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IMPLANTES COCHLEAIRES

ADL 12 mois post-activation

II.6.2. Intérêts et limites des outils utilisés avec notre population

II.6.2.2. Intérêts et limites du Brunet-Lézine Révisé (Josse, 1997)

Le Brunet-Lézine, publié la première fois par Odette Brunet et Irène Lézine en 1951, est la seule échelle française évaluant le développement des enfants d’âge pré-scolaire Considérant que l’ordre d’apparition des comportements est globalement le même chez tous les enfants, ce baby-test permet de décrire les progressions psychomotrices et socio- langagières du bébé, et d’en apprécier le rythme de développement par le calcul des QD (partiels et global). Sa version révisée (Josse, 1997) est très utilisée aujourd’hui dans les pays francophones dans un contexte clinique, car elle est simple à faire passer (présence ou absence de comportements) et qu’elle permet, à partir d’un ensemble d’épreuves ordonnées par âge, d’avoir une vision globale du développement de l’enfant.

Dans notre étude, cet outil a été appréciable parce que ludique : tous les enfants ont alors pu se servir des situations proposées pour entrer en interaction avec l’expérimentateur dès le premier bilan. La mesure du quotient de développement global nous a paru intéressante, car elle constitue un marqueur précieux de la vitesse de développement de l’enfant par rapport à son âge chronologique au moment de l’évaluation, comme cela est également noté par d’autres études l’utilisant dans des cadres différents (e.g. Castellani, Ninoreille, Berger, & Perrin, 2011). Elle permet également d’apprécier l’évolution globale des enfants au cours du temps, lorsqu’elle est utilisée à différentes reprises (ce qui était d’ailleurs préconisé par Irène Lézine). Cette mesure nous paraît donc être un bon indicateur initial du développement des enfants. Néanmoins, comme on l’a indiqué au paragraphe II.6.1.1., et comme l’avait déjà dit Gesell dans le cadre de l’utilisation des baby- tests, le QD global reste peu instructif lorsqu’il est considéré seul, au vu de sa globalité. Par ailleurs, le QDG ne peut pas constituer l’indicateur unique du développement des enfants, ce dernier ne se déroulant pas selon un axe linéaire (Dubon & Candilis-Huisman, 1997). Si cela était déjà soulevé par les auteurs du Brunet-Lézine en 1951, dans le cadre d’évaluations avec des enfants dits typiques, cette observation revêt une importance primordiale dans le cadre d’une évaluation avec des enfants présentant un développement très asynchrone des différents domaines testés. Dans notre cas par exemple, la chute du QD partiel de langage peut alors avoir une incidence majeure sur le QD global.

L’utilisation des quotients de développement partiels permet donc non seulement d’avoir une approche plus fine de l’enfant (Dubon & Candilis-Huisman, 1997), mais également de voir dans quelle mesure les difficultés observées dans un domaine spécifique peuvent retentir sur le développement des autres domaines. Cependant, il est noté par Josse (1997) que « les résultats donnés sous forme de quotients partiels ne permettent pas une comparaison rigoureuse à 5 ou 10 points près » et doivent être « utilisés à titre indicatif et avec une grande prudence » (p.153). Nous avons effectivement remarqué que l’échec à un item dans un domaine de développement peut impacter de manière considérable le QD, et ce, d’autant plus que les enfants grandissent. En effet, si jusqu’à 10 mois, les acquisitions sont testées mois par mois, chaque item valant alors une fraction de 30 jours, elles sont ensuite évaluées tous les 2, 3, 4 et 6 mois, ce qui est cohérent avec le rythme de développement des acquisitions des enfants de la population d’étalonnage : les items réussis créditent alors l’enfant d’un plus grand nombre de jours de développement. Par exemple, chaque item de posture vaut 10 jours à 10 mois et 90 jours à 30 mois. La construction de ce test est donc certes adaptée à l’évaluation d’une population typique, mais reste discutable dans le cadre de l’évaluation d’enfants sourds implantés.

De même, pour la sociabilité et le langage, on observe que certains niveaux de développement ne comportent qu’un item. La réussite ou l’échec à ceux-ci impacte donc très fortement le QD partiel, et retentit également sur le QD global (déjà évoqué §.II.3.4.1.1.). En effet, si tous les items des autres domaines sont acquis, ces items ‟uniques’’ sont alors déterminants dans le crédit ou non de l’âge de base. Par exemple, l’item langagier de 7 mois « utilise des émissions vocales, des gestes, ou crie pour attirer l’attention » est un item

acquis sans problème majeur par l’ensemble des enfants sourds de notre cohorte lors du bilan pré-implantation. Or, cet item étant le seul item langagier à 7 mois, et les items des autres domaines étant normalement acquis par les enfants de notre cohorte, 7 mois devient très souvent leur âge de base au test en pré-implant. Si cela est cohérent lorsque l’on évalue des enfants entendants, le fondement de l’échelle n’est pas adapté à des enfants sourds profonds. En effet, les items de langage des mois précédents, plus axés sur la réception du langage oral, ne peuvent pas être obtenus par ces enfants. De fait, le QDL est alors surcoté jusqu’à ce que l’enfant réagisse à la voix. Le mode de calcul qui consiste à créditer automatiquement les niveaux de développement antérieurs à l’âge de base pose donc question lorsque les enfants évalués ont un développement hétérogène.

D’autres inadaptations du test à notre population ont également pu être soulevées :

- Lorsque les enfants testés sont grands, mais qu’un domaine est fortement chuté, le contraire de l’exemple précédent peut également se produire. Par exemple, il suffit que l’enfant, trop grand pour jouer à jeter ses jouets (item de 7 mois), n’obtienne pas cet item de sociabilité, pour qu’il voie son âge de base chuter à 2 mois, les items langagiers des mois précédents n’étant pas acquis en pré-implant. Ce calcul amène donc l’enfant à être sous-coté.

- L’échelle de sociabilité pose aussi question, les items proposés étant de nature très variés. En effet, ils font alternativement intervenir des compétences de coordination, des capacités motrices, du langage etc. Dans le cadre de notre étude, les items faisant intervenir du langage, par exemple, sont très difficiles à obtenir pour les enfants et deviennent ainsi des obstacles à l’obtention d’un score reflétant leur développement réel. L’échec des enfants sourds à ces items de sociabilité peut en effet être dû davantage à leur retard langagier en lien avec leur perte auditive qu’à un réel retard de leurs compétences sociales. Par ailleurs, l’item de 30 mois (« comprend deux prépositions : dans, sur, derrière, devant, dessous ») nous semble peu pertinent pour notre population : en effet, est-ce une priorité pour eux d’acquérir la compréhension de prépositions alors que d’autres capacités langagières importantes ne sont pas mises en place ? Cet item de sociabilité ne semble pas évaluer ici un but développemental premier pour les enfants de notre population. Certains items peuvent donc être considérés comme inappropriés pour évaluer des enfants porteurs d’une déficience auditive. Cette observation, très marquée dans notre population, est également retrouvée dans d’autres échelles et baby-tests utilisés avec les enfants implantés (Horn, Pisoni, et al., 2005), et nous semble aussi valable dans le cadre de l’évaluation d’enfants tout-venants. Elle est en effet le reflet de la constitution même des échelles d’évaluation du développement, obligées de distinguer des compétences qui en fait sont liées dans le développement, ce dernier étant un processus global.

Dans le cadre de la recherche avec des enfants dont le développement est hétérogène, il paraît donc très important de ne pas se limiter aux analyses quantitatives des scores lorsque l’on utilise ce type d’outils. Une analyse qualitative item par item est alors indispensable pour pouvoir décrire l’enfant en termes de compétences et de déficits, ce qui permet un regard global sur l’enfant. Il nous semble donc tout à fait pertinent d’utiliser cette échelle dans un cadre de recherche pour décrire précisément les trajectoires développementales des enfants, tout comme dans le cadre clinique pour évaluer le développement individuel des enfants dans le but de mieux adapter la prise en charge à leurs besoins.

II.6.2.3. Intérêts et limites de l’Echelle d’évaluation de la