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2.1 : L’occupation militaire de Constantine

Dans le document Urbanisme et planification urbaine (Page 79-84)

Alors que l’armée française faisait des choix stratégiques pour l’occupation militaire d’une ville rebelle qui avait opposé une résistance farouche avant de céder à l’occupation, la population européenne investissait la médina et les terres alentours à partir de 1838. Cette situation imprévue n’avait pas permis aux responsables Français de tenir leurs engagements envers la population algérienne, concernant l’intégrité de leur ville.

« Pour assurer la défense de la ville en cas de besoin, l’armée s’était assurée la propriété de tous les terrains situés sur les hauteurs et y avait élevé des ouvrages (Sidi M’cid, Coudiat, Bellevue, Mansourah… ), ces points élevés proches de la ville, étaient les plus propices à son développement »60.

Tous les terrains surplombant la médina ou situés sur les voies d’accès à la ville et présentant un caractère stratégique du point de vue de la situation avaient été choisis pour accueillir des équipements militaires. Ainsi, le nombre des installations militaires était important comparé à la taille de la ville de l’époque. De plus Constantine occupe un site très chahuté et fragmenté en petites unités topographiques (fig. I-5). Les nombreuses installations militaires avaient choisi les plateaux et replats de collines, ainsi les terrains plus ou moins plats, les plus propices à l’urbanisation, avaient été gelés dès le début de la colonisation, par les réalisations militaires qui se sont ajoutées aux coupures topographiques.

La plus grande caserne et le bois d’honneur occupent une grande superficie 73 hectares pour la caserne et 74 hectares le bois d’honneur. Ils sont implantés sur le plateau du Mansourah, où les Turcs avaient, avant les Français érigé un fort pour surveiller les abords Est de la ville et les routes de Tunis et Bône. Cette implantation militaire hypothèque toujours le terrain le plus intéressant et le plus convoité par les responsables locaux qui se sont succédés à Constantine, pour essayer d’apporter une quelconque solution aux dysfonctionnements innombrables de la ville.

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Ils y avaient proposé maints projets, les plus importants étaient : la réalisation d’une ville pour la communauté européenne, mais elle a été devancée par les implantations militaires au début de la colonisation. Un deuxième centre pour désengorger la médina était proposé par le PUD de 1982, mais sans succès. Les militaires ne libèrent toujours pas les terrains qu’ils occupent comme prévu par les accords conclus entre le ministère de la défense et la commune.

Le plateau de Bellevue avait lui aussi reçu une caserne de taille moyenne avec des logements pour les familles des militaires. Le stade municipal Benabdelmalek (ex Turpin) était construit sur un terrain vague appartenant à l’autorité militaire. La caserne et le stade avaient occupé le plateau, le terrain le plus propice à ce qui devait être le centre du quartier Bellevue. Ainsi, les espaces résidentiels et les équipements du quartier étaient édifiés sur des terrains en pente assez forte qui entouraient la caserne et le stade. Deux autres casernes de taille moyenne étaient construites, de part et d’autre de la rue de Sétif en bas de la cité des combattants.

D’autres sites étaient jalonnés de terrains d’artillerie et de poudrières ou petits cantonnements militaires, dont les terrains d’artillerie du polygone aménagés en 1882. A Bardo, où il y avait les écuries du Bey, une caserne de cavalerie et un parc à fourrage les avaient remplacés occupant la plus grande terrasse au bord de l’oued Rhumel. Au niveau du Rocher, ce fut sur l’emplacement de la citadelle othomane et du quartier « Tarbiaat Haouka »61, que fut construite la caserne et la prison militaires, sur une superficie totale de 6 hectares. Le tribunal militaire leur faisait face, parmi les propriétés du Bey Salah.

Le Coudiat Aty avait reçu un fortin, en remplacement de celui existant à l’époque othomane, pour surveiller l’accès sud de la ville, puis se fut le tour de la prison et de la gendarmerie d’être construites en continuité sud du quartier. Tous ces équipements avaient fait de Constantine une ville très fortement militarisée. Ils s’ajoutent ainsi aux handicaps physiques déjà très contraignants du site. Ils déstructurent davantage l’organisation de l’espace urbain et son expansion, par l’occupation militaire des meilleurs sites urbanisables. Ils se posent toujours en problèmes sérieux à la cohérence spatio-fonctionnelle de la ville (fig. I- 6).

2.1.1 : Occupation et dépossession :

Au début de l’occupation de Constantine, l’armée française avait décidé de ne pas occuper la ville autochtone existante. Elle avait interdit toute transaction immobilière dans la ville. En ce

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Place au sud de la casbah regroupant un ensemble de boutiques de tailleurs pour hommes ils faisaient les habits traditionnels (burnous, Kachabia, pantalons et vestes).

moment, il était question d’édifier une ville sur le plateau du Mansourah. Elle devait être autonome par rapport à la ville existante avec les logements et les équipements nécessaires à son fonctionnement, pour accueillir la population européenne qui arrivait. Mais, la situation stratégique du plateau du Mansourah avait incité les responsables de l’armée française à continuer leur processus de militarisation, par l’édification d’une importante caserne, au lieu d’édifier la nouvelle ville.

Une population cosmopolite de colons arrivait par vagues successives à Constantine, elle venait essentiellement de l’Europe occidentale de « France, Espagne, îles Baléares, Malte, Italie, Grèce, Allemagne, Angleterre… »62. Cette population étrangère exigeait des lieux de résidence et des emplois immédiatement, conformément aux promesses qui lui étaient faites par les responsables français de la colonisation.

« Déjà en 1839, on estimait à 200 le nombre des Européens qui avaient pu s’établir dans la ville, en décembre 1842 : 615 personnes, en 1843 : 840 personnes, en 1844 : 1478 personnes, décembre 1845 : 1722 personnes »63.

Le recensement quinquennal de 1866 indiquait 64:

Européens : 10.360 ; Musulmans : 22.270 ; Israélites : 4.396

La population qui était arrivée trop tôt à Constantine, et à une cadence de plus en plus accélérée, n’avait pas donné le temps matériel aux autorités militaires de lui construire les logements nécessaires pour l’accueillir. Une situation qui obligea les militaires aux commandes de la ville à réviser le projet qu’ils lui destinaient. Celui de lui conserver son intégrité physique et sociale en ne permettant à aucun étranger de s’installer dans la ville autochtone. Mais les conditions étaient plus fortes, le seul lieu disponible pour accueillir la population qui débarquait à Constantine était la ville existante, ainsi elle fut partagée en deux.

2.1.2 : L’ordonnance Valée et le partage de la ville :

Si on exclue les bâtiments appartenant au Bey et à sa cour, occupés par l’armée française dès que la ville soit tombée aux mains de ses agresseurs, toute la ville était occupée par la population autochtone. L’ordonnance du maréchal Vallée datée du 9 Juin 1844, avait permis à l’armée française de procéder au partage de la ville entre la population algérienne qui l’occupait entièrement et la population européenne nouvellement arrivée. Ce qui annonçait des changements importants dans les pratiques socio spatiales et dans le cadre bâti par ce changement de population.

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Théophile GAUTIER lors de son passage en Algérie en 1845 cité dans : Le temps des pionniers p 49 63

Le temps des pionniers op cité p. 50 64

La ville fut partagée en deux parties :

* la médina haute (il s’agit de la partie de la médina située à l’ouest de la rue du 19 juin (ex rue de France) elle comprenait la casbah, zkak lablate,…) elle fut octroyée aux Européens, parce qu’elle renfermait des constructions cossues du domaine public et d’autres appartenant au Bey et à sa cour. Une partie importante de ces quartiers était laissée vide par leurs occupants car ils avaient quitté la ville au moment où l’armée française l’investissait.

* la médina autochtone (à l’est de la rue de France plus Souika), était destinée à la résidence des populations locales. Elle avait reçu aussi les familles déplacées de la médina haute, car elles devaient céder leurs maisons aux familles européennes.

Dès que les européens se soient emparés de la médina haute les adaptations commencèrent. Ils essayèrent de superposer la structure de la ville européenne à la ville algérienne lui infligeant des transformations très importantes. Ainsi avait débuté le cycle infernal des destructions, reconstructions, alignement… Ces opérations ont complètement défiguré la partie de la ville que les Européens avaient eue en partage. Ce qui avait échappé à la destruction, avait été largement mutilé, le résultat en est cette ville hybride qui a vu le jour dans la deuxième moitié du 19e siècle.

Dans le document Urbanisme et planification urbaine (Page 79-84)