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Cadre théorique et questions de recherche

1. Un modèle de scolarisation d’une QSS- Le modèle de Albe (2007)

Albe (2007) a proposé « un modèle pour une écologie des controverses

socioscientifiques » qu’elle a construit pour fournir un cadre théorique à l’étude de la

scolarisation des controverses socioscientifiques avec une visée d’intervention par la conception de situations de classe et avec une visée d’analyse didactique de celles-ci. Elle a construit son modèle à partir d’éléments théoriques, d’élements issus de revue de littérature et de ses propres travaux de recherche. Dans son modèle, elle s’est attachée à identifier les éléments qui jouent un rôle dans la complexité d’une situation de classe construite autour d’une QSS qui met en interaction un enseignant et des élèves. De plus les connexions entre les différents éléments ont été aussi questionnées car ils ne sont pas à considérer de façon isolée mais dans leurs relations les uns avec les autres. C’est pourquoi, il nous faut donc avoir à l’esprit ce tissage intime entre ces différents éléments identifiés par Albe (2007) avant de nous lancer dans la conception de notre situation de classe.

Le modèle de Albe (2007) est construit autour de 3 dimensions qui caractérisent des pratiques d’enseignement et d’apprentissage lorsqu’un enseignant et des élèves sont confrontés à des situations impliquant des QSSs. Ces trois dimensions qu’elle qualifie de (1) dimension épistémologique (2), de dimension de communication (3) et de dimension de l’activité du groupe classe sont présentées sur le schéma ci-après qu’elle a proposé.

Figure 3. Schéma proposé par Albe (2007)- “Modèle pour une écologie des controverses socioscientifiques”

• La dimension épistémologique vise « à permettre d’étudier comment est prise en

compte en classe la diversité des savoirs et pratiques de référence à propos de controverses scientifiques” (Albe, 2007, p 344). Quand il s’agit de traiter d’une QSS, les savoirs mobilisés

ne sont pas des savoirs établis une fois pour toute mais des savoirs entrain de se construire ou tout du moins qui ne sont pas stabilisés. Pour Albe (2007), le traitement d’une QSS en contexte scolaire implique de prendre en compte les différents types de savoirs ainsi que la diversité des références pour appréhender ces QSSs. De ce fait, l’enseignant comme les élèves se voient confrontés à des savoirs de genres différents (Chevallard, 1991 ; Legardez, 2006) autres que les savoirs scolaires habituellement au cœur du contrat didactique traditionnel. Albe (2007) a catégorisé ces types de savoirs en 3 groupes :

-des savoirs et des pratiques de référence produits dans différents groupes sociaux

-des savoirs sociaux ou « naturels » définis par Albe (2007) à la suite de Legardez (2006) comme des savoirs construits en dehors du contexte scolaire

-des savoirs scolaires définis en référence à Legardez (2006) comme des savoirs construits entre l’enseignant et les élèves qui prennent appui sur des savoirs produits par différents groupes comme par exemple les savoirs scientifiques issus des programmes scolaires.

Albe (2007) souligne alors l’impact que peut avoir la prise en compte de ces savoirs non habituels pour l’enseignant dans le choix des ressources qu’il utilise lors de sa séance. Il est donc nécessaire d’en tenir compte lors des activités de classe, lorsque les élèves seront amenés à utiliser ces ressources ou qu’ils auront eux-mêmes à sélectionner ou rejeter des ressources documentaires. Les QSSs ne se réfèrent pas uniquement à des savoirs et des pratiques incontestées ou incontestables, ce qui génère des difficultés dans leur traitement en classe. L’enseignant va devoir faire avec ces savoirs et pratiques de référence et leurs

relations avec les savoirs scientifiques issus des programmes scolaires qui sont eux même issus des savoirs savants établis. Il en suit que l’enseignant engagé dans une activité impliquant une QSS n’est plus dans une posture traditionnelle, seul détenteur du savoir. Cela pose alors la question des interactions entre celui-ci et ses élèves. Se pencher sur les interactions enseignants-élèves-genre de savoirs, pousse à se questionner sur des éléments que Albe (2007) regroupe dans la dimension de l’activité du groupe classe.

• Il s’agit dans cette dimension d’activité du groupe classe, « de se focaliser sur la confrontation des idées entre enseignants et élèves et sur lʼorganisation des activités, en cohérence avec la double visée de modèle, dʼanalyse et de conception de situations dʼenseignement » (Albe, 2007, p. 345). Cette dimension englobe alors des questions de

posture que l’enseignant est amené à adopter. Doit-il adopter une posture de « neutralité exclusive », « une partialité exclusive », « une impartialité neutre » ou « impartialité engagée », comme catégorisées par Kelly (1986) dans ses recherches ? Des questions d’éthique enseignante et de responsabilité sont d’après Albe (2007) en jeu dans ce choix et elle propose alors aux enseignants qui seraient confrontés à cette question de choisir une posture « d’engagement critique » que nous pouvons supposer qu’elle apparente à une posture d’impartialité engagée (Kelly, 1986). Pour ce qui concerne les interactions entre l’enseignant et les élèves, elle prend aussi en compte différents paramètres comme les modalités d’organisation de la classe, les productions des élèves, l’évaluation, l’utilisation des ressources qui posent à nouveau la question des types de savoirs qui sont mis en jeu dans ces situations scolaires et de leur circulation entre les enseignants et les élèves. Les questions controversées nous interpellent donc sur les différents genres de savoirs que mobilisent les élèves et les enseignants face à une multiplicité de sources d’informations véhiculant des savoirs non stables liés aux groupes auxquels appartiennent les auteurs et qui suscitent la confrontation d’idées et la prise en compte de la parole d’autrui. Cela nous conduit donc à la dernière dimension du modèle, la dimension communication.

• Cette dimension de communication est entendue par Albe (2007) comme ce qui «porte sur la confrontation dʼidées et de paroles des élèves entre elles » (Albe, 2007, p. 344). Elle se

penche sur les conditions nécessaires à tout dialogue qu’elle nomme les « vertus de communication » en référence à Levinson (2006) : la patience, la tolérance, le respect des différences, une attitude ouverte et égalitaire permettant d’entendre des points de vue divergents, l’honnêteté et la liberté dans l’expression des propos. Mais au-delà de ces règles de communication élémentaires valables pour n’importe quelle discussion, Albe (2007) propose de pousser plus avant et d’examiner les modes de discours des élèves en référence à Mercer (1996) qui les a catégorisés en 3 types : les discours cumulatif, conflictuel et d’exploration. Il s’agit pour Albe (2007) d’examiner quels sont les éléments qui permettent aux élèves de s’engager dans un discours d’exploration qui est pour Mercer (1996) le mode de discussion dans lequel les participants ont une discussion critique mais constructive des idées de chacun. Dans ce mode de discussion, tous les points de vue sont pris en compte, les propositions sont expliquées, justifiées et évaluées. L’accent est mis sur le partage des informations, l’argumentation et la responsabilité collective face à une éventuelle décision finale. C’est pour Mercer (1996), le mode de discussion dans lequel le raisonnement est rendu visible et où les connaissances sont prises en compte : « It is langage in which reasonning is

made visible and in which knowledge is made accountable ». A travers ses propos nous

pouvons comprendre qu’il considère que le discours d’exploration est le plus adapté à la résolution de problèmes lors d’activités collaboratives et que ce type de discours doit être encouragé par le choix des activités par les praticiens. La dimension de l’activité du groupe

classe (Albe, 2007) ne doit donc pas être prise en compte indépendamment de la dimension communication (Albe, 2007), puisque les choix des activités, du type de production et d’organisation auront un impact sur la manière dont les élèves s’engageront dans la discussion.

Par ailleurs, comme évoquées ci-avant, les trois dimensions n’apparaissent pas comme indépendantes et ne peuvent pas être considérées séparément les unes des autres. Elles sont de plus, selon le modèle de Albe (2007) fortement connectées au contrat didactique. Celui-ci peut avoir de fortes influences sur l’engagement des élèves et de l’enseignant dans l’étude d’une QSS, la répartition habituelle des rôles étant modifiée. Mais réciproquement la prise en compte des dimensions dans la construction de la situation de classe peut également bousculer le contrat didactique habituel.

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