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II. L’argumentation

II.3 Les instances énonciatrices et le contexte d’énonciation : images et représentations dans un cadre

Le modèle de départ s'appuie sur la présence d'un émetteur et d'un public donné. Comme nous l'avons précédemment souligné, le public peut être constitué de plusieurs personnes comme il peut n’en contenir qu'une seule. Ce public est en droit de donner une réponse, il peut aussi ne pas avoir la possibilité de le faire et, à ce moment-là, le discours est dirigé vers un public duquel un émetteur n'attend aucune réponse précise si ce n'est une adhésion au discours. Tel est le cas, selon Amossy104, pour les séances magistrales par exemple.

Il y a une différence entre les tournures que peuvent prendre les discours, pour l'argumentatif, nous avons deux formes, le dialogique et le dialogale. Ces deux derniers s'opposent puisque dans le premier, il n'y a pas une attente de la part du récepteur du message alors que dans le second, une réponse est attendue, ceci est dû au parallélisme entre dialogale et dialogue car dans toute forme de dialogue, il y a deux interlocuteurs qui se trouvent dans une relation de questions/réponses ou, plus simplement, dans un rapport d'échange verbal.

103Nous consacrerons une partie à la manipulation dans le discours publicitaire 104Amossy, Ruth. L'argumentation dans le discours. Op.cit

Le discours argumentatif est régulé par rapport à ce public et cette régulation de discours ne se fait pas toujours de manière consciente. Il y a en effet une grande part laissée pour l'inconscient, hormis peut-être pour l'univers de la publicité sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Il est donc question de construire une image de l'interlocuteur, même si ce dernier ne rentre pas dans une dynamique dialogale par une réponse effective et immédiate. Le locuteur s'intéresse d'abord à l'opinion commune qu'il partage avec le public, l'élaboration d'une opinion commune nécessite une bonne connaissance du terrain du public visé, Ce qui implique une étude de ce dernier. Une mauvaise connaissance du public amène à un discours qui ne répond pas forcément aux attentes du destinataire parce que, comme nous le savons, pour être convaincus, nous avons besoin que le discours qui nous est adressé soit aussi apte à toucher quelque peu nos propres logiques et affectes.

Le locuteur émet un discours qu'il construit à partir des hypothèses qu'il formule sur l'interlocuteur. Avant d'émettre son message, il doit avoir une idée sur les croyances, les valeurs, les opinions, les principes et les traditions de l'autre, ces hypothèses sont construites à partir de son propre imaginaire par rapport à la vision qu'il se fait de l'interlocuteur. Il a de ce fait une représentation qui peut ou correspondre avec le réel du récepteur ou ne pas y correspondre. Au fait, le réel empirique est nécessairement différent vue qu'une représentation n'a pas toujours une justesse précise et la réalité des uns n'est pas toujours la même avec la réalité des autres. Selon Amossy (qui elle-même se base sur les travaux de Pereleman sur l'argumentation) le récepteur que le locuteur s'imagine est un "locuteur fictif" ou un "auditoire fictif"105 dans le sens où tout passe par cette construction imagée et imaginée du réel du public ou par ce que le locuteur "croit" savoir de lui.

Il y bien une représentation mentale qui préfigure donc à une représentation du discours en acte. Deux images sont alors formulées : l'image de l'interlocuteur et celle du discours que le locuteur va émettre en vue de le convaincre. Dans ce contexte, l'émetteur se représente son public qu'il va représenter à nouveau dans la matérialisation de son discours. Pour étayer cet exemple, nous proposons une première observation106de cette affiche publicitaire :

Figure 1

105L'argumentation dans le discours. Amossy, Ruth. Op.cit. p55

Comme nous l’avons précédemment spécifié, l’émetteur du discours commence d’abord par se faire une image de son récepteur. Si nous observons cette affiche publicitaire (Figure 1), nous remarquons que le premier élément iconique qui attire notre regard est la lampe magique. Celle-ci véhicule plusieurs images qui sont inscrites dans l’imaginaire collectif qu’il soit arabe ou occidental, en effet, la lampe magique appartient au personnage d’Aladin107. Les représentations déduites des interlocuteurs est à première vue leur appartenance à l’univers arabe. La lampe magique représente ici un symbole de toute une culture arabo-perse élargie, grâce à des traductions du conte, au XVIII siècle, dans les pays occidentaux. L’hypothèse émise par l’émetteur de l’affiche résiderait dans le fait que les algériens-récepteurs, non seulement, connaissent l’histoire de la lampe magique mais se reconnaissent, aussi, dans cette histoire.

Le procédé de représentation en image est appelé une "schématisation", selon la terminologie de Grize qui la définie comme : « le processus au gré duquel le locuteur active une partie des propriétés censées définir l'allocutaire pour produire une image cohérente répondant aux besoins de l'échange »108. S'il y a acte de schématisation, c'est qu'il y a une pensée qui s'est établie de manière structurée pour pouvoir créer des mécanismes de réflexions mais surtout des mécanismes d'adhésion au discours.

Si nous reprenons l’image visuelle, ci-dessus, nous pouvons remarquer que la schématisation qui s’est établie dans ce discours publicitaire est de prime abord iconique et que le représentant iconique est fortement ancré symboliquement, ce qui lui confère une première puissance, celle de faire adhérer le récepteur à l’univers arabe et, bien au-delà, à l’univers musulman.

107Aladin ou la Lampe merveilleuse (titre complet : Histoire d’Aladdin, ou la Lampe merveilleuse) conte arabo-perse

souvent associé aux contes des Milles et Une Nuits