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Le Comité intergouvernemental de négociation de la Convention sur le climat

PARTIE I LA PRISE EN COMPTE DE LA NÉCÉSSITÉ DE REFORMER LE PROCESSUS

Chapitre 1 – Une prise en compte effective

1.1. Une prise en compte antérieure au régime du climat

1.1.2. Le Comité intergouvernemental de négociation de la Convention sur le climat

La création d’un Comité intergouvernemental de négociation (CIN) chargé d’élaborer une convention-cadre concernant les changements climatiques fut décidée par l’Assemblée générale des Nations Unies, dans une résolution de décembre 1990111. Cette résolution

donnait pour mandat à ce Comité d’élaborer un texte comportant des « engagements appropriés » pour faire face au défi climatique et de faire en sorte que celui-ci puisse être ouvert à signature lors de la tenue de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, prévue pour juin 1992.

À cet effet, la résolution établissait un calendrier pour le déroulement des négociations. Selon ce calendrier, le Comité devait se réunir à cinq reprises entre février 1991 et juin 1992. Les États disposaient donc d’un temps très court, dix-huit mois en tout, pour s’entendre sur une façon de résoudre ce problème particulièrement complexe de l’effet de serre. Tâche d’autant plus compliquée que les discussions mettaient en rapport un nombre important d’États, avec des intérêts forts divergents et des échelles de valeurs très hétérogènes112. Au terme d’un processus difficile, et critiqué par certains en raison de la

confiscation des négociations orchestrée par le Président du Comité au profit d’un groupe restreint de délégations, les États parvinrent malgré tout à adopter par consensus, le 9 mai 1992, le texte de la Convention sur le climat113.

111 Assemblée générale des Nations Unies, Protection du climat mondial pour les générations présentes et

futures, A/RES/45/212, 21 décembre 1990, pp. 159-161.

112 Daniel Bodansky, « The United Nations Framework Convention on Climate Change: A Commentary »,

op. cit., note 34, p. 477. L’auteur constate que les réunions du comité comprenaient entre 102 et 151 États. En

comparaison, il rappelle que la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, (1997) 1513 RTNU 293, fut uniquement négociée par 43 États.

113 Suite à une première réunion du Comité en février 1991, essentiellement consacrée à des aspects procéduraux, les négociations sur le contenu du texte commencèrent véritablement vers la fin de la deuxième session organisée en juin 1991. Très rapidement, des points de blocage apparurent dans les discussions, notamment à propos de la nature des engagements à adopter pour réglementer les GES (engagements de limitation ou de réduction, chiffrés ou non chiffrés, définis au niveau national ou international, contraignants ou non contraignants, avec ou sans échéancier). Au cours des réunions suivantes (septembre et décembre 1991), les États ne parvinrent pas à débloquer un processus de négociation de plus en plus grippé. Craignant de ne pouvoir terminer leur travail au cours de la cinquième session prévue pour février 1992, ils adoptèrent

Un examen des travaux menés au sein du Comité de négociation permet de constater que l’importance de réglementer la conduite des activités économiques pour réduire les émissions de GES fut soulignée à plusieurs reprises au cours de l’élaboration de la Convention, essentiellement de deux manières. En premier lieu, de nombreuses déclarations effectuées pendant les réunions du Comité abordèrent cette question. Par exemple, lors de sa première réunion, une allocution prononcée au nom du Secrétaire général de l’ONU évoqua la nécessité pour la communauté internationale de « s’attaquer non seulement aux symptômes du changement climatique, mais aux sources mêmes du problème » et, en conséquence, de « repenser le développement, aussi bien au Nord qu’au Sud »114.

Au cours de cette même réunion, le directeur exécutif du PNUE jugea qu’afin de définir des mesures de protection du climat, il serait « indispensable de réfléchir avec clarté aux problèmes des prix des produits de base »115, ainsi qu’à la question des « sources d’énergie

de remplacement ». Il mentionna également l’importance de « faire l’impasse sur l’utilisation de technologies polluantes » et la possibilité de faire « appel à des moyens comme l’imposition d’une taxe sur le carbone, la perception de redevances d’utilisation,

alors, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies, une résolution les autorisant à tenir cette session en deux parties (Assemblée générale des Nations Unies, Protection du climat pour les générations

présentes et futures, A/RES/46/169, 19 décembre 1991, pp. 139-140). Compte tenu de l’échec de la première

partie de cette dernière session, sa deuxième partie fut convoquée en avril 1992. Entre temps, le président du Comité prit l’initiative de réunir un bureau élargi (extended Bureau), composé de quelques délégations représentatives des différents groupes régionaux, ce qui permit d’obtenir des avancées significatives dans la préparation de la convention. Finalement, ce bureau élargi confia au président du Comité la charge de présenter, lors de la dernière session, son propre texte de compromis afin qu’il n’y ait plus de variantes à négocier. Le 30 avril 1992, lors de l’ouverture de la deuxième partie de la cinquième session, le président du Comité proposa ainsi une série de textes qui furent examinés par l’ensemble des États. Mais dans la mesure où de nombreuses délégations cherchèrent à en renégocier le contenu, le 8 mai, le président du Comité décida, avec l’appui des États-Unis et de la Communauté européenne, de soumettre à l’ensemble des États un texte final en précisant qu’il ne donnerait plus lieu à discussion. Comme le souligne Jean-François Pulvenis, « it was a ‘take it or leave it’ situation » (Jean-François Pulvenis, « The Framework Convention on Climate Change », in Luigi Campiglio, Laura Pineschi, Domenico Siniscalco, et al., dir., The Environment After Rio:

International Law and Economics, Graham & Trotman, Londres, 1994, p. 90). En dépit des critiques

formulées à l’encontre de cette approche, ce texte final fut adopté par consensus le 9 mai 1992. Voir : CIN,

Rapport du Comité intergouvernemental de négociation d’une convention-cadre sur les changements climatiques sur les travaux de sa cinquième session (deuxième partie), tenue à New York du 30 avril au 9 mai 1992, A/AC.237/18 (Partie II), 16 octobre 1992.

114 CIN, Rapport du Comité intergouvernemental de négociation chargé d’élaborer une convention-cadre

concernant les changements climatiques sur les travaux de sa première session, tenue à Washington (D.C.) du 4 au 14 février 1991, A/AC.237/6, 8 mars 1991, p. 4.

l’allégement de la dette, l’octroi de droits d’émissions négociables et autres mesures novatrices »116. Pour sa part, le Secrétaire général de l’OMM rappela aux délégations que

les négociations auraient « une portée virtuellement sans précédent pour le développement socio-économique » et que malgré leur objet environnemental, celles-ci « porteraient également sur les transformations fondamentales des politiques et des pratiques mondiales en matière d’énergie »117.

Par ailleurs, au cours du débat général qui suivit ces déclarations, certains États insistèrent sur l’importance de mener des « actions inspirées par … l’augmentation du rendement énergétique et la mise au point de sources d’énergie nouvelles et renouvelables »118,

d’« exploiter de nouvelles sources d’énergie »119, de prévoir des obligations relatives à

« une utilisation plus efficace de l’énergie »120 et de « modifier les modes de consommation

dans les pays développés »121.

En second lieu, plusieurs des propositions soumises par les États au Secrétariat du Comité de négociation énoncèrent des mesures qui étaient spécifiquement destinées à rendre les activités économiques moins émettrices de GES. Selon ces propositions, la Convention devait par exemple prévoir des dispositions portant sur : l’intensification de la recherche et de l’investissement public en matière de technologies propres et d’amélioration de l’efficacité énergétique122 ; la réglementation des émissions en provenance de secteurs

d’activité spécifiques, tels que l’énergie, l’industrie, le transport, l’agriculture, la foresterie, la gestion des déchets ou les usages domestiques123, mais aussi l’exploitation des mines de

charbon, l’extraction pétrolière et gazière, le transport et la distribution du gaz (pour éviter 116 Ibid., p. 6. 117 Ibid., p. 7. 118 Ibid., p. 13. 119 Ibid., p. 16. 120 Ibid., p. 15. 121 Ibid., p. 13.

122 India, « Paper n° 15 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, A/AC.237/Misc.1/

Add.3, 18 juin 1991, p. 6.

123 Japan, « Paper n° 20 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, A/AC.237/

les fuites de méthane)124 ; l’adoption de standards communs en matière d’efficacité

énergétique pour les véhicules à moteur ainsi que divers appareils électriques (réfrigirateurs, climatiseurs, chauffages)125 ; l’élaboration de stratégies énergétiques

nationales permettant de réduire les émissions de GES126 ; l’instauration d’un système de

taxes nationales harmonisées sur l’usage des combustibles fossiles127 ; la création d’un

système de permis d’émission négociables à l’échelle mondiale128 ; ou encore, la restriction

et la réduction des subventions accordées aux secteurs qui contribuent aux changements climatiques, y compris dans le domaine énergétique129.

En définitive, il semble bien que l’on trouve dans ces différentes propositions les traces d’un véritable programme pour réaliser une transition énergétique. Ce constat conduit ainsi à nuancer la thèse défendue par certains auteurs selon laquelle ce n’est qu’à partir du début des années 2000, notamment avec l’adoption en 2001 des Accords de Marrakech, lors de la COP 7, que les États auraient véritablement pris conscience que lutter contre les changements climatiques signifiait « décarboniser le mode de production capitaliste »130.

124 Netherlands, « Paper n° 6 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, A/AC.237/Misc.1/

Add.1, 22 mai 1991, p. 28.

125 Sweden, « Paper n° 19 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, A/AC.237/Misc.1/

Add.6, 20 juin 1991, p. 4.

126 France, « Paper n° 13 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, A/AC.237/Misc.1/

Add.2, 11 juin 1991, p. 5.

127 Sur cette question, l’Autriche et la Suisse avaient ainsi considéré que « at this point, it will have to be discussed whether policy instruments contained in the programmes to combat global warming should be further qualified, especially, fiscal and financial instruments ». La proposition de la délégation française allait toutefois plus loin dans la mesure où elle estimait que : « the industrialized countries should institute within their national tax systems a graduated surtax on fossil energy at a uniform rate to cover the external costs of greenhouse effect. This tax would be applied in the industrialized countries under conditions which would avoid both distortions in competition and the dislocation of industrial sites ». Voir : Austria, Switzerland, « Paper n° 2 », et France, « Paper n° 3 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers

provided by delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, op. cit.,

note 124, p. 6 et p. 13.

128 Norway, « Paper n° 14 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided by

delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, op. cit., note 126, pp.

17-18.

129 Austria, Switzerland, « Paper n° 2 », in Note by the Secretariat of the INC, Set of informal papers provided

by delegations, related to the preparation of a Framework convention on climate change, op. cit., note 124, p.

7.

Comme nous l’avons constaté, les États paraissaient déjà bien au fait, lors de la négociation de la Convention sur climat, qu’une réduction des émissions de GES exigerait d’importantes réformes énergétiques et économiques.

Qu’ils aient été conscients de la nécessité de ces transformations énergétiques et économiques est une chose ; mais réussir à s’entendre collectivement sur des engagements multilatéraux susceptibles de favoriser la réalisation de ces transformations en est une autre. Aussi, il convient à présent d’examiner le contenu du régime du climat pour identifier les moyens par lesquels ses membres ont spécifiquement cherché à réorienter le processus de développement économique.

1.2. Une prise en compte consacrée par une réglementation du