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Maroni (DTM) Pays aluku et pays wayana

CONFLIT SUR LE TERRAIN

1.1.2. Développement économique et récréotourisme : une prise de risque bien réussie pour Essipit

Avec la revendication du Québec en 1976, le parti nationaliste reconnaît les onze Premières nations amérindiennes181 de la province et ses droits autochtones. Parmi eux, on trouve les ententes de principe182 dans la cogestion des ressources entre les autochtones et les gouvernements du Canada et du Québec dans les territoires ancestraux où des multinationales se multiplient.

C’est à partir de cette année que la réserve Essipit vit un développement économique accéléré183 grâce à diverses activités mises en place au sein même de la réserve (photos 8) mais aussi sur leur Nitassinan (territoire ancestral), notamment par ses pourvoiries. Le rôle des chefs du Conseil de bande, très visionnaires à l’époque, fut stratégique dans cette prise de risque réussie pour la petite réserve. Parmi les activités internes les plus remarquables citons :

- La construction d’une salle communautaire (1977) avec un salon de quilles (1979) et d’un salon bar-racquetball (1981) ;

- La formation du comité socio-économique de bande et de la police amérindienne (1980) ;

- Le lancement d’une radio communautaire ;

- La construction d’un premier bloc d’appartements (1983), suivi d’un second (1985), troisième (1986) et quatrième bloc (1989), ainsi que la construction de cinq chalets (1988) ;

- L’implantation d’une station de service (1988) ;

181 Premières Nations du Québec : Abénaquis, Algonquins, Attikameks, Cris, Hurons-Wendats, Innu (Montagnais), Malécites, Micmacs, Mohawks, Naskapis et Inuits.

182 Les ententes de participation autochtone à la gestion territoriale sont instaurées en 1970, dans le cadre d’ententes de revendication territoriale de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

- L’acquisition du bateau Cap-bon-désir pour les activités des croisières aux baleines (1993) ainsi que l’acquisition des croisières T.G.B (1995) et l’achat des pneumatiques – zodiacs (2000) ;

- L’agrandissement de la réserve (1997) ;

- L’acquisition des bateaux pour la pêche au crabe (2006), modernisation des bateaux pour les croisières Essipit (2010) ;

- La création d’un site d’exposition d’habitations traditionnelles – Nakatam (2010). Toutes ces activités reflètent le dynamisme économique de la réserve.

Quant aux actions réalisées sur le Nitassinan, elles permettent au Conseil de bande de mettre en place des partenariats économiques et de gestion. Par exemple, la gestion de la rivière à saumon Escoumins/Essipit (1992) résulte d’un conflit de longue haleine entre les québécois et les Innu, connu comme la « guerre du saumon de 1981 » (Charest 2009). On relève de même des partenariats dans la construction des routes forestières, dans la gestion d’activités de pêche et de poissonneries, dans la gestion hydraulique et énergétique ou encore dans le domaine du tourisme.

Mais l’évènement qui a marqué le plus le processus de réappropriation territoriale des Innu a été l’achat des pourvoiries (territoire de chasse et de pêche) : dans les années 1960, le gouvernement fédéral avait exproprié certains Innu de leurs territoires de trappe pour les convertir en pourvoiries privées. Parmi ces territoires se trouvait celui de la famille Moreau d’Essipit. En 1983, cette pourvoirie est mise en vente et Réginald Moreau (chef du Conseil de Bande à l’époque) propose de l’acheter, ce qui allait à l’encontre des pratiques de la communauté innu. Réginald Moreau nous explique que cette initiative n’a pas été facile à faire accepter, car « […] pour les anciens de la communauté, un vrai autochtone n’achète pas son

territoire, [mais pour lui] si les autochtones connaissent leur territoire, pourquoi ne pas gérer leur territoire et se le réapproprier ? ». De ce fait, en 1983 la réserve Essipit constitue la

première communauté autochtone à acheter et à gérer une pourvoirie. Actuellement, ils sont propriétaires de cinq pourvoiries (photos 9). Le micro-pouvoir économique de la réserve leur a permis ainsi de se réapproprier diverses zones appartenant jadis au Territoire innu traditionnel, mais aussi de développer de compétences dans la gestion et le management de leurs ressources territoriales. De ce fait, sur l’ensemble du Nitassinan, le Conseil de bande Essipit réalise une cartographie précise et des diagnostics sur l’état des lacs et des ressources (carte 17). Ils sont aussi propriétaires de trois zones de camping, dont une à Tadoussac.

On constate d’une part, un grand dynamisme et leadership pour cette réserve amérindienne, et d’autre part, un discours utilitaire et de mise en valeur de la dimension autochtone dans les activités touristiques réalisées par la population. Au sein du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent ce dynamisme est aussi remarquable. Les croisières Essipit privilégient d’une bonne image à l’échelle locale, dont le service au client et l’expérience de visiteurs sont les premières prémisses de la compagnie. Ils participent activement au projet de partenariat économique de l’industrie d’observation de baleines et de conservation du milieu marin du parc. D’après Paul Charest, on peut qualifier ce type de développement à la fois comme du « capitalisme communautaire » et du « socialisme communautaire ». Le premier, car les gestionnaires (Conseil de bande) « font des choix d’investissements en fonction de la

rentabilité économique et de la réalisation du surplus à réinvestir dans d’autres projets. [Le

second, de caractère « social »], parce que des choix sont aussi faits en fonction du mieux-être

des membres de la communauté […] » (Charest 2008 : 49). Cette logique managériale

caractérise cette petite réserve et montre comment le pouvoir économique amérindien peut devenir par la suite un outil politique.

Photos 8. Lieux économiques et culturels de la réserve Essipit

(Clichés Sierra J. M., 2011)

Centre communautaire Essipit Radio communautaire innu Essipit

Station de service Essipit Tableau informatif des sentiers de la réserve

Panneau pédagogique et de mise en valeur culturelle innu

Lieu culturel :

reconstruction d’un tipi innu traditionnel

Condos Natakam Panneau explicatif du projet

Le lieu culturel fait partie d’un projet de mise en valeur de la culture innu au sein du territoire amérindien, mais aussi du réseau de découverte du parc marin de Saguenay-Saint-Laurent

(PMSSL) dans l’aire de coordination. Il sert à montrer l’évolution des habitations innu à travers divers panneaux pédagogiques et reconstructions de ce type.

Photos 9. Quelques pourvoiries du Nitassinan de la réserve Essipit (Clichés Sierra J. M., 2011)

Pourvoirie Lacs à Jimmy Aménagement du lieu – mise en valeur culturelle

Pourvoirie Lac Gilles Pourvoirie Lac de cœurs

Route forestière vers les pourvoiries

Aménagement de la pourvoirie Sentier pédestre

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