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1.2 Les devoirs et les droits ou la confiance contractuelle entre un roi et son commensal

1.2.1 Au service de Sa Majesté : les devoirs impartis aux garçons ordinaires de la Chambre

1.2.1.1 Modalités d’organisation

La mise en lumière d’un devoir de service ne peut se concevoir sans appréhender l’environnement de fonction. L’approche descriptive du quotidien d’un garçon de la Chambre a comme ambition de cerner les conditions d’organisation spatiales et fonctionnelles dans le cadre de la Chambre du roi ainsi que les sphères communes aux familiers de la cour. Ce partage des lieux s’articule dans un cadre

159 Piganiol, Introduction, op. cit., t. I, p. 399. 160 N. [Besongne Nicolas], op. cit., 1677, t. 1, p. 103

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strictement réglé et investi par l’autorité suprême qu’est celle du roi. Il participe de concert avec l’ensemble de la commensalité à la réalisation de la première partie d’un engagement, le service du roi.

Dispositions de service

Les dispositions du service sont rappelées par Guyot à la toute fin du règne de Louis XVI :

« Les garçons de la chambre sont au nombre de six. […] Ceux qui sont de service doivent toujours être dans la chambre pour y recevoir les ordres de leurs supérieurs, & même du roi lui-même, quand ses supérieurs sont absents 161».

Cette définition n’a jamais été démentie entre 1663 et 1789, les sources confirmant en effet le nombre de garçons ordinaires affectés au service de la chambre.

Mais il est cependant important de noter que l’effectif était moindre sous Louis XIII. La cour des aides dans un état daté de 1634162 mentionne cinq garçons de la Chambre et trois de la Garde-Robe. Le déroulé du service n’est pas précisé mais en confrontant d’autres sources qui indiquent le même nombre d’officiers, on comprend comment il était envisagé. C’est un document de 1652, relatif aux valets de chambre qui permet de mieux saisir le dispositif :

« L'ordre que le roy veult estre tenu par les valets de chambre huissiers portemanteaux, Barbiers, tapissiers, menuisiers, vitriers et les garçons de la chambre : Les valets de chambre couchans en la chambre royalle ou aultres chambres qui soient cinq a scavoir un ordinaire deux par

161 Guyot (Joseph-Nicolas), Traité des droits, fonctions, franchises, exemptions, prérogatives et

privilèges annexés en France à chaque Dignité, à chaque Office, et à chaque Etat, soit Civil, soit Militaire, soit Ecclésiastique, Paris, chez Visse, 1786, t. I, p. 530.

162 A.N., Z/1a/487, f. 144, « Etat des garçons de la chambre et de la garde robe du roy arrêté par le roi Louis 13 à Chantilly le 26 juillet 1634, Signé Louis et plus bas de Loménie et reçu du greffe de la cour des Aydes de Paris suivant l'arrêt du 19.Xbre 1634 est composé du nombre d'officiers qui suivent dont les gages ne sont point compris au dit Etat. Cinq garçons de la chambre ; trois garçons de la garde- robe. Ce que dessus extrait et collationné par nous conseiller du roy greffier greffier garde sacqs et dépôts de la ditte cour des aydes dépositaire des Etats des officiers de la maison du Roy et autres Soussigné sur l'original des dits Etat depuis lequel il n'a été mis au dit greffe aucun nouvel Etat des dits officiers jusqu'au quinze juillet 1664. Signé Rainée ».

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certain temps dont l'un y demeurera tant qu'il voudra, a l'aultre quand il n'y sera point, et deux aultres par six mois163».

L’organisation semble ainsi complexe et manque de précision quant au temps imparti à chaque officier. L’ordinaire semble être requis à l’année et partage ainsi le service avec deux autres valets qui alternent leur temps à la cour selon des besoins qui semblent définis par consentement mutuel pour satisfaire l’exigence de service. Deux autres valets sont également requis pour un service semestriel, ce qui laisse entendre que le roi a constamment trois garçons ordinaires affectés à son service.

Un mode organisationnel difficile à cerner

Cette organisation a le mérite de souligner que loin d’être entièrement rigide, l’organisation est adaptable et n’entre pas complétement dans une logique de quartier, semestre ou à l’année, tous les cas de figure pouvant se rencontrer dans un même service, et dans notre cas dans une charge identique. Ce constat est également dressé pour les années suivantes.

À partir de 1663, les États de la France précisent que six garçons de la Chambre sont couchés sur l’état de la Maison du roi, mais notons que cette date ne permet pas d’attester à quel moment l’augmentation de l’effectif a été envisagée. On peut seulement faire remarquer qu’à la fin du règne de Louis XIII en 1643, l’organisation était encore sous la même configuration, avec cinq garçons ordinaires164. Par ailleurs, les États de la France ne stipulent pas de quelle façon la présence de l’officier est requise. En revanche, d’autres charges bénéficient d’une parfaite lisibilité. Ainsi, l’organisation par quartier est parfaitement connue pour les services des premiers valets de chambre, des huissiers de la Chambre, des valets de chambre ou des portemanteaux. Ces officiers se partagent l’année par trimestre, le premier quartier commençant à l’année civile en janvier, le second en avril, le

163 Cf Mathieu Da Vinha, op. cit., tiré de L’Estat général des Officiers Domestiques & Commançaux de

la Maison du Roi, de la Reine, & de Monsieur le Duc d’Anjou, qui doivent jouïr des privileges (…),

Paris, 1652, p. 40. Voir également le texte de la chambre des comptes sous la référence KK544, f. 75. 164 A.N., J//906 - Pièce n°56, 13 juin 1643. Quittance notariée des garçons de la chambre, Charles du Fresny, dit Rivière ; Jacques Antoine dit Laplante ; Gille Tourtillière ; Jean Tiffènes dit Danobis fils et Jacques Bicourt.

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tierce en juillet et le dernier en octobre. D’autres, comme les porte-arquebuses, les porte-chaises d’affaires ou les gentilshommes ordinaires de la Chambre servent par semestre en 1749165 tandis qu’en 1789166 le service par quartier prime pour cette dernière charge. Ces adaptations organisationnelles se définissent pour la plupart en raison des effectifs, le nombre d’officiers prédisposant un service par semestre ou par quartier selon le multiple requis, multiple de deux pour le semestre, multiple de quatre pour le quartier.

Mais un document de 1779 consultable dans les papiers du grand Chambellan167 indique d’autres raisons peut-être moins avouables, qui concernent les manquements du service des gentilshommes ordinaires :

« Le Roy s'étant aperçu du peu d'exactitude avec laquelle ses gentilshommes ordinaires remplissent leur service auprès de sa personne, vient d'en rendre un règlement pour fixer la manière dont ils serviront à l'avenir (...). Je vous envoye pareillement la liste des quatre quartiers afin que vous puissiez vous concerter avec ceux de messieurs vos camarades avec lesquels vous vous trouveres de service ».

Le roi prévoit de cette façon six gentilshommes par quartier outre le doyen, procurant ainsi à la trentaine d’individus concernée une aisance dans un quotidien ponctué par les maladies ou les absences en province sans mettre en péril le bon fonctionnement de l’office.

Relativement aux garçons de la Chambre, on peut également émettre des hypothèses construites autour du nombre d’officiers. Nous avons déjà remarqué que les garçons de la Chambre étant au nombre de six, l’organisation par semestre se prêterait plus volontiers à un service qui verrait ainsi se partager deux individus par semestre, à l’instar de ce qui est pratiqué par les sommiers de paneterie-commun168. De plus, un autre indice semble exclure le service par quartier. Les réformes des maisons royales à la fin de l’Ancien Régime qui visaient à exclure les officiers servant par quartier, ne touchent pas les garçons ordinaires. L’organisation par semestre est

165 Anonyme (Religieux augustin déchaussé), Les États de la France, chez Ganeau, Paris, 1749, t.I. p. 328.

166 État général de la France enrichi de gravures, éd. L.-C. comte de Waroquier, Paris-Versailles, chez l’auteur-et al, 1789, t. I, p. 88.

167 A.N., O1 820, f. 138, 03.VII.1779, document numérisé consultable au Centre de recherche du château de Versailles, vues 137 et 138.

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donc une piste envisageable. Cet arrangement de service aurait l’avantage d’accorder à l’équipe ayant terminé son office à la cour, une année complète avant le prochain roulement, élément qui peut s’avérer crucial pour vaquer à ses affaires personnelles. L’hypothèse est posée malheureusement sans certitude, les États de la France déclinant autant d’exemples différents pour une même équipe de six hommes. Ainsi, les six serts-d’eau servent deux mois chacun169 mais sans plus de précision concernant la division par équipe (deux ou trois hommes tous les deux mois) ou une personne uniquement pendant la période de service, autant de questions non résolues.

Le témoignage des contemporains apporte en revanche d’autres éléments. Le journal des Anthoine fournit explicitement un exemple de service par binôme170, tandis que les États de la France171 de 1712 précisent que François Anthoine cumule la charge de garçon ordinaire à celle de porte-arquebuse et sert pour cette dernière charge au semestre de juillet, préservant peut-être le semestre de janvier pour ses fonctions de garçon. Mais si l’hypothèse est envisageable, il reste surprenant que les États de la France ne spécifient pas le rythme de service quand ils le font précisément pour les autres officiers servant par semestre.

Chez la reine, à la fin de l’époque moderne, le service des garçons ordinaires est évoqué par madame Campan : « Les garçons de la chambre, au nombre de quatre, servaient alternativement par quinzaine172».

L’hypothèse d’un service par binôme toutes les trois semaines peut ainsi être avancée si l’on devait étendre le modèle à la Chambre du roi. Ce n’est pas la

169 État de la France, 1663, op. cit., p. 27.

170 Travers (Julien), Analyse et extraits du journal historique ou récit passé de ce qui s’est passé de

plus considérable pendant la maladie et à la mort de Louis XIV, roi de France et de Navarre, par les sieurs Anthoine, Imprimerie impériale, 1865, p. 7.

171 Trabouillet Louis, Les États de la France (…), Paris : chez Jérôme Trabouillet, 1712, p. 175.

172 Campan (Jeanne-Louise-Henriette), Mémoires sur la vie de Marie-Antoinette reine de France et de

Navarre, suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI : par Mme Campan, lectrice de Mesdames, première femme de chambre de la reine et depuis surintendante de la maison d'Ecouen, avec une notice et des notes par M. François. Barrière,

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définition du terme ordinaire dans le dictionnaire Furetière173 qui peut aider à comprendre le système de service, Furetière appelant ordinaire plusieurs officiers qui servent toute l’année, mais uniquement en l’absence des officiers de quartier. Ainsi, les conseillers d’état ordinaires « sont les douze qui servent toute l’année, à la différence de douze autres qui ne servent que par semestre ». Mais Furetière, loin de nous aider, mentionne ensuite l’exemple du gentilhomme ordinaire qui sert par quartier, rappelant ainsi la polysémie du terme ordinaire qui peut signifier également une présence par service discontinu.

Ajoutons à toutes ces réflexions que les six garçons ordinaires sont en réalité plus nombreux. Il faut en effet compter sur l’appui de chaque survivancier qui peut ainsi se substituer au service lors des défections de leur aîné. Quoiqu’il en soit, les diverses sources se taisent à ce jour sur le roulement imposé par le service de la Chambre174.

De même d’autres dispositions peuvent amener un regain d’effectif. L’emploi de surnuméraire est en effet attesté par Charles Loyseau175 qui confirme la pratique en attente de la confirmation de la retenue : « Les rois et les chefs d'offices donnent des retenues en expectatives. Ils « les couchent sur l'état, sans expression néanmoins d'aucun gages » et en attendant leur vacation (que la place se libère). Parce que ce système était fréquent, « de là est venu que toutes provisions de ces places de domestiques du Roy sont appelées Retenue », bien qu'elles soient faites après la vacance et que ce soient de vraies provisions.

Passées les considérations organisationnelles, attardons-nous maintenant aux attributions du garçon ordinaire dans le cadre du service de la Chambre du roi.

173 Furetière Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux

que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, Paris : 1690, t. 2, non paginé,

ORDINAIRE.

174 Larousse (Pierre), Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique,

mythologique, bibliographique (...), Paris : Administration du grand dictionnaire universel, t. 8, 1872, p.

1014. Le dictionnaire Larousse mentionne en revanche un service par quartier, mais on peut douter de cette mention en raison de la publication très tardive et des erreurs relevées à l’article des valets

de chambre, t. 15, p. 742.

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