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III. Réflexion sur l’argumentation publicitaire dans les affiches publicitaires algériennes

III.2 Convaincre n’est pas vendre

III.2.1 Une marque, des représentations

Nous avons choisi comme exemple l’I-phone parce que le rapport des personnes à la publicité, dans un contexte algérien, n’est pas le même que dans les pays occidentaux. À l’époque où nous avons commencé notre travail sur la publicité en Algérie, le paysage urbain n’était pas truffé de publicités. En effet, malgré la présence de quelques panneaux publicitaires distribués de manière aléatoire sur les routes, le face à face avec la publicité était beaucoup plus fréquent à la lecture des journaux quotidiens ou à la télévision. Ce n’est qu’à partir de 2012 que les villes algériennes, et plus précisément la ville d’Oran, ont connu une affluence de panneaux et d’affiches publicitaires qui ont habillé les rues, les routes, les immeubles et les transports en commun des villes.

139http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no consulté le 1 juil. 14

140 http://www.7sur7.be/7s7/fr/4133/Multimedia/article/detail/1729330/2013/10/25/Pourquoi-l-iPhone-5C-ne-se-vend-pas.dhtml. Consulté le 24 mai 2014.

Notre exemple porte donc sur la marque Apple et sur son produit phare, l’I-phone. Dernièrement, la marque Apple a mis en vente deux téléphones, les I-phones 5s et 5c. Ces deux derniers ont les mêmes capacités, les mêmes applications et les mêmes composantes, si ce n’est que le 5s a un petit plus : La touch ID, une touche digitale qui permet le déverrouillage de l’appareil plus rapidement et ceci grâce à l’empreinte de son utilisateur. Ceci dit, cette innovation n’est qu’un plus par rapport au 5c qui comporte les mêmes capacités techniques que le 5s. Toutefois, le 5c n’a pas vu ses ventes décoller bien qu’il soit nettement moins cher que le 5s141. La matière de fabrication des deux téléphones est différente : d’un côté l’aluminium et le verre pour le 5s et, d’un autre côté, le plastique pour le 5c.

Il est aussi possible, grâce à Internet, d’avoir un retour sur le produit dans des commentaires de la part de véritables consommateurs/ utilisateurs, des Geeks et des quelques critiques experts en la matière de la téléphonie mobile. Nous gardons toujours un fil conducteur dans notre démonstration, qui porte sur le fait que convaincre n’est pas vendre.

Nous avons trouvé dans des sites spécialisés tels que « Mac 4 ever », « Les Mobiles.com », Le « Tom’s guide » ou encore le « 01.Business magazine » des critiques de spécialistes et de blogueurs tels que Andy142 qui, en collaboration avec les chroniqueurs du site « Business magazine », apporte ses critiques sur les produits mis en vente par les grandes marques de la technologie143.

Pour comprendre pourquoi le 5c se vend mal, il faudrait revenir à son matériau de fabrication, c'est-à-dire au plastique et aux représentations des personnes de manière générale et des consommateurs de manière particulière sur cette matière. En effet, de manière générale, le plastique a une mauvaise représentation, d’une part, parce qu’il est remis à une échelle plus basse, c’est une matière peu couteuse, tout le monde peut se la permettre, cela fait du plastique une matière « bon marché » avec tout ce que bon marché connote comme image négative ; et, d’autre part, le plastique est une matière très peu écologique et polluante pour la terre comme pour la mer. De manière particulière, Le 5c est un appareil électronique considéré comme étant « fort sympathique »144 grâce à la multitude de coloris arc-en-ciel qu’il a. Il est fait en plastique

141Prix du I-phone 5s : à partir de 715 euros. Celui du C5 est de 599 euros.

142Une blogueuse très connue dans l’univers Geek. Andy essaye les nouveaux produits des marques spécialisés en technologie et apporte ses conseils et ses remarques soit positives ou négatives sur le produit essayé en utilisant youtube comme relai de communication.

143Vous trouverez dans les annexes, les commentaires les plus fréquents que nous avons pu relever au cours de notre recherche, ainsi que les adresses des sites desquels ils ont été extraits.

« quasi impossible à rayer », et c’est en cela que réside son problème. La matière avec laquelle il est fait n’est pas considérée comme faisant partie des matières haut de gamme. « Le plastique, c’est fantastique »145 certes, mais ce n’est pas chic ! Et les consommateurs s’attendent justement à ce que la marque Apple garantisse cette image chic et glamour qu’elle a en mettant en vente des produits qui sont fait avec des matières haut de gammes. En ce qui concerne le I-phone 5s, ce dernier est fait de verre et d’aluminium, sa coque couleur champagne (or) ajoute ce ‘petit plus’ du chic-icime- et luxueux produit.

Spécialistes et internautes sont d’accord sur le fait que la matière en plastique du 5c vient gâcher la prise en main de l’appareil, d’autant que pour du plastique, le 5c est vendu beaucoup trop cher, rien ne justifie le fait qu’il soit à ce prix là :

« À 600 euros, on peut espérer mieux et c’est décevant […] C’est un iPhone 5, en plastique, plus lourd et plus épais […] Pour ces maigres

économies, on va avoir en mains un téléphone à l’aspect moins haut de

gamme que son prédécesseur »146

Réciproquement, celui qui possède un I-phone, produit connu de tous et apprécié de tous, possède une appartenance, une identité (« […] posséder un iPhone est un marqueur social »147) c’est ce que la maque Apple a mis en avant dans toutes ses stratégies de communication. Ces dernières ont réussi à construire différentes images pour la marque sur lesquelles des représentations (parce que, selon Mascovici, les représentations se construisent et peuvent aussi se fabriquer par des spécialistes en communication) à propos de la marque et des personnes qui l’utilisent se sont greffées. Selon Jodelet :

«On reconnaît généralement que les représentations (sociales), en tant

que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux

autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales. De même interviennent-elles dans des processus aussi variés

que la diffusion et l’assimilation des connaissances, le développement

individuel et collectif, la définition des identités personnelles et sociales,

l’expression des groupes et les transformations sociales »148,

Apple est reconnaissable visuellement à travers la pomme monochromatique (depuis 1997) de son logo ; les I-phones, quant à eux, sont reconnaissables selon deux critères : le logo sur le dos 145Elmer Food Beat, cité dans l’article de presse, Op.cit.

146http://www.journaldugeek.com/2013/10/01/test-apple-iphone-5c/ 147Ibid.

148 D. Jodelet, 1989Les représentations sociales : un domaine en expansion, in Les représentations sociales, sociologie d’aujourd’hui, P.U.F., p. 36/37.

du téléphone et la forme du téléphone. Ses deux critères permettent de construire une identité visuelle149 de l’i-phone, de manière à ce que tous ceux qui en possèdent un puissent être eux aussi reconnus comme appartenant à une communauté. Une communauté qui s’est construite grâce aux jeux de la communication et aux publicités mises en place par la marque. En effet, les clients Apple ont droit pour leur constante fidélité à la marque ainsi que pour le maintien de cette fidélité à des rencontres plusieurs fois par an, organisées autour de séminaires, de congrès, et d’ateliers dans lesquels la présence de Steve Jobs, le co-créateur de la marque était présent et dans lesquels toutes les nouvelles innovations de la marque étaient présentées. Aussi, son slogan « Think different »150 a réussi à faire émerger l’impression pour les consommateurs de faire partie d’un autre monde dans lequel « on pense différemment ». Les publicitaires de la marque ont réussi à construire un discours établi sur des rapports de distinction de l’autre et de sa façon de penser. Ceux qui possèdent un I-phone (ou n’importe quel produit de la marque) appartiennent à une autre classe de personnes : 1). celle qui est sans cesse dans l’innovation technologique et qui sont inscrites grâce à ce critère dans la classe des personnes modernes ; 2). celle qui est dans le luxe et le chic, ceci notamment grâce aux prix extrêmement élevés dû à deux principales raisons, les innovations et la matière de fabrication (verre et aluminium). La marque a réussi à créer un marqueur social distinct et qui distingue les clients Apple de n’importe quels autres clients non-Apple. La marque a pu, depuis sa création, mettre en place un univers de représentations fortement positivées sur tout produit qu’elle met en vente. Selon Jean Clenet, « la représentation construite par une personne (ou un collectif) est son lien, son rapport le plus

intime avec l’organisation et l’environnement dans lequel elle se situe »151, de ce fait, nous établissons une co-construction de relations positives générées d’une part par la marque et de d’autre part par le consommateur : Apple met en place un objet (produit) que le consommateur identifie comme faisant partie de l’univers auquel il a été initié, le consommateur peut acheter le produit, ce qui le met face à sa propre action.

De ce fait, quand Apple a mis sur le marché l’I-phone 5c, il y eut une forme d’incompréhension (ou de non identification) de la part de la communauté : l’élite a été trahie, les représentations sur la marque qui se devait d’être « différente », qui se devait de rester dans le chic et les produits haut de gamme se voit tomber dans les produits de bas de gamme que tout le monde peut s’offrir (ou presque : « L’erreur d’Apple, car c’en est une, est de ne pas avoir écouté

149Selon les définitions de J.M Floch dans son ouvrage Identités visuelles. 1995. PUF. Paris. 150Slogan officiel depuis 1997.

151Clenet, J. 1998. Représentations, formation et alternance, Alternances/Développement. L’Harmattan. Paris, p. 70

le public qui a été chauffé par le buzz d’un iPhone low-cost. En constatant qu’un ticket d’entrée à 599 euros, soit 100 euros de moins qu’un 5S, et un faible écart des performances avec l’iPhone 5, les consommateurs n’ont pas hésité à mettre à l’écart la gamme multicolore»152). De plus, au-delà de sa matière bon marché, l’I-phone 5c ne contient aucune innovation technologique comme ses prédécesseurs (c’est une copie de l’I-phone 5 en plastique). Le discours de la marque sur le produit et sur son prix a été contradictoire avec la réalité, par conséquent, les représentations qui ont été construites à propos de l’I-phone 5c ont été déconstruites et renversées : ceux qui croyaient qu’ils allaient enfin faire partie de la communauté élitiste et fermée d’Apple ont vu leurs croyances détruites et ceux qui croyaient qu’Apple représentera toujours le glamour ont été déçus. Pour les premiers, le prix constitue un problème et pour les seconds la matière et le design en constitue un autre.

Les représentations sont, d’une part, étroitement liées à la réalité du monde, elles s’appuient donc sur les données de la réalité et, d’autre part, elles sont construites (nous l’avons vu) par des spécialistes qui lui assignent des codes soumis à une première forme de pérennisation, les représentations paraissent alors comme établies, non modifiables et étant régies par des codes connus de tous. Toutefois, l’existence d’entités individuelles entrant en jeu dans l’acceptation des représentations, entités qui peuvent, grâce à leurs « je » critiques, comprendre, analyser et interagir avec les représentations, ces entités permettent de procéder à des modifications au sein même des représentations. Nous le voyons en ce qui concerne la marque Apple, en effet, les représentations qui sont construites autour de la marque renvoient toutes au glamour, au chic, à la modernité, à l’haut de gamme, à une identité commune des utilisateurs qui appartiennent tous à l’élite. Quand Apple sort un produit, les utilisateurs sont convaincus par les apports de ce produit. Ce qu’Apple réussi à toucher chez eux, ce sont toutes les sphères de la logiques et surtout de la raison : c’est une marque connue pour ses innovations ; ils sont aussi persuadés qu’ils font partie du monde très fermé et élitiste de la marque par leur possession de ses produits et surtout par les discours la régissant. Ces derniers s’appliquent à toucher les affects (pathos) des consommateurs en leur signifiants qu’ils sont les seuls à pouvoir bénéficier de toute la classe et technologie assurées par la marque.

Cependant, ce que la marque n’a pas prévu avec son I-phone 5c, c’est que les consommateurs ne seront touchés ni par le discours ni par la matière dudit produit. En d’autres termes, les représentations, qui se sont établies et renforcées au fil des ans quant aux produits de 152 http://pro.01net.com/editorial/604150/iphone-5c-un-camouflet-bien-camoufle-par-apple/, consulté en Juillet 2014.

la marque, ont reçu une modification de perception et, de ce fait, une modification des représentations à propos de l’I-phone 5c qui se sont construites à travers des réactions de blocage ou parfois de refus de ce produit.

L’élite qui possédait un I-phone 5 et qui prévoyait d’avoir un produit haut de gamme a été déçue par le 5c qui n’en est qu’une copie plus lourde, sans grand intérêt et qui de plus est faite à partir d’une matière bon marché, le plastique ; ceux qui ne possédaient pas d’I-phone ont été déçus du prix resté toujours élitistes et du manque de raffinement et de délicatesse du produit comme le souligne J. Clenet « les représentations du sujet (représentations de l’environnement, des connaissances, de soi), sont construites par et dans l’action et contribuent à l’élaboration de formes cognitives et affectives »153.