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De l’opportunité des circulations entre départements et services

2 Les logiques d’accession, pérennisation et évolution à la cour de France

2.3 Évolutions individuelles et familiales

2.3.1 Attractivité des diverses maisons, départements et services : une hiérarchisation mouvante et à niveau multiple

2.3.1.2 De l’opportunité des circulations entre départements et services

Dans son étude consacrée à l’évolution de la Maison du roi au XVIIe siècle, Jacqueline Boucher518 constatait le désamour des grands pour les charges dites utiles qui concernent les sept offices tels le gobelet du roi, la cuisine-bouche, la paneterie, l’échansonnerie et la cuisine-commun, la fruiterie et la fourrière : « Ces services très utilitaires, puisqu’ils fournissaient les aliments, le bois et le moyen de s’éclairer, ne permettaient pas d’approcher familièrement le roi et ne tentaient pas les parents ou clients des Grands ».

Ce constat ne s’applique pas de manière si catégorique à la petite commensalité. Les garçons ordinaires de la Chambre font preuve de mobilité au sein de la Maison du roi, quittant parfois même la place convoitée d’un exercice proche du souverain. On note ainsi quelques cas de circulations.

Si Antoine Balligant de Saint-Quentin4-6 renonce à son service d’écuyer ordinaire de cuisine-commun pour devenir garçon de la Chambre, quatre garçons de la chambre cèdent en revanche leur fonction pour entrer dans un autre département de la même Maison du roi.

Charles Dufresny1-2 accepte ainsi vers 1682 la charge d’huissier du chambellan, fonction dépendante du bureau du roi et sous l’égide de la cuisine- commun ou Grand-Commun519. Antoine-Joseph Basire5-5 passe également de la Chambre à la garde ordinaire, avant d‘intégreren 1767520 la survivance de la charge de concierge de la Petite Écurie de Saint-Germain-en-Laye. Un troisième cas est attesté en la personne de Pierre Hugon de Masgontiere1-6 quiaccède à la survivance de garçon ordinaire en octobre 1753521 puis démissionne en 1771 de sa charge de garçon de la Chambre pour devenir maître d'hôtel522 de la Maison-Bouche du roi.

518 Boucher (Jacqueline), op. cit., p. 368. 519 État de la France, 1736, op. cit., t. I, p. 220

520 A.N., O1 111 f.143, 10.VI.1767, survivance après démission de son oncle Joseph Basire. Mention dans l’acte de son état précédent de gendarme ordinaire de la garde.

521 A.N., O1 97, p. 272, 23.X.1753, survivance.

522 A.N., O1 117, p. 215, 30.I.1771, survivance à la suite de son père. Estimation des gages selon les années 1644 (900 livres, BNF, Ms. fr. 7854, f. 332v°, officiers domestiques de la maison de Louis XIII depuis l’an 1644) ; 1749 (800 livres L’État de la France, op. cit., année 1749, t. I, p. 124) et 1789 (600 livres, L’État de la France, op. cit., année 1789, t. I, p.303).

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Enfin, François-Claude Antoine2-5, déjà évoqué dans le cadre des cumuls de charges, démissionne de la charge de garçon de la Chambre pour exercer celle de maréchal des logis en décembre 1767523.

Certains parcours sont plus imprécis et ne permettent pas de cerner l’attractivité des postes convoités. On ignore si Antoine Basire5-3 etGeorges Binet4-2 quittent leur charge de garçons ordinaires ou exercent en cumul de charges d’autres fonctions. On ne peut que citer la nomination d’Antoine Basire5-3 à la conciergerie de la Petite Écurie en mai 1699524, puis son obtention en 1719525 de la charge de sommier d'Échansonnerie-Bouche. De même, Georges Binet4-2 est mentionné maréchal des logis526 et garçon ordinaire en 1663 mais on ne sait s’il y a cumulation ou s’il s’agit d’une arrivée ou d’un départ.

Difficile de conclure à une attraction plus constante d’un département à un autre. Il faut ici se résoudre à appréhender les déplacements entre départements selon une opportunité parfois introduite par le réseau d’une famille apparentée, mais non soumise nécessairement à un mécanisme avéré. L’étude des circulations entre services aboutit aux mêmes constats.

Nous ne reviendrons pas sur les différentes composantes des hiérarchies internes à la Chambre du roi abordées dans un chapitre antérieur, qui soulignent les interpénétrations entre le rang et la fonction, ainsi que leur lien de subordination parfois concurrente527. Certains services sont plus nettement associés à une typologie de parcours interne. La Maison-Bouche en est l’une des illustrations. Le secrétariat de la Maison du roi donne à quelques reprises le parcours type d’une

523 A.N., O1 111, f. 460, 08.XII.1767, après démission de Joseph-Alexandre Imbert de Planty. Charge dépendante du département du grand maréchal des logis. Estimation des gages selon les années 1644 (800 lt BNF, Ms. fr. 7854, f. 342°, officiers domestiques de la maison de Louis XIII depuis l’an 1644) et 1789 (800 livres de gages, 400 de récompense et 900 livres extraordinaires, L’État de la

France, op. cit., année 1789, t. I, p. 149)

524 A.N., O1 43, f. 160, 28.V.1699, après le décès de Gilles Richaud.

525 A.N., O1 63 f. 52, 14.II.1719, retenue après démission de Pierre Alexandre Loqueville de Bauzaucourt.

526 Gustave Chaix d’Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises, tome IV, 1905, pages 290-291. Les sites de généalogies avancent sans préciser les sources la date de mars 1663.

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ascension par le service528, l’officier occupant successivement les charges de galopin, de potager puis de hâteur, avant de n’accéder à celles de maître-queux de cuisine bouche puis d’écuyer de cuisine bouche.

Il était intéressant de voir dans la famille Balligant, déjà évoquée pour son implantation à la bouche et au commun, un exemple de cheminement professionnel qui pouvait s’expliquer par la fréquentation lors du service de la table du grand Chambellan. Mais l’étude des itinéraires domestiques des garçons ordinaires n’atteste d’aucune logique de passage d’un service à un autre. On n’observe aucune récurrence d’action qui s’apparenterait à ce que Mathieu Da Vinha529 avait dégagé dans son étude sur les valets de chambre lorsqu’il avait constaté que les logiques ascendantes concernant les valets de chambre suivaient la règle tacite « selon laquelle l’ancien de la Garde-Robe montait à la Chambre ».

Les changements de services semblent comme les départements soumis aux mêmes considérations d’opportunités. Sur l’échantillon étudié, la famille Anthoine est la seule qui témoigne d’un attachement à la Chambre du roi. Ses membres cumulent en effet leur charge de garçon ordinaire avec celles de gouverneur des petits chiens et porte-arquebuse (Annexe 5).

Les Binet, quant à eux cumulent à partir de 1682530 leur charge de garçons de la chambre avec celle de conduite et gouvernement des volailles en la basse-cour du château de Saint-Germain-en-Laye, service émanant des Bâtiments du roi. Jacques Binet4-3 reprend en effet la charge en survivance de son beau-père Honorat Berthelot de la Rabellerye, alors également concierge de la Volière neuve du château. Il démissionne ensuite de sa charge de garçon ordinaire en décembre 1718531 pour accepter celle de premier valet de garde-robe532, charge qu’il transmet immédiatement en survivance à son fils Georges-René4-5.

528 A.N., O1 41, f. 14v, 28.I.1697 et A.N., O1 56, f. 69, 13.III.1712 pour respectivement la cuisine Bouche et l’échansonnerie Bouche.

529 Da Vinha, op. cit., p. 326.

530 A.N., O1 26, f. 164 v°-165, 07.VI. 1682, brevet de survivance.

531 A.N., O1 62, f. 280, retenue de garçon ordinaire de la chambre pour le sieur Baligan de Saint- Quentin sur la démission des sieurs Binet père et fils.

532 A.N., O1 62, f. 274, 08.XII.1718, retenue sur démission du s. Bachelier et f. 276 v°, 11.XII.1718, brevet d'assurance.

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Il est indéniable que les circulations favorisent l’émergence d’une hégémonie familiale qui s’exprime dans la succession ou le cumul des diverses occupations spatiales. Par ailleurs, l’étude de ces parcours professionnels aboutit à un second questionnement. La diversité des parcours individuels est–elle concomitante avec une évolution sociale pouvant témoigner de réussites individuelles ou familiales ?