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De la discrimination sexiste à la reconnaissance de l'homophobie dans l'éducation

2 Du travail sur la discrimination au travail sur l'égalité : égalité de genre ou de sexe ?

2.2 Réponse institutionnelle : actions et contradictions

2.2.1 De la discrimination sexiste à la reconnaissance de l'homophobie dans l'éducation

Le début des politiques de lutte contre le sexisme dans le cadre scolaire date du début des années 1980. Le Bulletin Officiel (B.O.) n°29 du 22 juillet 1982 vise à porter l'attention sur le contenu programmatique lui-même et à réguler l'action enseignante :

« Les éducateurs ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre les

préjugés sexistes, chacun dans le cadre de sa mission éducative, afin de contribuer à faire changer les mentalités et à faire disparaitre toute discrimination à l'égard des femmes. » (cité par Rignault et Richert, 1997 :

77)

À partir de ce moment, l'« égalité filles-garçons » est comprise comme un pan à part entière de l'égalité des chances, cultivée comme objectif par l’Éducation

Nationale. Elle sera régulièrement rappelée dans les réformes, communications, décrets,

prononcés par l'institution. Afin de mettre en perspective la manière dont elle s'exprime, elle sera appréhendée selon deux angles différents : d'une part, sa conjugaison avec la répression de l'homophobie, d'autre part à travers les décisions touchant à l'orientation, grande préoccupation depuis 1989.

Les actions pour une sensibilisation à la diversité des sexualités, dans la lancée du Pacs, font partie de l'ouverture à la reconnaissance d'un système hétéronormé, observer ce que l’institution propose en terme d'expression possible de la non-hétérosexualité/l'homosexualité à l'école par les élèves renseigne sur le rapport de l’Éducation Nationale au genre. Pour cela, les Bulletins Officiels de rentrée, qui donnent les grandes lignes d'action pour l'année scolaire, sont des sources précieuses.

L'homophobie fait son entrée dans le B.O. N°15 du 10 avril 2008. La Direction

Générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) produit une Circulaire dans laquelle la

9e

grande orientation prioritaire de la rentrée est de « Lutter contre toutes les violences

et toutes les discriminations, notamment l’homophobie »108. L'homophobie s'associe dans le discours directement aux discriminations sexistes :

« Sa mission [de l'école] est donc aussi de promouvoir l’égalité entre les

hommes et les femmes, de permettre une prise de conscience des discriminations, de faire disparaitre les préjugés, de changer les mentalités et les pratiques. Au sein des établissements, une importance particulière devra être accordée aux actions visant à prévenir les atteintes à l’intégrité physique et à la dignité de la personne : violences racistes et antisémites, violences envers les filles, violences à caractère sexuel, notamment l’homophobie. » (Circulaire n°2008-042 du 4-4-2008)

Violences homophobes et sexistes sont indissociablement liées, mises sur le même plan. Il est cependant étonnant que la violence sexiste, alors que c'est clairement une égalité de genre qui est visée dans la première phrase, soit résumée à des attaques envers les 108 Éducation Nationale, 2008, Préparation de la rentrée 2008. Encart, (B.O. n°5), [en ligne]

« filles » : apparaissent des effets de victimisation, d'essentialisation, et d'omission d'un pan de la violence genrée qui ne se construit pas seule, mais en rapport avec son pôle opposé : quid des "garçons", qui produit la violence ? Mais la mise sur le même plan que le racisme et l’antisémitisme, dans une école où ces deux atteintes sont les plus anciennement reconnues, donne de la valeur aux recommandations.

La même année, dans une loi faisant la promotion les luttes contre les discriminations, « l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur

sexe »109 n'est plus considérée comme une discrimination de sexe. La non-mixité est

légale, bien qu'il ne s'agisse en réalité que d'autoriser des pratiques déjà existantes :

« L’objectif officiel de cet alinéa est de transposer en droit français des

directives européennes, afin qu’il ne soit pas possible de contester les cas de non-mixité qui existent déjà lors de certains cours d’éducation physique et sportive, d’éducation à la sexualité et dans des écoles privées. » (Pasquier,

2010 : 97)

Ce n'est pas d'un retour en arrière et une remise en cause de la loi Haby (1975), mais un questionnement à grande échelle : « Ce débat s’inscrivait en outre dans un contexte

international favorable à une profonde remise en question de l’évidence de la mixité scolaire » (Pasquier, 2010 : 97). Les effets de la mixité sont discutés : elle éviterait

l'essentialisme, mais renforcerait les stéréotypes de sexe (Duru-Bellat ou Mosconi, 1999). La questionner, face à un corps social français qui y est majoritairement favorable (Delphy, 2016), montre la réflexion institutionnelle suscitée par les inégalités (de sexe) scolaires.

L'année suivante, le « refus des discriminations » s'inscrit dans le B.O. de la rentrée 2009110 avec davantage de résolution. Sexisme et homophobie vont toujours de pair, et cette fois il n'est plus question de "filles" ou de "garçons", alors que les acteur·trice·s de l'enseignement sont directement impliqué·e·s : « la communauté éducative doit faire

preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté à l'égard de toutes les formes de racisme, d'antisémitisme, d'homophobie et de sexisme. ». Si l'ordre des mots

est important, on note qu'ici l'homophobie prédomine sur le sexisme : l'institution s'est-elle rendue compte de l'importance du phénomène d'homophobie, ou accorde-t-s'est-elle 109 Légifrance, 2015, Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au

droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, [en ligne]

<https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018877783&dateTexte❢

(13/04/16).

110 Éducation Nationale, 2009, Préparation de la rentrée 2009. Encart, (B.O. n°21), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/cid27581/mene0911464c.html

moins d'attention à un sexisme lassant qu'il semble impossible d'éradiquer ? La suite du texte éclaire en tout cas sur la fermeté souhaitée au sein des établissements : « Les

règlements intérieurs doivent impérativement mentionner le refus de toutes les formes de discrimination et les nommer clairement, ainsi que l'interdiction de tout harcèlement discriminatoire portant atteinte à la dignité de la personne. » Les établissements

scolaires sont dorénavant soumis à l'obligation de citer chacune des discriminations. La précision a son importance, en ce que la procédure traduit pour les élèves et les familles la ligne officielle de l’Éducation Nationale. La lutte de l'institution notamment contre le sexisme et l'homophobie vise par ce biais à être diffusée dans la sphère publique. Par ailleurs, un ensemble de procédures relaie la lutte contre l'homophobie, spécifiquement : une ligne de téléphone particulière et une campagne d'affichage111. L'homophobie prend en quelque sorte le pas sur le sexisme.

Le B.O. de 2010112 s'appuie sur les acquis précédents. L'homophobie ou le sexisme ne sont plus nommés, pas plus que le racisme ou l'antisémitisme : toutes les discriminations sont fondues dans une forme plus générale. Mais le stéréotypage de

sexe, disparu des B.O. de rentrée, refait son apparition :

« Depuis septembre 2009, les établissements ont intégré dans leur

règlement intérieur la mention du refus de toutes formes de discriminations, en les nommant clairement, ainsi que l'interdiction de tout harcèlement discriminatoire, propos injurieux ou diffamatoires portant atteinte à la dignité de la personne. Les établissements (…) s'attacheront aussi à promouvoir l'égalité entre les sexes à tous les niveaux d'enseignement, par un apprentissage précoce qui permet de combattre les représentations stéréotypées et de construire dès la maternelle d'autres modèles de comportement, notamment en matière de choix et d'ambition scolaires. »

(Circulaire n° 2010-38) En 2011, le B.O.113

de rentrée veut promouvoir un « cadre serein » de travail, qui passe 111 « Dans les lycées, la campagne d'affichage sur le thème "Parler de sa différence", organisée à

compter de la fin de la présente année scolaire et poursuivie à la prochaine rentrée, sensibilisera la communauté éducative à la lutte contre l'homophobie. Elle sera complétée par le dispositif d'écoute téléphonique "ligne Azur" (0810 20 30 40). Les enseignements et l'éducation à la sexualité, dans leurs différents développements, offriront par ailleurs l'occasion de répondre aux questions que peuvent se poser les élèves. » Il faut noter qu'en octobre 2014, à la suite de demandes émanant de la Confédération nationale des associations familiales catholiques, le Conseil d’État a demandé de

cesser de relayer le site Internet de la Ligne Azur. Son contenu, qui ne soulignait pas les dangers de la drogue ou minimisait l'importance de certains types de rapports sexuels, a été déclaré non-conforme à la neutralité et inadapté pour les jeunes personnes visées. Voir : Le Conseil d’État et la Juridiction Administrative, 2014, Ligne Azur, <http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Ligne-azur

(14/10/14).

112 Éducation Nationale, 2010, Préparation de la rentrée 2010. Encart, (B.O. n°11), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/cid50863/mene1006812c.html❢❣❦ ❽ ❥❤ ❦ ❥❤ ✐♠ ♥

par l'égalité de genre – qui n'est pas encore nommée – et la lutte contre les discriminations114

. Celles-ci ne sont pas spécifiées directement dans le contenu, mais un lien hypertexte renvoie au portail Éduscol115

à destination des enseignant·e·s, où une page particulière détaille les actions de prévention. Les plans de formation présentés offrent des modules expressément relatifs aux « stéréotypes » et aux « violences

sexistes, sexuelles et homophobes ». « L'égalité entre les filles et les garçons » fait

également l'objet d'une page spécifique sur Éduscol116

, précisant que : « L'égalité des

filles et des garçons est la première dimension de l'égalité des chances que l'École doit garantir aux élèves : il s'agit d'une obligation légale et d'une mission fondamentale117

. »

L'égalité de sexe fait à nouveau l'objet d'une attention toute particulière, d'autant plus qu'elle est un indice de progression des établissements, au même titre que les résultats scolaires : « La mise en place d'indicateurs sexués sur les violences mais aussi sur les

résultats scolaires des élèves doit permettre aux établissements de situer leur marge de progression. »

En 2012118

, après un rapide rappel du « respect mutuel que l'on se doit entre élèves,

entre filles et garçons, entre élèves et adultes », on retrouve un paragraphe spécifique

intitulé « Faire vivre l'égalité filles-garçons » dans lequel l'égalité de sexe est posée comme mission de l'école, justifiée par des statistiques : une volonté de "rendre scientifiques" les impacts de la discrimination, qui ne sont pas que symboliques ?

« L'appropriation par les élèves du principe de non-discrimination et

d'égalité entre les femmes et les hommes entre dans les missions de l'École inscrites dans le code de l'éducation et le socle commun. Des statistiques sexuées permettent de prendre la mesure des enjeux qui y sont liés. » (B.O.

n°13, 2012)

<http://www.education.gouv.fr/cid55941/mene1111098c.html❢❣ ❦❽ ❥❤❦❥❤ ✐ ♠ ♥

114 « Parmi les valeurs fondamentales portées par l'École, le respect de l'autre passe par la prévention

des discriminations et l'égalité entre les filles et les garçons, qui supposent que le refus de toute forme de violence psychologique, physique ou sexuelle soit une volonté affichée de l'établissement. Cela implique d'aider les élèves à élargir leurs choix et leurs décisions d'orientation afin d'assurer une plus grande mixité des filières et des métiers. »

115 Éduscol, 2014 (M.A.J.), Prévenir les pratiques discriminatoires à l'école, [en ligne] <http://eduscol.education.fr/cid47746/lutte-contre-les-discriminations.html❢❣❦ ❽ ❥❤❦ ❥❤ ✐ ♠♥

116 Éduscol, 2014 (M.A.J.), Les enjeux de l'égalité filles-garçons, [en ligne] <http://eduscol.education.fr/cid46856/egalite-filles-garcons.html❢❣ ❦❽❥❤ ❦ ❥❤✐ ♠ ♥

117 La mise à jour de ces pages cachent leur date de mise en ligne initiale. Ainsi, la première fait mention d'une campagne contre le harcèlement qui a été lancée en 2012 (pour le B.O. de 2011). Pour la seconde, aucun indice ne permet de la situer chronologiquement.

118 Éducation Nationale, 2012, Orientations et instructions pour la préparation de la rentrée 2012.

Encart, (B.O. n°13), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?

Le paragraphe développe l'ensemble du dispositif mis en place. Les liens hypertextes mis en place dans le B.O. renvoient à la page « Les enjeux de l'égalité filles-garçons » précédemment citée, et à une page consacrée aux violences sexuelles119

. L'homophobie comme forme de discrimination spécifique a disparu, comme par ailleurs le racisme.

En 2013120

l’Éducation Nationale s'aligne sur la politique générale française et remet au centre la lutte contre les discriminations, en les nommant à nouveau :

« La politique éducative s'inscrit dans le cadre global et cohérent de la

politique gouvernementale mise en œuvre depuis la rentrée 2012 et doit combattre toutes les formes de discriminations, qui nuisent à la cohésion sociale et à l'épanouissement de chacun comme individu et comme citoyen. En la matière, trois priorités ont été identifiées : la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, la lutte contre l'homophobie et la promotion de l'égalité entre les filles et les garçons. » (Circulaire n° 2013-060)

Les violences sexistes font ensuite l'objet d'un court développement. Alors qu'elles sont explicitement citées et que leurs désagréments autant au niveau individuel que social sont exprimés, aucune action précise n'est mentionnée dans la lutte contre ces discriminations. On retrouve cependant à nouveau le travail contre les stéréotypes, et cette fois, ceux concernant le genre :

« Pour contribuer à la lutte contre les violences et les stéréotypes de genre [je souligne] et, plus largement, permettre à chacun de se forger une

attitude responsable, l'École doit promouvoir dès l'école primaire l'éducation à la sexualité, qui fait partie des programmes. »

Bien qu'on puisse s'étonner qu'ils soient directement reliés à l'éducation à la sexualité, l'intégration de la notion de genre est notable. C'est en effet le premier indice que l'égalité "filles"-"garçons" a intégré une dimension plus générale, dans laquelle elle s'inscrit dans le processus global de rapport de pouvoir.

La faute aux remous provoqués par le Mariage pour Tou·te·s et ses opposant·e·s ? La mention disparait dès 2014, avec un B.O.121

qui revient à une mention explicite mais plutôt sommaire :

119 Éduscol, n. d., Prévention et traitement des violences sexuelles, [en ligne],

<http://eduscol.education.fr/pid23366-cid47994/prevention-et-traitement-des-violences-sexuelles.html❢❣ ❦❽ ❥❤❦❥❤ ✐ ♠ ♥

120 Éducation Nationale, 2013, Circulaire d'orientation et de préparation de la rentrée 2013. Encart, (B.O. n°15), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html? cid_bo=71409❢❣❦ ❽ ❥❤❦ ❥❤ ✐ ♠ ♥

121 Éducation Nationale, 2014, Préparation de la rentrée scolaire 2014. Encart, (B.O. n°21), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=79642❢❣❦ ❽ ❥❤ ❦ ❥❤ ✐♠ ♥

« L'appropriation des valeurs de la République, par la culture du respect et

de la compréhension de l'autre qu'elle implique, permet de combattre toutes les violences et les discriminations, notamment racistes, sexistes et homophobes. La mise en œuvre de la Convention interministérielle pour l'égalité entre les filles et les garçons, les hommes et les femmes dans le système éducatif se poursuit. Les projets pédagogiques visant à lutter contre les discriminations et à prôner le respect et l'égalité sont encouragés. Le cas échéant, les évaluations de ces dispositifs permettent de définir les conditions de leur développement. » (Circulaire n° 2014-068)

Les actions mises en place ne sont pas plus exposées, et leur contrôle apparait assez lapidaire : il s'agit simplement de poursuivre celles qui sont lancées en les rectifiant si elles ne sont pas adaptées, sans plus de précision. Alors que l'année d'avant encore sexisme et homophobie faisaient l'objet de plans gouvernementaux, la campagne sur les discriminations se fait discrète.

Les Bulletins Officiels renseignent sur la tolérance à d'autres expressions de la sexualité que l'hétérosexualité, qui passe également par d'autres modalités d'action dans l'institution122

. Mais il faut y voir autre chose qu'une nouvelle bienveillance à propos d'une (de) pratique(s) sexuelle(s) : ils renseignent sur la filiation entre genre (égalité

de genre, rapports genrés) et pratiques normatives inscrites dans un système hétérosexuel, et sur l'ouverture du cadre entourant l'hétéronormativité. Puisque les

discriminations sexistes et homophobes sont liées, l'action effectuée sur l'une ou l'autre produit des effets mutuels. Il est intéressant de voir comment la lutte contre l'homophobie est formulée par rapport au sexisme, et la nature de leur relation. On constate ainsi que l'introduction de l'homophobie dans les textes officiels est tardive, et qu'elle se module par rapport au sexisme, à l'exception de l'année 2009 où elle éclipse ce dernier : « L'institution ne limite donc pas l'homophobie à une attitude d'hostilité à

l'égard des homosexuels, hommes ou femmes, mais l'intègre clairement, bien que discrètement, dans le cadre des rapports sociaux de sexe » (Pasquier, 2014 : 195). Pour

reprendre les termes de Pasquier (2011 : 17) à propos de l'introduction de la lutte contre l'homophobie en primaire, puisque les stéréotypes de sexe et leur questionnement font partie du travail officiel de l'égalité des "filles" et des "garçons", « interroger

l'injonction à l'hétérosexualité qu'impliquent ces stéréotypes » s'y inscrit tout autant. En

ces termes, la remise en cause des stéréotypes passe par une remise en cause du modèle 122 Voir Le Baiser de la Lune, court-métrage d'animation poétique pour aborder les relations amoureuses entre personnes du même sexe à l'intention des enfants de CM1/CM2. Disponible sur < http://www.le-baiser-de-la-lune.fr/

hétérosexuel invisibilisé.

Le discours entourant l'égalité "hommes"-"femmes" est toujours présent dans les directives, à plus ou moins grande échelle, notamment dans les volontés d'élargir les possibilités d'orientation. L'orientation constitue depuis la Loi Jospin (1999) un enjeu régulièrement mis sur la table dans les B.O. On remarque que celui de 2008 précédemment cité marque une volonté forte de limiter l'effet de distribution genrée : « L’année 2008-2009 devra marquer une avancée significative pour la parité

filles-garçons dans les séries scientifiques et techniques du baccalauréat ». En 2009, le B.O.

de la rentrée, après avoir fait mention de « phénomène d'auto-censure » entravant la liberté d'orientation en général123, mentionne particulièrement la prégnance du genre dans les choix effectués et l'action mise en place pour la contrer : « [le parcours de découverte des métiers et des formations] aide les filles et les garçons à diversifier leurs

choix d'orientation en dehors de tout préjugé sexué. » L'« ambition scolaire » croisée

avec l'anti-sexisme intègre en 2010 directement le chapitre des discriminations, mais de manière succincte :

« Ils [les établissements] s'attacheront aussi à promouvoir l'égalité entre les

sexes à tous les niveaux d'enseignement, par un apprentissage précoce qui permet de (…) construire dès la maternelle d'autres modèles de comportement, notamment en matière de choix et d'ambition scolaires. »124

L'intégration de l'orientation à un cadre global antisexiste se poursuit en 2011, où l'exigence de « la mixité des filières et des métiers » est un pan à part entière des actions visant « l'égalité filles-garçons ». En 2012, elle regagne un cadre indépendant, et est mentionnée plusieurs fois dans les paragraphes consacrées : « L'orientation vers les

filières et les carrières scientifiques et technologiques, notamment des jeunes filles [je

souligne], reste une priorité (…). » En 2013 et en 2014 le souci de la mixité dans l'orientation disparait complètement, peut-être face à l'inquiétude causée par la fracture entre milieux favorisés et « familles défavorisées » (B.O. 2013), confortée par l'enquête Pisa125

dont il est directement fait mention dans le B.O. de 2014.

123 « Dans le cadre de l'orientation active, les équipes éducatives (…) veillent à combattre les

phénomènes d'autocensure, en associant les familles à l'élaboration des projets, et à renforcer l'estime de soi des lycéens, nécessaire pour qu'ils développent tout leur potentiel. »

124 Éducation Nationale, 2010, Préparation de la rentrée 2010, (B.O. n°11), [en ligne] <http://www.education.gouv.fr/cid50863/mene1006812c.html❢❣❤ ❽ ❥❦ ❤ ❥❤ ❧♠ ♥

125 Réalisée en décembre 2013, l'enquête concernant le Programme international pour le suivi des

acquis des élèves (Pisa) a évalué les compétences d'enfants de 15 ans scolarisés dans 65 pays, et

révélé en France « une aggravation des déterminismes sociaux : l’école française est aujourd’hui

Les notifications relatives à l'orientation montrent que l'égalité "filles"-"garçons" constitue un recours pour pallier le manque d’hétérogénéité dans le monde professionnel. En s'inquiétant de voir une répartition des carrières par genre, c'est

l'expression de l'enjeu économique latent autour du genre qui s'exprime derrière l'inquiétude du manque de compétence. L’égalité "filles"-"garçons" est un défi pour

l'enseignement du point de vue éthique autant que pratique, puisque ses répercussions dans le monde professionnel sont directement mises en cause.

La partie a synthétisé la manière dont l'institution formule les mesures traitant de l'égalité "filles"-"garçons", "hommes"-"femmes", et permis de comprendre le sens donné à l'expression par l'institution scolaire. La partie suivante vise à contextualiser la

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