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IV. La publicité et le produit de vente : quand la modernité rejoint l’univers traditionnel

IV.3 La tradition comme élément intensif du discours publicitaire

Nous allons reprendre une affiche publicitaire de notre corpus que nous avons déjà vue dans le deuxième chapitre de notre travail, soit la figure 04. Dans cette affiche publicitaire, l’objet qui renvoie à la modernité est la voiture, il est aussi le produit mis en vente. A côté de cet objet, en gravitent d’autres, relevables dans le premier et le deuxième plan de l’affiche. Ces objets renvoient à la tradition et font sens à l’intérieur de l’image, ils réussissent à raconter une histoire. Nous allons d’abord essayer de comprendre pourquoi et comment ces éléments construisent du sens dans cette image, ensuite, nous essayerons d’établir un parallèle dans une analyse thymique en reprenant les catégories thymiques d’euphorie et de dysphorie.

239 Au fait, nous avons remarqué que les publicités qui sont dans les pays musulmans sont beaucoup plus respectueuses de la tradition, de la religion et de la culture portée par elles. Nous tenons à préciser que nous ne sommes aucunement dans une dynamique de jugement critique, nous sommes dans l’observation objective d’un état de fait réel.

240 Nous souhaitons préciser aussi avoir observé ces derniers temps dans les publicités occidentales, un phénomène pertinent : le retour vers la tradition de certaines marques. Il semble qu’à travers ce retour, on marque dans ces sociétés, deux courants du discours publicitaires bien distincts : un premier traditionnel, et un second, digressif par rapport à la société.

Le premier objet que nous allons analyser est représenté sous la forme des tenues vestimentaires. Cet objet peut être catégorisé en deux classes : les tenues vestimentaires dites traditionnelles et les tenues vestimentaires dites moderne. En effet, comme nous l’avons précédemment souligné deux personnages de l’affiche portent des tenues traditionnelles quant à au troisième, il est vêtue d’une chemise et d’un pantalon. Dans cette première observation, nous noterons que nous avons déjà affaire à une première relation thymique créée à partir du parallèle entre des éléments que nous évaluerons comme euphoriques (les tenues traditionnelles) et des éléments que nous évaluerons comme aphoriques représentés par la tenue moderne. Cette relation thymique – où nous n’avons pas encore un vrai élément représentant la dysphorie – met en exergue un espace tensif à l’intérieur duquel une classe peut donner lieu à une intensité dite forte, étant donné que, quantitativement, sur trois objets, deux sont en puissance et se démarquent par une intensité tant sur leurs formes que sur leurs couleurs vives (jaunes et noirs).

Le second objet est représenté dans notre image par la présence de deux éléments renvoyant au même objet selon son stade de croissance : la lune. A gauche, c’est un croissant de lune ; à droite, c’est une lune à demi-pleine (elle commence à croître). Nous relèverons aussi d’autres objets secondaires comme les étoiles et les nuages. Ces objets en soi peuvent ne rien signifier, toutefois, pour une personne dont la culture et la religion est d’ordre musulman le croissant de lune a une symbolique tant religieuse que rituelle. Dans la religion, quand le croissant de lune est aperçu le jeûne peut commencer, trente jours plus tard, quand il est revu, le jour de l’aïd est le lendemain. Cette dimension religieuse vient accentuer l’espace traditionnel généré par l’image visuelle. Les deux éléments mis dans un espace temporel corrélatif pourraient signifier le temps qui passe du début du mois de ramadan vers le milieu. Ici nous sommes dans une dimension thymique euphorique car, en effet, le croissant de lune célèbre le début d’une période sainte et pieuse, et sa forme à demi-pleine, renvoie au temps passé dans la pratique. Dans ce micro-récit porté par la temporalité amenée par la croissance de la lune, nous pouvons parler de tension inversée, car on passe de l’extensité vers l’intensité, des états de choses représentés par la lune aux états d’âmes représentés par sa symbolique241.

Nous avons spécifié précédemment que la voiture représente l’univers de la modernité dans cette image. En effet, la part technologique de cet élément la présente comme fait contemporain. La voiture entre dans la catégorie de l’innovation technologique radicale242 car

241Le micro-récit a une thématique apparente : la temporalité. Celle-ci est perçue par la croissance de la lune. Cette dernière ayant une symbolique dans la religion musulmane, elle crée des effets sur le sujet lecteur.

elle a, non seulement, influencée la consommation mais, aussi, son mode. Nous observons qu’aujourd’hui la voiture devient de plus en plus nécessaire à la vie courante243. Aussi, depuis l’invention de l’automobile, sa consommation ne s’est jamais arrêtée. Quelle serait la fonction de la voiture dans la structuration de l’image ? Si l’on part du principe que la majorité des éléments de l’image renvoient à la tradition, qu’ils forment un tout homogène et isotopique, nous pouvons dire que la voiture forme un élément allotopique dans la construction de sens établie par eux. Cette allotopie est renforcée par l’aphorie représentée par les vêtements modernes (chemise-pantallon) du personnage.

Si nous appliquons une analyse thymique sur l’ensemble de l’image et du récit qu’elle raconte, nous verrons que la catégorie euphorique y est dominante, en effet, que cela soit au niveau du vêtement traditionnel ou de la construction d’une temporalité religieuse ou, encore, dans les traits anthropomorphiques des sujets, l’ensemble de l’image concorde vers une appréciation thymique euphorique. Par conséquent, les deux éléments modernes, même s’ils racontent une histoire, cette dernière est qualitativement inférieure à celle qui raconte la tradition. Sur l’axe de la tensivité, elle est évaluée comme étant une valence faible par rapport à l’intensité des figures qui portent la tradition dont la valence est bien plus forte.

Aussi, le discours linguistique « c’est le ramadan de toutes les remises » a une forte teneur significative. Il va relayer le sens apporté par les figures visuelles de l’image. Il va accentuer cette compréhension basée sur la régularité du sens apporté par elles.

243En Algérie, la consommation de la voiture a connu un bond en avant considérable car de l’année 2003 à l’année 2009, il était possible d’acheter une voiture avec un apport très peu conséquent, fait qui a permis à toute famille de classe moyenne de s’acheter une voiture.

Conclusion du chapitre 3

Dans ce troisième chapitre, nous avons abordé les deux notions principales de notre travail, à savoir la notion de la tradition et celle de la modernité. Nous avons vu comment la tradition se crée et se transmet à travers, tout d’abord, une acceptation commune d’une pratique, puis, par son imprégnation et sa pratique quotidienne.

Le cadre religieux et spirituel joue un rôle important dans la transmission des traditions car ils règlent aussi les pratiques surtout dans des pays où la religion a une place quasi essentielle, comme cela l’est pour l’Algérie.

Nous avons vu ce qu’est la culture et comment elle entre dans la catégorisation des différents éléments qui affectent le logos mais aussi le pathos d’un peuple. Cette culture, qui semble, souvent, fermée sur elle-même, est bien au contraire ouverte sur le changement et sur ce qui peut l’améliorer voire la transformer pour être plus positive, valorisante et acceptée par la majorité.

Nous avons pu aussi comprendre que le changement dans la culture sociale procède d’un changement d’ordre technologique. L’innovation technologique permet l’acception de certains phénomènes de la société et ainsi, elle permet, aussi, une mise en place d’une nouvelle forme de tradition.

L’analyse sémiotique appliquée à ces deux notions nous a permis de comprendre quelles sont les portées de la tradition et de la technologie et comment ces deux phénomènes sont engrangés dans l’univers de la publicité qui les met en avant.

Introduction de la deuxième partie

La deuxième partie de notre travail est consacrée à l’analyse des affiches publicitaires algériennes extraites des deux journaux nationaux « Le Quotidien d’Oran » et « El Watan » et, ce, pendant la période de ramadan 2009. Comment les affiches publicitaires algériennes mettent en place les divers signes constitutifs de l’image-publicité ? Quels signes linguistiques pour quels signes iconiques ? À quel moment les signes iconiques deviennent des éléments à part entière et se transforment en figures iconiques ? Quelles mises en scène mettent-elles en place ? Comment intègre-t-elle l’objet-produit dans sa construction imagique ? sont autant de questions que nous nous sommes posées et auxquelles nous avons choisi de répondre à travers deux chapitres.

Il est nécessaire de préciser que ces deux chapitres font aussi écho aux différents éléments et notions théoriques que nous avons vus en première partie de ce travail.

Le premier chapitre répond, par le biais d’une analyse interprétative, aux points que nous avons abordés dans le chapitre 1 et 2 de la première partie. Toutefois, nous avons jugé utile de procéder à deux étapes avant l’analyse complète.

La première consiste à faire le topo sur les deux journaux desquels ont été extraites les affiches. Effectivement, il est nécessaire de comprendre la vision et la porté de ces deux journaux pour comprendre que, majoritairement, presque un algérien sur deux en lis, au moins, un par jour !

Etant donné que notre corpus de travail a été collecté pendant une période délimitée dans le temps : ramadan 2009, nous avons accordé une place, particulière, à ce schème qui représente l’un des cinq piliers de l’Islam et qui met en place une dynamique importante dans la configuration des figures iconiques et des discours publicitaires (accroches).

Nous avons, aussi, procédé à l’analyse de notre corpus de travail. Ce corpus concerne deux catégories, la première étant axée sur le marché de l’automobile et la deuxième, sur celui de la téléphonie mobile. Notre corpus, au départ, était bien plus large mais pour pouvoir répondre à notre problématique, nous devions le restreindre.

Par conséquent, la première analyse est une analyse des affiches publicitaires en tant que construction imagique. Cette analyse nous a permis de dégager tous les éléments importants – et ce qui le sont beaucoup moins mais qui ont tout de même une incidence – dans la construction de l’affiche.

Le second chapitre est entièrement consacré à l’analyse des mises en scènes, des thèmes, de l’objet-produit de vente, du sujet-actant et sujet-consommateur, des isotopies mises en place et des valeurs qui se dégagent de la combinaison de tous ces éléments. Cette partie nous a permis de dégager les figures iconiques les plus récurrentes et qui font sens dans la jonction de ces deux paradigmes que sont la modernité et la tradition.

Introduction du chapitre 1

Ce premier chapitre nous permet d’analyser notre corpus de travail et d’en dégager les principales figures iconiques et linguistiques. Cette première analyse met en place une dynamique discursive dans les discours tant linguistiques qu’imagiques dans les affiches publicitaires collectées.

Tout d’abord, nous y faisons le point sur les deux journaux nationaux « Le Quotidien d’Oran » et « El Watan » desquels nous avons extrait les affiches publicitaires qui ont permis de constituer notre corpus.

Ensuite, nous faisons un tour d’horizon de la période que nous avons choisie pour la collecte des affiches de notre corpus, à savoir le mois de ramadan 2009. Nous avons choisi de revenir sur cette période car, à notre sens, le mois de ramadan change la donne dans le discours publicitaire. De ce fait, cet événement transforme les formes et les figures et influence leurs sens et significations.

Enfin, nous nous attelons au corpus de travail constitué de 38 affiches publicitaires classées dans la catégorie du « marché de l’automobile » et 15 affiches classées dans la catégorie du « marché de la téléphonie mobile ».