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Les handicaps de l’offre de travail au Mali en mati`ere de formation et de financement peuvent ˆetre vus comme le reflet de dysfonctionnements pr´esents de l’´economie, mais aussi

comme le reflet d’un ph´enom`ene d’hyst´er`ese. Dans le cas malien, la domination de l’´economie

informelle fait qu’il y a moins d’ambigu¨ıt´e `a parler d’hyst´er`ese d’atrophie du secteur priv´e que

d’hyst´er`ese du chˆomage

106

. En prenant l’explosion concomitante de l’´economie informelle `a

cou-3.2. Mod`ele spatial et mod`ele d´emographique

la crise des ann´ees 1980 comme indicateur “ambigu” du chˆomage, la lecture de l’ajustement

devra se faire par sa r´esorption, de mˆeme que par la baisse du chˆomage. Or cette lecture peut

ˆetre erron´ee car l’informel a non seulement grandi, mais il s’est aussi diversifi´e, comptant

une gamme grandissante d’activit´es dont certaines similaires `a des activit´es priv´ees formelles.

Il en d´ecoule que la faible dynamique d’emploi de l’´economie priv´ee formelle ne refl`ete pas

n´ecessairement un chˆomage ´elev´e. L’hyst´er`ese va donc se lire `a travers la faible dynamique

d’emploi dans le priv´e formel malgr´e la disparition de certains facteurs qui y ont contribu´e.

On va l’observer `a travers les effets persistants des mesures des premi`eres politiques d’emploi

sur le secteur priv´e formel.

En premier lieu, on note l’hyst´er`ese en mati`ere de formation. Les premi`eres politiques

de formation ont mis en place un syst`eme de formation r´epondant principalement aux

be-soins du secteur administratif et public. Les formations propos´ees se sont donc ´eloign´ees des

besoins de la petite et moyenne industrie qui est dans le secteur priv´e (et souvent dans les

sph`eres sup´erieures du secteur informel). En regardant de pr`es les chiffres, on peut trouver

l’illustration de cette inad´equation.

Tout d’abord, dans la sp´ecification (1), on note que les coefficients sont de 0,223, 0,576,

0,840 et de 1,490 pour respectivement le premier cycle du fondamental, le second cycle du

fondamental, le niveau secondaire et le niveau sup´erieur de l’enseignement. Ceci signifie que

plus le niveau de qualification est ´elev´e, plus le salaire est ´elev´e, mais plus encore que l’impact

de l’´education sur le revenu n’est pas lin´eaire : il augmente avec l’avancement dans les ´etudes.

La pr´esence d’individus plus qualifi´es dans le secteur priv´e formel peut mˆeme expliquer la

faiblesse de l’´elasticit´e du salaire au taux de chˆomage (-0,067 dans le tableau 3.7). Sur la

base de la th´eorie de l’efficience, on peut soutenir que l’impact d’un chˆomeur sur le salaire

est contingent `a sa capacit´e de substitution `a la main d’œuvre d´ej`a occup´ee. Si nous prenons

l’´education comme un indicateur de cette capacit´e, alors on peut mobiliser la r´epartition

des chˆomeurs selon leur niveau d’´education au service de l’interpr´etation de l’´equation du

salaire. Selon le rapport de l’EPAM 2004, les chˆomeurs ayant poursuivi leurs ´etudes jusqu’au

niveau sup´erieur ne repr´esentent que 3,8% de l’ensemble des chˆomeurs. Leur part est de 9,3%

rante d´epend de valeurs retard´ees de lui mˆeme avec une somme de coefficients sur les retards qui, sans ˆetre n´ecessairement ´egale `a 1, s’approche du chˆomage.

dans le total des chˆomeurs `a Bamako contre 6,2% dans les grandes villes secondaires. Dans

les milieux ruraux, aucun chˆomeur de ce statut n’a ´et´e observ´e (probablement parce que

les infrastructures d’´etudes sup´erieures sont concentr´ees dans la capitale et que, `a d´efaut de

Bamako, les diplˆom´es pr´ef`erent s’installer dans les zones urbaines des autres r´egions plutˆot

que dans les milieux ruraux). En reculant dans les niveaux d’´education, on constate une

hausse des parts. Les chˆomeurs qui ont atteint un niveau secondaire g´en´eral ou technique

repr´esentent 10% du total (22% `a Bamako et 13,5% dans les autres grandes villes et 3% dans

les milieux ruraux). Pour les chˆomeurs sans aucun niveau d’instruction, la proportion est de

33,8% `a Bamako, 53,3% dans les villes secondaires et 71,5% dans les milieux ruraux. Cette

tendance signifie, en principe, que, toute chose ´egale par ailleurs, les travailleurs diplˆom´es

font face `a une moindre pression que les travailleurs moins ou non qualifi´es. De ce fait, la

faible ´elasticit´e du salaire au taux de chˆomage dans le secteur priv´e formel s’expliquerait

par leur domination dans ce groupe. Or, tel n’est pas le cas. Le niveau d’´education dans le

secteur priv´e formel est faible. Il est de 7,71 ans

107

, un niveau qui est atteint par plus du

tiers des chˆomeurs du pays et plus d’un quart des chˆomeurs urbains (tableau 3.12). Le fait

que l’impact des qualifications soit moins lisible `a travers de l’´elasticit´e du salaire au taux de

chˆomage qu’`a travers la relation simple entre les niveaux d’´etude et les salaires sugg`ere que

les qualifications des chˆomeurs ne constituent pas un argument fort de menace pour les actifs

occup´es. Ceci met en cause la structure du syst`eme ´educatif qui manque d’ad´equation avec

les besoins de l’´economie en formation, dont sp´ecifiquement `a l’endroit des PME-PMI.

En second lieu, l’hyst´er`ese se manifeste au niveau du financement des activit´es

108

. Dans

la figure 2.2, on remarque que le secteur public absorbait la majeure partie du cr´edit int´erieur

accord´e `a l’´economie entre 1974 et 1983. Plus que la repr´esentation d’une r´epartition, cette

107. Il est de 11 ans dans le secteur public et de 5,36 dans le secteur informel.

108. L’objet de cette th`ese n’est point d’´etudier le lien entre le d´eveloppement financier et la croissance ´economique - relation disposant de sa propre litt´erature dans laquelle on peut citer les travaux s´eminaux de McKinnon (1973), Shaw (1973) ou de Goldsmith (1969) - bien que la dynamique de l’emploi ne saurait ˆetre dissoci´ee de celle de la croissance. Si nous sommes conscient qu’on ne saurait ignorer les insuffisances du syst`eme financier malien dans la question du chˆomage, notre effort ici se limitera `a mentionner ce qui nous parait ˆetre les principales barri`eres pour les op´erateurs ´economiques, que celles-ci se manifestent dans l’espace formel ou informel.

3.2. Mod`ele spatial et mod`ele d´emographique

Tab.3.12: R´epartiton des chˆomeurs selon le niveau d’instruction, la zone de r´esidence et le sexe (%)

Lieu de r´esidence→ Bamako Autres zones urbaines Zones rurales Ensemble

Niveau d’instruction↓ M F T M F T M F T M F T

Ecole coranique 2,6 12,5 7,7 7,7 4,4 3,7 2,7 4,0 8,3 5,9

1ercycle fondamental 16,4 18,1 17,3 27,0 13,6 21,2 21,5 26,7 22,8 20,2 18,2 19,3

2ndcycle Fondamental 39,2 31,8 35,4 57,8 33,2 47,2 34,1 5,1 26,6 41,9 28,9 36,2

Secondaire g´en´eral (lyc´ee) 8,3 12,1 10,2 7,6 35,7 19,7 17,3 12,8 10,6 15,6 12,8

Secondaire tech. et prof. 22,7 17,8 20,2 17,5 7,5 18,7 68,2 31,5 16,5 23,9 19,8

DEuG/ DuT/ Licence 5,6 6,1 5,9 2,8 4,1 3,4

Maˆıtrise et plus 5,2 1,6 3,4 4,7 3,5 3,9 1,0 2,7

Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : EPAM 2007/DOEF/ANPE

Tab.3.13: R´eponses aux demandes d’emprunts et acc`es au cr´edit fournisseur

R´eponses aux demandes d’emprunts Acc`es au cr´edit fournisseur Demande accept´ee (79,59%) Demande rejet´ees (20,41%) Cr´edit Fournisseur Pas de cr´edit Fournisseur Taille Micro 50 50 14,29 85,71 Petite 76 24 29,90 70,10 Moyenne 83.33 16,67 52,94 47,06 Grande 100 0,00 86,67 13,33 Nationalit´e Malienne 81,40 66,67 Etrang`ere 18,60 33,33 Audit Comptes audit´es 83,33 16,67

Comptes non audit´es 69,23 30,77

Exportation Exportateur 86,84 13,16 Non exportateur 50 50 D´ecade de Cr´eation Avant 1960 86,36 13,64 1960 58,33 41,67 1970 71,88 28,13 1980 62,50 37,50 1990 59,63 40,37 2000 47,37 52,63

Source : Enquˆete Climat des Investissements au Mali, 2004 (Exclusivement pour les firmes du secteur manufacturier)

´evolution explique aussi l’aversion que le syst`eme bancaire malien a d´evelopp´e pour le risque

associ´e au secteur priv´e et particuli`erement aux jeunes entrepreneurs. Les termes en lesquels

les premi`eres politiques de d´eveloppement ont mobilis´e le syst`eme financier explique en partie

sa structure actuelle. Les cr´edits sollicit´es, principalement par l’´Etat et souvent au compte

des entreprises publiques, ´etaient de court terme et se fondaient sur des taux pr´ef´erentiels

(plutˆot fix´es que d´etermin´es par le march´e). Le contrˆole des taux `a non seulement p´enalis´e

le d´eveloppement des structures de financement, mais la pratique des prˆets de court terme a

consolid´e une aversion pour le risque et dissuad´e le soutien au secteur priv´e, plutˆot risqu´e.

Le syst`eme financier a aussi pˆati de la direction donn´ee `a de la politique industrielle. L’´Etat

a donn´e la priorit´e au d´eveloppement des entreprises exportatrices, conduisant les agents `a

recourir `a l’importation pour l’acquisition des biens de consommation. Ceci a mis en place

une fuite pour le syst`eme financier. Celui-ci n’a pas pu r´ecup´erer, au travers d’entreprises

nationales productrices de biens de consommation, les revenus g´en´er´es par les entreprises

exportatrices. Et pourtant, c’est sur fond des th`eses de l’´epargne pr´ealable que les politiques

de lib´eralisation financi`ere des ann´ees 1980 ont ´et´e mises en place. Si pour l’Etat, la

lib´era-lisation ne va pas endigu´e la d´ependance ext´erieure car ne s’attaquant pas aux sources de

l’insuffisance de l’´epargne int´erieure - `a savoir la structure de l’appareil productif elle-mˆeme

-, pour le secteur priv´e, les cons´equences seront plus fˆacheuses. Tandis que les politiques de

rigueur vont conduire `a la reforme (dont les privatisations) ou `a la disparition de Banques de

D´eveloppement - qui pouvaient prˆeter `a des conditions souples car motiv´ees par des strat´egies

de d´eveloppement -, les banques priv´ees vont profiter de la lib´eralisation pour revoir aussi bien

leurs taux que l’allocation de leurs ressources. Cette derni`ere va se redessiner au profit des

placements plus sˆurs et plus rentables parmi lesquels l’´Etat et les opportunit´es ext´erieures, le

secteur priv´e restant `a la marge.

Cette mise en marge explique le faible recours du secteur priv´e au syst`eme financier au

Mali, comme en Afrique subsaharienne dans une large mesure. L’acc`es est fortement min´e

par les conditions de garantie. Beaucoup d’op´erateurs subissent des refus ou s’abstiennent

tout simplement de demander des prˆets parce qu’ils ne peuvent pas satisfaire les conditions.

Si d’un cˆot´e, on peut attribuer leur faible capacit´e aux d´efauts du syst`eme d’enregistrement

des biens meubles et des effets mobiliers et au faible recours au syst`eme juridiciaire pour

´etablir et prot´eger le propri´et´e individuelle, de l’autre cˆot´e, on ne saurait ignorer le niveau

3.2. Mod`ele spatial et mod`ele d´emographique

´elev´e des exigences du syst`eme bancaire. Selon le Rapport sur la Comp´etitivit´e en Afrique

2009 (BAD, Banque Mondiale, 2009), la valeur des garanties exig´ees approxime 137% de la

valeur du prˆet (soit le 2

`eme

niveau le plus ´elev´e au monde). De ce fait, l’acc`es au cr´edit ne

semble possible que pour ceux qui n’en ont pas vraiment besoin ! La dissuasion est d’autant

plus grande que le coˆut est ´elev´e. Au Mali, selon l’Enquˆete sur le Climat des Investissements

de la Banque Mondiale (2005), il est de 16% pour les micro-entreprises, de 14,5% pour les

petites firmes, 9,9% pour les entreprises de taille moyenne et de 10,6% pour les grandes

entreprises. Pour les petites entreprises, ces taux cr´eent une charge financi`ere trop lourde.

Celles-ci peinent d’autant plus `a tirer profit du syst`eme que celui-ci met en avant de la taille

et de l’anciennet´e des entreprises dans les crit`eres d’octroi de financement, comme on peut

le noter dans le tableau 3.13. Mˆeme `a acc`es ´equivalent `a l’emprunt bancaire, les entreprises

de petite taille b´en´eficient moins du soutien du syst`eme en termes d’accompagnement. Au

niveau des cr´edits fournisseurs, on note que les petites entreprises sont tr`es d´efavoris´ees. Si

l’on peut, en partie, expliquer leur part faible du fait que leurs activit´es ne se concentrent

pas sur l’exportation (g´en´eralement, c’est pour r´egler des transactions avec des op´erateurs

´etrangers que les entreprises maliennes mobilisent le cr´edit fournisseur et ce sont les grandes

entreprises qui exportent le plus souvent), il demeure que cette faible part est symptomatique

du faible soutien du syst`eme bancaire au secteur priv´e. Ces informations relativisent fortement

les taux de satisfaction des demandes d’octroi de cr´edit : pr`es 50% des demandes d’octroi

en provenance des micro-entreprises et pr`es de 76% des demandes formul´ees par les petites

entreprises sont accept´ees. En pla¸cant ces chiffres dans un contexte o`u l’auto rationnement de

la part des op´erateurs n’est pas n´egligeable, ils deviennent peu voire cessent d’ˆetre signifiants.

Les conditions difficiles de financement poussent la majorit´e des op´erateurs `a se reposer sur

des financements par fonds propres ou par apports familiaux.

3.2.2.2.2 Le secteur informel

Nos r´esultats montrent que l’´elasticit´e du salaire au taux de chˆomage est plus ´elev´ee dans

le secteur informel. Elle s’´el`eve `a 1,33 avec une sp´ecification avec le taux de chˆomage local

(u

mj

, tableau 3.7) contre 0,067 pour le secteur formel priv´e. Sa sup´eriorit´e s’accompagne en

outre d’une forte significativit´e statistique. Nos chiffres s’aligne sur un constat g´en´eral et

ant´erieurement effectu´e par d’autres ´etudes. L’´etude de Ramos et al. (2009), par exemple,

sur la Colombie montre que l’´elasticit´e est -0,1790 pour l’informel contre -0,0598 (non

signi-ficatif) pour le formel, l’´elasticit´e globale ´etant -0,0707. Quant `a Bucheli et Gonz´alez (2007),

sur l’exemple urugayen, elles ont trouv´e une ´elasticit´e de -0,241 pour l’informel contre -0,058

pour le formel. Ces chiffres sugg`erent tous une plus grande flexibilit´e du revenu de travail `a

l’exc´edent d’offre de travail dans l’informel que dans le formel. Et pourtant, cette conclusion

serait hˆative car l’informel pr´esente aussi des rigidit´es propres `a son fonctionnement.

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