujets adultes francophones natifs sous deux formes :

- Dans un premier temps, au cours d’une tâche de reconnaissance et de familiarité - Puis, au cours d’une tâche de jugement de typicalité

a. Tâche de reconnaissance et de familiarité

Pour cette tâche, un protocole a été mis au point à partir du logiciel Superlab4 : les stimuli ont été proposés un à un à chaque participant, de manière aléatoire (avec le même ordre cependant pour tous), pendant une durée d’environ 10 minutes. La consigne, proposée au sujet, lui était donnée à l’oral, puis était rappelée à l’écrit : « Vous allez entendre différents sons. Je vous demande d’abord d’appuyer sur une touche dès que vous reconnaissez le son. Essayez d’être le plus rapide possible, même si le son continue après que vous avez appuyé. Pour chaque son, vous devrez juger ensuite de sa familiarité, c’est-à- dire répondre à la question : ‘est-ce que vous entendez souvent ce son ?’ »

Le participant était installé devant l’ordinateur, dans une pièce préparée à cet effet : l’écoute des sons a été réalisée au casque (Figure 7).

Figure 7. Participant lors des pré-tests.

Dès qu’il identifiait5 le stimulus, le participant devait appuyer sur un bouton (bloc externe), nous permettant d’obtenir des temps de réaction pour chaque son, et ainsi de juger de la rapidité de la reconnaissance du son. La consigne était rappelée à l’écrit avant l’écoute de chaque son (Figure 8).

Figure 8. Consigne indiquée sur l'écran d’ordinateur.

4 http://www.psychologysoftwaredistribution.com/Superlab/superlab.html

5 « L’identification » n’est pas la « nomination ». Il suffit que le sujet se dise « qu’il connaît » le son pour réagir,

Après chaque stimulus auditif, un écran apparaissait avec la consigne suivante écrite : « est- ce que vous entendez souvent ce son ? » (Figure 8). La réponse, demandée sur un continuum de 1 (jamais) à 7 (très souvent), nous a permis de connaître le degré de familiarité de chaque son en fonction des individus (Figure 9).

Figure 9. Echelle de type Likert pour juger de la familiarité des sons. b. Tâche de jugement de typicalité

Dans un deuxième temps, les quarante-cinq sons étaient à nouveau présentés au participant, mais cette fois-ci par deux ou trois sons, regroupés par type de stimuli (Figure 10).

Figure 10. Interface expérimentale pour la tâche de jugement de typicalité

programmée avec PsiExp (Smith, 1995).

Le sujet pouvait les écouter autant de fois qu’il le souhaitait, puis devait répondre à la question écrite à l’écran : « Par rapport à votre représentation de ce son, lequel est le plus typique ? ». Après avoir choisi le représentant prototypique de la classe, une description du son choisi était demandée, afin de vérifier que la sémantique était partagée par tous les sujets. Ces trois temps ont été répétés autant de fois que de catégories de sons, soit en l’occurrence 18 fois.

c. Sons utilisés pour la tâche

Nos pré-tests nous ont permis, après des analyses statistiques des données non détaillées ici, de dégager dix-huit sons, sémantiquement valides, appartenant à trois catégories : vocalisations humaines non-linguistiques, sons d’alerte et sons d’instruments de musique avec contenu fréquentiel (Tableau 17).

Tableau 17

Sons non-linguistiques choisis pour notre tâche perceptive « Pièce Sonore »

Vocalisations Humaines Non-Linguistiques Enfant Babillage Pleurs Femme Toux Rire Homme Bâillement Raclement de gorge/toux Sons de l’environnement Alerte Klaxon Sonnette Animaux Oiseau Vache

Sons du quotidien Ouverture de porte

Froissement de papier

Instruments de musique

Cordes Violon

Contrebasse

Vents Flute traversière

Tuba

Percussions Batterie

Timbale

II.3.2.3.3. Mise en place de la Pièce Sonore sur les sites de recueil des données

Cette tâche étant expérimentale, un groupe contrôle d’enfants normo-entendants a été recruté afin de comparer leurs résultats avec ceux des enfants sourds implantés. Le lieu ne pouvant pas être identique pour les deux groupes (les enfants sourds étant rencontrés dans un service hospitalier), nous avons veillé à ce que les conditions le soient. Le bruit de fond a donc été minutieusement mesuré dans les deux salles (UPIC : 31 dBA ; Pavillon Baudot : 34 dBA), et les deux cartes sons ont été réglées pour que les sons émergents soient émis à 30 dB HL au-dessus du seuil de perception des sujets, soit à 30dB HL pour les enfants normo-entendants et 55 dB HL pour les enfants implantés, le seuil audio avec implant cochléaire étant en moyenne de 25 dB HL en dessous du seuil normal de perception.

Les sons ont été joués à partir du logiciel Reaper v4.11 (www.reaper.fm). Ce logiciel apporte en effet la possibilité de séquencer des sons sur une durée donnée en les répartissant à des temps prédéfinis sur une ou plusieurs enceintes. Cette séquence sonore d’une durée de 6 minutes a été construite de façon aléatoire pour ce qui est de la localisation spatio-temporelle des sons mais chaque participant a été soumis à une séquence identique.

II.3.3. Procédure

Pour la cohorte d’enfants sourds, notre étude s’est déroulée au sein de l’Unité Pédiatrique d’Implantation Cochléaire (UPIC). Cette étude étant longitudinale, les enfants sourds ont été suivis lors de différents temps (cf. Tableau 18, p.97). A chacun de ces temps, les trois épreuves présentées ci-dessus ont été proposées aux enfants dans une pièce relativement calme. Ces dernières étaient incluses au sein du bilan proposé par l’UPIC, et constituaient dans la plupart des cas, l’évaluation développementale des enfants. Lors du bilan pré-implantation, il était proposé après le temps d’information aux parents sur l’implant, et lors des bilans post-implantation, après les réglages de l’implant.

L’enfant était alors installé sur le tapis de jeu, assis à une petite table ou sur les genoux d’un adulte (parent ou orthophoniste, assis devant la table) en fonction de l’âge de l’enfant, et de ses souhaits au moment de la passation (cf. Figure 11). Un temps était alors ménagé avant l’évaluation afin que l’enfant se familiarise avec la situation.

Figure 11. Pièce à l'UPIC où se sont déroulées les observations: tapis et petite table.

Le nombre de personnes dans la pièce varie en fonction des bilans : l’enfant est majoritairement seul avec l’expérimentateur, mais certaines passations ont été réalisées en présence de l’un ou des deux parents, et/ou d’une orthophoniste du service. Notons par exemple que les parents ont toujours été présents lors de la première évaluation (bilan pré- implantation). Pour les autres passations, les parents étaient présents si l’enfant n’acceptait

pas de rester seul avec l’expérimentateur, ou s’il était difficile pour les parents eux-mêmes de laisser leur enfant seul en bilan.

La procédure de passation des tests en elle-même est détaillée ci-dessous. Pour chacun des tests, les consignes étaient données à l’oral seul puis étaient accompagnées de mimogestualité et/ou de signes issus de la LSF et/ou de quelques clés issues de la LPC (en fonction du mode de communication préféré de l’enfant), dès que cela était nécessaire.

II.3.3.1. Echelle de développement psychomoteur de la première enfance ou Brunet-Lézine Révisé (Josse, 1997)

Plusieurs situations ont été présentées aux enfants, avec des jouets différents en fonction de la situation et de l’âge de l’enfant. Le matériel est constitué par des objets divers (cf. Figure 12): cubes, tasse, cuiller, sonnette, hochet, anneau attaché à une ficelle, miroir, crayon, flacon en verre, pastille, planches d’images, etc. Les situations sont simples, et permettent d’observer les performances de l’enfant en proposant un cadre ludique.

Figure 12. Exemple de jouets issus du matériel du Brunet-Lézine Révisé (Josse, 1997).

Lors des passations, l’expérimentateur était assis à côté de l’enfant et lui présentait les situations du Brunet-Lézine correspondant à son âge. En cas d’échec, les épreuves correspondant à la tranche d’âge inférieure étaient proposés, jusqu’à la réussite complète des items correspondant à un âge donné (âge de base). En cas de réussite, les épreuves des âges supérieurs étaient proposés jusqu’à l’échec complet des items d’un âge donné. L’ordre des différentes situations proposées était adapté en fonction des réactions et des demandes de chaque enfant. Si l’enfant refusait de répondre à certaines situations, elles étaient représentées plus tard dans la passation. Tout était alors mis en œuvre pour obtenir l’attention ou l’intérêt de l’enfant sur un autre type de matériel.

Dans le Brunet-Lézine, le temps n’est pas limité pour la passation des items. Cependant, le bilan complet que nous leur proposions étant long, la passation n’a pas excédé 40 minutes pour tous les enfants.

II.3.3.2. Echelle de Communication Sociale Précoce ou ECSP (Guidetti & Tourrette, 2009)

Cette échelle a été proposée aux enfants indifféremment avant ou après l’épreuve du Brunet-Lézine. Les situations étant des situations ludiques similaires, l’ordre de passation a été adapté à chaque enfant (niveau attentionnel au moment de la passation, motivation, attrait vers un type de situation plutôt qu’un autre au début de la passation…). L’enfant était donc installé sur le tapis ou assis à la table basse (cf. Figure 11), et vingt-trois situations interactives et attrayantes lui étaient proposées (cf. Feuilles de réponses présentant les différents items Annexe 4), à partir d’objets et de jouets divers (balles, voiture, poupée, marionnettes, posters, livres, jouet mécanique etc.). Seuls les objets nécessaires à la présentation de la situation étaient accessibles à l’enfant, afin qu’il y ait peu de distracteurs attentionnels. L’adulte expérimentateur était alors à la fois impliqué dans l’interaction afin d’y engager l’enfant (cf. Figure 13) et observateur minutieux, afin de laisser la possibilité à l’enfant d’initier des interactions. Des moments de non-interaction ont alors été ménagés pendant la passation, essentiellement en début de situations comme suggéré dans le manuel afin d’observer les initiatives spontanées de l’enfant, mais également au cours des échanges afin d’observer la capacité des enfants à maintenir les interactions.

Figure 13. Situation d'interaction avec un objet social.

Lors de nos passations, la durée d’application a été comprise entre 35 et 50 minutes environ, en fonction de la disponibilité et des réponses des enfants.

II.3.3.3. Epreuve de détection de sons non-linguistiques