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Méthodes d'étude des CoP discutées dans la littérature

Chapitre 2 - Repères épistémologiques et méthodologiques méthodologiques

4. Méthodes d'étude des communautés de pratique

4.2. Méthodes d'étude des CoP discutées dans la littérature

En appui au recueil des pratiques de recherche réalisé précédemment, je propose de regarder ce que des chercheurs ont écrit à propos des méthodes d'étude des CoP, que ce soit en termes d'usage courant ou de propositions.

Pour Wenger (2008), « il est difficile de comprendre une communauté simplement de l’extérieur » (p.188). Cette phrase illustre bien les méthodes de recherche employées généralement par l'ensemble de la communauté des chercheurs qui travaillent sur le sujet des communautés de pratique. De nombreux auteurs ont en commun de chercher à poursuivre la tradition dont est issu le courant de l'apprentissage situé, c'est-à-dire des méthodes qualitatives, des études de cas approfondies à partir d’observation participante longitudinale et d’entretiens semi-directifs, des ethnographies (Daele et Charlier, 2006 ; Pudelko et al., 2004; Laferrière et al., 2004, Bourhis et Tremblay, 2004; Johnson, 2001; Preece et Malonay-Krichmar 2003, Latzko-Toth, 1998).

Dans l'ouvrage de Daele et Charlier (2006), deux chapitres intitulés « Quels apprentissages dans des communautés d’enseignants en ligne ? Réflexions méthodologiques et perspectives »

(Baron et al.) et « Méthodes d’étude des communautés virtuelles » (Pudelko et al.) appuient ce constat et fournissent une synthèse intéressante des méthodes et techniques employées. Même si les textes sont relatifs à des communautés virtuelles d'enseignants où les discussions asynchrones ont une place prépondérante, il me semble pertinent de les relever ici car l'intention de ces auteurs est avant tout de questionner les relations entre l’activité des membres d'une CoP et les apprentissages réalisés – et non de questionner son existence – que la CoP soit entièrement ou partiellement virtuelle.

Pudelko et al. (2006) s'appuient sur une revue de la littérature pour relever et proposer une démarche constante dans ce genre d’études et assez classique en sciences sociales. Les auteurs invitent à étudier des cas, des événements où le recueil des données s’effectuera par observation systématique qui pourra être préalable à une observation participante dans laquelle le chercheur est invité à réaliser des entretiens semi-directifs ou non directifs, privilégiant les rencontres présentielles malgré la distance géographique existant très souvent entre les membres. Le questionnaire ne semble pas exclu mais n’est pas central dans ce type de démarche. Le recueil des données est issu des discussions et des interactions. Les données recueillies sont verbales et non verbales et très dépendantes des dispositifs technologiques. D’autres informations peuvent être extraites via des règlements officiels, des listes, des statistiques, des albums photos… Parfois, un traitement quantitatif des discussions peut être effectué à l’aide d’un logiciel. L’analyse porte principalement sur des données écrites. C’est donc généralement une analyse de contenu que les chercheurs ont à réaliser, grâce à une reformulation et un classement de ce que peuvent contenir des sources comme des entretiens, des échanges informels, des interactions en ligne ou des documents écrits. L’analyse porte sur les contenus manifestes et/ou latents et se déroule en quatre étapes (p.136) :

- la constitution d’un corpus, à partir d'un type d'échantillonnage défini ;

- la création d’une grille d’analyse à partir de catégories sémantiques prédéfinies ou non;

- le codage des unités de sens ou thèmes, comportant des procédures de vérification de la validité et de la fidélité de l’analyse (si inter-juges) ;

- l’analyse des résultats pour décrire les variables ciblées et les relations entre elles.

Dans bien des cas et quelle que soit par ailleurs la discipline, les chercheurs utilisent une combinaison de méthodes, très souvent au sein d'études de cas, afin de renforcer la validité

interne des recherches par l'emploi de la triangulation. Les auteurs interpellent les lecteurs sur le franchissement d'une nouvelle étape du développement de l'étude des CoP qui consisterait en l'évaluation comparative de communautés en vue de mettre en évidence leurs conditions de fonctionnement et extraire des régularités pour parvenir à construire des modèles et des théories.

Quant à Baron et al. (2006), ils circonscrivent l'approche méthodologique des CoP virtuelles autour de la question des apprentissages : « Comment peut-on attester de l'acquisition des connaissances ? Et de quelles connaissances s'agit-il ? Quand on met en évidence des phénomènes d'acquisition, il reste à savoir à quoi les attribuer ? » (p.184). Les réponses sont d'autant plus difficiles que l'apprentissage dans les CoP, contrairement aux communautés d'apprentissage, n'est pas la finalité des membres mais plus l'effet de leurs interactions.

Pour Jacques Viens (2006) « le plus souvent, le constat est l’impossibilité de mesurer l’impact des échanges sur les pratiques des enseignants » (p.257), mais les activités de dissémination peuvent être révélatrices.

Malgré cela, Baron et al. ne s'affranchissent pas de cette difficulté relative aux CoP d'enseignants et proposent non pas une, mais des méthodes. Ici encore ce sont les outils classiques de recherche comme les entretiens et les questionnaires à quoi l'on fait appel pour restituer des éléments de contexte, renseigner sur des difficultés, permettre d'approcher des représentations sociales, analyser des réseaux de sociabilité (p.184). Les traces d’interaction écrites viendraient compléter le corpus en portant un intérêt à la fois au contenu manifeste et latent, découpé en unités d'analyse à définir. Les auteurs proposent également un cadre de référence pour les chercheurs intéressés à rendre compte des processus par lesquels la connaissance se construit. Il s'agit des modèles suivants qui offrent des focalisations différentes mais qui s'intéressent aux situations de création de connaissance en situation de travail ou lors d'apprentissages collaboratifs (p.191-192) :

- la structure de l'activité humaine, l'apprentissage expansif et le modèle développemental à trois niveaux d'Engeström ;

- le modèle de Nonaka et Takeuchi (relatif au knowledge management et l'innovation en entreprise) ;

Cependant, les auteurs incitent à emprunter une approche que nous pouvons qualifier d'expérimentale afin de pouvoir analyser les apprentissages, les mesurer. Comme pour une communauté d'apprentissage, ils suggèrent d'organiser un système de tâches, ou du moins, de mettre en place des situations permettant l'acquisition et l'analyse des connaissances afin de les évaluer.