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PARTIE I LA PRISE EN COMPTE DE LA NÉCÉSSITÉ DE REFORMER LE PROCESSUS

Chapitre 1 – Une prise en compte effective

1.3. Une prise en compte consacrée par un mécanisme de tarification des émissions

1.3.2. Un mécanisme destiné à influencer le comportement des agents économiques

1.3.2.2. La contribution des échanges marchands

Dans le cadre du débat qui oppose la taxe au marché de droits, les économistes s’accordent généralement pour dire que l’un des avantages des marchés de droits est qu’ils permettent d’atteindre des objectifs environnementaux à un coût moindre qu’avec l’outil fiscal. Le raisonnement à la base de cette thèse réside dans le fait que la technique des permis échangeables garantit une flexibilité dans la réduction de polluants que n’offre pas la taxe.

230 Alain Karsenty, Jacques Weber, « Les marchés de droits pour la gestion de l’environnement. Introduction générale », op. cit., note 178, p. 9. L’expression « taxe pigouvienne » fait référence au nom de l’économiste Arthur Cecil Pigou, qui fut le premier à prôner un recours à l’outil fiscal et budgétaire pour amener les agents économiques à tenir compte de la préservation de l’environnement dans leurs comportements.

En effet, dans le cadre d’un marché de droits, si un agent décide de dépasser son quota, celui-ci peut toujours compenser ses émissions supplémentaires en achetant des droits auprès d’un autre agent qui aura au contraire réussi à réduire ses émissions. Or, sur ce marché, les agents économiques qui sont prêts à acheter des droits sont ceux qui retirent de leur possession le plus grand bénéfice232, autrement dit, ceux pour lesquels l’effort à

consentir pour réduire leurs émissions est plus élevé que le coût de l’acquisition des droits supplémentaires. Grâce à cette flexibilité, les échanges de droits d’émission confèrent donc la possibilité de « délocaliser les réductions »233 dans les endroits où elles sont le moins

onéreuses, c’est-à-dire, dans les endroits où elles sont le plus facilement réalisables.

Ainsi, les efforts de réduction qui auront été entrepris à moindre coût pourront profiter aux agents économiques pour lesquels de telles réductions auraient été plus difficiles, voire impossibles, à réaliser. Ce faisant, le système des permis négociables « make[s] the cost of reaching the reduction targets cheaper and increase[s] the chances that they will actually be reached »234. Précisons enfin que, du point de vue environnemental, cette délocalisation

des mesures de réduction n’est envisageable qu’en ce qui concerne la protection des écosystèmes globaux, comme l’atmosphère, puisque pour ces écosystèmes toute action de dépollution est bénéfique, quel que soit le lieu de sa mise en œuvre.

Cependant, la réduction des coûts n’est pas le seul avantage que présente le système de permis négociables par rapport à une taxe. En effet, ce système offre également aux agents économiques la possibilité de tirer profit de leurs efforts de dépollution en revendant leurs permis excédentaires. Les économistes ont d’ailleurs tendance à considérer qu’une telle

232 Jean-Michel Salles, « Pollution atmosphérique et marchés de droits négociables. Analyse économique du dispositif juridique issu du processus de Kyoto », in Sandrine Maljean-Dubois, dir., L’outil économique en

droit international et européen de l’environnement, op. cit., note 86, p. 211.

233 Patrick Criqui, Benoît Faraco, Alain Grandjean, Les États et le carbone, op. cit., note 17, pp. 186-187. Les auteurs notent que s’il est « moins coûteux d’améliorer le rendement des centrales thermiques dans un pays A que de pratiquer une tripe isolation des vitrages dans un pays B, alors le pays A pourra dépasser son objectif de rénovation des centrales pour vendre les réductions d’émissions associées au pays B, lequel pourra éviter de mettre en œuvre des actions plus coûteuses ».

234 David Freestone, « The UN Framework Convention on Climate Change, the Kyoto Protocol and the Kyoto Mechanisms », in David Freestone, Charlotte Streck, dir., Legal Aspects of Implementing the Kyoto Protocol

incitation peut générer des réductions de polluants au-delà du seuil que la norme impose de respecter, dans la mesure où les efforts additionnels de réduction peuvent être rentabilisés par la cession des droits non utilisés235.

Le mécanisme de tarification du Protocole de Kyoto ne vise donc pas seulement à sanctionner les émissions de GES ; en permettant la mise en vente des droits non utilisés sur le marché international du carbone, il vise aussi à créer une incitation positive à agir en faveur de la transition énergétique. Les agents économiques pour lesquels le coût d’abattement des réductions de GES est le plus faible se trouvent ainsi encouragés à profiter de l’avantage comparatif qu’ils possèdent dans ce domaine puisque cet avantage peut constituer une source de revenus.

Par ailleurs, les opportunités économiques offertes par les échanges marchands sont d’autant plus grandes que, grâce aux mécanismes de projets (MDP et MOC), les participants au marché international du carbone peuvent bénéficier des faibles coûts d’abattement des émissions dans les pays en transition vers une économie de marché et en développement. Ce faisant, ces mécanismes de projets participent également à une diffusion des pratiques et des technologies propres au sein de ces pays qui est indispensable pour éviter que leur processus de développement économique ne devienne trop fortement émetteur de GES. C’est pourquoi ces mécanismes ont souvent été présentés comme un exemple de mesure de lutte contre les changements climatiques win-win, puisqu’ils apparaissent profitables tant pour les investisseurs que pour les pays hôtes des projets236.

235 Olivier Godard, « Les permis d’émission négociables et la lutte contre la pollution atmosphérique », Séminaire Économie de l’environnement du Commissariat Général du Plan, 14 octobre 1998, p. 3, en ligne : <http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/62/28/57/PDF/cgpperneg-98.pdf> (consulté le 15 septembre 2014). 236 On sait toutefois que la réalité est différente, puisque l’intégrité environnementale des mécanismes de projet a été remise en cause, notamment en raison de la difficulté de vérifier l’exactitude des émissions évitées. Sur les critiques formulées à l’encontre du MDP voir par exemple : Christina Voigt, « The Deadlock of the Clean Development Mechanism: Caught Between Sustainability, Environmental Integrity and Economic Efficiency », in Benjamin J. Richardson, Yves Le Bouthillier, Heather McLeod-Kilmuray, et al., dir., Climate Law and Developing Countries: Legal and Policy Challenges for the World Economy, Edward Elgar, Cheltenham, 2009, pp. 235-261.

Avec son système d’échange de droits d’émission, le Protocole de Kyoto tente donc de favoriser une réforme du processus de développement économique en véhiculant « l’idée selon laquelle la préservation de l’environnement ne doit pas être conçue comme une contrainte », mais qu’elle peut au contraire être « créatrice de valeur »237. L’idée sous-

jacente à ce mécanisme de tarification est de faire en sorte que l’atmosphère ne soit plus une ressource « laissée-pour-compte de la bourse des valeurs » et que « la rationalité de sa gestion économique rejoigne la rationalité de sa protection écologique »238.

Or, dans le cadre d’un système économique fondé sur l’accumulation continue des richesses, réussir à transformer l’obligation de se conformer à des seuils de rejets de GES en opportunité constitue très certainement un élément essentiel pour amener spontanément les agents économiques à orienter la croissance vers un modèle économe en carbone239.

Compte tenu de l’ampleur des changements qu’elle implique, la transition énergétique ne peut vraisemblablement être uniquement imposée par l’interventionnisme étatique dans l’économie, la contrainte et la sanction. Il est sans doute préférable qu’elle puisse être perçue comme une source d’opportunités pour les agents économiques, plutôt que comme une source de sacrifices240. En ce sens, si la possibilité de recourir à des échanges

marchands peut contribuer à la réalisation de la transition énergétique, c’est aussi parce qu’elle permet de favoriser l’acceptabilité sociale de ce projet très contraignant. D’ailleurs, lors des négociations du Protocole de Kyoto, l’administration américaine jugea que la mise en place d’un système de permis négociables permettrait de « déminer l’opposition de l’industrie privée »241 et de faciliter l’acceptation des cibles de réduction au sein de sa

population.

237 Jean-Charles Bancal, « Le ‘mécanisme financier’ et les ‘mécanismes flexibles’ de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques : le rôle moteur du fonds mondial pour l’environnement et du marché carbone », Revue de droit des affaires internationales, n° 2, 2009, p. 131.

238 René-Jean Dupuy, « Conclusions du Colloque », in René-Jean Dupuy, dir., L’avenir du droit international

de l’environnement, Martinus Nijhoff, Dordrecht, 1985, p. 499.

239 Patricia Crifo, Olivier Godard, « Des politiques publiques au service de l’économie verte », Cahiers

français, L’économie verte, n° 355, 2010, p. 45.

240 James Cameron, « Climate Change in Business », in David Freestone, Charlotte Streck, dir., Legal Aspects

of Implementing the Kyoto Protocol Mechanisms: Making Kyoto Work, op. cit., note 191, p. 29.

241 Jean-Charles Hourcade, « Le climat au risque de la négociation internationale », Le Débat, n° 113, 2001, p. 139.

Cela étant, recourir à la logique du marché pour « assurer la restauration de ce qu’elle détruit en rendant productive la non-destruction de la nature »242 est une stratégie que les

États se sont souvent vus reprocher lors de l’adoption du Protocole au nom de considérations éthiques. Comme l’indique Olivier Godard :

une frange importante des organisations écologistes voit dans le marché la source même des désastres et de la dégradation de l’environnement et n’était pas intellectuellement prête à trouver dans des instruments reposant sur l’échange le meilleur moyen de promouvoir des solutions à la fois efficaces pour l’environnement et les moins coûteuses243.

Confier au marché la résolution d’un problème environnemental qui découlait justement d’une défaillance du marché ne pouvait susciter chez les milieux antilibéraux qu’une forte résistance idéologique. Il est vrai que le mécanisme de tarification repose sur des « droits à émettre » qui peuvent donner l’impression d’une appropriation et d’une « marchandisation » de l’atmosphère244.

Les États ne sont d’ailleurs pas restés insensibles à ces critiques puisque ceux-ci ont pris soin de préciser que le « Protocole de Kyoto n’a créé ni conféré aux Parties visées à l’annexe I aucun droit ou titre les autorisant à produire des émissions »245. Mais peut-être le

problème tient-il ici, comme le souligne Jean-Charles Hourcade, à la « charge sémantique du mot marché ». Car le marché international du carbone est-il un « outil immoral permettant aux riches d’acheter des droits à polluer ou une restriction de l’accès libre à une

242 Marie-Angèle Hermitte, « La nature entre l’éthique et le marché », Cahiers Français, Environnement et gestion de la planète, n° 250, 1991, p. 120.

243 Olivier Godard, « Le changement climatique planétaire. Le commerce de permis d’émission au service de la protection d’un bien collectif », Revue d’économie financière, vol. 66, n° 2, 2002, pp. 79-80.

244 Monique Chemillier-Gendreau, « Les enjeux de la Conférence de Kyoto. Marchandisation de la survie planétaire », Le Monde Diplomatique, janvier 1998, p. 3. Également : Michael Rodi, Michael Mehling, Janine Rechel, et al., « Implementing the Kyoto Protocol in a Multidimensional Legal System: Lessons from a Comparative Assessment », Yearbook of International Environmental Law, vol. 16, n° 1, 2005, p. 15. Selon les auteurs, « market mechanisms and the resulting assignment of a price to GHG emissions have, however, also drawn criticism fore creating the impression of a ‘right to emit’, perpetuating current inequalities and concealing the moral implications of environmentally detrimental behavior ».

245 Décision 15/CP.7, Principes, nature et champ d’application des mécanismes prévus aux articles 6, 12 et

bien commun ? »246 ; est-ce une « victoire de la rationalité libérale face à l’arbitraire

administratif ou un encadrement fort des pouvoirs industriels »247 ?

En outre, la pertinence du recours aux échanges marchands fut aussi ardemment débattue entre les membres du régime du climat lors des négociations du Protocole de Kyoto, sans doute moins pour des raisons éthiques que politiques ou économiques248. Au-delà des

doutes exprimés sur l’efficacité environnementale de ce mécanisme249, celui-ci fut en effet

considéré par de nombreux pays en développement comme un moyen pour les pays de l’annexe B de bénéficier de réductions effectuées à l’extérieur de leur territoire et de se soustraire par ce biais à l’exécution de leurs engagements. En ce sens, le groupe du G77 et de la Chine (un groupe de négociation qui réunit l’ensemble des pays en développement dans les discussions climatiques) exprima son refus de permettre des échanges de droits d’émission au motif, notamment, que les réductions devraient être réalisées « primarily through domestic action »250.

De plus, le fait que la proposition ait été défendue par les États-Unis, opposés depuis le début des négociations à toute forme d’engagement de réduction chiffré des émissions avec un échéancier, l’entachait forcément de suspicion aux yeux de certaines délégations, y compris européennes. Bien sûr, ces oppositions cachaient mal la crainte de certains États, n’ayant pas d’objectif de réduction des émissions ou ayant une situation interne leur permettant de réduire leurs émissions à moindre coût, de voir leur avantage compétitif diminuer par rapport à leurs concurrents251.

246 Jean-Charles Hourcade, « Le climat au risque de la négociation internationale », op. cit., note 241, p. 145. 247 Ibid.

248 Lors des négociations, le président du Groupe spécial du Mandat de Berlin (l’organe subsidiaire créé par la COP en 1995 au sein duquel fut négocié le Protocole de Kyoto), l’argentin Raùl Esrtada-Oyuela, se déclara d’ailleurs « ‘really concerned’ that this issue ‘could blow up the whole protocol’ ». Joanna Depledge, « Tracing the Origins of the Kyoto Protocol: An Article-by-Article Textual History », Technical Paper prepared under contract to the UNFCCC, FCCC/TP/2000/2, 25 novembre 2000, p. 70, en ligne : <http://unfccc.int/resources/docs/tp/tp0200.pdf> (consulté le 15 septembre 2014).

249 Ibid., p. 68. L’auteure note par exemple que le Kenya a considéré qu’« emissions trading should not be adopted until it had been considered by the SBSTA and its environmental benefits demonstrated ».

250 Ibid., p. 69.

251 Olivier Godard, « Le changement climatique planétaire. Le commerce de permis d’émission au service de la protection d’un bien collectif », op. cit., note 243, p. 80.

Finalement, ce qui paraissait être en 1997 la consécration d’une vision américaine de la lutte contre les changements climatiques, libérale, inféodée aux forces du marché, et donc forcément suspecte, constitue désormais un standard dans les politiques publiques en matière de contrôle des émissions de GES. Dans le sillage des négociations de Kyoto, la technique des marchés du carbone s’est en effet imposée comme un outil traditionnel de lutte contre les changements climatiques, aujourd’hui présent à toutes les échelles spatiales impliquées dans la gouvernance du climat (internationale, régionale, nationale et infra- étatique)252, y compris au sein des pays en développement. Cependant, la mise en œuvre de

cet outil demeure extrêmement complexe, même au niveau national. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, l’expérience de Kyoto a en effet permis de constater que faire contribuer les échanges marchands à la lutte contre les changements climatiques est en réalité un exercice beaucoup plus compliqué que ce que le laisse a priori penser la théorie économique.

252 En mars 2011, le Secrétariat de la Convention sur le climat dénombrait neuf marchés du carbone en activité au sein des pays de l’annexe I : en Australie (New South Wales Greenhouse Gas Reduction Scheme), en Europe (Système communautaire d’échange de quotas d’émission), en Norvège, (Norway’s Emissions Trading Scheme), au Canada (Greenhouse Gas Emissions Regulation of Alberta), en Nouvelle-Zélande (New Zealand Emissions Trading Scheme), en Suisse (Swiss Emissions Trading Scheme and carbon dioxide tax), aux États-Unis (Regional Greenhouse Gas Initiative), au Royaume-Uni (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland’s Carbon Reduction Commitment Energy Efficiency Scheme) et au Japon (Tokyo Cap-and- Trade Program in Japan). Note by the Secretariat, Compilation and synthesis of fifth national

communications. Executive summary, FCCC/SBI/2011/INF.1, 20 mai 2011, p. 10. Depuis 2011, d’autres

marchés ont été mis en place, tant dans des pays développés qu’en développement. Ainsi, au cours de l’année 2013, huit nouveaux marchés du carbone ont été lancés (Alexandre Kossoy, « State and Trends of Carbon Pricing », op. cit., note 211, p. 27), dont celui de la province du Québec, lancé en 2013. Sur ce marché voir notamment : Jacques Papy, « L’encadrement de l’échange de droits d’émission dans le marché réglementé du carbone au Québec sera-t-il efficace ? Enjeux, constats et prédictions », Revue générale de droit, 2014, à

Conclusion

Une analyse de la Convention sur le climat, du Protocole de Kyoto et du droit dérivé de ces deux instruments révèle que le système multilatéral de lutte contre les changements climatiques a été doté, lors de sa mise en place, de certains outils spécifiquement destinés à influencer la conduite des activités économiques pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles. D’une part, les membres du régime du climat ont défini un ensemble de normes qui identifient des comportements étatiques en matière d’économie dont la mise en œuvre peut favoriser la réalisation de la transition énergétique. D’autre part, le Protocole de Kyoto a créé un mécanisme de tarification des émissions de GES afin d’inciter directement les agents économiques, par le biais d’un signal prix, à priviliger des énergies non fossiles et des technologies moins polluantes.

Au terme de ce premier chapitre, on peut donc dire que, pour atteindre son objectif, le régime du climat ne s’est pas uniquement appuyé sur des « normes de qualité »253,

définissant des niveaux maximaux admissibles de GES dans l’atmosphère, et que la nécessité d’agir au cœur des activités économiques pour résoudre le défi climatique a bien été prise en compte par les États dans la construction du système multiltéral de lutte contre les changements climatiques.

Selon les grilles d’analyse utilisées par la doctrine juridique, cette approche « à la source » de la lutte contre les changements climatiques correspond à une forme particulière de protection de l’environnement, généralement qualifiée d’intégrée, qui est souvent jugée indispensable pour assurer une protection efficace des écosystèmes. Cette méthode de protection de l’environnement serait apparue dans les conventions internationales au cours des années 1980, dans le contexte de la reconnaissance croissante de l’interdépendance des

253 Les normes de qualité peuvent être définies comme celles qui « fixent les niveaux maximaux admissibles de pollution dans les milieux récepteurs : air, eau, sol ». Alexandre Kiss, Jean-Pierre Beurier, Droit

questions d’environnement et de développement. Son importance a été soulignée à plusieurs reprises par les États, notamment au Principe 13 de la Déclaration de la

Conférence des Nations Unies sur l’environnement de 1972254, et, plus encore, au Principe

4 de la Déclaration de Rio255.

Selon la doctrine, la particularité de cette méthode est qu’elle consiste à « gérer un problème de protection de l’environnement en son entier, sans le fractionner, en tenant compte de l’interdépendance des phénomènes naturels et des actions humaines à l’origine des dégradations »256. Il s’agit ainsi de « replacer les problèmes d’environnement dans un

contexte global » pour « saisir les causes et les conséquences sociales, économiques et humaines de la détérioration de l’environnement »257. Son apparition fait suite à une prise

de conscience progressive chez les États des limites inhérentes à l’approche qui fut à l’origine privilégiée pour protéger l’environnement258. En effet, comme le note Philippe

Sands, la préservation des écosystèmes a été historiquement envisagée « on the margins of international economic concerns »259 alors même que la plupart des dégradations

environnementales ont toujours trouvé leur sources dans des activités économiques. L’avantage d’une protection intégrée de l’environnement est donc qu’elle vise à intervenir

254 Le Principe 13 de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement énonce que « afin de rationaliser la gestion des ressources et ainsi d’améliorer l’environnement, les États devraient adopter une conception intégrée et coordonnée de leur planification du développement, de façon que leur développement soit compatible avec la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt de leur population ». Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Conférence des Nations Unies sur l’environnement, 16 juin 1972, texte reproduit dans : Rapport de la Conférence des Nations

Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972, op. cit., note 89, p. 5.

255 Le Principe 4 de la Déclaration de Rio (op. cit., note 136, p. 3) est ainsi formulé : « pour parvenir à un