• Aucun résultat trouvé

IMPLANTES COCHLEAIRES

ADL 12 mois post-activation

II.6.2. Intérêts et limites des outils utilisés avec notre population

II.6.2.5. Intérêts et limites de la « Pièce Sonore »

L’épreuve de détection des sons environnementaux proposée ici a été créée dans le cadre de cette étude, pour pallier le manque d’outils objectifs permettant d’évaluer ces compétences chez l’enfant sourd porteur d’un implant cochléaire. Au cours de notre étude, nous avons pu apprécier l’utilité de cette épreuve, autant sur le plan de la recherche que dans une visée clinique. En effet, les tests audiométriques classiques nous renseignent sur la capacité qu’ont les enfants de détecter des sons purs et les questionnaires parentaux tels que la MAIS (Robbins, Renshaw, & Berry, 1991), l’IT-MAIS (Zimmerman-Phillips et al., 2000) ou le Listening Progress Profile (Nikolopoulos, Wells, & Archbold, 2000), restent dépendants de la subjectivité des parents (attention à la réaction de leur enfant aux sons, désirabilité sociale), ainsi que de ce qu’ils proposent au quotidien à leurs enfants comme situations de stimulation. De fait, observer rigoureusement les réactions du jeune enfant à des stimuli auditifs complexes émergents, en situation écologique de jeu, nous apporte des informations précieuses car complémentaires à celles obtenues par les autres tests. En effet, la situation proposée au cours du test se rapproche de ce que l’enfant vit au quotidien (sons environnementaux stimulant plusieurs bandes de fréquences contrairement aux sons purs, pas de conditionnement de l’enfant comme dans les tests pédiatriques d’audiométrie comportementale…). Les réactions observées chez l’enfant sont donc des réactions spontanées, qui illustrent alors non pas seulement leur capacité à percevoir les sons mais également comment ils les utilisent dans leur vie quotidienne. Cette question de nécessité versus possibilité de traiter des stimuli est peu abordée dans la littérature (Gaillard, Magnen, & Billières, 2006), mais nous semble essentielle ici.

Par ailleurs, réaliser ce test à chaque bilan d’évolution de l’enfant, apporte alors des informations objectives sur sa progression, la procédure et les sons proposés étant rigoureusement identiques à chaque fois. Chaque passation est donc un repère pour les passations ultérieures. A l’usage, nous avons également pu constater que ce test permettait de donner des informations précieuses pour affiner le réglage de l’implant, lorsque l’enfant était très petit et qu’il ne pouvait pas être conditionné avec le matériel présent dans les services.

De plus, le fait d’avoir comparé les résultats des enfants implantés à un groupe contrôle d’enfants entendants, permet d’avoir des repères sur la manière dont les enfants entendants utilisent ces sons dans leur quotidien au cours de leur développement. Nous pouvons alors obtenir des informations pertinentes sur la typicité du développement perceptif des enfants en ce qui concerne leur perception des sons environnementaux.

Cependant, l’intérêt de la tâche en fait aussi sa complexité à interpréter. En effet, le fait d’observer des réactions spontanées à un stimulus, conduit l’expérimentateur à ne pas demander à l’enfant de focaliser son attention sur le son. De fait, lorsque l’enfant implanté ne réagit pas, il est difficile de savoir s’il a détecté/perçu le son mais n’en a pas fait cas ou s’il ne l’a pas détecté du tout. Le nombre de sons considérés comme détectés et/ou localisés est donc une donnée indicative, reflétant l’attention que les enfants portent aux sons environnementaux, et non pas un score décrivant uniquement les capacités de détection de l’enfant. Si les professionnels souhaitent utiliser ce test comme un test de détection pure, afin de mesurer la capacité des enfants implantés à percevoir les sons de l’environnement, il paraît donc nécessaire de le proposer plusieurs fois d’affilée à l’enfant. En effet, ce dernier pourra réagir différemment lors d’une deuxième écoute.

Une autre limite à ce type de test a également pu être constatée lors des passations. Etant donné le choix fait de laisser les enfants libres de leurs mouvements afin d’insister sur le côté naturel de la situation, les difficultés intrinsèques de l’évaluation chez les jeunes enfants ont été majorées ici. En effet, ils pouvaient alors sortir du tapis de jeu plus facilement, et donc de l’angle de vue de la caméra, manifester un refus pour faire toute activité, porter leur attention sur l’environnement riche en stimuli divers etc. Il pourrait donc être pertinent pour limiter ces difficultés, de placer le tapis dans un espace relativement contenant et épuré afin d’éviter les détournements d’attention des enfants.

II.7.

C

ONCLUSION

L’objectif principal de notre étude était de décrire le développement global d’enfants sourds, du bilan pré-implant à un an post-activation. Cela devait nous permettre également d’apporter un éclairage nouveau sur la variabilité de leurs résultats langagiers post- implantation. Cet objectif a ici été rempli en observant le développement de sept enfants. D’un point de vue général, nos résultats peuvent être résumés comme suit : nous observons une progression dans tous les domaines de développement pour tous les enfants de notre cohorte entre le bilan pré-implantation et 12 mois post-activation. Néanmoins, on note une grande variabilité intra-individuelle (développement différent en fonction des domaines chez chacun des sujets) et interindividuelle (au sein de chaque domaine mais également en terme de profil développemental).

Notre cohorte étant de petite taille, une analyse fine des performances individuelles des enfants a ainsi pu être effectuée. Cela participe à enrichir les connaissances, encore peu développées, sur le développement précoce des enfants sourds. Cependant cet aspect peut

également être une limite. En effet, comme dans la majorité des études s’intéressant au développement communicatif préverbal des enfants sourds porteurs ou non d’un implant cochléaire (e.g. Deleau & Le Maner-Idrissi, 2005), la variabilité interindividuelle (étiologie, âge chronologique, âge à l’implantation, mode de communication des familles…) et la petite taille de notre cohorte nous imposent d’être prudents quant à l’interprétation de nos résultats.

Une autre limite de notre travail provient de l’utilisation d’outils qui n’ont ni été étalonnés avec une population d’enfants sourds, ni avec une population d’enfants sourds implantés. Certains items peuvent donc être inappropriés pour évaluer ces enfants. De plus, toutes les études utilisant des outils différents, les résultats sont difficilement comparables. Il nous semble donc qu’une réflexion de fond entre les équipes de recherche francophones et les cliniciens devrait être menée autour de cette question. Cela pourrait ainsi amener à la proposition d’adaptations pour les tests existants, ce que nous nous sommes permis de faire ici, voire même à la création d’un matériel d’évaluation adapté à chaque population d’enfants présentant un développement différent (retardé ou atypique), même si cela reste un vœu pieux.

Enfin, contrairement à beaucoup d’études, notre travail ne se centre pas uniquement sur le développement des aspects structuraux du langage, mais de par une exploration large, amène une vision globale du développement précoce des enfants implantés. Si cette approche nous a permis de nous pencher sur les liens entre les différents aspects du développement d’enfants sourds porteurs d’implants, cette appréhension générale des compétences ouvre également un vaste champ de questions. En effet, l’utilisation exclusive de tests évaluant plusieurs domaines de développement ne nous a pas permis d’approfondir notre analyse de chacun d’entre eux. Il pourrait donc être très intéressant, à partir de nos observations réalisées ici, d’effectuer des tests plus spécifiques, au sein d’études distinctes (e.g. évolution des formes et de la richesse du babillage chez le très jeune enfant sourd en pré-implant et lien avec le développement langagier ultérieur, développement des gestes conventionnels chez les enfants sourds implantés, lien entre le développement de l’attention conjointe et le développement langagier ultérieur etc.). De nombreuses pistes de recherches peuvent ainsi être ouvertes.

CHAPITRE 3