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Les modalités d’un regard d’expérience, application empirique et choix des terrains d’étude

4- Outils et méthodologie

4.1 Les modalités d’un regard d’expérience, application empirique et choix des terrains d’étude

Pour évaluer la portée réelle de telles propositions, selon des principes qu’il nous faut à présent définir, nous avons retenu plusieurs terrains d’étude.

En France, nous avons opté pour le choix de trois villes franciliennes de la première couronne : Fontenay-sous-Bois, Boulogne-Billancourt et Saint-Denis. C’est, en effet, de ces villes pour lesquelles les déplacements sont devenus des enjeux majeurs en raison du rôle qu’elles jouent dans le fonctionnement économique et urbain, et de l’acuité des problèmes environnementaux qui en résultent, dont il est question. Notre choix découle donc du fait que la place de l’environnement relève pour ces villes, d’une problématique politique complexe, entre multiplicité des contraintes et nécessité d’action. Si nous avons choisi le bruit routier comme objet de notre étude, c’est qu’il devait faire partie de ces préoccupations : d’abord par la proximité d’un réseau routier de grande importance et donc par l’exposition des riverains

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au bruit et par leur sensibilité à cette nuisance qui s’exprime avec acuité ; et ensuite par les éventuelles mesures et actions engagées par les décideurs locaux pour y répondre.

Dans la perspective d’appréciation de la portée pratique à l’échelle locale des avancées réglementaires apportées par la loi SRU en matière de développement durable, il nous a fallu tenir compte des différents stades d’élaboration des documents d’urbanisme PLU, qui donnent à chaque ville présente une certaine spécificité en la matière :

Saint-Denis dont le PLU était en phase de lancement, ce qui nous permet de mettre l’accent sur « l’ambition » des acteurs politiques à l’égard du projet du PLU et du PADD. Les matériaux rassemblés sur le terrain représentent pour autant des indices de réflexion et d’anticipation des effets attendus par rapport au PLU prévu.

Fontenay-sous-Bois dont le PLU était en phase d’approbation et pour lequel le volet environnemental est véhiculé à des fins purement urbanistiques en terme d’occupation des sols.

Boulogne-Billancourt dont le PLU est approuvé mais qui suscite jusqu’alors une polémique en ce qui concerne la politique d’urbanisation des terrains Renault. Le point fort de ce cas d’étude est la mobilisation des associations locales et environnementales au point de bloquer l’approbation du plan et donc d’aller contre les objectifs des responsables locaux pour la ville.

Ces villes proposent une vision constructive de la façon dont les politiques urbaines ont tenté de prendre en compte les questions de l’environnement dans les outils de planification urbaine. Elles présentent également différentes formes d’action politique locale, dont les orientations mais aussi parfois les contradictions apparaissent par bien des points : du maire bétonneur mais très fier d’obtenir le Grand Prix de l'environnement 1999 pour la dépollution des sols dont Renault a le mérite,59de la communauté urbaine dont le PLU de l’une de ses communes est voulu transversal60 mais qui reste confiné dans les bureaux de la direction

59 Dans le cas de Boulogne-Billancourt, et dans tous les cas, il revient aux responsables (exploitant à l'origine de la pollution, dernier exploitant, détenteur...) de faire cesser les dommages générés par ces pollutions, en application de la législation relative aux installations classées.

60 « Les enjeux du PLU reflètent avant tout des choix politiques, qui touchent à la qualité de vie des populations, sur une longue durée et qui comportent des dimensions multiples l’emploi, les solidarités, les déplacements, l’environnement, le logement, le commerce, les équipements, les services publics dans leur ensemble. » dixit le Maire de la commune de Saint-Denis

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d’urbanisme61, du PLU affiché publiquement comme étant une opportunité démocratique62 tout en restant paradoxalement dans un semblant de participation publique.63

Cette rapide présentation permet de voir en quoi ces terrains d’étude présentent des perspectives d’analyse particulièrement intéressantes. Toutefois, il nous apparaît clairement que « toute évaluation suppose [...] une comparaison »64.

Pour mener à bien cet exercice et afin d’enrichir l’analyse d’un éclairage international, nous avons souhaité nous appuyer sur une ville du Sud, tout en gardant en vue la diversité des contextes institutionnels, sociaux, économiques et culturels. Grâce au Bonus Qualité Recherche (BQR) pour la mobilité dont nous avons bénéficié en 2005, nous avons pu effectuer plusieurs voyages d’études durant lesquels nous avons rassemblé les matériaux de notre travail. Notre choix du cas algérien est justifié par un nombre de critères dont notamment le programme de coopération « Tassili » qui lie notre laboratoire CRETEIL au Laboratoire d’aménagement urbain de l’université des Sciences et Technologies Houari Boumediene (USTHB), et dont notre travail s’inscrit pleinement dans les axes de recherche.

Notre choix est également motivé par notre appartenance à l’Algérie, où nous avons vécu longtemps, et dont nous connaissons la langue, la culture et les pratiques sociales, ce qui nous donne l’avantage d’avoir une facilité de contact et donc une certaine aisance dans le déroulement des entretiens.

Un troisième critère de la même importance que les deux précédents concerne cette fois-ci les documents d’urbanisme algériens. Les Plans Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (PDAU) et les Plans d’Occupation des Sols (POS) en vigueur en Algérie contiennent manifestement de nombreuses similitudes avec les anciens documents d’urbanisme français (essence et finalité, contenu, méthode et approche d’élaboration). D’ailleurs, l’Algérie emprunte l’appellation française des Plans d’Occupation des Sols.

61 « On fait tout ici, après, en effet, on sollicite différentes directions pour avoir des informations, des validations du travail de production », nous explique un cadre de la direction d’urbanisme

62 « La ville en partage, c’est le titre que nous avons choisi de lui donner (au PLU). Il est à l’image de ce que nous voulons pour Fontenay : un projet de ville qui soit aussi un projet de vie partagée, pour avancer ensemble » explique Jean-Françoit Voguet Sénateur maire de Fontenay-sous-Bois pour introduire l’élaboration du PLU de Fontenay-sous-Bois.Editorial du magazine municipal « Fontenay notre ville », n°29 octobre 2006.

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« C'est évidemment très peu. Je ne suis pas convaincu que la communication municipale autour de cette enquête ait été performante, et la période n’est pas très bien choisie. Mais les seules personnes vraiment responsables de ce désintérêt sont les habitants. 40 interventions sur plusieurs dizaines de milliers d'habitants cela donne à réfléchir. C'est même franchement décourageant,» regrette l’un des habitants de la ville sur le forum web dédié au PLU de Fontenay-sous-Bois.

64 Montès C., 1992, « Système de transport et système économique en milieu urbain : réflexions sur l’aménagement de l’agglomération lyonnaise de 1960 à 1992 », Thèse pour le Doctorat de Géographie, Aménagement et Urbanisme, Université Lyon 2, p.19.

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Les POS et PDAU ont été mis en place dans le cadre de la loi n°90-29 du 1-12-1990, soit 23 ans après la promulgation de la loi d’orientation foncière en France. L’Algérie suit de près l’expérience française en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Bon nombre de programmes d’échanges et de recherches ont uni les deux pays.

Enfin, nous nous sommes également saisies de l’avantage d’avoir acquis notre première expérience en matière d’aménagement urbain en Algérie à travers l’étude de l’efficacité des POS algériens dans la gestion et l’organisation spatiale65.

Cette première expérience nous a permis, dans le même contexte, de réintégrer sans difficultés le réseau professionnel aux champs de compétences relatifs à notre problématique.

Plutôt qu’une comparaison intégrale où les cas d’études sont mis en relation à travers une seule et unique approche, nous nous livrerons à un regard d’expérience, une mise en perspective de l’expérience algérienne par rapport aux avancées de l’expérience française. La commune algéroise retenue est étudiée avec un degré de précision aussi important que celui des communes françaises mais avec un angle de vue différent.

Les principes de cette exploration plurielle seraient de rendre compte de l’expérience française et de renseigner sur les évolutions existantes du coté algérien : souligner la relativité de chaque cas d’étude en le resituant dans son contexte et montrer qu’il n’existe pas de solution universelle et intemporelle, mais un ensemble de possibilités déterminées par un ensemble de contraintes, d’intérêts et de valeurs ;révéler parallèlement les similitudes qui caractérisent les études différentes et mettre en lumière les alternatives permettant d’ouvrir une porte commune sur des pistes possibles. A notre avis, l’intérêt de cette double approche ne réside pas uniquement dans la conformité aux critères de similarité exposés ci-dessus. Elle repose surtout sur la diversité des particularités territoriales qui sont ainsi proposées. Cette mise en perspective doit nous permettre d’approfondir le rapport entre espaces et territoires soumis à la même question : dans quelle mesure une politique urbaine adaptée à un territoire donné pourrait être « adaptable » sur d’autres territoires différents ?

La ville algéroise devait présenter des caractéristiques similaires à celles des villes françaises étudiées, au niveau de leur poids démographique et des enjeux attachés à la politique urbaine. En vertu de ces exigences, notre choix s’est finalement porté sur El Mohammadia, Algérie.

65 Abou Warda M. & Hadjiedj A., 2003, « Les instruments d'urbanisme entre théorie et réalité », in : Alger, les

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4.2 Vers une approche multidisciplinaire à la fois théorique et