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De la conjoncture historique favorable à la prépondérance culturelle française chez les élites

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La présence de la culture française au Brésil se développe au XIXe siècle. Auparavant existent à peine quelques vestiges d’une France qui tente quelques fois d’occuper la colonie portugaise, ou au moins une partie de celle-ci, du Nouveau Monde. Comme la tentative, au milieu du XVIe siècle, de la création de la France Antarctique, où a posteriori est fondée la ville de São Sebastião do Rio de Janeiro ; antérieurement baptisée par les Français du nom d’Henri Ville. Cette première tentative malchanceuse des Français ne les empêche pas de continuer en insistant. En 1590 ils tentent de s’installer à Viçosa, dans l’actuel Etat de Ceará.

Entre 1612 et 1615 ils fondent la France Equinoxiale, à partir de la ville qu’ils nomment Saint Louis, future São Luís do Maranhão. Ils sont de nouveau expulsés par les Portugais. Pour finir, sur le continent sud américain, il leur reste la Guyane55.

Les tentatives frustrées de colonisation française privent le Brésil de la possibilité de développer une civilisation directement liée à la France. Mais le contexte socio-historique global de la fin du XVIIIe et du XIXe siècles conduit la culture française à occuper une part importante dans la formation de la civilisation brésilienne.

Selon Denis Rolland, les causes principales de la prépondérance de l’influence culturelle française en Amérique latine au XIXe siècle ne sont essentiellement dues ni à la

55 Sur la France Antarctique, Equinoxiale et l’occupation de Viçosa du Ceará, voir par exemple Mario Carelli, Cultures croisées : histoire des échanges culturels entre la France et le Brésil de la

Découverte aux Temps modernes, Paris, Nathan, 1993 ; Andrea Daher, Les singularités de la France équinoxiale : histoire de la missions des pères capucins au Brésil : 1612-1615, Collection les Géographies du Monde, Paris, Champion, 2002 ; Jacques Lafaye, « Le Brésil dans l’imaginaire français (XVIe et XVIIe siècles) », in Revista de História (Departamento de História da Faculdade de Filosofia, Letras e Ciências Humanas da Universidade de São Paulo), n° 127-128, São Paulo, julho/1993.

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présence économique ni aux flux migratoires56. En ce qui concerne le Brésil, je partage cet avis, mais seulement en partie, puisque tant les aspects économiques que migratoires, même s’ils ne sont pas essentiels, ont participé de façon relativement importante à la présence de la culture française sur le sol brésilien.

Les statistiques sur la migration française au Brésil, au XIXe siècle, montrent sa faible importance quantitative ; même si en nombre absolu, et cela jusqu’à 1950, le Brésil a été le second pays de l’Amérique latine choisi par les Français, loin derrière l’Argentine. Toutefois, comme le rappelle Mônica Leite Lessa, durant l’Empire brésilien, l’importance quantitative de la migration française doit être relativisée et contrebalancée, vu la réputation très positive de ses produits de luxe consommés par les élites locales et les fonctions exercées par les immigrés Français dans la capitale brésilienne :

« En arrivant à Rio, les Français, qu’ils appartinssent à n’importe quelle classe sociale, n’avaient que deux possibilités de travailler pour vivre : enseigner ou commercer ».

Et Mônica Leite Lessa nous cite Adolphe d’Assier qui, après avoir observé certains commerçants français au Brésil en 1867, remarqua que :

« Ce ‘mascate’ (colporteur) fripon, qui court les ‘fazendas’, avec ces caisses de faux bijoux, cette marchandise de mode sur laquelle les voisins chuchotent, est une force de propagande d’une puissance inimaginable […]. Le Français va au devant des Brésiliens, les attire par sa verve gauloise et son intarissable gaîté […]. Cette activité, cette bonne humeur, ces merveilles de l’industrie parisienne, agissent comme autant de courants magnétiques sur l’esprit des habitants et leur donnent à leur insu le désir de connaître plus à fond [la] civilisation [française] »57.

De plus, il nous faut aussi ajouter les liens forts entre les aristocraties brésilienne et française qui, comme on le sait, se développent plutôt en fonction d’intérêts politiques et économiques :

« En 1829, l’Empereur [Pedro I] se marie avec Amélie de Napoléon de Leuchtemberg, princesse d’Eichstät, née en 1812 de l’union du beau-fils de Napoléon, Eugène de Beauharnais, duc de Leuchtemberg, avec la fille de Maximilien I de Bavière, la princesse Augusta Leuchtemberg. […] en 1843, Pedro II marie sa sœur au prince de Joinville, l’un des héritiers du duc d’Orléans et en 1864 l’Empereur marie sa propre

56 Voir Denis Rolland, La crise du modèle français. Marianne et l'Amérique Latine. Culture, politique et identité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000.

57 Mônica Leite Lessa, L’influence intellectuelle française au Brésil : Contribution à l’étude d’une politique culturelle (1886 / 1930), thèse de doctorat, sous la direction de Frédéric Mauro, Université Paris X, 1997, p. 128 et 131.

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fille, la princesse Isabel, au prince Louis d’Orléans, conte d’Eu, fils du duc de Nemours »58.

Entrées au Brésil de 1810 à 1915 (le nombre annuel des entrées françaises n’a dépassé le millier qu’en 1864, 1876, 1890, 1891)

Nationalité %

Italiens 1 361 266 39,48 Portugais 976 386 28,31 Espagnols 468 583 13,6 Allemands 122 830 3,5

Russes 103 683 3,0

Autrichiens 78 546 2,27 Ottomans 52 434 1,5 Français 28 072 0,81

Anglais 22 005 0,63

Suisses 10 713 0,30

Suédois 5 435 0,15

Belges 4 727 0,13

Diverses 197 724 5,73 Total 3 447 947

Source : Revue de l’Amérique latine, janvier/1923. Cité par Gilles Mathieu, Une ambition sud-américaine. Politique culturelle de la France (1914-1940), Paris, L'Harmattan, 1991, p. 22.

Nombre de Français en Amérique du Sud, vers 1912 Pays Population totale Français

Argentine 7 122 000 100 000

Brésil 21 115 000 14 000

Chili 3 353 000 10 000

Uruguay 1 043 000 9 500

Paraguay 716 000 1 500

Pérou 4 560 000 1 100

Venezuela 2 714 000 570

58 Idem, p. 129.

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Colombie 5 073 000 500

Equateur 1 500 000 500

Bolivie 2 266 000 300

Guyane hollandaise et anglaise 437 000 30 Amérique du Sud (sans les

colonies françaises) 49 899 138 000

Source : Bulletin de la Statistique Générale de la France, janvier/1915, tome 4, fascicule 2, page 163.

Cité par Gilles Mathieu, Une ambition sud-américaine. Politique culturelle de la France (1914-1940), Paris, L'Harmattan, 1991, p. 25.

Nombre de Français en Amérique du Sud en 195059

Pays Nombre de français

Argentine 8 000 Brésil 6 700 Chili 5 000 Mexique 4 000 Venezuela 2 500 Haïti 1 500

Pérou 1 200 Colombie 1 000 Uruguay 680

Cuba 400 Paraguay 350 Equateur 200

République Dominicaine 120 Salvador 125

59 Comme signale Hugo Rogélio Suppo, « il est difficile de connaître le chiffre exact des ressortissants français en Amérique latine. Officiellement, en 1950, il n’y a guère plus de 25 000 Français inscrits dans les consulats. ‘Mais beaucoup d’anciens résidents et de nouveaux venus ne s’y font pas enregistrer ; ces derniers pour des motifs parfois politiques, les premiers pour des raisons d’ordre essentiellement militaire. Et surtout, un grand nombre de fils de Français nés dans ces pays, qui jouissent en droit de la double nationalité, craignent de se faire officiellement connaître de nos autorités’ ». Lettre confidentielle, « Compléments au plan d’action pour l’Amérique latine », MAE à tous les postes en Amérique latine, Paris 17/06/50, Généralités 1946-1952, vol. n° 78, microfilm n°

P04370, AMAE. Cité par Hugo Rogélio Suppo, Politique culturelle française au Brésil entre les années 1920-1950, thèse du doctorat, sous la direction de Guy Martinière, Paris 3 - IHEAL, 1999, vol.

3, p. 1038 et 1039.

42 Guatemala 100

Costa Rica 100 Nicaragua 60

Bolivie 40

Honduras 8

Total 32 083

Tableau élaboré à partir de la lettre confidentielle « Compléments au plan d’action pour l’Amérique latine », MAE à tous les postes en Amérique latine, Paris 17/06/50, Généralités 1946-1952, vol. n° 78, microfilm n° P04370, AMAE. Hugo Suppo, Politique culturelle française au Brésil…, vol. 3, p. 1038 et 1039.

Le fait est que l’explication de la présence culturelle française et de sa prépondérance au Brésil - et en Amérique latine - au XIXe siècle, ne peut être justifiée empiriquement que par la prise en compte de la production et des relations commerciales globales de l’époque, et des ambitions que ces mêmes relations nourrissent ; donc de la prise en compte de la dynamique du capitalisme, en tant que mobilisation et expansion du commerce et du capital dans l’espace géographique et temporel60. La France, tout comme d’autres puissances impériales du XIXe siècle, l’Angleterre en particulier (nous excluons l’Espagne et le Portugal qui sont à l’époque déjà des vieux empires affaiblis et sur le déclin, et qui ont déjà marqué substantiellement la culture de presque tous les pays d’Amérique latine), dispute sur le continent américain des terres, des richesses, bref, des espaces pour étendre son pouvoir politique, sa production et son commerce.

Il convient de noter qu’à partir de la dernière décennie du XVIIIe siècle tout le continent latino-américain commence à connaître une forte ébullition qui conduit à l’indépendance et, en conséquence, à la création de nouveaux Etats nations sur le continent.

Pour la France, en tant que puissance impériale, l’indépendance des anciennes colonies espagnoles et portugaises devient plutôt une aubaine (sans parler de l’Amérique du Nord, où la France lutte aux côtés des Etats-uniens contre les intérêts de son principal concurrent européen, l’Angleterre)61. Finalement ces nouvelles nations, autonomes, libres des contraintes du système colonial, du monopole des métropoles européennes, pouvaient, au moins théoriquement, essayer de se consacrer directement au commerce avec la France (même si en fait la grande gagnante, économiquement parlant, avec l’indépendance de l’Amérique latine, a

60 Voir Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985.

61 Voir Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer, Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale, des origines à 1914, tome 1, Paris, Armand Colin, 1990.

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été l’Angleterre62). Du point de vue des aspects politiques et idéologiques, la quête des modèles susceptibles de nourrir les luttes pour l’indépendance va conduire les chefs et les libérateurs à puiser leur inspiration chez les penseurs des Lumières, dans la Révolution française et dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis, à laquelle la France a pris part comme alliée.

On voit que la prépondérance de la culture française en Amérique latine s’explique depuis le début du XIXe siècle par un contexte historique favorable. On peut y ajouter l’invasion napoléonienne de la Péninsule Ibérique durant la première décennie du XIXe siècle : action qui affaiblit considérablement les couronnes espagnole et portugaise et qui, par conséquent, acheva indirectement de renforcer les luttes pour l’Indépendance en Amérique latine, luttes dirigées, rappelons-le, contre ces mêmes couronnes, ébranlées par les armées françaises.

Autrement dit, pendant que la France vient directement (même très peu) et/ou indirectement en aide à ceux qui luttent pour l’indépendance sur le sol latino-américain, en les stimulant par l’alliance forgée avec les Etats-uniens dans leur lutte pour l’indépendance, par la guerre civile qui éclate à Paris à partir de 1789 et, au-delà, en affaiblissant les couronnes de Madrid et de Lisbonne au travers des actions napoléoniennes, l’Angleterre, sur un autre front, lutte depuis 1776 pour conserver ses colonies en Amérique du Nord et, si nous nous limitons à l’exemple brésilien, soutient et protège le transfert de la cour de Lisbonne à Rio de Janeiro en 1808 ; action qui, idéologiquement et en pratique, bloque l’indépendance imminente du Brésil jusqu’en 1822, car, enfin, quelle motivation idéologique ou concrète pouvait encourager une mobilisation pour l’indépendance, du moment où la métropole et la colonie ne faisaient plus qu’une ?63

62 Comme signale Leslie Bethell, dans son étude des relations britanniques avec l’Amérique latine au XIXe siècle, « Pendant plus d’un siècle - depuis les guerres napoléoniennes et, plus spécifiquement, depuis les événements dramatiques de 1807-1808 dans la Péninsule Ibérique et qui vont aboutir à la dissolution des empires américains espagnols et portugais, jusqu’à la déflagration de la Première Guerre mondiale - la Grande Bretagne a été l’agent externe dominant dans les questions économiques et, à une moindre échelle, les questions politiques de l’Amérique latine. Le XIXe siècle a été pour l’Amérique latine le siècle anglais. [...] Durant tout le XIXe siècle l’Angleterre a été le principal partenaire commercial, le principal investisseur et le principal détenteur du débit (sic) publique de l’Amérique latine. […] L’Argentine et le Brésil ont été des Etats-clients dépendants, agissant

fondamentalement en fonction des intérêts britanniques ». Leslie Bethell, « O imperialismo britânico e a Guerra do Paraguai », in Guerrra do Paraguai : História e polêmica, Instituto de Estudos Avançados da Universidade de São Paulo, vol. 9, n° 24, São Paulo, maio-agosto/1995.

63 Sur le processus d’Indépendance du Brésil, ainsi que l’influence des révolutions états-unienne et française sur ce processus, voir par exemple Maria Odila da Silva Dias, « A interiorização da

metrópole (1808-1853) », in Carlos Guilherme Mota (org.), 1822 : Dimensões, São Paulo, Perspectiva, 1972 ; Kirsten Schultz, « A era das revoluções e a transferência da Corte portuguesa para o Rio de

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Ainsi, parmi les empires qui se disputent le continent américain, seule la France est à même de susciter de la sympathie. L’Angleterre, l’Espagne et le Portugal, au contraire, pour des raisons évidentes, étaient perçus comme des oppresseurs et des ennemis de la liberté et de l’indépendance.

Au Brésil, après l’indépendance en 1822, reste gravée l’image d’une France comme

« phare » de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, de la philosophie des Lumières qui, bien qu’elle contraigne un peu, surtout idéologiquement, la monarchie constitutionnelle de Dom Pedro I, Dom Pedro II et de la Première République, continue d’être la principale matrice idéologique de la formation des républicains. Et, curieusement, de la formation des monarchistes : l’admiration bien connue de Dom Pedro II pour la France en est peut-être le meilleur exemple. C’est qu’en fin de compte, ces républicains et ces monarchistes auxquels je fais allusion se confondent en une même élite politique et économique64.

Cette même matrice idéologique, ancrée dans un contexte historique favorable à l’image de la France, a nourri les esprits d’une bonne part de l’intelligentsia brésilienne, tout comme l’historiographie qui contribue à la construction et à la réification du mythe de la

« grande France », de la « grande culture ». S’ajoute à cela le fait que cette même image positive, comme conséquence logique, incite l’élite brésilienne à inviter des Français à les aider dans la création de diverses institutions, en particulier celles liées aux sciences, aux arts, à l’ingénierie, à l’enseignement supérieur et à la recherche, principalement dans le domaine des sciences humaines, des lettres et de la philosophie.

Plus tard, ces mêmes techniciens, scientifiques et intellectuels français sont, déjà au XXe siècle, subventionnés par l’Etat français et, par conséquent, instrumentalisés par la politique extérieure de la France. Et ce sont ces mêmes français qui participent étroitement, au cas des sciences humaines, aux recherches qui président à la compréhension et à la description du Brésil et de sa culture, et qui aident à la formation d’une importante partie des intellectuels brésiliens qui vont penser le Brésil.

Janeiro (1790-1821) », in Jurandir Malerba (org.), A Independência brasileira : novas dimensões, Rio de Janeiro, Ed. FGV, 2006 ; István Jancsó, « A sedução da liberdade : cotidiano e contestação política no final do século XVIII », in Laura de Mello e Souza (org.), Cotidiano e vida privada na América portuguesa, v. 1 (collection História da vida privada no Brasil), São Paulo, Companhia das Letras, 1997.

64 Sur l’élite politique et économique brésilienne au XIXe siècle, voir Ilmar Rohloff de Mattos, O tempo saquarema : a formação do Estado imperial, São Paulo, Hucitec, 1987 ; José Murilo de Carvalho, A construção da ordem : a elite política imperial. Teatro de sombras : a política imperial, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 2003.

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En ce qui concerne le commerce et les finances dans les relations franco-brésiliennes, même si la France n’a jamais été le principal partenaire économique du Brésil, elle a été, durant une bonne partie du XIXe siècle et la majeure partie du XXe siècle, toujours parmi les cinq premiers de ses partenaires. Pendant presque toute la première moitié du XXe siècle, le Brésil, avec l’Argentine, est le pays d’Amérique latine le plus doté en financements d’origine française. A partir de 1945 et jusqu’à la fin du siècle, on voit aussi que le solde total des investissements français au Brésil se trouve derrière seulement ceux des Etats-Unis et de l’Allemagne. Donc, même si les flux commerciaux entre les deux pays sont moins significatifs, les relations économiques entre la France et le Brésil ne sont pas négligeables, aussi, pour justifier la présence culturelle française.

Investissements français en Amérique latine entre 1902 et 1943. En pourcentages sur les totaux de ses investissements dans la région

Pays 1902 1913 1938 1943

Argentine 28,38 23,88 35,27 39,24

Brésil 21,40 41,79 29,60 25,99

Mexique 9,22 23,88 20,06 11,78

Chili 6,95 2,53 3,79 3,14

Uruguay 9,13 2,39 2,73 3,41

Colombie 7,56 0,18 0,79 0,99

Bolivie 2,15 1,19 1,17 1,73

Equateur 0,15 0,18 0,79 0,99

Paraguay 0,03 0,48 1,54 1,22

Pérou 3,29 0,60 1,10 1,02

Venezuela 4,00 0,60 0,03 0,02

Pays de l’Amérique centrale et Caraïbes 7,74 2,30 1,28 3,23

Tableau élaboré par Antônio Carlos Moraes Lessa à partir des sources suivantes : pour les années de 1902 à 1938, La Documentation française : « L’Amérique latine : les apports français au développement du continent », Notes et études documentaires, n° 3084, 27 avril 1964, p. 12-14 ; pour 1943, Frédéric Mauro, « Les investissements français en Amérique latine, des origines à 1943 », Revue d’Histoire économique et sociale, vol. 55, n°12, 1977. Antônio Carlos Moraes Lessa, A parceria bloqueada. As relações entre França e Brasil, 1945-2000, thèse de doctorat, Université de Brasília, 2000, p. 84.

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Participation des investissements directs réalisés au Brésil. Pourcentages sur les totaux réalisés pour la période de 1945 à 1997

Pays 1945-1964 1965-1989 1990-1997 1945-1997

Allemagne 8,58 13,20 2,38 6,69

Argentine 2,96 0,62 0,64 0,68

Belgique 1,90 0,68 0,68 0,88

Canada 3,80 3,03 0,75 1,70

Etats-Unis 42,00 33,04 34,77 34,25

France 5,38 6,57 6,40 6,44

Grande Bretagne 7,11 6,05 4,26 5,01

Pays Bas 4,90 5,59 5,77 5,68

Italie 5,21 5,56 1,19 2,96 Japon 4,38 9,63 2,28 5,17

Suède 2,02 2,09 0,93 1,40

Suisse 6,50 3,26 0,61 1,76

Danemark 0,28 0,18 0,10 0,14

Espagne 0,01 0,39 3,02 1,95

Portugal 0,04 0,21 2,44 1,53 Autres 3,98 3,75 2,58 1,53

Tableau élaboré par Antônio Carlos Moraes Lessa à partir des données de la Consultoria de Planejamento e Formulação de Projets Especiais du Département de Capitaux Etrangers de la Banque Central du Brésil. Antônio Carlos Moraes Lessa, A parceria bloqueada. As relações entre França e Brasil, 1945-2000, thèse de doctorat, Université de Brasília, 2000, p. 61.

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Flux du commerce avec le Brésil. Pourcentage sur les totaux vérifiés pour la période de 1945 à 1999 (exp. = exportation, imp. = importation, f.c. = flux de commerce)

Pays 1945-1964

Allemagne 5,92/6,91/6,41 5,86/6,56/6,22 5,24/9,19/7,16 5,53/7,91/6,71 Argentine 6,28/7,22/9,54 4,51/3,25/8,54 9,58/10,10/16,99 7,25/6,86/12,95 Belgique 2,39/1,82/2,11 2,14/0,74/1,42 3,29/1,13/2,24 2,76/0,97/1,87 Canada 1,33/2,53/1,93 1,68/2,31/2,00 0,66/0,72/0,69 1,13/1,51/1,32 Etats-Unis 44,29/36,31/40,28 23,20/16,90/19,99 20,00/21,22/20,59 22,19/19,74/20,97 France 3,64/4,03/3,84 3,33/2,38/2,85 2,30/2,95/2,61 2,80/2,72/2,76 Grande Bretagne 5,83/5,20/5,52 3,25/1,94/2,59 2,88/2,28/2,59 3,14/2,22/2,69 Pays Bas 3,68/1,61/2,64 6,42/1,21/3,77 6,68/1,30/4,06 6,47/1,27/3,89 Italie 2,96/2,31/2,63 4,59/1,97/3,26 3,82/5,21/4,50 4,13/3,62/3,88 Japon 1,93/2,19/2,06 5,93/4,73/5,32 6,01/5,73/5,87 5,84/5,15/5,50 Suède 3,21/3,04/3,13 0,92/1,01/0,96 0,17/0,31/0,24 0,60/0,72/0,66 Autres 18,54/26,81/19,91 38,18/57,00/43,09 39,37/39,88/32,46 38,17/47,31/36,81 Tableau élaboré par Antônio Carlos Moraes Lessa à partir de données statistiques diverses : pour les années de 1945 à 1947 et 1984 à 1995, données de l’Annuaire statistique du Brésil (Instituto brasileiro de Geografia e Estatística-IBGE, 1948-1949 et 1985-1996) ; pour les années de 1948 à 1953, données de United Nations, Yearbook of International Trade Statistics (1950-1953) ; pour les autres années, Estatísticas Históricas do Brasil : Séries économiques, démographiques et sociales, de 1950 à 1988.

Rio de Janeiro : IBGE, 1990, 642 p. ; pour la balance commerciale avec la France entre 1953 et 1959, données de l’Annuaire statistique du Brésil (IBGE, 1956 à 1959). Antônio Carlos Moraes Lessa, A parceria bloqueada. As relações entre França e Brasil, 1945-2000, thèse de doctorat, Université de Brasília, 2000, p. 62.

Une fois exposées les raisons historiques et sociologiques d’un contexte favorable à la prépondérance culturelle française au Brésil, une fois reconnu l’arbitraire d’un jugement de valeur qualifiant cette même culture de supérieure aux autres cultures des empires de l’Europe du XIXe siècle, également présentes sur le continent américain, ce préambule serait incomplet si nous ne cherchions pas une explication à cette extraordinaire reconnaissance de la culture française parmi les groupes idéologiques les plus divers de l’élite brésilienne, y compris parmi ceux qui étaient les plus réfractaires aux idées révolutionnaires et républicaines.

Dans la France contemporaine, les dirigeants français paraissent développer et enraciner dans la conscience de leur peuple, depuis au moins le dernier tiers du XIXe siècle, une espèce de nationalisme sophistiqué, puisque caché par la rhétorique de l’universalisme.

Un type de nationalisme qui répand l’idée que ce qui est bon pour la France est bon pour le

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reste du monde. C’est ainsi que le nationalisme et l’impérialisme français, masqués par des rhétoriques plus sophistiquées que celles des autres empires, paraissent moins choquants, ont leurs possibles connotations négatives déguisées - au moins au regard, impressionniste, des populations des pays qui ne devinrent pas leurs colonies65. (Il faut ne pas confondre nos critiques dirigées envers le concept français d’universalisme, lequel est fondé uniquement sur une perception idéologique de l’expérience historique française, qui prétend défendre sa langue, son art, sa littérature, son théâtre, etc. par convenance économique et politique, pendant que la vraie culture universelle se développe progressivement et partout dans le monde, depuis au moins le XVe siècle, en raison de la dynamique du capitalisme mondial, où se mêlent les éléments les plus variés de toutes les cultures qui se côtoient66).

Nous percevons alors qu’il ne paraît pas y avoir de contradiction entre nationalisme et universalisme, cela parce que les deux concepts sont liés, dans la conscience collective des Français, avec ce qu’il faut de superficialité et de mystification qui leur convient. Comme toutes les puissances impériales, les Français prennent leur patriotisme comme synonyme d’universalisme, mais différemment des premières, les Français ont sophistiqué leur discours.

Nous percevons alors qu’il ne paraît pas y avoir de contradiction entre nationalisme et universalisme, cela parce que les deux concepts sont liés, dans la conscience collective des Français, avec ce qu’il faut de superficialité et de mystification qui leur convient. Comme toutes les puissances impériales, les Français prennent leur patriotisme comme synonyme d’universalisme, mais différemment des premières, les Français ont sophistiqué leur discours.

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