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4- Outils et méthodologie

4.2 Vers une approche multidisciplinaire à la fois théorique et empirique

La confrontation de notre questionnement général à des terrains spécifiques a nécessité l’association de plusieurs sources documentaires ainsi que la mobilisation de techniques d’investigation diverses.

L’interdisciplinarité et l’actualité de notre thème ont impliqué, dès le début de notre travail, un cadrage théorique général réalisé à partir de divers textes réglementaires, ouvrages, communications, enquêtes et sites internet concernant les questions se rapportant au développements durable, à l’environnement et au bruit en particulier, aux transports et à l’urbanisme, à la démocratie participative et à la gouvernance. Il faut intégrer à cette littérature les articles tirés de la presse scientifique, les travaux universitaires en tout genre (synthèses de recherche, thèses, mémoires, etc.) ainsi que les études des divers organismes impliqués dans les processus décisionnels.

La recherche a abordé de près l’évolution de deux politiques, à savoir la politique de lutte contre le bruit en France et la politique de l’environnement et de développement durable en Algérie. L’objectif étant de dresser un premier bilan de l’efficacité des actions publiques en la matière par l’observation et l’appréciation des outils et procédures mis en place, pour enfin identifier leurs limites. Cette démarche nous a amenées à rechercher dans un fonds documentaire ancien datant parfois des années 50. Ce type de documents, le plus souvent archivés, n’est accessible qu’auprès des centres de documentation spécialisés (CIDB, CRESSON, bibliothèque du Ministère du tourisme, de l’environnement et du développement durable de l’Algérie…). Certains documents dont nous avions les références n’étaient pas accessibles car perdus ou empruntés par des professionnels, ce qui a rendu cette phase un peu plus difficile.

Parallèlement, l’analyse des politiques urbaines et environnementale a nécessité, là encore, la combinaison de plusieurs sources : documents de planification, documents de présentation des orientations politiques à l’opinion mettant en évidence le discours argumentatif des "décideurs", archives des délibérations des assemblées locales, articles de la presse écrite locale et enfin entretiens avec différents intervenants de la scène locale - techniciens des collectivités locales, élus et membres de l’opposition politique ou d’associations locales, universitaires et autres experts qui nous ont permis de réunir une assez grande diversité d’interlocuteurs en la matière.

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Pour parfaire notre connaissance des réalités de terrain, nous avons mobilisé plusieurs techniques de collecte et de traitement de l’information, en nous intéressant aux représentations individuelles et collectives, aux régularités statistiques des phénomènes observés de même qu’aux pratiques et discours relatifs aux politiques d’environnement, d’urbanisme et de transports.

Une fois les cas d’études sélectionnés et les spécificités et parcours locaux des communes étudiés, notre démarche a consisté à resituer notre problématique à travers l’observation directe de la réalité, à partir de l’enquête de terrain ou de documents et rapports écrits. Dans cette phase, nous avons pu adopter une démarche descriptive afin de rendre compte de la situation actuelle ou du processus en cours. Ces éléments descriptifs sont nécessaires pour analyser, comprendre et interpréter les matériaux empiriques, « ce qui justifie l’importance des monographies comme pièces à conviction et clés d’interprétation » (Perret 2001).

Nous avons donc procédé au recensement et l’exploitation approfondie des documents d’urbanisme ayant été réalisés pour les communes d’étude. Cette phase s’est effectuée pour les villes franciliennes en deux temps :

Le premier concerne les documents d’urbanisme antérieurs à l’application de la loi SRU. Nous avons donc consulté, analysé et apprécié les dernières versions des POS avant la mise en place des PLU ;

Le second temps est celui des nouveaux documents d’urbanisme PLU. Pour la commune de Boulogne-Billancourt dont le PLU a été finalisé, notre objectif était de voir quelles sont les évolutions, si elles existent, qui ont marqué la transition du POS au PLU, tant au niveau de l’approche adoptée qu’au niveau du PADD et règlement. Pour les communes de Fontenay-sous-Bois et Saint-Denis, dont les PLU étaient en cours d’établissement au moment du déroulement de notre thèse, nous avons eu l’opportunité d’observer de façon directe certaines étapes clefs de l’élaboration : assister à des réunions de concertation, évaluer la volonté publique d’informer les habitants, consulter les registres d’enquête publique, suivre le déroulement et parfois les blocages du processus d’approbation…

Cette démarche est accompagnée par l’exploration documentaire des études, documents, données statistiques et autres supports cartographiques relatifs aux transports (Plan de déplacements urbains, Plan local de Déplacement), au développement durable et l’environnement (AGENDA 21, Plans communaux d’environnement, Chartes d’écologie

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urbaine, évaluation environnementale pour le cas français et études d’impact sur l’environnement pour le cas algérien) et au bruit (expertises acoustiques, cartes de bruit ou d’ambiance sonore, diagnostic sonore…). Ces outils stratégiques et décisionnels nous apparaissent riches en enseignements potentiels.

Il nous a été également utile de produire empiriquement le matériau nécessaire à l’analyse à partir de l’observation directe in situ. Cette méthode s’exerce en deux temps. Tout d’abord, nous avons procédé à l’observation globale de la ville, de son espace et de ses composants (habitat, équipement, infrastructure…). Cette phase nous a permis d’élaborer un diagnostic de l’espace étudié. Le bilan heuristique élaboré permet de connaître la ville, d’identifier ses enjeux et de situer la place des nuisances sonores dans ses préoccupations. Ensuite, nous avons poursuivi par l’observation focalisée qui cible les différents mécanismes de fonctionnement de la ville. Dans ce contexte, la collectivité, ses services et ses actions ont été l’objet de l’observation. L’évaluation de la stratégie publique et de l’organisation des services concernés par l’urbanisme, l’environnement et le transport contribuent à analyser le contexte des mesures environnementales arrêtées, et notamment celles qui concernent le bruit si elles existent.

En ce qui concerne l’observation statistique des réalités urbaines, nous avons eu largement recours, pour nos exemples français, aux chiffres de l’INSEE et de ISIS66 mais aussi aux mesures locales des déplacements et de leurs modalités, que ce soit par le biais des enquêtes ménages, de comptages ou encore d’études menées ou commanditées par les collectivités locales. Pour la ville d’El Mohammadia, les principales références viennent de municipalité, des données de l’Office national des statistiques et du POS lui-même.

Si, en France, plusieurs études et enquêtes peuvent renseigner sur l’importance que les habitants accordent à la question de l’environnement à l’échelle nationale et locale (INED 199267, IFEN 199168, l'UNEP et IPSOS 200869), ce type de données n’existe pas encore à notre connaissance en Algérie. A défaut, nous avons tenté de créer notre base de données par la réalisation en 2005, d’une enquête comprenant une centaine d’entretiens d’une durée de

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Ingénierie du trafic et des systèmes d’exploitation

67Institut national des Etudes Démographiques, "La population, l’espace de vie et l’environnement", enquête qui permet d'étudier les représentations associées au mot "environnement", ainsi que les savoirs et opinions en matière de ressources naturelles par 4 719 questionnaires

68Institut Français de l'Environnement (Ifen) enquête sur "les conditions de vie et aspirations des Français" menée avec le Credoc en début d'année depuis 1991.

69L’enquête de l’Union Nationale des Entrepreneurs du Paysage, menée en partenariat avec IPSOS, révèle que pour les Français, la place accordée aux espaces verts en ville est un véritable enjeu.

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près d’une heure auprès des habitants de notre commune d’étude. Ainsi, il était important pour nous de connaitre l’intérêt que les Algérois accordent aux questions environnementales tout en portant un regard sur leur rôle dans le processus de prise de décision.

Pour ce faire, nous avons procédé à l’échantillonnage des habitants interrogés selon la méthode des quotas. Nous aurions voulu doubler voire tripler ce nombre, mais compte tenu de la consistance du guide d’entretien (12 pages), des difficultés que nous avons rencontrées dans cette étape de notre travail (méfiance en raison des conditions sécuritaires, obtention de l’accord des interrogés) et des faibles moyens disponibles, nous nous sommes limitées à ce nombre.

La population à partir de la quelle les quotas ont été déduits est celle de la commune dans son ensemble. Cependant, en 2005 lors de la réalisation de l’enquête, nous nous sommes servies des recensements de populations de 1998. Ces recensements ont lieu tous les 10 ans. En 2008, à l’heure de la rédaction de cette introduction les nouveaux recensements de population sont en cours. Les sites retenus correspondent à un ensemble de critères représentatifs de la situation sociodémographique et spatiale de la commune. Le nombre varie également selon l’importance du réseau routier traversant chaque secteur.

Afin de se saisir du point de vue des acteurs protagonistes de la politique publique, et afin de connaître et comprendre leurs opinions et positionnements à l’égard des actions entamées en matière d’environnement en général et de bruit en particulier, un autre type d’entretien de la même importance a été effectué auprès des décideurs et techniciens des communes retenues dans notre échantillon (3 à 4 par commune) aussi bien pour les villes françaises qu’algériennes. Concernant le choix des personnes interrogées et le déroulement de l’entretien, nous nous sommes attachées à rencontrer aussi bien les politiciens que les techniciens et cadres des municipalités. Notons dans ce contexte que les entretiens effectués avec ces derniers ont été plus révélateurs que ceux des responsables souvent influencés par les stratégies déjà en cours. Nous gardons cependant à l’esprit que ces opinions sont rarement indépendantes des positions et intérêts des acteurs, ce qui nous appelle à les prendre avec prudence, tout en développant une approche critique du discours politique.

Quant aux conditions générales et particulières de déroulement des entretiens, nous avons procédé à une phase de pré-entretien qui consiste à évoquer des questions relatives au champ

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de compétences et aux conditions de travail afin de créer un climat de confiance avant de passer à des questions plus précises.

Pour les acteurs français, le guide d’entretien est structuré en deux temps. Le premier concerne la situation antérieure à la mise en œuvre du PLU, comme par exemple l’évocation de questions sur la nature et le fonctionnement des relations internes et externes à la collectivité locale avant l’engagement de l’application de la loi SRU ou encore sur l’approche adoptée pour traiter le problème du bruit routier et son efficacité sur le terrain…

Le second temps a traité des évolutions actuelles : nous avons interrogé les interlocuteurs surtout sur l’évolution des approches et des actions sur l’environnement - mesures envisagées ou en cours, relations entre les services concernés, possibilité d’existence de conflits de compétences et d’intérêts avec les autres acteurs, moyens humains et financiers mobilisés…

En ce qui concerne le cas algérien, les évolutions que le pays connaît ces dernières années en matière d’environnement sont essentiellement motivées par le développement durable. Nous avons donc gardé la même structure du guide d’entretien en fixant, comme point d’inflexion, la mise en place de la loi n° 01-20 relative à l'aménagement et au développement durable du territoire. Pour rencontrer les acteurs publics et locaux, nous nous sommes saisies du réseau de relations socioprofessionnelles dans lequel nous avons été intégrées durant notre formation universitaire. Cela nous a permis d’ores et déjà une certaine aisance dans la prise de contact mais aussi dans le déroulement de l’entretien.

Vient enfin le temps de l’analyse des données recueillies ou créées, au regard de la problématique et des questionnements qui en découlent. L’analyse réalisée à partir de ces matériaux nous a permis de rendre compte des pratiques réelles, aussi bien en termes de réduction du bruit routier (sa place dans les enjeux locaux, actions et mesures engagées, ce qu’en pensent les habitants…) qu’en termes de planification urbaine (relations interservices, déroulement de la concertation avec les populations locales, éventuel problème de blocage du PLU, etc.).

Elle a permis ainsi d’identifier les problèmes qui freinent ou risquent de freiner l’efficacité des actions engagées, quand elles existent, dans le cadre de ces instruments. Ces éclairages, ajoutés à un ensemble de dispositifs mis en place ces dernières années, pourraient aider d’autres collectivités locales à se saisir du potentiel offert par les documents d’urbanisme dans une perspective de développement durable.

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