Les auteurs ont test´e cette lecture de la courbe en incluant dans l’´equation g´en´erique du
salaire le taux d’emploi (population active occup´ee/population totale) et/ou le taux d’activit´e
(population active/population totale). Si la courbe du salaire est une courbe d’offre renvers´ee,
alors la r´eaction du salaire `a ces indicateurs de l’offre de travail locale devrait ˆetre plus grande
que sa r´eponse aux variations du taux de chˆomage. Les ´etudes empiriques des auteurs sur
les donn´ees am´ericaines et britanniques ont montr´e qu’une fois les effets r´egionaux pris en
compte, le pouvoir explicatif de ces variables faiblit tandis que celui du taux de chˆomage reste
fort. Ces arguments disqualifient cette interpr´etation de la courbe
81.
3.1.2.2.2 Face `a la courbe de Phillips
Les auteurs ont aussi voulu d´emarquer la courbe du salaire de la courbe de Phillips. Cette
derni`ere est la relation entre les variations du salaire et le taux de chˆomage. Selon les auteurs,
la courbe de Phillips propose un m´ecanisme d’ajustement des d´es´equilibres - montre l’impact
de la pression de march´e sur l’acc´el´eration des salaires et des prix et permet de d´eduire le
chˆomage pour lequel cette acc´el´eration serait fixe - tandis qu’ils interpr`etent la courbe du
salaire comme la repr´esentation d’un d´es´equilibre du march´e du travail.
Les auteurs ont pos´e diff´erentes sp´ecifications afin de savoir si la relation entre le salaire
et le taux de chˆomage passe par la courbe du salaire ou celle de Phillips. Ils ont alors inclus
des valeurs retard´ees du salaire dans sa sp´ecification.
ln(w
ijt) =αln(u
jt) +λln(w
ijt−1) +βX
ijt′+δ
j+f
t+ε
ij(3.21)
Si λ= 0, alors c’est la courbe du salaire qui se v´erifie. Ceci signifierait que l’ajustement du
salaire au taux de chˆomage se fait de fa¸con instantan´ee et qu’il y a pas d´ebordement de cet
ajustement sur les p´eriodes suivantes. La r´eponse du salaire au taux de chˆomage ne reposerait
nullement donc sur ses valeurs pr´ec´edentes (celles-ci v´ehiculant tous un ensemble
d’informa-tion sur la producd’informa-tion, les rapports de force et les sp´ecificit´es r´egionales et individuelles). Par
81. Dans le paragraphe 3.2.1.1.2, nous avan¸cons des arguments pour le cas malien. L’offre de travail continue `
a augmenter mˆeme quand les salaires baissent, donc la courbe du salaire ne refl`ete pas syst´ematiquement les d´ecisions des travailleurs.
3.1. La courbe du salaire dans la th´eorie
contre si λ= 1, alors c’est la courbe de Phillips qui est v´erifi´ee. Les valeurs pr´ec´edentes du
salaire agiraient pleinement sur son niveau pr´esent. De ce fait, c’est sa variation ln(
wijtwijt−1
)
qui entretiendrait une relation avec le taux de chˆomage. Les ´etudes empiriques de cette
sp´e-cification par Blanchflower et Oswald (1995) ont donn´e des valeurs faibles, proches de z´ero,
et manquant de significativit´e statistique
82. Leurs conclusions surλles a conduit `a rejeter la
courbe de Phillips.
La valeur deλest cependant contest´ee. Blanchard et Katz (1997), par exemple, ont trouv´e
un coefficient d’auto-r´egression de pr`es de 1, tandis que Bell (1997) sugg`ere que le coefficient
d’auto-r´egression oscille autour de 0,8. Leurs coefficients sugg`erent la position oppos´ee `a celle
de Blanchflower et Oswald (1995). une explication avanc´ee par Blanchard et Katz (1999) est
la captation des effets fixes. Si, selon Blanchflower et Oswald (1995), les effets fixes dans le
temps permettent de capter le niveau r´eel des salaires au travers de leurs valeurs nominales,
selon Blanchard et Katz (1999), cette captation vient au d´etriment du salaire retard´e, dont
le coefficient se voit biaiser vers le bas. En outre, avec les effets fixes des r´egions, l’hypoth`ese
d’immobilit´e du travail est maintenue. Et ceci peut introduire un biais quand la mobilit´e du
travail est une grande source de choc, comme c’est le cas sur le march´e am´ericain. La lev´ee
de ces deux hypoth`eses fait augmenter le coefficient d’auto-r´egression.
Le niveau de ce coefficient est sujet `a discussion. Selon Blanchard et Katz (1999), il est
important tandis que, selon Whelan (1997), il importe peu pour l’existence de la relation
de Phillips. Dans son mod`ele, l’´elasticit´e du salaire aux chocs de prix ne passe pas par le
coefficient
83. Et pourtant, si les structures de march´e sont prises en compte, la relation
82. Card (1995) sugg`ere qu’une meilleure sp´ecification aurait ´et´e une version diff´erenci´ee de l’´equation du salaire :
∆ ln(wijt) =α1ln(ujt) +α2ln(ujt−1) +β1Xijt′ +β2Xijt′ −1+gt+ ∆εij (3.22) Cette ´equation ´eviterait le probl`eme d’auto-corr´elation li´ee `a la pr´esence de la valeur retard´ee du salaire et `
a sa possible corr´elation au terme d’erreur. Ici, siα1 =−α2, ce qui permettrait la factorisation parα1 pour avoirαln( ujt
ujt−1), alors la courbe du salaire serait v´erifi´ee car c’est plutˆot la variation du taux du chˆomage qui entretient une relation avec la variation du salaire et non ses valeurs. Par contre siα2 = 0, alors on retombe dans l’hypoth`ese d’une courbe de Phillips.
83. ∆ ln(wt) = ∆ ln(pt−1) + (1−λ)µ+γ0∆ ln(xt)−αln(ut) +k+εto`u les ∆ se r´ef`erent `a la variation d’une variable par rapport `a la p´eriode pr´ec´edente,xrepr´esente la productivit´e etkla constante. Pour arriver `a cette ´equation, Whelan (1997) suppose une fixit´e du markup et une stationnarit´e de la croissance de la productivit´e.
du taux du chˆomage avec le salaire pr´esent se r´ev`ele d’une importance tout aussi grande
qu’avec sa variation. Prenons l’´equation 3.21 ; en introduisant les valeurs r´eelles des salaires
et en abandonnant la captation des effets fixes ainsi que celle des sp´ecificit´es individuelles, la
courbe de Phillips s’´ecrirait :
ln(w
t)−ln(p
et) =αln(u
jt) +λ[ln(w
t−1)−ln(p
t−1)] +ε
t(3.23)
Sur la base de la th´eorie des n´egociations salariales ou du salaire d’efficience, le salaire peut
ˆetre exprim´e comme suit
84:
ln(w
t)−ln(p
et) =αln(u
jt) +ηln(b
t) + (1−η) ln(x
t) +ε
t(3.24)
η est un param`etre entre 0 et 1. Quant `a b, c’est le salaire de r´eservation. On peut
l’expri-mer en fonction des ressources inconditionnellement accessibles aux chˆomeursτ, des salaires
ant´eriements distribu´es - ils ont ´et´e soient per¸cus par les anciens travailleurs soient utilis´es
pour ´evaluer les indemnit´es des chˆomage - et de la productivit´e :
ln(b
t) =τ +θ[ln(w
t−1)−ln(p
t−1)] + (1−θ) ln(x
t) (3.25)
En introduisant la valeur de bdans l’´equation th´eorique du salaire, on obtient :
ln(w
t)−ln(p
et) = αln(u
jt) +η[τ+θ[ln(w
t−1)−ln(p
t−1)] + (1−θ) ln(x
t)] + (1−η) ln(x
t) +ε
t= αln(u
jt) +ητ +ηθln(w
t−1)−ηθln(p
t−1) +η(1−θ) ln(x
t) + (1−η) ln(x
t) +ε
t= αln(u
jt) +ητ +ηθln(w
t−1)−ηθln(p
t−1) + (1−ηθ) ln(x
t) +ε
t(3.26)
L’´equation du salaire apparaˆıt au final comme :
ln(w
t) =αln(u
jt) + [ln(p
et)−ηθln(p
t−1)] +ηθln(w
t−1) + (1−ηθ) ln(x
t) +ητ+ε
t(3.27)
Pour que cette ´equation traduise la relation de Phillips, il faut que ηθ soit ´egal `a 1, donc
que les deux param`etres soient tous les deux simultan´ement ´egaux `a 1. Ceci requiert que la
productivit´e n’ait pas d’impact direct ni sur le niveau du salaire ni sur celui du salaire de
r´eservation. Pour le premier, la condition ´ecarte toute configuration de prime d’encouragement
3.2. Mod`ele spatial et mod`ele d´emographique
ou d’hi´erarchisation du salaire selon les performances des employ´es. Pour le second, le rˆole
des sp´ecificit´es individuelles est n´eglig´e au profit de celui des indemnit´es. Et pourtant une
distance peut se poser entre le salaire demand´e par un employ´e et l’indemnit´e de chˆomage qui
lui est accessible. Siηθ = 1 n’est pas satisfaite, alors le taux de chˆomage observ´e participe aux
ajustements de march´e car, en toute vraisemblance,ηetθsont des composantes structurelles.
Le niveau du taux de chˆomage implique un mouvement du salaire pour que l’ajustement
s’op`ere.
Si cette ´equation est v´erifiable, les donn´ees maliennes, en coupe instantan´ee, ne se prˆetent
qu’au test de la courbe du salaire. Cependant, l’id´ee que les niveaux ant´erieures du salaire,
et par relation, du taux de chˆomage jouent un rˆole sur les niveaux pr´esents des deux
va-riables d’int´erˆet sera pr´esente dans les d´eveloppements (au travers de la notion d’hyst´er`ese
du chˆomage).
3.2 Test du mod`ele sur les donn´ees maliennes : mod`ele spatial
et mod`ele d´emographique
3.2.1 Sp´ecifications du mod`ele
3.2.1.1 Mod`ele et variables
3.2.1.1.1 Mod`ele
Les donn´ees utilis´ees sont issues de l’Enquˆete Permanente Aupr`es des M´enage (EPAM)
de 2004. Sur ces donn´ees nous appliquons, une forme de l’´equation du salaire `a la Mincer
(1974) proche de l’´equation 3.28. Comme les donn´ees sont en coupe instantan´ee, alors seuls
les effets fixes spatiaux devront ˆetre capt´es. Nous avons :
ln(w
ij) =αln(u
mj) +βX
ij′+δ
j+ε
ij(3.28)
Le mod`ele sera appliqu´e sous deux sp´ecifications (chacune ayant ses sous sp´ecifications).
D’un cˆot´e, c’est le march´e de travail local qui sera mis en avant (par rapport `a la premi`ere
rationalisation th´eorique). La sp´ecification sera faite avec un taux de chˆomage local prenant
en compte la distinction entre les milieux urbains et les milieux ruraux (u
mj