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Malgr´e les diff´erences, apparemment irr´econciliables, que ces repr´esentations du chˆomage

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Fig.1.2: Demande effective et emploi

1.2.1.2.3 Le salaire comme variable expliqu´ee

Dans le raisonnement keyn´esien, le salaire ne constitue pas la variable explicative ; elle

est plutˆot expliqu´ee. L’augmentation de la demande effective se r´epercute sur le niveau de

production. Si cette augmentation est sup´erieure `a celle de la productivit´e, alors les prix se

dressent en variables d’ajustement, causant alors une baisse des salaires r´eels. Et sachant que

Keynes valide le principe de rendement factoriel d´ecroissant, cette issue s’av`ere in´eluctable.

Keynes

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admet que la progression du niveau d’emploi m`ene `a une baisse du salaire r´eel. Le

sens de la causalit´e est ainsi renvers´e ici. Keynes se d´emarque de la pens´ee n´eoclassique en

situant les causes du chˆomage ailleurs que dans un niveau de salaire ´elev´e ; il va plus loin

encore en excluant syst´ematiquement la baisse du salaire comme moyen de r´esorption de

l’exc´edent d’offre de travail.

Malgr´e les diff´erences, apparemment irr´econciliables, que ces repr´esentations du chˆomage

37. Il admet que la hausse du niveau d’emploi implique forc´ement une baisse des salaires r´eels. (Keynes, 1936, p. 42).

font apparaˆıtre entre les th´eories n´eoclassique et keyn´esienne, il existe des points communs.

C’est ce que les ´ecoles de la synth`ese vont explorer.

1.2.1.3 Les th´eories du d´es´equilibre : vers une synth`ese

A partir des ann´ees 1950, une rencontre commence `a s’op´erer entre la th´eorie n´eoclassique

et celle de Keynes, c’est la synth`ese n´eoclassique

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. L’´ecole du d´es´equilibre qui apparaˆıt au

sein de cette synth`ese tente de concilier l’ajustement param´etrique par les prix des

n´eoclas-siques avec l’´equilibre de sous-emploi de Keynes. Ici le cas keyn´esien est consid´er´e comme une

configuration de l’´equilibre g´en´eral dans lequel les imperfections de march´e et les rigidit´es

expliquent les d´es´equilibres. La notion d’´equilibre s’impose dans la mesure o`u c’est la plus

petite des deux grandeurs (offre et demande), en l’occurrence la demande de travail dans

une situation de chˆomage, qui est satisfaite. Les transactions s’ajustent `a la grandeur

mini-male (la r`egle du cˆot´e court). L’ensemble des proc´edures par lesquelles l’´echange a lieu sur le

march´e malgr´e ce d´es´equilibre est appel´e le sch´ema de rationnement. Cette ´ecole va faire la

distinction entre les grandeurs notionnelles, celles qui r´epondraient `a l’´equilibre walrasien, et

les grandeurs effectives, celles qui sont ´echang´ees sous les contraintes de rationnement.

On voit apparaˆıtre dans lescourants du d´es´equilibredes tentatives d’interpr´etation du

sys-t`eme keyn´esien par rapport au monde n´eoclassique. Patinkin (1956), par exemple, consid`ere

que l’analyse keyn´esienne est une th´eorie du d´es´equilibre de sous-emploi, c’est-`a-dire qu’elle

explique les causes de l’´etablissement de l’´economie `a un niveau o`u l’offre de travail exc`ede la

demande. Selon lui, cette th´eorie ignore l’ajustement en termes dynamiques ; elle se contente

de faire la photographie d’un syst`eme sans mettre en lumi`ere l’´evolution `a laquelle elle peut

ˆetre sujette dans le cadre de modification de param`etres (par exemple, quel est l’impact du

salaire sur la demande de travail ?). Clower (1960), de son cˆot´e, d´eveloppe l’id´ee que le

sys-38. Ecole dans laquelle on d´enombre de noms comme : W. Baumol, J. Hicks, A. Leijonhufvud, F. Modigliani, R. Mundell, P. Samuelson, R. Solow, D. Patinkin, E. Malinvaud, etc. Il n’est jamais ais´e d’identifier un courant `a travers des auteurs dans la mesure o`u des divergences internes existent et peuvent ˆetre de taille. Les d´es´equilibres propos´es par l’´ecole de la synth`ese, fortement am´ericaine notamment dans le cas des d´es´equilibres avec R. Clower et A. Leijonhufvud, font l’objet de critiques par des cambridgiens (J. Robinson, N. Kaldor) qui pourtant sont repr´esent´es comme partie de la mouvance post-keynesiennes. Ces derniers vont pr´ef´erer la notion de syst`eme d’emploi qui se situerait plus dans la continuit´e de Keynes que celle de march´e du travail que les approches de d´es´equilibre proposent.

1.2. Les grandes mutations du d´ebat th´eorique sur le chˆomage

t`eme keyn´esien est ´etabli de sorte que l’ajustement se fait plus par les quantit´es que par les

prix, ce qui lui sert aussi de base pour invalider le syst`eme walrasien comme cadre d’analyse

car dans celui-ci les prix font l’objet d’un ajustement instantan´e. L’id´ee de la lenteur

d’ajus-tement des prix apparaˆıt aussi chez Leijonhufvud (1968) selon qui les prix sont moins rigides

qu’ils ne sont lents `a s’ajuster et ce `a cause des imperfections de circulation d’information et

des contraintes de liquidit´e

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. Dans ce courant, les explications du chˆomage se fondent sur

les «frottements» qui ralentissent le retour vers le niveau d’´equilibre.

De ces travaux qui tentent d’expliquer la diff´erence du monde keyn´esien d’avec celui

n´eoclassique - que Keynes consid`ere lui-mˆeme ˆetre un cas sp´ecifique de la g´en´eralit´e qu’il a

d´egag´ee et pourtant la d´emarche du d´es´equilibre sugg`ere plutˆot que la g´en´eralit´e revient `a

la th´eorie orthodoxe - ´emerge une lecture compartiment´ee du chˆomage. Malinvaud (1977),

th´eoricien du d´es´equilibre dans le cadre de la synth`ese n´eoclassique, fait la distinction entre

chˆomage n´eoclassique et chˆomage keyn´esien. Le premier apparaˆıt quand le march´e des

pro-duits est en situation de demande exc´edentaire et le march´e de travail en offre exc´edentaire.

Les entreprises peinent `a satisfaire la demande de biens et `a absorber l’offre de travail

dispo-nible. La solution r´eside alors dans une baisse des salaires pour r´esorber le chˆomage ou une

hausse des prix pour ´equilibrer le march´e des biens. Quant au second type de chˆomage, il se

caract´erise par un exc´edent sur les deux march´es. D’un cˆot´e les offreurs de travail peinent `a

trouver un emploi tandis que, de l’autre, les entreprises manquent de demandes pour leurs

biens. Il faut une politique de relance visant `a stimuler la demande, tant des biens que de

travail.

Tab.1.5: Chˆomage n´eoclassique, chˆomage keyn´esien

P P P P P P P PP Travail Bien

Offre>Demande Offre<Demande

Offre>Demande Chˆomage keyn´esien Chˆomage n´eoclassique

Offre<Demande - Inflation contenue

Cette caract´erisation accompagne un mouvement d’ensemble, la disparition progressive

de l’exclusion mutuelle `a laquelle on avait associ´ee les deux th´eories. Un chˆomage se devait

d’ˆetre keyn´esien ou n´eoclassique. Avec cette distinction, la coexistence (sectorielle) devient

39. Un r´esum´e sur ces courants est dress´e par Tchibozo (1998) tandis que des articles majeurs des d´evelop-pements enracin´es dans la synth`ese sont r´eunis par Mankiw et Romer (1991a,b).

possible. Alors que dans certains secteurs de l’´economie l’incapacit´e `a embaucher peut tenir `a

des salaires ´elev´es, dans d’autres, elle peut relever d’une faiblesse de la demande. Les efforts

de la synth`ese du d´es´equilibre s’arrˆetent, malgr´e ce progr`es, `a situer les deux th´eories l’une

par rapport `a l’autre et `a d´efinir le cadre dans lequel une situation ´economique rel`eve de l’une

ou de l’autre, mais les causes profondes des rigidit´es demeurent inexpliqu´ees. C’est dans cette

recherche que la th´eorie keyn´esienne cherchera son souffle avec le retournement th´eorique qui

s’op`ere `a partir des ann´ees 1970 et qui remet le march´e au cœur des explications du chˆomage.

1.2.2 Le retour du march´e au cœur de l’explication du chˆomage

1.2.2.1 Isolation du march´e du travail et r´esurgence des id´ees n´eoclassiques

1.2.2.1.1 Plein emploi et salaire

A partir des ann´ees 1970, le salaire revient au cœur de l’explication du chˆomage. En

remontant `a Keynes, on note que, mˆeme si le salaire ´etait n´eglig´e comme variable explicative

du chˆomage, sa relation avec l’emploi ´etait pr´esente et servait d’´el´ement d’identification du

plein emploi. En effet, Keynes d´efinissait le plein emploi

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comme le point `a partir duquel

l’emploi global devient in´elastique `a la demande de travail, tout comme la production devient

in´elastique `a celle de biens. `A ce niveau, le prix devient la variable d’ajustement. Chaque

demande suppl´ementaire de travail se traduit par une hausse des salaires. Toutefois, bien

qu’on en sente l’intuition sous-tendante dans la d´efinition du plein emploi, on ne note pas

l’id´ee explicite de la pression sur les salaires. Certains passages chez Keynes se prˆetent au

contraire `a une interpr´etation diff´erente. En disant que «la main d’œuvre ne demande pas

un salaire nominal beaucoup plus ´elev´e lorsque l’emploi augmente» (Keynes, 1936, p. 258),

Keynes d´efend plus la politique de relance - l’augmentation du niveau d’emploi est tenue pour

expliquer la contenance de la pression sur les salaires - qu’il n’explique le lien des seconds au

premier. La position de Keynes se r´ev`ele ambigu¨e. Par contre, en se tournant vers Robinson

(1937a,b, 2002), on trouve une approche plus satisfaisante de la relation du salaire `a l’emploi.

Robinson distingue un segment de constance des salaires (que nous repr´esentons par zone 2

40. The point«at which we have now arrived, namely a situation in which aggregate employment is inelastic in response to an increase in the effective demand for its output».

1.2. Les grandes mutations du d´ebat th´eorique sur le chˆomage

de la figure 1.3

41

: niveau critique de l’emploi), born´e par deux points. En dessous du premier

point, on peut voir les salaires baisser (zone 1

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) jusqu’`a un point donn´e o`u l’offre devient

in´elastique au salaire car elle s’annule `a ce point. Au dessus du second point, on assiste `a la

hausse du salaire (zone 3). Dans un contexte de concurrence pure et parfaite, ces deux points

se confondraient, mais se dissocieraient dans un cadre d’imparfaite mobilit´e

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du travail,

hypoth`ese que Robinson choisit. Elle explique qu’au fur et `a mesure que la demande effective

s’approche du niveau de plein emploi, les travailleurs gagnent en force pour faire aboutir

leurs revendications de hausse des salaires `a cause de la demande croissante de travail. Mais

l’existence d’une force de travail au chˆomage exerce un frein `a cette pression, un frein qui

disparaˆıt au point de plein emploi. Donc elle repr´esente le plein emploi comme le point `a

partir duquel les salaires deviennent pleinement ´elastiques `a la demande de travail, mais pas

celui `a partir duquel ils commencent `a l’ˆetre. C’est cette id´ee, dont on trouve une meilleure

pr´esentation chez Robinson que chez Keynes

44

, qui est traduite par la courbe de Phillips,

dans sa version originelle.

41. Malgr´e l’apparente contradiction, Keynes offre des ´el´ements qui vont dans le sens d’une explication de la zone 2. Il note que«plutˆot que de consentir `a une tr`es forte r´eduction de salaire, [la main d’œuvre]pr´ef`ere endurer un certain degr´e de chˆomage». Donc la rigidit´e `a la baisse explique le ralentissement des salaires en p´eriode de fort chˆomage et l’augmentation des effectifs explique comment la relance peut s’op´erer sans induire d’inflation.

42. La zone 1 o`u l’on peut observer une stagnation du salaire quel que soit le taux de chˆomage est aussi appel´e lewage change floorou encore lehigh unemployment trap.. Les explications sur la rigidit´e soudaine des salaires sont multiplies. Entre les syndicats qui ne sont plus n´egociables sur leur salaire, les employeurs qui pratiquent des salaires d’efficience pour ne pas perdre leurs employ´es, on peut lui attribuer diverses explications.

43. A travers cette explication de la contenance/rigidit´e des salaires, Robinson annonce le cœur des th´eories r´ecentes du travail. D’un cˆot´e, la persistance du chˆomage contient les demandes salariales tandis que, de l’autre, l’imparfaite mobilit´e du travail fait que l’exc´edent de travail ne constitue pas un levier assez puissant pour pousser les salaires `a la baisse. L’imparfaite concurrence ici explique la rigidit´e comme elle le fera dans les nouvelles th´eories post´erieures `a Robinson.

44. On peut relever une ambigu¨ıt´e voire une contradiction au sein de la th´eorie de Keynes sur ce point. L’hypoth`ese de concurrence entre en contradiction avec la th´eorie de fixation de salaire (les entreprises in-teragissent avec leurs syndicats et la r´efraction de ceux-ci `a des baisses salariales tient `a l’imperfection de l’information dans l’´economie). Elle s’accorde difficilement aussi avec la baisse des salaires r´eels `a la suite d’une hausse de l’emploi. La stimulation de la demande entraˆıne une hausse des prix si la r´eactivit´e de l’offre est insuffisante. Si pour une quelconque raison, la lenteur de r´eaction de l’offre tient `a un d´efaut de march´e (immobilit´e insuffisante ou information imparfaite), alors l’hypoth`ese de concurrence est encore mise `a mal.

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