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PREMIERE PARTIE

Carte 4. Terrain d’étude – parc amazonien de la Guyane – PAG

3.2.2. La loi de 2006 : intégration de la dimension anthropique dans la gestion des parcs nationaux français

Parmi les modifications majeures de la loi 2006, on peut surtout noter que la zone centrale devient la « zone cœur » et peut être composée par un ou plusieurs cœurs secondaires. L’État y détient l’essentiel du pouvoir de décision, même si les collectivités locales sont consultées (Parcs nationaux de France 2010). Ensuite, la zone périphérique devient « l’aire d’adhésion », définie comme « […] tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire

partie du parc national en raison notamment de leur continuité géographique ou de leur solidarité écologique avec le cœur, ont décidé d’adhérer à la charte du parc national et de concourir volontairement à cette protection58. Il peut comprendre des espaces appartenant au domaine public maritime et aux eaux sous souveraineté de l’État » (art 1, loi 2006). De ce fait,

c’est l’ensemble « cœur et aire d’adhésion » qui constitue l’entité « Parc national ».

De même que pour le PNR, le projet territorial des parcs nationaux doit être consigné dorénavant dans une charte (art. 3, loi 2006). Elle devra être co-construite entre l’État, les diverses institutions ayant des compétences sur le territoire, les collectivités territoriales, les populations locales et les partenaires. Au travers de la charte, la nouvelle mission de la loi de 2006 est « d’élaborer avec les habitants et les usagers un projet de territoire, sur une vision

partagée de la valeur de la diversité biologique, des paysages et des éléments de patrimoine culturel [à protéger] 59» (Larrère R., 200960). Pour le cœur, la charte décrit le « caractère61 » du parc ; c’est-à-dire, les spécificités du cœur (faune, flore, paysages, cultures, architecture, etc.), ainsi que le cadre réglementaire et les « bonnes pratiques » pour le conserver. Pour l’aire d’adhésion, elle recueille « […] les orientations de protection, de mise en valeur et de

développement durable, et elle indique les moyens de les mettre en œuvre » (Code de

l’environnement - Article L331-3 n.d.). Les communes qui souhaitent adhérer à la charte du parc doivent rendre compatible leur Plan d’urbanisme avec les orientations de la zone cœur62. En revanche, ce n’est pas obligatoire pour la zone de libre adhésion.

58 Souligné dans la citation par l’auteur (Sierra J).

59 Compromis complexe compte tenu de la pluralité d’acteurs (et de culture) qui peuvent intervenir à la construction de la charte, et donc, à la diversité de regards portés sur ce qui « doit être ou non » protégé. L’exemple du parc amazonien de la Guyane montrera bien cette complexité.

60 Introduction chapitre Histoire(s) et mémoires des parcs nationaux (2009)

61 Les spécificités du cœur (faune, flore, paysages, cultures, architecture, etc.), ainsi que le cadre réglementaire et les « bonnes pratiques » pour le conserver.

62 Pour le parc amazonien de la Guyane, la charte doit être compatible avec le Schéma d’aménagement régional (SAR).

Tous les parcs nationaux français doivent créer donc une charte, aspects qui dans certains cas, risque de modifier la configuration spatiale des premiers parcs nationaux créés dans les années 1960.

En ce qui concerne la nouvelle gouvernance des PNF, trois points sont importants. En premier lieu, la composition du conseil d’administration a été modifiée « […] au profit d’une

représentation majoritaire des élus et personnalités locaux. Le conseil d’administration est impliqué dans la nomination du directeur » (PNF63). En second lieu, le conseil scientifique (CS) est dorénavant composé « [par] des personnalités qualifiées dans les sciences de la vie, de

la terre et dans les sciences humaines et sociales » (Loi n° 2006-436). Ainsi, la nouvelle

organisation du conseil scientifique sort du socle fermé consacré à la dimension naturelle et biologique des espaces protégés classiques. Il intègre aujourd’hui la dimension anthropique (sociale et culturelle) dans les défis de compréhension scientifique des espaces protégés anthropisés qui résultent du nouveau zonage particulier français64. Le conseil scientifique assiste le conseil d’administration et valide les études et recherches nécessaires à la gestion des patrimoines (naturel, culturel, paysager). En troisième lieu, un conseil économique, social et culturel (CESC) est institué. Le CESC est composé de représentants « […] d’organismes,

d’associations et de personnalités qui en raison de leur objet ou de leur qualité, participent à l’activité économique, sociale et culturelle dans le parc ou concourent à la vie locale, ainsi que des représentants des habitants et des usagers du parc » (Ibid). Pour le parc amazonien de la

Guyane, il s’agira d’un Comité de vie locale (CVL)65. Le Comité de vie locale est composé de 21 membres qui sont les représentants des conseils d’habitants (CH) de chaque bassin de vie (cf. chapitre 5), des représentants des usagers et organismes du territoire, ainsi que des socio professionnels travaillant sur ces territoires de vie (PAG, 201366).

Pour résumer, les piliers de l’histoire de la protection en France se caractérisent par un mouvement de rationalité et d’institutionnalisation de la gestion de l’environnement. L’évolution de lois intègrent aujourd’hui une dimension socioculturelle importante qui permet la création de nouveaux parcs nationaux dans des territoires habités et multiculturels (DOM-TOM), et de gérer autrement les anciens parcs métropolitains par l’adhésion volontaire des

63http://www.parcsnationaux.fr/Apprendre-Comprendre/La-charte-des-parcs-nationaux

64 Au niveau scalaire « parc national », ces transformations peuvent soulever des conflits d’action et d’harmonisation à l’interne des dispositifs de gestion. Des jeux de pouvoir entre les sciences, dites, exactes, et les sciences sociales et humaines, risquent de participer aujourd’hui à des nouvelles dynamiques de négociation au sein de conseils scientifiques. Chaque discipline cherche à légitimer les intérêts et les priorités d’action sur l’espace protégé et ces territoires de vie. (Observations sur le terrain, participation à deux réunions du CS-PAG).

65 Membres du comité de vie locale du PAG : http://www.parc-amazonien-guyane.fr/assets/membres-cvl_pag.pdf

populations locales à l’image des parcs naturels régionaux. La gouvernance locale de ces PN se complexifie par l’intégration d’acteurs et d’intérêts multiples. Pour les parcs crées après la loi de 2006, notamment ceux en dehors de la métropole, il est encore trop tôt pour analyser les résultats découlant d’un tel modèle. Le cas de la Guyane va nous permettre de faire un premier état des lieux.

Le schéma 3 illustre l’évolution des rapports socioculturels français à l’environnement en comparaison de ceux du contexte Canadien. Pour le contexte français on constate une conciliation homme-nature. Celle-ci est principalement mise en valeur par la maîtrise des transformations et des constructions des paysages culturels et des savoir-faire locaux qui vont avec, le tout dans un contexte de développement économique pour les populations locales. La gestion participative et partenariale qui ressort de deux contextes montre la transition vers une intégration progressive de la dimension sociale dans la conservation aujourd’hui. Celle-ci est traduite pour la France dans un zonage et une gestion « centre-périphérie » particulière qui évolue actuellement dans des zonages hétérogènes (plusieurs cœurs), mais gardant les mêmes fonctionnalités de hiérarchisation spatiales.

Regardons maintenant quelles sont les particularités historiques qui ont influencé la construction de l’idée de conservation de la nature en Colombie et quelles sont les différences majeures avec la construction culturelle canadienne et française.

Schéma 3. Comparaison des représentations culturelles de la nature et des stratégies de

3.3. La Colombie, entre préservation et surexploitation de ressources naturelles

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