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La méthodologie de la recherche : un cheminement en trois étapes

Afin de vérifier ou d’invalider l’hypothèse de recherche, notre réflexion se fonde sur une « manière de conduire la pensée »78 proprement juridique. La méthode consiste ici à

examiner les différents textes du régime du climat, en les interprétant à la lumière des travaux préparatoires qui ont conduit à leur adoption, ainsi que des différents écrits de la doctrine juridique pertinente.

Du point de vue formel, l’examen se concentre donc principalement sur les sources conventionnelles du régime du climat (Convention sur le climat, Protocole de Kyoto) et sur le droit dérivé de ces deux instruments élaboré au sein de la COP et de la COP/MOP. Il se complète également d’une analyse de certains documents produits par les États en application de leurs engagements (par exemple, les communications nationales) ou par les organes de la Convention (par exemple, des notes du Secrétariat)79.

Du point de vue matériel, puisque l’objectif « ultime » du régime du climat consiste à « stabiliser … les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère », notre attention se porte sur la question de l’atténuation des changements climatiques, c’est-à-dire, sur la question de la maîtrise des émissions de GES. Cette question, qui forme avec

76 Raymond Gassin, « Une méthode de la thèse de doctorat en droit », Revue de la recherche juridique, vol. 67, n° 4, 1996, p. 1179.

77 Jocelyn Létourneau, Le coffre à outils du chercheur débutant. Guide d’initiation au travail intellectuel, Oxford University Press, Toronto, 1989, p. 176.

78 Henry Motulsky, cité dans : Jean-Louis Bergel, Méthodologie juridique, Presses Universitaires de France, Paris, 2001, p. 18. Sur ce point voir également : Olivier Corten, Méthodologie du droit international public, Éditions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2009, 291 pages.

79 Précisons également que, du point de vue temporel, notre recherche couvre une période qui s’étend du début des années 1990, avec les origines du régime du climat, à septembre 2014, date de fin de la rédaction de cette thèse.

l’adaptation l’un des deux piliers du régime du climat, ne fait cependant pas l’objet d’un corps de règles unifiées mais présente une nature transversale. Aussi, la démonstration implique de s’intéresser à des dispositions qui relèvent de thématiques différentes, telles que les mécanismes de marché, les procédures de contrôle, la mise au point et le transfert de technologies ou l’impact des mesures de riposte. En ce sens, cette thèse s’inscrit dans une lecture « macroscopique »80 du régime du climat qui vise avant tout à en donner une

vision d’ensemble.

Consacrée à l’évaluation et à la critique du système multilatéral de lutte contre les changements climatiques, cette thèse est donc une étude de droit positif et elle se destine en premier lieu (mais pas exclusivement) à la communauté juridique universitaire. Cela dit, puisque le droit présente une nature ouverte, et qu’il ne peut être envisagé dans une sorte d’« isolationnisme intellectuel »81, le régime du climat n’est pas examiné en parfaite

déconnexion de son environnement non juridique et des autres champs du savoir. Plus précisément, des notions des sciences économiques doivent parfois être mobilisées dans la construction des raisonnements. Cette approche « interdisciplinaire »82 est notamment

privilégiée pour l’étude des mécanismes de marché du Protocole de Kyoto, dont l’existence repose sur l’application de certaines théories économiques néo-classiques à la protection de l’environnement.

Pour présenter les résultats de cette recherche de façon ordonnée et cohérente, nous avons dû tenir compte de deux facteurs dans la construction du « plan de rédaction »83. Le premier

facteur est le fait que les aspects économiques qui caractérisent le défi climatique sont de deux ordres distincts, soit la promotion de la transition énergétique et l’encadrement des préoccupations économiques nationales. Certes, on peut convenir que ces deux questions sont intimement liées. Après tout, c’est bien la nécessité de procéder à cette réforme des

80 Joël de Rosnay, Le Macroscope. Vers une vision globale, Seuil, Paris, 1975, 314 pages.

81 Groupe consultatif sur la recherche et les études en droit, Le droit et le savoir : rapport au Conseil de

recherche en sciences humaines du Canada, Divion de l’information, Le Conseil, Ottawa, 1983, p. 74.

82 François Ost, Michel van de Kerchove, « De la scène au balcon. D’où vient la science du droit ? », in François Chazel, Jacques Commaille, dir., Normes juridiques et régulations sociales, LGDJ, Paris, 1991, p. 77.

processus de développement qui fait craindre aux États de renoncer à des gains immédiats. Cependant, nous avons constaté qu’au sein du régime du climat, étudier la prise en compte de la nécessité de réformer les processus de développement, et étudier la prise en compte des préoccupations économiques nationales, conduisait en réalité à examiner des dispositions, des mécanismes, mais aussi des problématiques, de nature différente.

Le second facteur dont nous avons dû tenir compte dans la construction du plan est le fait que la préparation de cette thèse a coïncidé avec le déroulement de négociations importantes visant à définir l’avenir du régime du climat après 2012 (c’est-à-dire après l’expiration de la première période d’engagement du Protocole de Kyoto). Débutées en 2007, ces négociations n’ont jusqu’à présent débouché que sur des solutions temporaires, et elles se poursuivent donc encore aujourd’hui avec l’élaboration d’un « protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique »84.

Or, au fil de ces différents cycles de négociation, nous avons observé une évolution progressive de l’architecture et du contenu du régime du climat.

Compte tenu de ces deux facteurs, le cheminement qui est suivi dans cette thèse pour répondre à la question de recherche et vérifier ou invalider l’hypothèse provisoire qui a été posée, repose sur trois étapes. Les deux premières étapes sont consacrées à l’étude de la prise en compte des aspects économiques du défi climatique dans la construction de la « version initiale » du régime du climat, c’est-à-dire la version qui a été en vigueur jusqu’au début des négociations du post-2012. Ces étapes portent respectivement sur l’étude de la prise en compte de la nécessité de réformer le processus de développement (Partie I) et l’étude de la prise en compte des préoccupations économiques nationales de court terme (Partie II). Enfin, dans un troisième temps, la thèse s’intéresse à la prise en compte des aspects économiques du défi climatique dans les règles du système multilatéral de lutte contre les changements climatiques élaborées au cours des dernières années et qui s’appliquent à la période post-2012 (Partie III).

84 Décision 1/CP.17, Création d’un groupe de travail spécial de la plate-forme de Durban pour une action