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3.5 : La médina, patrimoine dans la tourmente :

Dans le document Urbanisme et planification urbaine (Page 130-134)

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La centralité urbaine dans le monde arabe compte rendu analytique de la thèse de Zehira Naïdja Lebkiri, thèse soutenue à l’université de Provence1, janv1982 p.77

Depuis que la colonisation française avait divisé la médina en deux : une partie haute transformée pour la communauté européenne et une partie basse conservée en l’état pour les Algériens. Chacune de ces parties présente des caractéristiques physiques et fonctionnelles particulières. Les équipements administratifs, financiers, éducatifs et de services avaient été érigés dans la partie haute de la médina. Le commerce avait conservé une grande place dans toute la médina, avec une nette concentration dans la partie basse.

Bien que les commerces ne s’enfoncent pas profondément dans la médina basse, ils se concentrent essentiellement sur dans la rue Mellah Slimane (Souika) à l’entrée des rues perpendiculaires. Avec l’ouverture et libéralisation du commerce, Souika et d’autres quartiers connaissent des changements très rapides concernant les types de commerces où l’informel a pris une place importante, autant que les produits proposés. Commerces licites et illicites, commerçants et consommateurs se bousculent dans une rue d’à peine 6 mètres de large, presque entièrement occupée par le commerce d’étalage. Ce qui rend les déplacements très difficiles surtout à l’occasion des fêtes religieuses où l’affluence est à son comble.

De 39 commerces informels en 1993, représentant le 1/5 du commerce à Souika, on est passé en 2007 à 75, ils représentent plus du 1/3. Les fonds de commerce de 140 en 1993, sont passés à 154,

en 200719, l’augmentation de10%, relativement peu importante comparée à la dynamique économique, est due à la saturation du cadre bâti. Les nouveaux locaux sont le résultat de division d’anciens commerces suite au partage d’héritage, ou bien des pièces au rez de chaussée de maisons sont orientées vers l’extérieur; d’où le grand nombre de commerces de très petites surfaces entre 6 et 3 m2.

En plus du commerce quotidien, dont 65 boucheries avec12 informelles on trouve, des commerces rares tels que l’antiquaire, les herboristes, les vendeurs de certains produits artisanaux, les épices et produits de cuisine traditionnelle qu’on ne trouve qu’à deux endroits de la médina, à makkaad el hout (près de Rahbet essouf) et à Souika, ainsi que les fruits secs (amandes, noix, pistaches, cacahuettes…) très demandés pour la préparation des gâteaux traditionnels. L’unique tannerie, dernier vestige d’un passé glorieux de la maroquinerie constantinoise se trouve à l’entrée de Souika par la rue Larbi Ben M’hidi près de la médersa.

3.5.1 : La gestion incohérente de la médina :

La médina, était proposée au classement en tant que patrimoine national. Mais, la procédure de classement n’ayant pas pu être finalisée, même les responsables chargés de sa protection se sont alliés aux destructeurs. Même Souika, cette partie ancienne, voire authentique de la médina, n’a pas échappé à la destruction. Sachant que le processus de dégradation continue toujours son évolution et a eu tout le temps de se propager à d’autres endroits fragilisés.

L’hiver 2005, les services de l’urbanisme et de la construction (DUC) ont évacué manu militari trente huit maisons dans la médina. Ces dernières auraient pu être sauvées et continuer à assurer leur fonction moyennant réfection et confortement, indispensables pour tout cadre bâti, sans l’entretien, il est appelé à disparaître quelle que soit sa résistance. S’il faut le rappeler, c’est grâce à l’entretien annuel et régulier dont bénéficiaient ces habitations, qu’elles ont pu braver les siècles pour nous donner une médina presque intacte, les années 70.

Malgré les nombreuses études faites pour la sauvegarde de la Médina, aucune n’a vu atteint l’objectif assigné. A commencer par l’étude du BERU (1960), elle avait proposé la réhabilitation de la médina. Le PUD Calsat (1961) avait proposé la réhabilitation-rénovation de la médina, où une bonne partie devait être reconstruite. Les circonstances de la guerre de libération n’avaient pas permis de passer à la réalisation. Le PUD 75 avait proposé des zones à rénover sur le Rocher. A titre préventif, le bureau d’études communal avait gelé les permis de construire, en attendant des études concernant la sauvegarde du patrimoine.

Toutes les interventions sur le cadre bâti, même les plus simples avaient été bloquées. Les responsables locaux voulaient attendre des études de réhabilitation en bonne et due forme. La décision en elle-même est louable, car elle avait pour objectif la protection du patrimoine, des interventions anarchiques qui risquaient de le défigurer. Mais les choses s’étaient arrêtées à l’interdiction de construire, et les dégradations avaient continué leur chemin. L’infiltration de l’eau avait accéléré la putréfaction du bois qui servait de charpentes, puis les murs…Le mauvais traitement, les intempéries et le manque d’entretien ont accéléré le processus de dégradation, ce qui a beaucoup fragilisé le tissu et entraîné de grandes destructions.

En 1982, afin de désengorger la médina, le PUD avait proposé la création d’un deuxième centre sur les terrains militaires du Mansourah et des centres secondaires et tertiaires dans les autres quartiers. Cette proposition devait apporter la solution adéquate à la ville que le Rhumel partage en deux parties : la rive gauche devait maintenir, après réhabilitation, la médina comme centre, le

nouveau centre devait être pour la rive droite. Cette solution opportune en son temps n’a pas pu se concrétiser car les militaires ne se sont pas dessaisis des terrains comme prévu. Aujourd’hui, cette proposition est caduque et ne peut être réalisée car un autre état de fait est là.

De même pour l’étude de restructuration menée en 1984 par l’URBACO, en collaboration avec des architectes et ingénieurs tchèques, elle est restée dans les tiroirs de ses producteurs. Pourtant elle était partie d’une étude exhaustive sur toute la médina, elle avait de bonnes garanties pour être portée sur le terrain. Deux variantes étaient proposées pour sa restructuration réhabilitation. Il était question de faire glisser, sur les terrains de Bardo, des fonctions centrales et de loisir qui se trouvaient à l’étroit sur le Rocher ou étaient inexistantes. Ce projet n’a pas vu le jour, sauf la réalisation de deux tours de logements, à Bardo près du centre artisanal de dinanderie.

Dans ce genre de projets : de glissement de certaines fonctions centrales ou la création de centre, seuls les programmes de logements sont réalisés aussi bien à Mansourah qu’à Bardo. La situation de la médina n’a pas changé, le cadre bâti a continué sa dégradation inéluctable et de nombreuses constructions tombent en ruine, chaque hiver. Le quartier Bardo est livré à l’initiative privée anarchique et non structurée. Elle dépend de la loi de l’offre et la demande et des moyens matériels et financiers dont disposent ces «investisseurs». Aujourd’hui une autre réalité est sur le terrain, elle rend toutes les propositions précédentes caduques.

Presque chaque année un projet est proposé pour la sauvegarde de la médina : le BIES (1989) des études de rénovation de Charaa et Souika. En 1992, pensant mieux servir la médina, un dossier de classement en tant que site historique20 était préparé et présenté au ministère de la culture. Passées les trois années convenues, le classement n’ayant pas eu lieu, toutes les interdictions qui bloquaient la construction dans la médina sont levées. L’institut d’architecture et l’APC (1993- 1994), la DUCH et la SEAU (1995), l’AADL (1996), … toutes ces études certaines générales d’autres partielles sont restées à l’état de projets. La médina était restée en attente d’une éventuelle étude qui puisse être réalisée pour sauver ce qui reste de son patrimoine.

En l’an 2000 une opération de ravalement de façades et d’entretien des toitures a pu être lancée pour arrêter les infiltrations d’eau très dommageables aux constructions anciennes. Elles se sont faites dans deux endroits de la ville haute : la rue Tatache Belkacem au nord de la Médina et le

boulevard Zighoud Youcef (boulevard de l’abîme). Elles devaient servir comme opérations pilotes, pour s’étendre à d’autres endroits. Mais elles n’ont pas eu de suite. Même si, on leur reproche d’être superficielles, ces opérations ont permis de donner une certaine longévité aux constructions qui se sont refaites une nouvelle santé. A la tête de ces opérations, il y avait un groupe d’enseignants et un groupe d’étudiants de l’institut d’architecture.

Ces premières opérations ont concerné uniquement des bâtiments coloniaux de la médina haute, mais elles devaient s’étendre pour faire tâche d’huile au niveau de toute la médina et toucher d’autres quartiers de la ville nécessitant intervention urgente, mais elles se sont arrêtées à ces deux opérations. A partir de l’an 2003, les autorités locales avaient fait appel à une équipe italienne et une équipe de l’institut d’architecture, pour procéder, dans le cadre du «master plan », à une étude de sauvegarde de la médina ou plus exactement ce qui en reste.

Le diagnostic est terminé depuis 2005. Une opération d’entretien du réseau d’assainissement a débuté au niveau de Souika, la médina basse. Elle pose de sérieuses difficultés à l’entreprise de réalisation et cause une grande gêne aux usagers. Elle est accueillie avec un grand scepticisme de la part des hommes de l’art et des citoyens qui y voient une opération de bricolage sans lendemain, mais bien faite elle peut sauvegarder les constructions et les maintenir debout. En attendant une opération globale de sauvegarde et surtout d’intégration à l’ensemble urbain dans le cadre du périmètre permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs (ppsmv), un nouvel outil d’intervention et d’orientation sectoriel de la ville telle que le stipule la loi d’orientation de la ville

2006.

Dans le document Urbanisme et planification urbaine (Page 130-134)