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Les lycées franco-brésiliens de Rio de Janeiro et de São Paulo

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 197-200)

Les Français dans des établissements d’enseignement

13.1 Les lycées franco-brésiliens de Rio de Janeiro et de São Paulo

13.1 Les lycées franco-brésiliens de Rio de Janeiro et de São Paulo

Fondé en 1915, le lycée franco-brésilien de Rio de Janeiro, nommé Lycée Molière, fonctionne aux n° 13-15 rue des Laranjeiras, dans le charmant quartier Laranjeiras (En 1982, il est déménagé au n° 728 rue Pereira da Silva, dans le même quartier). En 1945, il est administré par la Société anonyme Lycée français, dont le conseil d’administration est franco-brésilien, et dirigé par un Brésilien et un Français. Le directeur brésilien assume la responsabilité de la marche de l’établissement au regard de la loi brésilienne. Le directeur français organise la section française et oriente l’enseignement du français dans la section brésilienne. La coexistence des deux sections est assurée pour toutes les classes, du jardin d’enfants aux classes terminales du cours secondaire. Le français est enseigné à raison de trois heures par semaine dans toutes les classes de la section brésilienne, dès le jardin d’enfants. Le portugais est première langue obligatoire dans la section secondaire française451.

En 1945, le Lycée Molière a une école maternelle pour enfants de 3 à 5 ans, un jardin d’enfants pour enfants de 5 à 7 ans, cours primaire de 7 à 11 ans, secondaire de 11 à 15 ans et cours complémentaire de 15 à 17 ans. La section française du lycée n’a qu’une quarantaine d’élèves, fils de la colonie française de Rio de Janeiro, par conséquent, des enfants qui, chez eux, apprennent le français et connaissent la France. Ainsi, c’est la section brésilienne, « qui pourra avoir jusqu’à 1 500 élèves brésiliens » en 1946, qui doit être « la plus intéressante » pour la politique culturelle de la France452.

Le lycée brésilien de São Paulo est fondé par la Société Lycées franco-brésiliens en 1923. La construction de l’édifice de la rue Mairinque, où doit fonctionner le lycée, avait déjà commencé en 1921. En 1941, le lycée et la fondation qui l’administre

451 Livre du MEN avec la liste des institutions d’« Enseignement français à l’étranger », p. 979, édition de 1961, c. AJ/16/6945, MEN-CARAN.

452 « Rapport de la Mission Pasteur Vallery-Radot, janvier à août 1945 », Paris 1945, c. AJ 16/6960, MEN-CARAN.

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changent d’appellation, et deviennent Lycée Pasteur (le titre officiel qui lui est donné par le décret fédéral du 17 mai 1943 est Colégio Pasteur). Son organisation est semblable à celle du Lycée Molière à Rio de Janeiro453.

En 1945, leurs deux sections brésilienne et française, à Rio de Janeiro et à São Paulo, y coexistent sans aucun lien entre elles ; sauf l’orientation de l’enseignement de la langue française dans la section brésilienne qui appartient au responsable de la section française. Les élèves y poursuivent donc séparément des études de types différents454.

D’après l’analyse de Paul Rivet, en cette même année, sur les cours secondaires dans ces lycées, « du fait de la médiocrité des professeurs qui y ont été envoyés et de l’insuffisance des crédits alloués, ces établissements sont en général médiocrement équipés en appareils d’enseignements et de laboratoire ». Il faut donc « résolument remédier à cette insuffisance »455. Il considère qu’il est probable que cette situation peu satisfaisante s’explique par la pression croissante, exercée par le Gouvernement brésilien sur les présidents des deux lycées, en faveur d’une nationalisation des enseignements offerts456. En effet, une telle pression existe sur tous les établissements d’influence étrangère au Brésil durant le premier gouvernement de Getúlio Vargas.

L’évaluation de Paul Rivet est à l’origine du rapport qui circule à l’intérieur de la DGRC à la fin 1945. Et celui-ci donne le ton des changements que les Français souhaitent faire dans les lycées franco-brésiliens de Rio de Janeiro et de São Paulo dans l’administration, dans l’organisation, dans la structure et « surtout dans la mentalité »457. Avec le discours nationaliste français - discours que les Français croient eux-mêmes comme « universaliste » -, le texte informe sur le lycée à Rio de Janeiro :

« Il faut qu’il soit digne de la France ; qu’on enseigne la langue française, qu’on apprenne à aimer la France et à connaître la France ; que l’instruction et l’éducation suivent l’orientation française »458.

Ce rapport instruit sur les nouvelles règles pour le lycée à Rio de Janeiro : son directeur sera tenu d’habiter le lycée et de lui consacrer toute son activité (full time) ; « il faut

453 Livre du MEN avec la liste des institutions d’« Enseignement français à l’étranger », p. 979, édition de 1961, c. AJ/16/6945, MEN-CARAN.

454 « Rapport sur la propagande d’après-guerre en Amérique latine », de Paul Rivet, envoyé au MAE, (date illisible) Paris 1945, AMAE, s. Relations culturelles 1945-1947, c. 144.

455 Idem.

456 Idem.

457 Rapport sur l’action culturelle française au Brésil, DGRC-MAE, Paris 29/08/45, AMAE, s. B Amérique, s. s. Brésil 1944-1952, Œuvres, microfilm vol. 29.

458 Idem.

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le [directeur] faire revenir au Centre international d’études pédagogiques de Sèvres, pour voir les expériences françaises pédagogiques ». Toujours selon ce rapport, les enfants doivent commencer à apprendre le français à l’école maternelle, et d’une manière pratique « car ils parleront français [dans les deux sections] au moins la moitié du temps, dans leurs jeux, leurs chansons, etc. ». Quand ils commencent à apprendre à lire, au début de l’école primaire, ils doivent « simultanément apprendre en français et en portugais, puisqu’ils parleront déjà couramment les deux langues». Au début du secondaire, « les élèves sont obligés de travailler le français trois fois par semaine et continuer ainsi pendant quatre années ». Il « faudra transformer le lycée en un club en dehors des heures de cours, où tout élève pourra aller de 7h à 19h30 », pour pratiquer des activités qui l’intéressent : « Jeux, sport, théâtre, cinéma, chansons françaises, club de lecture, etc. ». Il faut créer « une imprimerie où ils pourraient imprimer un journal bilingue ; il pourra être exigé qu’il y soit parlé français tout le temps ».

Pour obtenir que quelques Brésiliens passent le baccalauréat, pour les encourager dans ce sens, « il faudra prévoir un voyage de trois mois en France comme prix de leurs efforts ».

Toutes ces « règles » et suggestions sont aussi valables pour le Lycée Pasteur459.

Mais les choses se passent de manière plus compliquée que ce qui est prévu par les bureaucrates de la Direction générale des relations culturelles (DGRC). La distance qui sépare les idéaux français de la concrétisation de ces idéaux dans les deux lycées franco-brésiliens peut être comparée à celle qui sépare le Quai d’Orsay de Rio de Janeiro et São Paulo. Les intérêts qui guident certains Brésiliens dans l’administration de ces lycées heurtent fréquemment les prétentions françaises.

En fait, le Lycée Pasteur n’est plus un établissement français ou franco-brésilien. Des interprétations de la loi brésilienne, que l’ambassade française n’a pas su ou pas pu contrecarrer, ont abouti à évincer totalement la dite société Lycée franco-brésilien. En 1945, cette Société y a un capital de 1 200 000 francs, ce qui représente à peu près le capital total de la société du lycée, mais cette valeur ne figure pas dans le bilan des fondateurs et associés effectifs. A ce titre, la représentation française ne dispose que de 50 voix sur 296, c’est-à-dire qu’elle n’a pratiquement pas aucun pouvoir sur le Conseil d’administration du Lycée Pasteur460.

459 Idem.

460 « Rapport de la Mission Pasteur Vallery-Radot, janvier à août 1945 », Paris 1945, c. AJ 16/6960, MEN-CARAN.

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Le texte d’accord établi en 1932 avec le gouvernement de l’Etat de São Paulo ne laisse aux ayant droit français, en cas de conflit, d’autre recours que de se retirer en se faisant rembourser un total de 600 000 francs, alors que l’immeuble du lycée vaut en 1945 au moins dix fois plus461. Comme le groupe de Brésiliens qui administre le lycée est riche, si le petit groupe de Français fait mine de protester contre certaines mesures trop défavorables à la France, le Conseil d’administration peut, à tout moment, le mettre en demeure de se retirer.

En plus, il est important d’ajouter que les lois de nationalisation de l’enseignement, accentuées pendant la Seconde Guerre mondiale, fourniraient tous les prétextes nécessaires.

La situation des Français au Lycée Pasteur en 1945 est donc très délicate462.

Au point de vue pédagogique, durant les années de guerre, ce lycée a été « purement » brésilien : 1 000 élèves dans la section du baccalauréat brésilien, 23 élèves dans la section du baccalauréat français. Il n’y a, par conséquent, plus de préparation cohérente au baccalauréat français. Selon Raymond Ronze - qui à l’époque est encore secrétaire général du GUGEF, et qui en octobre 1945 devient son directeur -, les deux uniques professeurs français au Lycée Pasteur, pendant la guerre, « sont en conflit constant avec leurs collègues brésiliens », époque où des « incidents graves se sont produits, jusqu’à une gifle donnée à un membre du Conseil d’administration par un professeur »463. Il ne donne pas plus de détails...

Dans ce contexte adverse à la France, il est envisagé des actions, disons plus réalistes, par Pasteur Vallery-Radot pour transformer le Lycée Pasteur en un centre « où des pédagogues français feront connaître, au moins par leur enseignement, les méthodes françaises »464. Ces réformes consisteraient à donner de six à huit heures de cours de français par semaine, dans la section brésilienne, aux élèves, du jardin d’enfants au lycée. L’Etat français assurerait les indemnités des professeurs français détachés au lycée, et celui-ci devra payer les mêmes salaires donnés aux professeurs brésiliens. Les professeurs relèveront d’un professeur français d’une université brésilienne, faisant partie du Conseil d’administration du lycée. Il est envisagé aussi le transfert de la section française au siège de l’Alliance française de la ville, qui est considérée comme « très vivante », et capable de lui « redonner de son prestige ». Ainsi, la prétention de Pasteur Vallery-Radot est que les négociations

« […] très amicales avec le Conseil d’administration pourront, progressivement, permettre la reprise en main de la direction du lycée de São Paulo »465.

461 Idem.

462 Idem.

463 Idem.

464 Idem.

465 Idem.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 197-200)