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L’Amérique latine et le Brésil pour la France

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 99-115)

En ce qui concerne l’importance de l’Amérique latine pour la France dans le contexte d’après-guerre, le « Plan d’action pour l’Amérique latine » défini par la Commission présidée par Henri Laugiers, en mars 1946, au MAE, est très révélateur. Il nous permet de mieux comprendre les raisons qui poussent la politique culturelle française vers cette zone et incite l’Etat à soutenir la création d’une série d’institutions franco-latino-américaines à l’intérieur de l’Hexagone.

Dans ce plan on lit que :

« La place de l’Amérique latine dans le monde n’a cessé de croître depuis 1914.

Epargnée par deux guerres mondiales, elle eut l’occasion de mettre en valeur des richesses naturelles que les belligérants ne pouvaient plus produire en quantité suffisante. La population de la plupart des pays s’est très rapidement développée […].

Celle du Brésil a triplé depuis 1905 et a déjà dépassé celle de la France […]. Depuis 1939, le Brésil, l’Argentine, le Chili et l’Uruguay se sont très nettement industrialisés.

Les ressources minières, en fer surtout, promettent au Brésil un avenir industriel de premier plan […]. Toutes [les nations de l’Amérique latine] sont représentées à l’ONU, où elles comptent 20 voix sur 51, près de 2/5 des votes. On peut dire sans exagération qu’aucune décision importante n’est prise à l’Assemblée de l’ONU sans l’accord de l’Amérique latine.

Faire de ce continent, non seulement un grand foyer de la langue française, mais encore un centre de rayonnement de nos arts, sciences, idées […] serait donner à notre culture dans le monde une possibilité d’expansion infiniment accrue.

Enfin, du point de vue politique, l’Amérique latine peut nous apporter une aide précieuse […]. Elle nous l’a en fait déjà donnée. La décision d’adopter aux grandes conférences la langue française comme langue de travail, sur pied d’égalité avec l’anglais, celle aussi d’installer à Paris l’organisation intellectuelle mondiale [UNESCO], n’auraient sans doute pas été prises sans l’appui des Républiques latino-américaines. Même à l’égard des grandes puissances, surtout les Etats-Unis, notre

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position peut être infiniment renforcée, si nous disposons d’une influence [culturelle]

solide dans ces Républiques »168.

Le même document rappelle qu’à cause du peu d’importance attribuée à l’Amérique latine avant la Seconde Guerre mondiale, ce continent deviendrait la plupart du temps une

« sorte de réserve » de diplomates français « médiocres et inactifs, qui souvent considèrent leur envoi vers l’Amérique latine comme une disgrâce et une infortune », parce que - entre autres - « le diplomate se sent […] un peu à l’écart de la discussion des affaires importantes du monde ». Il faut donc qu’une telle perception change en fonction des grandes transformations dans le monde d’après-guerre, pour que la France puisse arriver à ces

« trois buts essentiels dans l’Amérique latine : la pénétration économique, l’influence culturelle et politique. […] [Parce qu’en l’Amérique latine] Ce qui compte est l’amitié et les relations personnelles, les nouveaux représentants de la France doivent être ouverts, aimables, cordiaux, qu’ils sachent dans un milieu souvent vain et vide, s’ennuyer avec bonne grâce, sans jamais laisser paraître leur sentiment de supériorité. […] [Puis] la politique culturelle est devenue, surtout en Amérique latine, l’armée principale de la France »169.

Les premières années de l’après-guerre sont marquées alors, au cœur du MAE, par des analyses minutieuses de la région, pays par pays. Ce ministère commande des études au GUGEF afin de perfectionner sa politique dans l’Amérique latine. La Colombie, par exemple, après la description de ses population, faune, flore, topographie, gagne en importance pour être un grand pays « producteur du café suave et premier pays de l’Amérique du Sud pour ce qui est des richesses du sous-sol : en houille (seul pays producteur), en or, platine et émeraudes ; un important pays pétrolifère qui présente de grandes promesses en ce qui concerne le fer, le cuivre, le plomb, le manganèse, le mercure »170. Le Brésil est décrit comme d’une

« incontestable richesse, dont le développement actuel est brillant, mais présentant des faiblesses (pénurie d’huile, de pétrole et de blé) et ayant à résoudre des problèmes

168 « Plan d’action pour l’Amérique latine (très confidentiel) », signé par Henri Laugiers, président de la commission qui définit la politique culturelle pour l’Amérique latine, MAE, Paris 02/03/46, AMAE, s. Relations culturelles 1945-1947, c. 144.

169 Idem.

170 Etude de Raymond Ronze sur l’économie de l’Amérique latine, publiée par le Collège libre des Sciences Sociales et Economiques à Paris et envoyée au MAE, (date illisible) Paris 1947, c. AJ 16/6960, MEN-CARAN.

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graves (peuplement, moyens de transport insuffisants et surtout immensité du pays non prospecté). Mais cette immensité vierge même, l’essor remarquable de ces dernières années dans les régions mises en valeur, sont de magnifiques promesses d’avenir »171.

En ce point il nous est important de revenir aux idées qui se trouvent dans le rapport de la mission dirigée par Pasteur Vallery-Radot entre janvier et août 1945, puisque ce rapport sert de base au « Plan d’action pour l’Amérique latine » que nous venons de mentionner plus haut. Les difficultés de cette mission elles aussi sont révélatrices de son importance, vu que, comme mission diplomatique officielle du Gouvernement provisoire, elle est chargée de montrer à l’Amérique latine ce qu’est devenue la Nouvelle France et, en même temps, d’indiquer au MAE ce que représente l’Amérique latine dans la géopolitique globale.

Le groupe dirigé par Pasteur Vallery-Radot est composé par le secrétaire de la mission Raymond Ronze, par Jacques de Lacretelle, administrateur du GUGEF, par le ministre plénipotentiaire Albert Ledoux, par le capitaine Labard, décrit simplement comme « le compagnon de la Libération », par le conte de Sieyes et par la madame Pasteur Vallery-Radot.

La mission, avant d’arriver en Amérique latine, passe par Londres, où elle est obligée d’attendre un peu plus de deux semaines pour embarquer vers l’Amérique. Elle arrive à New York le 26 février, où Pasteur Vallery-Radot prend connaissance « d’un regrettable article » écrit et publié en 1941 par Jacques de Lacretelle172. Lorsque cet article - « dans lequel se trouvaient des appréciations inadmissibles sur l’attitude des Allemands à Paris » - devient connu, il apparaît que son auteur pourrait plutôt s’attirer - « à juste titre » - des critiques en Amérique latine. Critiques qui d’ailleurs avaient déjà donné libre cours à Buenos Aires avant même leur départ de New York vers l’Amérique du Sud. Selon Pasteur Vallery-Radot, la présence de Jacques de Lacretelle pourrait « avoir atteint le prestige de la mission ». De ce fait, Jacques de Lacretelle reconnut lui-même que sa présence devenait difficile, voire impossible. Il renonce alors à continuer dans la mission173.

Ce passage illustre le souci que la « Nouvelle France » a de son image en Amérique latine. Dorénavant, elle doit faire son possible par maintenir opaque son expérience vichyste.

Le fait que Jacques de Lacretelle n’avait pas pris part au mouvement de la Résistance, mais que, d’un autre côté, il était aussi resté à l’écart des Allemands et de Vichy, le place a priori comme élément modérateur de la mission envers les colonies françaises dans les pays de

171 Idem.

172 Malheureusement je n’ai pas réussi à trouver l’article de Jacques de Lacretelle.

173 Rapport de Pasteur Vallery-Radot et Raymond Ronze, Mission en Amérique latine, DGRC, Paris 01/07/1945, AMAE, s. Relations culturelles 1945-1947, c. 144.

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l’Amérique latine (la mission a aussi la fonction d’essayer de réaliser l’union des Français qui vivent sur le continent américain et qui, comme en France, avaient pris des positions opposées pendant la guerre)174.

L’autre important souci que nous constatons dans le rapport de la mission est lié à la politique états-unienne en Amérique latine durant les années de guerre. Il met en garde le MAE sur les « nouvelles tendancieuses », qui ont été envoyées en Amérique latine par des radios états-uniennes pendant la guerre, qui « ne permirent pas [aux Latino-Américains] de croire en la possibilité du relèvement de la France à la fin d’août 1944 ». Il ajoute que les nations latino-américaines « mettent tout leur espoir dans la France pour lutter contre l’emprise intellectuelle des Etats-Unis » et que pendant l’Occupation « les Etats-Unis ont essayé de prendre la place intellectuelle » de la France175. Le rapport insiste :

« Les Etats-Unis dépensent sans compter, organisent écoles, universités populaires, centres de lectures et de récréation, envoient des professeurs, acceptent des professeurs latino-américains dans leurs universités, multiplient les voyages d’étudiants aux Etats-Unis, créent de nombreuses bourses universitaires […]. Par une pression de plus en plus forte, ils essayent de mettre la main sur tout l’enseignement en Amérique latine »176.

En effet, les Etats-Unis sont le principal partenaire économique du Brésil depuis au moins les années 1920, dès ces années-là leur culture progresse dans le pays, par exemple, au travers des films hollywoodiens. Mais c’est durant la guerre que leur présence culturelle est considérablement accrue. Comme le signale l’historien Gerson Moura :

« A partir de 1941, le Brésil fut littéralement envahi par les ‘missions de bonne volonté’ américaines, composées de professeurs universitaires, journalistes, publicitaires, artistes, militaires, scientifiques, diplomates, hommes d’affaires, etc.

[Cette extraordinaire présence états-unienne au Brésil] obéit à un projet soigneusement organisé de pénétration idéologique et de conquête du marché. En plus, […] ce processus d’exportation culturelle a été partie intégrante d’une stratégie majeure, qui cherche à assurer au plan international l’alignement du Brésil (et de l’Amérique latine) sur les Etats-Unis, pays qui à ce moment-là ambitionne de s’affirmer comme une grande puissance et comme le centre d’un nouveau système de

174 Idem.

175 Idem.

176 Idem.

103 pouvoir au niveau international.

C’est dans ce contexte que les Brésiliens ont appris à remplacer les jus de fruits tropicaux omniprésents […] par le Coca-Cola, […] les sorbets fabriqués dans de petits magasins par un succédané industriel nommé Kibon, […], [que les Brésiliens]

apprennent à mâcher les Chiclets et commencent à utiliser de nouveaux mots qui ont été incorporés à leur langue parlée et écrite. [Les Brésiliens] commencent [aussi] à voler chez Panair [filiale de l’états-unienne Pan American Airways], laissant derrière eux les ‘aéroplanes’ de la Latia et de la Condor [etc.] »177.

C’est dans ce but - et pour « effacer » la politique du big stick, caractérisée par l’intervention politique et militaire des Etats-Unis, depuis la fin du XIXe siècle, alors que les Etats-uniens trouvent que leurs intérêts politiques et économiques peuvent souffrir de préjudices dans la région - que, dès son élection en 1933, Franklin Delano Roosevelt développe la politique du « bon voisinage ». Avec la guerre, son gouvernement intensifie cette même politique. Il crée alors, le 16 août 1940, un Bureau responsable de la coordination des relations politiques et culturelles entre les Etats-Unis et l’Amérique latine. Ce Bureau a été nommé d’abord Office for Coordination of Commercial and Cultural Relations between the American Republics, un an plus tard l’appellation est changée pour Office of the Coordinator of Inter-American Affairs. Le jeune Nelson Rockefeller (32 ans en 1940) sera le patron du Bureau depuis son ouverture jusqu’à la clôture de ses activités en 1946, quand les projets d’intérêts états-uniens sont déjà implantés et l’instauration de l’American way of life en très efficace cheminement178.

L’Office of the Coordinator of Inter-American Affairs arrive à avoir 1 100 employeurs aux Etats-Unis et 200 en Amérique latine, auxquels s’ajoutent les « comités volontaires »

177 « A partir de 41, o Brasil foi literalmente invadido por ‘missões de boa vontade’ americanas, compostas de professores universitários, jornalistas, publicitários, artistas, militares, cientistas, diplomatas, empresários, etc.

[Essa extraordinária presença estadunidense no Brasil] obedeceu a um planejamento cuidadoso de penetração ideológica e conquista de mercado. Além disso […] esse processo de exportação cultural era parte integrante de uma estratégia mais ampla, que procurava assegurar no plano internacional o alinhamento do Brasil (e da América Latina) aos EUA, país que naquele momento procurava afirmar-se como uma grande potência e centro de um novo sistema de poder no plano internacional.

Foi nesse contexto que os brasileiros aprenderam a substituir os sucos de frutas tropicais

onipresentes […] por Coca-Cola, […] os sorvetes feitos em pequenas sorveterias por um sucedâneo industrial chamado Kibon, […] [que os brasileiros] aprenderam a mascar Chiclettes e começaram a usar palavras novas que foram se incorporando à sua língua falada e escrita. [Os brasileiros]

Passaram a voar nas asas da Panair [filial da estadunidense Pan American Airways], deixando para atrás os ‘aeroplanos’ da Latia e da Condor [etc.] ». Gerson Moura, Tio Sam chega ao Brasil. A penetração cultural americana, Brasiliense, São Paulo, 1984, p. 9, 11 et 12.

178 Idem, p. 20.

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composés par des Etats-Uniens (principalement par des chefs des grandes entreprises) dans les 20 pays de la région. Le Bureau est composé de quatre départements : communication (radio, cinéma, presse, voyages et sport), relations culturelles (art, musique, littérature, publications, échanges universitaires et éducation en générale), santé (problèmes sanitaires en général), commerce et finances (exportations, transports, finances et développement)179.

Au Brésil, le Bureau a son siège à Rio de Janeiro, a une agence à São Paulo et possède de sous-comités dans d’autres capitales du pays. Il est dirigé par Berent Friele et reçoit tout l’appui logistique de l’ambassade et des consulats des Etats-Unis. Son Comité de Coordination est formé par des hommes d’affaires, tels que, par exemple en 1943, les représentants au Brésil de la General Eletric, Standard Oil, Metro Goldwin Mayer, Light and Power Co., The National City Bank of New York entre autres180.

Apparemment c’est au Brésil que les activités de l’Office of the Coordinator of Inter-American Affairs sont les plus intenses. D’après Gerson Moura, « son action a été tellement écrasante, au point de faire peur aux autres agents étrangers aussi intéressés à influencer le Brésil »181. En effet, dès les années 1930, du point de vue politique et stratégique, le Brésil devient pour les Etats-Unis un des pays les plus importants dans le continent américain :

« Politiquement la position brésilienne affectait la position de plusieurs pays de l’Amérique du Sud. Parmi les producteurs de matières premières stratégiques nécessaires à l’effort de guerre des Etats-uniens, le Brésil était le premier à pouvoir offrir le caoutchouc, le manganèse, le fer, les cristaux de quartz, les sables monazíticas, les huiles végétales et les plantes médicinales, entre autres produits. Il faut considérer aussi la position géographique du Nord et du Nord-est du Brésil qui acquit une importance croissante dans la conjoncture des années 1930, en raison de sa proximité avec le nord de l’Afrique et de sa position pour la surveillance de l’océan Atlantique »182.

179 Idem, p. 22 et 23.

180 Idem, p. 31.

181 « Era uma ação avassaladora, que assustava outros agentes estrangeiros também interessados em exercer alguma influência no Brasil ». Idem, p. 34.

182 « Politicamente a posição brasileira afetava a posição de vários outros países da América do Sul.

Além disso, dentre os produtores de matérias primas estratégicas necessárias ao esforço de guerra americano o Brasil se apresentava na linha de frente com a borracha, o manganês, o minério de ferro, os cristais de quartzo, as areias monazíticas, os óleos vegetais e as plantas medicinais, entre outros produtos. Considere-se ainda a posição geográfica do Norte/Nordeste do Brasil que assumiu importância crescente na conjuntura dos anos 1930, […] devido à sua proximidade com o norte da Africa e sua posição para a vigilância do Oceano Atlântico ». Idem, p. 28 et 29.

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Malgré la clôture de l’Office of the Coordinator of Inter-American Affairs en 1946, la politique du panaméricanisme états-unien s’accentue à mesure qu’on voit augmenter les tensions internationales résultant du contexte de la Guerre froide183.

Revenons au rapport de Pasteur Vallery-Radot. Il est important de percevoir que ce rapport est aussi un bon exemple de la foi et de l’idéologie patriotiques qui continuent de guider la politique culturelle française après la Seconde Guerre mondiale. Il est symptomatique de l’ambition d’une nation qui ne cesse d’alimenter l’idée et de s’autoproclamer la gardienne de la latinité :

« On a conçu la possibilité de former une union intellectuelle des Latins d’Amérique et d’Europe. [...] Cette union doit être dirigée par la France »184.

Si l’on peut voir parfois dans la pratique l’acceptation par les Latino-Américains de la France comme « gardienne » de la latinité (l’appui des 20 Républiques de l’Amérique latine à l’installation de l’UNESCO à Paris est un exemple), il est toujours important de rappeler que les relations internationales de l’après-guerre ont, comme principale force motrice, les intérêts nationalistes, en particulier en ce qui concerne la plupart des pays de l’Amérique latine, principalement les nations qui se perçoivent souvent comme leaders continental : c’est le cas de l’Argentine et du Brésil en Amérique du Sud. Ainsi nous devons avoir le souci de ne pas interpréter le rapport de Pasteur Vallery-Radot au pied de la lettre. En réalité, les Etats de l’Amérique latine ont plutôt l’intention d’instrumentaliser la France (et vice-versa) que de l’accepter comme nation « gardienne » de la latinité. Il ne faut pas oublier qu’après les deux guerres mondiales l’auto estime monte dans beaucoup de pays, et ce au détriment des nations européennes.

Dans le cas du Brésil, la realpolitik est le mot d’ordre durant la majeure partie des années quarante et cinquante185. En ce contexte, l’« amour » par la culture française, au moins de la part du gouvernement brésilien, y a la même « taille » que l’utilité que la France peut avoir pour le pays. Mais le patriotisme et le nationalisme français exacerbé, parfois comparable à la foi aveugle, arrivent à faire de Pasteur Vallery-Radot - en 1945 - un romantique du XIXe siècle :

« On appelle la France à l’aide, on la supplie de sauver la culture latine ! »

183 Rapport de Pasteur Vallery-Radot et Raymond Ronze, Mission en Amérique latine, DGRC, Paris 01/07/1945, AMAE, s. Relations culturelles 1945-1947, c. 144.

184 Idem.

185 Voir Amado Luíz Cervo et Clodoaldo Bueno, História da política exterior do Brasil, São Paulo, Editora Ática, 1991.

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« L’Amérique latine est persuadée que le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme a une formule qui fera régner plus la justice sociale, qui adaptera le monde d’aujourd’hui au progrès de la machine au lieu de l’y soumettre. En un mot, l’Amérique latine attend de la France le Verbe nouveau »186.

Il nous est fréquent de voir l’historien démentir - malheureusement d’ailleurs - le poète romantique. Si on connaît un peu l’histoire de l’Amérique latine durant le troisième quart du XXe siècle, on sait que beaucoup de pays de la région, principalement les plus peuplés et ceux d’une plus grande extension géographique (notamment l’Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique) sont plutôt guidés par une politique économique qui privilégie le développement économique, industriel et commercial. Donc, les autres nations sont « aimées », par l’élite politique et économique de l’Amérique latine, plutôt dans la mesure où elles peuvent être utiles.

Il est vrai qu’un tel développement a été basé et exécuté, pendant notre période, sur l’idée dominante selon laquelle ce sont les investissements des oligarchies internationales (des pays de capitalisme industriel avancé, principalement les Etats-Unis) qui peuvent faire accroître l’industrie et l’économie des pays latino-américains. Ces investissements, directs ou associés aux capitaux privés locaux, ont été faits en accord avec les intérêts de la bourgeoisie de la région. Donc, évidemment, ce processus ne fait que nourrir le statu quo des relations internationales : pays dominants et pays dominés (ou, pour ce qui nous intéresse davantage : pays qui influencent et pays influencés). Ce modèle de développement nous montre la coïncidence des intérêts entre les bourgeoisies nationales de l’Amérique latine et les bourgeoisies des grandes puissances capitalistes, celles qui ont les conditions d’investir et d’augmenter le commerce avec la région. Et c’est exactement en ce sens qui la France perd en importance pour l’élite économique et politique de l’Amérique latine, qui compte plutôt sur

186 Rapport de Pasteur Vallery-Radot et Raymond Ronze, Mission en Amérique latine, DGRC, Paris 01/07/1945, AMAE, s. Relations culturelles 1945-1947, c. 144.

Il n’est pas exagéré de rapprocher la pensée de Pasteur Vallery-Radot sur l’Amérique latine de celle du

Il n’est pas exagéré de rapprocher la pensée de Pasteur Vallery-Radot sur l’Amérique latine de celle du

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