• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : Le bruit entre sons et gêne

2. Tout bruit est gêne…

2.3 La gêne, aspects contextuels déterminants…

2.3.2 Autres considérations culturelles et psychologiques

Dans une étude analysant les plaintes des Parisiens en 2002152, il a été démontré que le bruit diminue en fonction de la baisse de la densité humaine. Le climat social détermine la réaction individuelle face au bruit.

149 Martinez M., 2001, « L’Impact des nuisances sonores de l’aéroport de Roissy CDG sur le marché foncier et l’immobilier. Approche exploratoire », Association des Etudes Foncières, Rapport pour l’European Airport Project COFAR, et la Ville de Tremblay-en-France, 30 p.

150

Charlier B., 2004, « Qualité du cadre de vie, nuisances sonores et « Capital spatial d’habitat » en milieu urbain : l’exemple de Pau », Revue géographique des Pyrénées et du Sud- Ouest européen, n°17, p 27-40. .

151 Cf. chapitre II

152 Rozec V., Dubois N., 2002, « Etude de la psychologie des parisiens liée aux plaintes environnementales », rapport Mairie de Paris.

108

Fig. 6 - Les régions où il y a le plus d’habitants qui se déclarent gênés par le bruit, sont les régions les plus urbanisées de France (Ile de France, Alsace, PACA et Nord-Pas de Calais)

109

Plusieurs études traitent en outre les plaintes liées au bruit et les relations aux voisinages qui semblent conditionner la gêne153 : la majorité des plaignants ayant de mauvais contacts avec leurs voisins (59%) s’estiment très sensibles au bruit (88%)154. En revanche, (53%) des personnes ayant de mauvaises relations avec leur voisinage estiment que leurs voisins ont une vie différente de la leur155.

La tolérance de la différence du mode de vie des voisins et la nature des relations de voisinage pourraient favoriser ou a contrario empêcher l’acceptation du bruit qu’autrui provoque. Cela permet par conséquent de diminuer ou augmenter le sentiment de gêne. Déjà en 1991, Aubrée156 a démontré qu’une population ancienne peut se sentir dépossédée de son cadre de vie et même parfois de son identité sociale par l’arrivée massive d’une population nouvelle et bruyante. Selon le chercheur, l’intégration est l’un des facteurs qui déterminent le sentiment de gêne. L’exclusion ou l’intégration de l’individu dans un groupe social est relative à des critères de dominance sociale psychologiques et culturelle.

Le facteur culturel est donc d’une importance notable dans la perception du bruit. Nous évoquons à cet égard l’exemple de certains pays orientaux tels que le Liban, la Syrie, la Jordanie ou encore la Turquie où les bruits nocturnes sont beaucoup plus tolérés que dans les pays européens.

Cette tolérance au bruit est due au mode de vie adopté dans ces pays puisque les villes du Sud sont très animées et vivent jusqu’à des heures très tardives du soir. Les activités commerciales et la restauration cessent leurs activités aux premières heures de la journée.

Un autre exemple concerne en général les pays méditerranéens où les bruits provoqués dans les premières heures de l’après midi sont difficilement tolérables en raison du caractère "sacré" de la sieste. L’appartenance culturelle médiatise donc notre appréhension sonore ainsi que nos représentations. (Florentine, Namba, Kuwano1986 ; Namba 1994).

153

Bertoni D., Franchini A., Magnoni M., Tartoni P., Vallet M., 1993, « Reaction of people to urban traffic noise in Modena, Italy, Proceeding of noise and man », Noise as a public health problem, 5-6 July, Nice p 593-596.

154 Rozec V., Dubois N., 2002, « Etude de la psychologie des parisiens liée aux plaintes environnementales », op.cit

155 ROZEC V., 1997, « Sommes- nous tous égaux devant le bruit ? », Echo bruit n°82, p26-27

156Aubree D, 1991, « Le confort acoustique : indices sonores et critères sociaux », actes préparatoires du colloque : La qualité sonore des espaces habités, Grenoble, CRESSON, 20-22 mars, p7.

110

D’autres études notamment celles de Fields et Walker157 montrent que la gêne est très forte chez les individus qui pensent que le bruit est évitable tandis qu’elle est modérée à des niveaux sonores identiques pour les personnes qui considèrent le bruit comme phénomène inéluctable. Le désagrément est étroitement lié à l’acceptation ou non du bruit comme phénomène inéluctable dans l’environnement.

Ainsi la gêne, mêlée aux multiples contextes non acoustiques du bruit, pourrait permettre d’expliquer les différentes réactions et stratégies d’ajustements à l’égard du bruit (fuir le bruit, le vivre, l’accepter et tenter de le réduire, mobilisation et actions de refus).

Source : M. Abou Warda

Fig. 7 - Le bruit, phénomène sensoriel et psychologique

157 Fields J, M., Walker J.G., (1982) « Comparing the relationship between noise levels and annoyance in different surveys: a railway noise vs. aircraft and road traffic comparison» Journal of Sound and Vibration, n°81-1, pp 51-80.

Emission Propagation Réception (Appareil auditif) L’individu La société (Groupe d’individus) Gêne individuelle Gêne collective

Le son : phénomène sensoriel La gêne : phénomène psychologique

111

Fig. 8 - Les deux aspects complémentaires du bruit Source : M. Abou Warda

Sons Gêne

Phénomène matériel Phénomène immatériel

Nature physique Nature psychologique

Approche quantitative Approche qualitative

Caractère objectif Bruit Caractère subjectif Ondes, propagation, intensité fréquence, temps Sentiment de bien-être et tolérance d’une personne donnée dans

un espace donné

Contexte technique Contexte social, spatial,

112

La qualification des sons indésirables est soumise à des variables singulières et consensuelles. La façon dont l’individu perçoit le son n’est définie qu’au regard de ses rapports à son environnement. La conversation des voisins atteignant 60 dB peut paraître plus gênante pour certains, que le bruit de la circulation158 (Cohen et al. 1984) Il s’agit donc d’une notion individuelle qui nous ramène à une logique personnelle du vécu.

Mais la réalité de la gêne reste tout de même collective. Nous la sentons à la maison, dans la rue, dans les espaces publics au rythme de notre vie quotidienne. La gêne est donc ressentie à travers la pratique sociale des lieux. Nous vivons dans un environnement dans lequel nous sommes souvent exposés au bruit.

Le phénomène sensoriel se traduit aussitôt en un phénomène psychologique individuel et collectif : la gêne. Notre intérêt est de montrer comment la gêne pourrait être l’un des éléments les plus pertinents dans la redéfinition des rôles et responsabilités non seulement en matière de bruit mais également dans l’ensemble des domaines liés à l’urbain ou, autrement dit, dans quelle mesure le vécu des habitants peut-il conduire à accroître leur intérêt à participer à la prise de décision.

158 Cohen S., Spacapan S., 1984, « The social psychology of noise », Noise and Society, edited by D. Jones and A. Chapman. Chichester, England: Wiley. pp 221-245.

113

Chapitre III : Les dimensions objective et subjective du