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Logiques institutionnelles et évaluation de la performance des RTO La notion de logique institutionnelle a été introduite par les contributions théoriques

Section 2. Questions de recherche

3.2.3. Logiques institutionnelles et évaluation de la performance des RTO La notion de logique institutionnelle a été introduite par les contributions théoriques

séminales de Alford et Friedland (1985) et Friedland (1991), ultérieurement étayées par de nombreux travaux empiriques (Haveman et Rao, 1997 ; Thornton et Ocasio, 1999 ; Scott, et al., 2000)(Haveman et Rao, 1997 ; Thornton et Ocasio, 1999 ; Scott,

et al., 2000) permettant une application à des contextes variés (Thornton et Ocasio,

2008). On entend par logiques institutionnelles, l’ensemble des comportements, (manières de faire ou de penser) qui prévalent au sein d’un champ organisationnel, à un moment donné (Thornton, 2004). De façon générale, ces logiques fournissent à l’ensemble des acteurs un canevas de lecture permettant à la fois d’analyser les situations et d’interpréter les comportements à adopter (Friedland et Alford, 1991). En effet, dans toutes les relations interpersonnelles et professionnelles émergent des manières de penser et d’agir, qui finissent par paraître « naturelles » et s’érigent progressivement en normes tacites (construction sociale de la réalité, Berger et Luckman, 1996). En d’autres termes, les logiques institutionnelles constituent :

« la construction sociale et historiquement ancrée des pratiques, postulats, valeurs, croyances et règles, en fonction desquelles les individus vont produire et pérenniser leur moyens de subsistance, vont organiser le temps et l’espace et vont apporter une signification à réalité » (Haveman et Rao, 1997 ; Thornton et Ocasio, 1999, p. 804)74.

Ainsi, par exemple, dans une étude portant sur la haute gastronomie française, (Rao,

et al., 2003), ont identifié deux logiques institutionnelles distinctes, la première

74 Librement traduit de « the socially constructed, historical patterns of material practices, assumptions, values, beliefs, and rules, by which individuals produce and reproduce their material subsistence, organize time and space, and provide meaning to their social reality » (Thornton et Ocasio, 1999, p. 804).

correspondant à la vision traditionnelle de la haute cuisine et la seconde étant plutôt orientée vers la nouvelle cuisine. Ils montrent que, loin de se limiter à un choix d’ingrédients limités, ces deux logiques, concurrentes, s’opposent également sur la rhétorique utilisée, les principes fondamentaux à mobiliser (« rules of cooking »), l’organisation du menu ou encore le rôle du chef. L’encastrement des acteurs dans l’une ou l’autre des logiques influence donc non seulement les recettes choisies, mais aussi les pratiques, règles et même les valeurs des acteurs. Une fois établie, la logique institutionnelle propose donc des principes qui encadrent la capacité d’action des acteurs (Lounsbury, 2002). Ces principes s’imposent spontanément pour un choix limité de réponses, malgré la potentielle infinité de réponses à leur disposition (ici, les cuisiniers se limitent à l’utilisation d’ingrédients « archétypaux », cuisinés selon certains procédés, etc.). Ces différentes logiques s’avèrent souvent contradictoires et provoquent une forme de compétition entre elles, au sein d’un même champ institutionnel, (Thornton et Ocasio, 1999 ; Lounsbury, 2007) même si cela ne les empêche pas de coexister sur de longues périodes (Reay et Hinings, 2009). Dans un autre registre, (Thornton et Ocasio, 2008) soulignent également l’existence de deux types de pressions institutionnelles connues depuis fort longtemps dans le domaine de l’architecture :

• une logique institutionnelle « esthétique », où l’architecte se perçoit comme un « entrepreneur-artiste », qui tire sa légitimité de sa réputation personnelle et son autorité de ses prouesses, voire audaces, en matière de design.

• qui s’oppose à une logique institutionnelle « efficace », caractérisée par un architecte « ingénieur-manager », qui tire sa légitimité de la taille de la firme qui l’emploie, et son autorité de sa position dans la firme.

L’approche développée par Friedland et Alford (1991) place la notion d’institution au cœur de la réflexion, en proposant une nouvelle analyse des institutions. Cette notion est centrale dans la théorie néo-institutionnelle, malgré le manque patent de définition précise. Ainsi, les travaux pionniers de Meyer et Rowan (1977) négligent de définir la notion d’institution. Ce flou sémantique explique l’ambigüité forte autour de cette notion qui, selon Haveman et David (2008) « veut tout dire et donc rien dire ». Diverses définitions sont ensuite apparues dans la littérature, considérant tour à tour

les institutions comme des types d’organisations (hôpitaux, prisons, …), comme des secteurs (éducation, militaire, Hasse et Krüchen, chap. 22G) voire des organisations régulant l’activité économique (syndicats, associations professionnelles, etc.) (Hirsch, 1975) sans toutefois qu’aucune ne fasse réellement consensus. Nous retiendrons la définition proposée par Greenwood et al. (2008), qui considère ce terme d’institution comme étant « more or less taken-for-granted repetitive social behavior that is

underpinned by normative systems and cognitive understandings that give meaning to social exchange and thus enable self-reproducing social order ». Friedland et Alford

(1991) identifient cinq institutions, qui fondent, selon eux, les sociétés modernes occidentales : le capitalisme, l’État bureaucratique, la famille (nucléaire), la démocratie et la religion chrétienne. Selon ces auteurs, chacune possède sa propre logique institutionnelle, qui contraint les moyens, les buts et finalement les comportements des individus et, partant, des organisations elles-mêmes. Poursuivant la réflexion sur les institutions fondant les sociétés occidentales, Thornton et al (2005) distinguent, quant à eux, six institutions possédant chacune sa logique institutionnelle propre : le marché, l’entreprise, l’État, la famille, la profession et la religion. Les logiques institutionnelles transcendent donc les niveaux d’analyse classiquement retenus (individus, organisations et sociétés), pour ériger la société en un système interinstitutionnel (Friedland et Alford, 1991). Thornton et Ocasio (2008) introduisent toutefois une hiérarchie en précisant que dans les sociétés modernes, l’entreprise et l’État restent les institutions les plus influentes (et ce par opposition aux sociétés traditionnelles, qui privilégient la famille et la religion). Mais cette typologie est susceptible d’évoluer. Ainsi, une septième institution, à savoir la communauté, a récemment été ajoutée (Thornton, et al., 2012).

L’analyse par logiques institutionnelles s’avère donc particulièrement pertinente pour l’étude de notre problématique. En effet, la définition de logiques institutionnelles permet de dépasser l’analyse des stratégies individuelles des organisations pour analyser les enjeux de pouvoir et de légitimité qui structurent le champ organisationnel (Bensédrine et Demil, 1998). Par ailleurs, Thornton et Ocasio (2008) soulignent que les logiques institutionnelles permettent de théoriser et, dans une certaine mesure, de mesurer l’influence des institutions sur le comportement des

individus ou des organisations. Ils ajoutent que les construits centraux de l’analyse des organisations, comme l’efficacité, sont loin d’être neutres, restent eux-mêmes façonnés par les logiques des différentes institutions du système. Enfin, ils soulignent également l’intérêt que représente l’application des logiques institutionnelles aux réseaux interorganisationnels. Notre troisième question de recherche en découle. Elle sera formulée comme suit.

Question de recherche 3 : Quelles logiques institutionnelles se sont mises en place, relativement à l’évaluation de la performance des RTO ?

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Ce troisième et dernier chapitre de notre revue de la littérature s’articule autour des grands fondements de la théorie néo-institutionnelle, qui constitue notre cadre conceptuel, dont découle la présentation de notre problématique. Trois des développements majeurs de cette théorie sont tour à tour étudiés, à savoir : les pressions institutionnelles, les réactions stratégiques des acteurs à ces pressions et enfin les logiques institutionnelles. Chacun de ces développements a fait émerger à une question de recherche. Ces différents questionnements ont guidé l’ensemble de ce travail et ont notamment balisé les réflexions méthodologiques et la démarche retenue.

Seconde partie

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