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Section 2. La littérature sur l’évaluation de la performance des RTO, une littérature complexe à la confluence de nombreuses

2.2.2. L’évaluation de la performance collective des RTO

L’évaluation de la performance « collective » des RTO s’effectue au niveau du réseau dans son ensemble (notion de « méta-performance », Leseure, et al. (2001)). Elle porte sur les relations inter-organisationnelles existant entre les membres du réseau et les conséquences qui en découlent. Bocquet et Mothe (2009) considèrent ainsi que la performance collective réunit l’ensemble des effets positifs liés à l’agglomération spatiale des activités.

La littérature relative à cet aspect de l’évaluation de la performance des RTO s’est progressivement et assez naturellement constituée en référence à la littérature relative à l’évaluation des relations inter-organisationnelles, et plus précisément, à la

littérature sur l’évaluation des alliances entre entreprises. RTO et alliances présentent, en effet, de nombreuses caractéristiques communes. Ainsi, selon Blanchot (2006), les alliances se caractérisent, à l’instar des RTO, par l’indépendance juridique des acteurs impliqués (ce qui peut favoriser leur opportunisme), l’existence d’éventuelles difficultés de coopération liées aux différences culturelles entre des participants aux objectifs parfois divergents, mais aussi par les relations interpersonnelles développées entre les acteurs de l’alliance, qui dépassent le cadre de simples relations marchandes. Les alliances sont d’ailleurs très présentes au sein des RTO.

Toutes ces considérations amènent certains auteurs, comme Blanchot (2006) à identifier deux axes dans la littérature sur l’évaluation de la performance des alliances (en sus de l’évaluation individuelle des membres des alliances), à savoir l’évaluation de la performance de l’objet de l’alliance et l’évaluation de la performance de la relation.

L’évaluation de la performance de l’objet de l’alliance fait référence au degré d’atteinte des objectifs de l’alliance en elle-même (Blanchot, 2006). Dans le cas des RTO, ces objectifs dépendent à la fois du type de RTO considéré et de la convention s’établissant entre les parties prenantes au sein de chaque réseau. L’évaluation de cet aspect de la performance des RTO s’exprime dès lors en pratique par le suivi d’indicateurs déterminés à partir de la stratégie du réseau.

La performance de la relation fait référence à deux aspects fondamentaux : l’existence d’un lien fort entre performance et confiance au sein du réseau (Nielson, 2007), et entre performance et encastrement, qu’il convient donc d’évaluer (Dacin, et

al., 1999 ; Camarinha-Matos et Abreu, 2007). La mesure et l’évaluation des niveaux

de confiance et d’encastrement régnant au sein d’une alliance ou d’un RTO s’avèrent cependant d’une grande complexité. En effet, les mécanismes qui président à leurs effets bénéfiques ont un caractère intangible, particulièrement difficile à mesurer. L’appréciation de l’encastrement, par exemple, nécessite la prise en compte de son aspect multi-niveaux (Dacin, et al., 1999) et sa variabilité (Powell, 1996). Ainsi, même si de nombreux auteurs, tel que Dacin et al. (1999) et Pelé et Pluchart (2007) soulignent l’importance et même l’intérêt crucial de développer un indicateur

d’encastrement, un tel instrument de mesure n’existe (toujours) pas à ce jour. De plus, aux difficultés d’évaluation du niveau d’encastrement individuel d’un acteur, s’ajoute celle de l’agrégation de ces mesures à un niveau collectif, posant la question de savoir comment définir un indicateur agrégé au niveau d’un RTO. Faut-il additionner les degrés d’encastrement des différents membres pour arriver à un « score » final ? Faut-il en faire la moyenne ? Adopter des pondérations ? La littérature n’apporte à notre connaissance pas de réponse actuellement.

La confiance, qui a pourtant fait l’objet d’un plus large intérêt académique, implique également des difficultés, largement soulignées dans la littérature. En effet, la confiance est en soi un construit polysémique, un système complexe de concepts interreliés (Oliver, A. L. et Montgomery, 2001 ; Delerue et Berard, 2007), dont la définition n’est pas consensuelle (Donada et Nogatchewsky, 2007). Notion éminemment dynamique (Zajac et Olsen, 1993 ; Delerue et Berard, 2007), elle se caractérise à la fois par le grand nombre et la complexité de ses mécanismes générateurs (Delerue, Bérard, 2007, illustré par la Figure présentée en Annexe 3) et par l’absence de quantification la concernant, et ce, à la fois au niveau individuel et collectif (Bouteiller et Assens, 2004, p. 5). Il n’existe ainsi pas, à l’heure actuelle, de consensus sur la façon de mesurer le degré de confiance au niveau d’un réseau dans son ensemble. De plus, si Zucker (1986) souligne que la confiance est reconnue par les théories économiques et par celles relatives aux organisations comme « le plus

efficient des mécanismes de gouvernance des transactions », Donada et

Nogatchewski (2005)(2005) montrent, qu’affranchie de dispositifs plus formels, la confiance peut aussi fragiliser les relations. La littérature s’accorde donc à souligner que, même des notions pourtant bien documentées, telles que la confiance, s’avèrent difficiles à évaluer en pratique au sein des RTO.

En outre, l’évaluation s’avère d’autant plus compliquée qu’il est nécessaire de prendre en compte le caractère non linéaire de ces variables, pour lesquelles, l’idéal ne tend pas vers l’infini. En effet, si la littérature se focalise sur les conséquences positives des relations inter-organisationnelles (Klein, et al., 2000), il importe également de souligner les possibles effets pervers, comme la captation de compétences et de connaissances par l’un des partenaires (Hamel, 1991) ou encore l’augmentation des

coûts de gestion des relations relatives au réseau (Provan et Milward, 2001 ; Lavie, 2006). De la même façon, le « sur-encastrement » des acteurs au sein d’un réseau peut les rendre aveugles aux changements se déroulant à l’extérieur du réseau (Pouder et Saint John, 1996 ; « faiblesse des liens forts »65, Grabher, 1993) et donc aux éventuelles opportunités nouvelles, limitant ainsi leur adaptation et leur potentiel innovateur. Le manque d’ouverture du réseau (fonctionnement « en vase clos ») peut enfin induire des rigidités, telles que la formalisation des relations ou la codification des savoirs et conduire « à une situation de myopie et d’entropie menaçant la survie du système » (Ehlinger et Perret, 2009). Antinomique avec la recherche d’innovation qui caractérise de nombreux RTO (Tixier, 2010), ce manque d’ouverture constitue souvent leur « côté obscur » (« dark side », Soda et Usai, 1999 ; Gulati et al., 2000). Ainsi, si contrairement aux postulats néo-classiques traditionnels, il existe souvent une relation positive entre encastrement et capacité d’innovation, cette relation n’est pas linéaire, comme l’affirme Granovetter (1985 (trad. 2008)), mais plutôt curvilinéaire (en « U inversé ») (Uzzi, 1996). La Figure 12 en propose une représentation graphique mettant en parallèle enseignements des théories néo- classiques, de la théorie de l’encastrement et les apports d’Uzzi, et souligne ainsi à la fois les bénéfices et les risques associés à l’encastrement.

65 L’expression « la faiblesse des liens forts » fait référence à la « force des liens faibles » développée par Granovetter (1973

(trad. 2008)) et notamment soulignée dans le cas des RTO, et plus particulièrement des pôles de compétitivité par Aliouat et Bouhaouala (2010).

Figure 12 : Relation entre le degré d’encastrement et la capacité d’innovation d’une firme (Source : Boschma et al., 2002, p. 31)

Cette réflexion soulève alors la question de la définition des seuils pertinents d’encastrement : quel en est le niveau optimal ? À partir de quel seuil un réseau est-il trop encastré en pratique ? Ainsi, si la littérature a porté un grand intérêt à l’étude et à l’analyse des liens unissant les acteurs des RTO, la question de l’évaluation de l’intensité de ces liens n’est pas résolue aujourd’hui. Ces difficultés expliquent donc certainement, en grande partie, le constat fait par Kulmala et Lonnquist (2006) d’une évaluation des RTO encore souvent limitée aux seuls indicateurs financiers, faciles à mesurer, et à l’évaluation des niveaux individuels et territoriaux de la performance.

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