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Le manuel papier : un objet classique pour la modernité numérique ? Les évolutions technologiques font qu'après avoir été accompagnés de cassettes audio,

2 Manuel de FLE : première approche

2.2 Le manuel papier : un objet classique pour la modernité numérique ? Les évolutions technologiques font qu'après avoir été accompagnés de cassettes audio,

aujourd’hui les manuels de FLE produits en France sont accompagnés de supports C.D. (p. ex. : Nouveau Rond-Point 1), et souvent de supports D.V.D (p. ex. : Écho). Les maisons d'édition proposent également un contenu téléchargeable par Internet en parallèle du support papier (p. ex. : Hachette ou Clé International). Le manuel de FLE s'accompagne souvent d'un contenu dématérialisé : parfois la retranscription numérique du support papier (Écho) : un « manuel numérisé » (Lansel, 2010 : 41), parfois un contenu original qui se différencie du contenu papier et qui vient le compléter (Alter

numérique, sont omniprésentes dans le matériel produit en France, et circonscrire leurs limites propres devient parfois complexe. Ce contenu numérique pose de nouveaux enjeux dans la conception du manuel de FLE et dans l'utilisation du manuel papier/numérique par les structures d'enseignement, les enseignant·e·s et les apprenant·e·s, qui doivent à la fois posséder le matériel adéquat pour l'exploiter et les savoirs-faire technologiques correspondants. Pour des raisons de limitation du corpus, ma recherche s'est basée prioritairement sur le manuel papier, et de manière secondaire sur le contenu audio des ouvrages choisis, laissant de côté le contenu vidéo et l'accès numérique. Pourtant, le contenu numérique aurait pu intégrer le corpus, selon qu'on le définisse comme une partie intégrante du support papier ou non.

Le domaine scolaire développe depuis plusieurs années des pratiques de numérisation dans la classe, qui touche également le manuel scolaire et pose la question de la pérennité du manuel papier. Je propose un détour par la situation actuelle du manuel papier dans l'éducation scolaire française qui permettra de mieux comprendre les enjeux en FLE.

Pour répondre aux problématiques liant développement des ressources, nouvelles technologies, évolution historique et pratiques effectives, le Ministère de l’Éducation

Nationale français commande en 2012 un rapport sur la situation et les perspectives du

manuel scolaire, dont l'intitulé : Les manuels scolaires : situation et perspectives, souligne à la fois l'existence historique de ce type d'ouvrages et sa remise en cause : « L’importance des financements qui lui sont consacrés, le développement rapide de

nouveaux outils et de ressources pouvant servir la pédagogie, justifient que le manuel ne fonde pas sa légitimité sur la seule coutume. » (Leroy, 2012 : 7). L'obsolescence dont

on accuse le manuel exige une justification de son rôle ; Leroy (ibid.) résume le conflit, entre représentation traditionaliste de l'apprentissage et exigence pédagogique : « Que

signifie, au siècle de Steve Jobs, le manuel pensé du temps de Jules Ferry ? ». Lorsque

Leroy pose la question : « Le manuel a-t-il un avenir ? » (2012 : 9), il répond par l'affirmative en rappelant que c'est plutôt sur la forme que cet outil va revêtir qu'il convient de s'interroger : « C’est pourquoi, à court et moyen terme, on peut faire

l’hypothèse que le manuel scolaire va rester un outil indispensable, quel que soit son support et quelles que soient ses adaptations futures » (ibid.). Il reformule alors sa

question initiale pour en poser une autre : « Le papier a-t-il un avenir ? » (Leroy, 2012 : 10)

L'innovation dans le sens du numérique est tentante pour les pays et structures ayant les moyens financiers et techniques adéquats, et une telle mouvance qui conduirait un outil sacralisé dans sa version papier à devenir un outil souple et adaptatif via les possibilités des nouvelles technologies aurait tout pour plaire, en plus de ses avantages matériels :

« (…) les évolutions techniques, qui améliorent les performances et tendent

à réduire les coûts, la restriction probable des budgets publics, les nécessités du développement durable, l’attention portée au poids du cartable, la fonction et l’organisation mêmes des manuels, les exigences d’actualisation, plaident pour une substitution au moins partielle du numérique au papier » (Leroy, 2012 : 10)

Dans le contexte scolaire, certains pays ont franchi le pas vers une substitution partielle : certains états des États-Unis d'Amérique du Nord, ou complète : Hong-Kong, Taïwan, Singapour. En France, aux questionnements liés à la transformation d'un outil sacré et à la pertinence d'une telle transition s'ajoutent des limitations budgétaires qui freinent aussi bien l'acquisition du matériel que la formation des enseignant·e·s au numérique, pour assurer la survivance de l'outil-papier au moins sur le moyen terme. Le processus pencherait davantage pour une complémentarité des supports : « L’enjeu sera

désormais d’assurer la continuité, la complémentarité et l’interopérabilité entre ces vecteurs, dont les sources et les supports seront multiples et changeants » (Leroy, 2012 :

12). Pour les élèves, l'enjeu se place autour de la maitrise d'une compétence numérique considérée comme indispensable dans les sociétés occidentales actuelles11

. Dans le contexte scolaire de l'apprentissage des langues vivantes, les manuels numériques permettent également de rendre compte d'une langue dynamique et authentique à travers une navigation interne ou externe (Internet) et des activités interactives (Lansel, 2010 : 43).

Selon Borne (1998 : 6), le manuel scolaire se résume à « tout support pédagogique (…) qui doit être acquis par l'élève (…) ou qui est mis à sa disposition par

l'établissement ». Dès lors, manuel numérique et papier tendrait à se confondre.

Toutefois, il faut également considérer l’organisation de ces supports : plus qu'un simple rassemblement de corpus, le manuel rassemble un discours didactique/pédagogique progressif, organisé en plusieurs types de sous-discours qui s'articulent mutuellement.

11 Ministère de l’Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2015, École

Pour Leroy, les supports numériques restent des outils « satellitaires » (Leroy, 2012 : 9), qui s'accumulent sans se substituer les uns aux autres. Le manuel reste le pivot central de tout appareillage didactique organisé et progressif, même si « le manuel est de plus

en plus un utilitaire parmi d’autres, dont le statut a tendance à se banaliser » (Leroy,

2012 : 10).

Les recherches menées autour du manuel scolaire amènent à questionner la permanence du manuel papier. Les remarques formulées peuvent être amenées dans le FLE et appliquées à ses manuels spécifiques. Si ni les supports audio de première génération : cassettes, magnétophone, ni les supports visuels : diapositives, ou ensuite audio-vidéos : cassettes-vidéos, n'ont mis en question le premier outil de référence de la classe, l'extension conjointe des possibilités techniques dans les classes et de l'offre numérique, avec ses avantages corrélés, ont de quoi faire douter.

En FLE, si la gamme numérique proposée par les maisons d'éditions s'élargit à la fois en réponse à une demande croissante de documents ayant l'apparence de l'authenticité et comme un nouveau marché rentable, le contexte économique et technologique fluctuant de la profession rend le total numérique inenvisageable pour des manuels universalistes. En-dehors des instituts privés ou assez renommés pour posséder un capital budgétaire conséquent, les limitations financières aussi bien que techniques donnent la primauté au manuel papier. Par ailleurs, le manque de rentabilité d'un investissement aussi conséquent pour les maisons d'édition donne pour l'instant au numérique le statut d'un simple apport complémentaire, loin d'une positon hégémonique :

« Internet devient l'outil privilégie [sic] des sites compagnons qui offrent

des ressources complémentaires (exercices, grammaire, vocabulaire) à la méthode classique sur support papier. Tous les éditeurs de FLE admettent être "obligés" de s'y mettre, pour ne pas être devancés par leurs concurrents. Pour l'instant, ces sites nécessitent de gros investissements, coûtent chers à produire et sont d'utilisation gratuite pour l'internaute. Pour devenir payants et rentables, il faudrait se lancer dans des campagnes promotionnelles aux budgets conséquents. Les éditeurs français, à l'inverse de leurs homologues britanniques, n'ont pas encore pu franchir ce pas.12 » (Bureau International de l’Édition Française (BIEF), 2005 : 6)

Le versant numérique des manuels de FLE ont, comme pour le manuel scolaire, un 12 Le document se poursuit sur une nécessaire séparation entre le manuel comme support d'enseignement en classe, quel que soit sa forme, et les méthodes d'apprentissage complètement autonomes : « Quant

à l'e-learning (payant), il est très certainement amené à se développer dans les années à venir. Mais on ne se situe plus alors dans le même métier : il s'agit là d'auto-apprentissage, tandis que les éditeurs de FLE, eux, se situent dans le domaine de la prescription. » (ibid.)

statut d'outil satellitaire. La première référence en matière de manuel de FLE reste le support papier, qui se rattache à une version consultable par tous·tes les enseignant·e·s et apprenant·e·s dans l'ensemble des structures qui l'utilisent. La définition du manuel reste conforme à celle qui a été posée précédemment : celle d'un outil tangible et manipulable, littéralement : qui remplit la main13

. La nature du support, numérique

ou papier, ne remet pas en cause le manuel lui-même. Puren (2011 : 5-7) préfère

envisager l'avenir de ce type d'ouvrage d'un point de vue méthodologique : est-il un support adapté pour le dernier courant méthodologique, la Perspective Actionnelle, alors qu'il entre en conflit avec certains de ses principes (complexité de la pédagogie de projet, contradiction entre une pré-programmation des objectifs et une centration sur l'apprenant·e, adéquation avec ses objectifs) ?

Cette partie a permis de préciser les contours de ce qui était entendu comme manuel pour la recherche. La partie suivante aborde une spécificité relative au FLE : la typologie séparant manuels généralistes ou locaux.

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