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La th´ eorie keyn´ esienne de l’emploi

Si le rˆole jou´e par l’´economie informelle dans la gestion des crises auxquelles certains pays en d´eveloppement ont fait face dans les ann´ees 1980 a favoris´e le changement de position sur

1.2.1.2 La th´ eorie keyn´ esienne de l’emploi

Keynes (1936), dans sa critique de la th´eorie de l’emploi n´eoclassique, pose ce qu’il appelle

les«postulats»de la th´eorie n´eoclassique - expression qui peut ˆetre discutable dans la mesure

o`u, sous la perspective n´eoclassique, ils sont plutˆot l’issue de stylisation des deux forces

du march´e du travail, pas les hypoth`eses qui sous-tendent les comportements de celles-ci

(voir Vroey, 1997) - et qu’il consid`ere fondamentaux `a son ´edifice : l’´egalit´e du salaire `a la

productivit´e marginale du travail et l’´egalit´e de l’utilit´e marginale du salaire `a la d´esutilit´e

marginale du travail.

1.2.1.2.1 Le rejet du second postulat n´eoclassique

Alors que le premier postulat, reconduction de l’hypoth`ese de rendements factoriels

d´e-croissants, est accept´e dans la th´eorie keyn´esienne, le second y est rejet´e. Keynes r´efute le fait

que les causes du chˆomage soient plac´ees dans le refus du travailleur de prendre un salaire

correspondant `a son rendement. Il consid`ere que l’´el´ement explicatif du chˆomage ne r´eside pas

dans l’arbitrage de l’offreur de travail car le salaire pour lequel il peut ˆetre prˆet `a travailler

peut ˆetre inf´erieur `a celui pratiqu´e sur le march´e sans pour autant qu’il trouve une demande

1.2. Les grandes mutations du d´ebat th´eorique sur le chˆomage

`a son offre. Keynes qualifie ce ph´enom`ene de chˆomage involontaire et affirme qu’«il existe

des chˆomeurs involontaires si, en cas d’une l´eg`ere hausse des prix de biens de consommation

ouvri`ere par rapport aux salaires nominaux [baisse des salaires r´eels], l’offre globale de main

d’œuvre dispos´ee `a travailler aux conditions courantes de salaire et la demande globale de

main d’œuvre aux mˆemes conditions s’´etablissent toutes deux au dessus du niveau ant´erieur

de l’emploi» (Keynes, 1936, p. 15)

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. La r´eaction de la demande de travail `a la baisse du

salaire r´eel, sa hausse, se conforme ici au comportement qui lui est associ´ee dans la th´eorie

n´eoclassique, mais celle de l’offre est `a contre courant. En effet, dans la perspective

n´eoclas-sique, cette baisse du salaire r´eel est cens´ee augmenter l’utilit´e marginale du travail au travers

de la consommation et conduire `a un nouvel arbitrage de l’agent au profit du temps de

loi-sir, mais Keynes rompt avec cette logique en affirmant que les agents raisonnent en termes

mon´etaires. Leur offre de travail, contrairement `a ce que la th´eorie n´eoclassique dit, n’est pas

ind´ependante des prix. C’est pour cela qu’ils ne r´evisent pas leur offre de travail `a la baisse

quand les prix augmente ni n’acceptent une baisse des salaires nominaux, mˆeme si celle-ci

s’accompagne d’une baisse des prix

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. Ils sont victimes d’une «illusion mon´etaire», qui est

vue chez Keynes comme le signe d’un bon sens. Donc la hausse des prix ne conduit pas `a un

retrait de la main d’œuvre.

En bloquant la voie du retrait, l’exc´edent d’offre de travail ne pourrait ˆetre absorb´e que

par une stimulation qui d´ecoulerait de la hausse des prix par les entrepreneurs. Mais Keynes

verrouille ce raisonnement aussi en passant par la demande effective

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. Celle-ci est la

de-mande de biens que les entreprises anticipent dans le futur et pour laquelle elles maximisent

leur profit. La hausse des prix affecte n´egativement le niveau de consommation (pr´esente et

anticip´ee) qui est elle-mˆeme composante de la demande effective. Le niveau d’emploi ´etant

subordonn´e `a cette demande, c’est donc dans ses d´eterminants `a elle que r´eside l’explication

34. «Men are involuntary unemployed if, in the event of a small rise in the price of wage-goods relatively to the money-wage, both the aggregate supply of labour willing to work for the current money-wage and the aggregate demand for it at that wage would be greater than the existing volume of employment»

35. «Alors que la main d’œuvre r´esiste ordinairement `a la baisse des salaires nominaux, il n’est pas dans ses habitudes de r´eduire son offre de travail `a chaque hausse de prix des biens de consommation ouvri`ere.»(Keynes, 1936, p. 34).

36. «The aggregate income which the entrepreneurs expect to receive [it]corresponds to the level of employ-ment which maximises the entrepreuneur’s expectations of profit.»(Keynes, 1936, p. 55). «The point of the aggregate demand function, where it is intersected by the aggregate supply funtion»(Keynes, 1936, p. 25).

du chˆomage. Ces ´el´ements sont divers, ils vont du taux d’int´erˆet et de l’efficacit´e marginale

du capital (les deux affectant le volume des investissements) `a la propension `a consommer

(qui affecte l’impact d’investissements initiaux sur la consommation, le multiplicateur).

1.2.1.2.2 Les piliers de la demande effective : l’incertitude et l’asym´etrie d´

eci-sionnelle

La th´eorie de la demande effective traduit deux choix auxquels Keynes a proc´ed´e et qui

demeureront centraux apr`es lui : l’incertitude et l’asym´etrie d´ecisionnelle (Cartelier, 1995). La

premi`ere explique le pouvoir central des anticipations. De leur fait, la r´esorption du chˆomage

passe par la cr´eation d’un environnement favorable aux anticipations, d’o`u une justification

des politiques de soutien `a la demande pour rem´edier `a la sous-consommation (ou l’exc´edent

d’offre sur le march´e des bien) et au sous-investissement (ou l’exc´edent d’offre sur le march´e du

travail), au lieu d’une baisse des salaires. Celle-ci, recommand´ee dans la th´eorie n´eoclassique,

peut, dans la perspective keyn´esienne, porter en elle les signes avant-coureurs d’une restriction

de d´ebouch´es - le salaire n’est pas qu’un coˆut mais aussi une composante de la demande - et

orienter les anticipations vers le pessimisme et aggraver au contraire le chˆomage. La seconde,

l’asym´etrie d´ecisionnelle r´ev`ele la (relative) passivit´e de l’offre de travail dans la d´etermination

du volume d’emploi. Les offreurs de travail ne font face `a la demande qu’une fois que celle-ci

est fix´ee par les employeurs. Leur volont´e se trouve donc ainsi d´egag´ee dans l’explication du

chˆomage. Sur ce march´e tir´e par la demande, l’offre de travail s’adapte `a la demande et le

chˆomage cesse d’ˆetre la traduction d’un exc`es d’offre de travail pour devenir la cons´equence

d’une insuffisance de la demande de travail, r´esultat d’une demande effective donn´ee.

Sur la figure 1.2, on voit que la demande effective des entreprises, l’intersection entre

l’offre globale (Z = φ(N)) - la production optimale que les entrepreneurs esp`erent obtenir

de l’emploi de la main d’œuvre (en nombre d’hommes ou d’heures) - la demande globale

(D = f(N)) la demande agr´eg´ee qu’ils esp`erent recevoir de l’offre de travail utilis´ee

-conduit `a un niveau d’emploi (le point A) inf´erieur `a celui du plein emploi. L’´equilibre qui

s’´etablit pour les entrepreneurs se fait dans un ´etat de d´es´equilibre par rapport `a l’offre de

travail. Pour produire un ´equilibre de plein emploi, il faut pousser la demande effective vers

la droite, ce qui passe par la cr´eation d’un environnement favorable aux anticipations (les

politiques keyn´esiennes).

1.2. Les grandes mutations du d´ebat th´eorique sur le chˆomage

1 234567 234567 8679ABCDB5EBBBBBB CD3E9CDBDFFDA7D 4 3ED D3E9CDBCDBAEE75 FFDBCDBAEE75 123112 425112 4 E5 E7 D 1 9 A7 7 4 EA 76 9

Fig.1.2: Demande effective et emploi

1.2.1.2.3 Le salaire comme variable expliqu´ee

Dans le raisonnement keyn´esien, le salaire ne constitue pas la variable explicative ; elle

est plutˆot expliqu´ee. L’augmentation de la demande effective se r´epercute sur le niveau de

production. Si cette augmentation est sup´erieure `a celle de la productivit´e, alors les prix se

dressent en variables d’ajustement, causant alors une baisse des salaires r´eels. Et sachant que

Keynes valide le principe de rendement factoriel d´ecroissant, cette issue s’av`ere in´eluctable.

Keynes

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admet que la progression du niveau d’emploi m`ene `a une baisse du salaire r´eel. Le

sens de la causalit´e est ainsi renvers´e ici. Keynes se d´emarque de la pens´ee n´eoclassique en

situant les causes du chˆomage ailleurs que dans un niveau de salaire ´elev´e ; il va plus loin

encore en excluant syst´ematiquement la baisse du salaire comme moyen de r´esorption de

l’exc´edent d’offre de travail.

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