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1.2 Les devoirs et les droits ou la confiance contractuelle entre un roi et son commensal

1.2.2 Droits, rétributions, et privilèges comme contrepartie de l’engagement royal

1.2.2.2 Des droits rémunérateurs

Droit de bougies

Le droit de bougies semble être au cœur des préoccupations des garçons ordinaires. L’année 1686224 stipule en mentionnant les garçons ordinaires que « les restes de cette cire leur apartiennent, hormis à Versailles ». L’assertion est mieux expliquée l’année suivante. Nous avons déjà évoqué comment en 1687 les États de la France mentionnaient la répartition des attributions de l’allumage des lustres dans les appartements du roi, les fonctions des huissiers de l’antichambre étant limitées à l’antichambre tandis que celles des garçons ordinaires l’étaient aux deux chambres du roi225. Les garçons du château étaient quant à eux affectés au salon, cabinet et

221 N. [Besongne Nicolas], op. cit., 1677, t. I, p.103. 222 Besongne N., op. cit., t. I, 1698, p. 183.

223 Furerière, Dictionnaire (…), op . cit., « DROIT », non paginé.

224 N. [Besongne Nicolas], Les États de la France, Paris : chez Jean Guignard, 1686, t. I, p. 132. 225 Sans préciser pour autant s’il s’agit de la chambre d’audience, chambre d’État ou chambre royale selon l’étiquette de 1585 imposée pour la première fois par Henri III. Voir Chatenet Monique, « Construire l’espace au XVIe siècle », pp. 20-21 dans Construire l’espace au XVIe siècle : actes du

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autres pièces de l’appartement. Cette répartition n’a lieu qu’à Versailles, les autres résidences partageant l’espace de la chambre entre huissiers de l’antichambre et garçons ordinaires de la Chambre, qui outre les chambres ont le cabinet sous leur tutelle.

Mais la répartition spatiale est en réalité conditionnée à la fourniture du bien. En août 1739, à l’occasion de la fête donnée par le marquis de La Mina, Luynes226 évoque ces particularités qui induisent un partage selon l’origine du département ayant fourni la cire. On en saisit d’autant mieux la logique du droit de bougies :

« Il y a eu quelques difficultés par rapport à la galerie dans les fêtes ; c’est le premier gentilhomme de la chambre, et par conséquent les Menus qui sont chargés de faire fournir les bougies, et le profit des bougies qui restent se partage dans la chambre et donne lieu ordinairement à plusieurs contestations, quoique l’objet soit peu considérable. Lorsque c’est appartement, c’est le gouvernement qui fournit les bougies, et ce sont les garçons bleus qui en ont le profit, comme dans le salon de Marly ; c’est aussi dans ce cas que les garçons bleus donnent les cartes, les tables, et qui en ont le profit ; au lieu qu’en cas de fête, ce sont les valets de chambre du Roi ».

Luynes227 est particulièrement soucieux de détails, et même s’il fait part de son incompréhension quant à l’objet de ces contestations qu’il considère de faible importance au regard de l’apport financier généré, on ne peut qu’être surpris quand il rappelle que ce droit de bougies a ouvert la même année deux réglements consécutifs qui dénotent une attention toute particulière. Ces prescriptions seront néanmoins infirmées par le roi au profit des garçons ordinaires à la suite d’une dispute avec les huissiers, montrant ;

« Enfin à l’égard du profit des bougies, il y a eu deux réglements : l’un de M. de la Trémoille228, signé de lui, au mois de février 1736, dans son année, et l’autre en conformité de celui-ci,

XIVe colloque du Puy-en-Velay, (dir. Marie F. Viallon), Université de Saint-Etienne, 2008 - 251 pages. L’élaboration de la « dignité spatiale du roi de France » comme le souligne l’auteur est repris par les successeurs d’Henri III. Voir également L’Estat général des Officiers Domestiques & Commansaux de

la Maison du Roy, de la Reine, & de Monsieur le Duc d’Anjou, qui doivent jouïr des privileges (…),

Paris, 1652, p. 40.

226 Luynes, op. cit., t. III, 1860, p. 11. Le marquis de La Mina était alors ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du roi d’Espagne.

227 Luynes, op. cit., t. II, 1860 , p. 370, février 1739.

228 La Trémoille (Jean-Bretagne-Charles-Godefroy de La Trémoille, prince de Tarente, duc de) (1708- 1741), premier gentilhomme du roi à survivance dès février 1717, qui exerce ensuite jusqu’en mai 1741.

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peu de jours après, signé de M. de Châtillon229, pour que le retour des bougies appartint aux huissiers suivant l’ancien usage ».

Cette attention pour le droit de bougies laisse supposer un intérêt financier. C’est un document non daté230, à mettre en relation avec les réformes de la Chambre de la toute fin du XVIIIe siècle, qui positionne tout l’enjeu. Ce dernier fait l’objet d’une demande d’indemnité à hauteur d’une gratification de 1000 livres annuel, somme revenant aux garçons ordinaires « sur les bouts de bougies qui se brûlent dans la chambre du roi tant à Versailles qu’à Fontainebleau et à Compiègne et leur tient lieu de bénéfices ». Les officiers assurent qu’ils sont en état de « justifier par la communication de leur registre que le produit de ces bougies équivaloit annuellement à la somme qu’ils demandent » et ajoutent :

« que ce droit forme la principale portion du revenu de leurs charge dont le prix est de 70 000 livres et l’intérêt infiniment au-dessous de leur capital, et que le bénéfice qu’ils en retiroient étoit d’autant plus important pour eux que la fruiterie leur en tenoit compte régulièrement tous les trois mois et qu’ils y trouvoient les moyens de supporter plus facilement les retards qu’ils éprouvent dans le payement des autres parties du revenu de leurs charges ».

Ce document indique également les modalités de vente de la cire auprès de la fruiterie, ainsi que les dispositions de paiement trimestriel. Le droit de bougies est essentiel dans l’équilibre budgétaire fragile des garçons ordinaires mais également dans celui des deux huissiers de l’antichambre qui dans le même acte demandent une indemnité annuelle estimée entre 1400 et 1500 livres. Ces derniers argumentent de façon très précise, dénombrant lustres et bobèches des salles relevant de leur attribution, tant à Versailles Compiègne et Fontainebleau que durant les petits voyages du roi à Marly, La Muette ou Trianon.

Droit de serment

Le droit de serment, déjà évoqué pour éclairer l’expression de la hiérarchie au sein de la Chambre, se perçoit par les garçons ordinaires dès que « Gouverneurs,

229 Châtillon (Alexis-Madeleine-Rosalie, chevalier de puis comte de puis duc de) (1690-1754), gouverneur et premier gentilhomme de la chambre du dauphin entre 1735 et 1744.

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Lieutenans des provinces, Grans Officiers de la Courone, ou autres231» prêtent fidélité au roi dans la chambre.

Le journal de Dangeau permet de donner corps aux assertions juridiques par des indications plus concrètes. On se souvient par ailleurs grâce aux États de la France232 que la somme « n’est point fixée, mais plus grande, suivant l’étendue de la Charge ».

Le 23 juillet 1685, le marquis de Dangeau233 nous fait part des magnificences extraordinaires liées au mariage du duc de Bourbon et note également les sommes distribuées à l’occasion du serment, confirmant ainsi l’approche des États de la France :

« Le roi lui a donné la survivance des charges de M. son père et toutes les entrées chez lui, comme il les a données à M. le prince de Conty et à M. du Maine. Quand il prêta le serment de ses charges, M. le duc envoya aux premiers valets de chambre du roi 2000 pistoles, et 400 aux garçons de la chambre ».

Droit de jeu

Le droit de jeu concerne les profits du jeu234 pour les cartes fournies par les garçons ordinaires et était probablement très rémunérateur si on considère la fréquence des assemblées, le jeu faisant partie d’un véritable temps de cour seulement interrompu pendant le grand deuil.

Malheureusement pour les garçons ordinaires, ce droit ne leur était acquis que pour les résidences autres que Versailles. L’État de la France de 1687235 précise ainsi les espaces dédiés au droit de jeu pour les garçons ordinaires :

« Quand on joüe dans les Chambres & Cabinets de S.M. les garçons de la Chambre ont les profits du jeu : c’est-à-dire qu’ils partagent êgalement entr’eux ce que donnent les personnes qui

231 N. [Besongne Nicolas], op. cit., 1677, t. I, p.103. 232 N. [Besongne Nicolas], op. cit., 1687, t. I, p 217.

233 Dangeau Philippe de Courcillon, marquis de, Journal du marquis de Dangeau publié en entier pour

la première fois par MM. Soulié, Dussieux, de Chennevières, Mantz, de Montaiglon, avec les additions inédites du duc de Saint-Simon, Paris : Firmin-Didot frères, 1854, t. I, p. 200.

234 Guyot, op. cit., t.I, p. 530 : « Quand on joue dans les appartements du roi, les garçons de la chambre ont les profits du jeu pour les cartes qu’ils fournissent ».

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joüent : Mais à Versailles, le Sieur le Bel, concierge du château, & le Sieur Tourole Gardemeuble de Versailles ont à eux deux la moitié du profit du jeu des apartemens. Et les Garçons du château, les Garçons Tapissiers, deux Maîtres Froteurs, & quelques autres Garçons partagent entr’eux l’autre moitié, mais non pas également. ».

Ces dispositions s’appliquent également pour les garçons ordinaires de la reine. Les contestations apparaissent lorsqu’un site n’a pas donné lieu à des prescriptions spécifiques. Ainsi Luynes236 indique l’antagonisme entre garçons ordinaires et garçons du château :

« On avait disposé la table pour la cavagnole dans une des pièces qui précède la galerie. Sur cela il se présenta une occasion de difficulté pour savoir qui fourniroit au jeu ou des garçons de la chambre de la reine, ou des garçons du château. La reine décida que tout se passeroit comme à Marly, (...) ce furent les garçons du château qui servirent au jeu ».

Par ailleurs, en dehors des droits, les privilèges contribuent à parachever la partie de l’engagement du souverain.