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La limite et le seuil : de la dilemmatisation comme défi pour la formation éthique en éducation

Elena K. Théodoropoulou, professeure des universités Université d’Égée

Adalberto Dias de Carvalho, professeur des universités Instituto de Filosofia da Universidade do Porto

Résumé : On propose le maintien de la radicalité réflexive créée par l’insertion d’une

intensité dilemmatologique au cours d'un processus de problématisation philosophique dans le cadre de la formation des éducateurs et éducatrices. La gestion du dilemmatique, considérée comme une instance herméneutique par excellence, affronte inévitablement les formes du conflictuel au sein du rapport complexe entre la théorie et la pratique en approfondissant le concept de l'éthique professionnelle en éducation, surtout dans le cas de l’éducation spécialisée. Dans ce cadre, nous montrerons que les concepts de limite et de seuil jouent un rôle significatif aux niveaux méthodologique, éthique et anthropologique.

Introduction. Problématiser, le double souci

La problématisation, telle un mécanisme travaillant systématiquement sur l'élément des ruptures, semble être ouverte comme un espace d’ambivalence entre la reconstruction du connu (le domptage de l'imprévisible) et l'ouverture à l’imprévisible (à l'égard duquel la problématisation est développée). Or, elle travaille à double sens, sur la limite entre l’institutionnalisation et la dés- institutionnalisation en mettant ainsi au clair un paradoxe structurel : nourrie par l'imprévisible, en même temps, elle opère contre cet imprévisible. Par ce double geste, la problématisation est foncièrement produite dans l’horizon du dépassement d'une perturbation tout à la fois installée dans son propre noyau (Theodoropoulou, 2014).

Dans la foulée de Gerard Haeuptner (1956), Otto Bollnow remarque que le hasardeux renvoie à la possibilité d’une « ouverture productive de l’avenir » (Bollnow, 1972, cité dans Théodoropoulou, 2014, p. 138). Pourtant Haeuptner souligne que la persistance méthodique rationnalisatrice à un vouloir-être-de-plus-en-plus-capable, voire à un plan rationnel de l'agir, n’est plus suffisante pour acquérir la capacité maximale, encore davantage si, dans ce cas, l'aléatoire tend à être identifié avec une tournure des faits négative. La pensée qui calcule tout correspond à un monde déjà fermé où rien de nouveau ne survient, où seul le passé existe, l’inattendu ressemblant désormais à une perturbation ennuyante qui devrait être vite dépassée.

Par contre, le concept d’aventure désigne le dépassement de la peur de l’aléatoire, l’habileté de conversion du temps linéaire caractérisant le plan rationnel à un temps courbe : dans ce cas pourtant, l’imprévisible ne saurait qu'être d’une certaine manière attendu. Ou d’après Simmel (1988), on devra envisager l’aventure comme l’intégration de la contingence de l’événement, au- delà du courant continu de l’existence, dans la détermination de la nature et de la vie de chacun, comme le remarque Carvalho (2014).

Analogiquement, la problématisation, tout en étant obligée de reconnaître, poser, élaborer et, éventuellement, dépasser les perturbations, n'arrive pas à annuler, éradiquer l'imprévisible. En fait, elle ne saurait soutenir jusqu'au bout le rationnel contre l’irrationnel et vice versa, mais plutôt une procédure scandée par les passages possibles du même à l’autre, les entrecroisements et les mixtures. Ainsi, par son propre déroulement, la problématisation rend claire sa difficulté de rester fermée dans l’horizon de l’intégralité, de la résolution finale, de la clôture en reconnaissant ainsi que l’enjeu problématisateur se trouve dans l’ouverture, la réflexion incontournable et incessible. En fait, si la problématisation peut être considérée comme une sorte de « routine »1, une schématisation2 capable d’être reproduite, elle risque de perdre son impetus problématisateur créé par l'alternance entre perturbation et équilibration. En effet, par des assemblages, des combinaisons, des adaptations, des transpositions analogiques, elle n'assurerait qu'une re- schématisation du même, une recherche des variations sur un thème donné. Mais, justement, pourrait-on admettre que la problématisation garde son acmé critique et réflexive en devenant un mécanisme intelligent d'élaboration et de légitimation d’une infrastructure permanente qui permettrait, en guise de boîte noire, l’institutionnalisation de la routine clarificatrice? Pourtant, cette question elle-même semble faire partie intégrante de ce qu’est la problématisation (Théodoropoulou, 2014).

C’est ainsi que se forme un récit problématologique double : un récit méthodique et rationalisateur relativement à des certitudes qui doivent être mises en doute en vue d’être reformulées, voire éventuellement rejetées, dans un récit exodique 3, pour l’accueil de

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Au sens d’habitus chez Bourdieu (1980).

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On peut concevoir l’habitus comme un ensemble de schèmes permettant la genèse d’un nombre infini de pratiques adoptées sur des situations continuellement renouvelées (Bourdieu, 1972).

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En opposition à la méthode classique qui, en quête d’une voie optimale et préalable, dessine un parcours – en ramenant le plus possible à zéro toute perturbation – dans la voie exodique les écarts jouent sur les fluctuations du chemin lui-même. Selon Michel Serres (1985), elle réfute les homogénéisations, la clarté, la parcellisation, la

l’inexplicable et de l’inexprimable pendant la restauration difficile de la complexité, ce qui s’exprime clairement à travers la structure du dilemme éthique. La dilemmatisation (ou éventuellement la polydilemmatisation) concerne les deux aspects de la problématisation, tant le méthodique que l’exodique. En fait, c’est une fluctuation qui se développe en prenant la forme des seuils successifs, à travers lesquels se structurera paradoxalement le mécanisme problématisant sous la tension d’hésitations et de reculs (Τhéodoropoulou et Carvalho, 2014). Il s’agit d’une fluctuation ironique, puisqu’elle conserve en son intérieur ce double mouvement en introduisant aussi une attitude apparemment scandaleuse dans le cadre du vécu – le scandale du maintien de la problématisation au-delà de toute possibilité de solution du problématique. Il ne s'agirait donc pas de fermer la question problématique, mais d’ouvrir des seuils, à travers lesquels la problématisation pourra acquérir sa dimension éthique, justement en tant que démarche qui rétablit péniblement l’humanité réfléchie et fragile.

Si la réaction problématologique se forme comme un double geste ou un double lien (Bateson, Jackson, Haley et Weakland, 1956; Bateson, 1987). Entre les deux extrémités s’étend une région à explorer : à la place d’un mouvement flexible d’hyper-découverte ou d’un mouvement de déchirure saccadé, c’est un troisième mouvement qui comprend et dépasse les deux autres4. Il ne s’agit pas d’une logique intéressée à la délimitation complète des objets, mais à l’intensité des processus évolutifs, le concept de processus étant opposé à celui de système ou de structure, comme essayant de capturer l’existence dans l’acte lui-même de constitution, définition et déterritorialisation, un processus donc de fixation dans le « devenir » (Maillard, 2011).

1. De la limite

Une saisie de la problématisation trouve, dans les trois acceptions suivantes – entretenant entre elles des relations très fortes –, le soutien anthropologique qui permettra le développement d’un mécanisme méthodologique de dilemmatisation:

fragmentation, la spécialisation, la généralisation, la normalisation en vue de l’explication, la modélisation, le choix sûr et la réduction en règles en tant qu’indices de l’esprit droit. La voie exodique traverse et met en valeur tout lieu faisant obstacle, le paysage prenant le caractère d’une randonnée.

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La problématisation ne signifie ni représentation d’un objet préexistant ni création dans le cadre des pratiques discursives d’un objet non existant. Il s’agit d’un ensemble des pratiques discursives, verbales ou non, qui introduit quelque chose dans le jeu du vrai et du faux en le constituant comme un objet de réflexion (Foucault, 2009).

1. L’homme est un être vulnérable. 2. L’homme est l’habitant de la limite.

3. L’éducation a comme mission de construire la citoyenneté d’un homme qui est vulnérable et habitant de la limite, ce qui exige la formation qui comprend une éthique philosophique de la limite (Carvalho, 2014).

Une ontologie fondée sur le concept de l’être en tant que limite et frontière et une anthropologie qui repose sur l’homme comme habitant de la limite rejoignent notre approche de la problématisation et son double souci qui s’étend vers une anthropologie et une pédagogie du seuil, mais aussi vers une méthodologie et une pratique de la dilemmatisation dans le cadre de la formation éthique au sein des espaces professionnels en éducation.

Les apports des connaissances scientifiques, notamment des sciences sociales, nous présentent l’homme contemporain comme quelqu’un qui doit d’emblée se comprendre – et se faire comprendre par rapport aux contextes naturels et sociaux au sein desquels il habite. Pourtant, l’homme court le risque de l'exacerbation de sa vulnérabilité constitutive – qui au lieu de constituer l’élan pour des projets devient une fragilité de plus en plus menaçante5

. Il faut reconnaitre que la modernité a eu un rôle décisif dans la configuration du sujet comme pôle privilégié d’initiatives, d’interventions au sein de la société et de la nature et, pour cela même, comme siège de pouvoir et d’une volonté à l’exercer au nom de la liberté. D’où l’esquisse concomitante d’une «anthropologie capacitaire» ou «des facultés» selon les expressions de Genard reprises par Nathalie Maillard (Maillard, 2011, p. 30-31). D’où les premières proclamations des droits humains. Toutefois, la modernité, comme Benhabib (cité dans Maillard, 2011, p. 8) l’a montré, dans le cadre des conceptions universalistes de la justice, en mettant l’accent sur la dignité du sujet moral, on tend à dévaluer la dépendance, l’affectivité et la corporéité, c’est-à-dire tout ce qui pourrait représenter justement notre vulnérabilité. À partir de ces repères, à la place d’une conception réductionniste des êtres humains en tant que personnes autonomes parce que rationnelles comme on le voit dans la figure du citoyen individuel mais abstrait, on devrait valoriser l’idée d’une personne relationnelle et d’un citoyen réel et intégral

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Par rapport à la nature limitrophe de l’homme, les seuils réciproques entre le vivre et le survivre de Primo Levi (1976) (l’homme est un non-homme mais il peut devenir véritablement humain) posent d’une manière radicale la problématique plus tard reprise par Giorgio Agamben (1995, 2002) selon qui l’homme est celui qui peut survivre à l’homme. C'est entre le vivre et le survivre qu'émerge la problématique de la fragilité et du caractère liminaire de la condition humaine (se rapportant d’emblée à la capacité inhumaine de survivre à l’homme ainsi qu’à la capacité de l’homme de survivre au non-homme), une émergence qui affecte le vouloir.

qui, dans son unité complexe, prend en charge tant sa propre vulnérabilité que celle des autres comme des êtres de besoins. D’où la dimension sociale et écologique des nouveaux droits et l’exigence de surmonter les principes d’une morale qui, refusant la vulnérabilité intersubjective au nom de la capacité de l’être autonome et de la responsabilité individuelle du sujet, ne considère pas le corps, les sentiments et le temps qui, présents dans toutes les personnes, imposent leur dépendance. Il s'agit d'une dépendance à respecter non seulement en vue de protéger les êtres humains, par la solidarité sociale et politique, du risque de la précarisation et de la fragilisation sociales, mais aussi pour approfondir leurs compétences esthétiques et éthiques et leur autonomie personnelle effective (Carvalho, 2014).

Or, on doit reconnaitre que l’homme est, selon l’expression d’Eugénio Trías (1991), « l’habitant de la limite »; comme tel, il habite cet espace-frontière entre le territoire connu et l’inconnu qui souvent le menace. À partir de ce contexte existentiel, il adopte un style particulier de vie et de citoyenneté, d’éthique et de politique où la rationalité, incorporant la limite au lieu du fondement ne trouve plus qu’une absence de fondement et une interrogation constante qui le rapproche incessamment justement de la limite. C'est alors que l’homme se comprend comme source infirme d’inquiétude en quête permanente de sens toujours pluriels et comme siège des représentations symboliques. Il en est ainsi parce qu'il habite le cercle frontalier, la ville herméneutique, qui s’esquisse entre le cercle de l’apparaître (définissant le territoire connu par la science, encadré par les normes de la morale et reconnu par le sens commun comme en étant le seul monde existant), et le cercle hermétique, celui du mystère, fermé sur lui-même, insaisissable, mais qui, parfois, perturbe le cercle de l’apparaître. En dernière instance, nous-mêmes, nous sommes la limite, encore davantage si, au fur et à mesure qu'on ne peut pas accéder au terrain hermétique qui demeure étrange pour le logos, on exprime l'irréductible des concepts au moyen de la figuration sensible de l’art, des idées philosophiques et des manifestations religieuses. Dans le monde contemporain, la métaphysique et l’idéologie de la technique et des media de masse essaieraient, par la promotion de l’illusion de la transparence à tout prix, d’effacer la limite et finalement de faire devenir le monde tel le programme logique de Hegel en détruisant ainsi la spécificité de l’homme, tandis que les défis qu’interpellent nos notions de justice et de dignité s'accumulent sur l’héritage reçu.

Si l’éthique est mémoire de notre propre dénuement, la constitution d’une éthique systémique et reconstructive doit passer par le décentrement, d’une part, car cela nous oblige à « reconnaître l’ouverture déchirante constitutive par laquelle tout sujet, toute identité et toute tradition donatrice de sens en viennent à se comprendre comme décentrés par autrui » (Müller, 1998, p. 31-32), aussi bien, d’autre part, que par le ressentiment des autres, notamment les démunis, comme des sujets égaux à nous. Cela interpelle notre capacité d’espérance, de reconnaissance du fait que notre responsabilité accompagne la conscience de notre fragilité et que la responsabilité ne sera plus finalement l’idéal tyrannique d’une obligation qui nous écrase, mais une dynamique contingente d’une pratique de liberté (Müller, 1998).

Épuisé le radicalisme de quelques itinéraires pédagogiques, vient le temps pour l’acceptation d’une perspective qui valorisera plutôt l’engagement politique. Jacques Daignault (1985) prend ses distances tant du nihilisme inhérent au refus illusoire des idéaux, que du terrorisme implicite dans la violence des efforts de réalisation concrète de rêveries paradisiaques, ces deux attitudes étant le résultat de l’obsession d’une élimination de l’écart entre le « devoir être » et l’« être ». On envisage ici la perspective artistique, une esthétique de la pédagogie qui, d’une manière critique, prendra la place d’une éthique agissant en tant que morale, à savoir en utilisant la normativité comme instance régulatrice d’exclusion des sens alternatifs. Par contre, la démarche esthétique « doit, pour l’essentiel, entretenir le paradoxe de la complexité pédagogique en y maintenant disjointes les séries normatives et objectives » (Daignault, 1985, p. 161)6.

En fait, la pensée habite une tension désignant l’inhérence réciproque entre le répétitif et le devenir et montrant « comment et pourquoi la répétition engendre des différences et d’autre part comment le temps ainsi généré retient en soi le répétitif et le reproductible en les emportant » (Müller-Schöll, 2006, p. 82). Or, dans le sens qui « a toujours le sens du non-achevé, du non-fini, de l’encore-à-venir » (Nancy, 1991, pp. 5-6), l’homme est une esquisse interminable 7

. Théodoropoulou (2010) considère qu’il s’agit d’un processus.

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Or, il s’agit de distinguer entre les énoncés constatifs qui, en ayant pour enjeu la signification, se rapportent aux constats de fait susceptibles d’être vrais ou faux, et les énoncés performatifs qui, n’ayant pas la fonction d’informer ou de décrire, deviennent des expressions qui, dans la perspective des valeurs, visent réaliser un acte par leur énonciation.

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On pense ici à la notion de perfectibilité humaine et au concept de devenir comme lié à l’homme, telle une recherche de sens.

Accentuer donc les différences, en y rejoignant les fonctions, les éléments et les moments, non pas seulement de la pratique sociale, mais aussi de la pratique personnelle, à savoir de tout ce qui fait la personne, pour que cet espace puisse être habité par des corps, ce qui prolonge l’agonie du concept, créer un espace minimal, un « pli » au sens deleuzien, performer des différenciations, en critique des sujétions transcendantales, dans un effort de non continuité au-delà des téléologies obscures, tout au long d’une dissémination difficilement contrôlée contre la tendance immature au général. La philosophie de l’éducation, comme une philosophie de mouvements une carte d’intensités8

, intègre, non pas seulement au niveau thématique mais aussi au sein de sa propre constitution, le paradoxe (ainsi que l’herméneutique de ce paradoxe) d’une défense à la fois de la stratégie réflexive (comme l’utopie ou comme l’éloge de la rationalité triomphante) et du geste problématologique contre les certitudes qu’une telle stratégie crée.

2. Du seuil

Vouloir bâtir une pédagogie plus caractéristique de l’homme que la pédagogie purement intellectuelle de la science positive, signifie de mener la problématisation à ses limites méthodologiques et épistémologiques en faisant d’elle un processus névralgique pour la sensibilisation et le réveil réflexif des parties impliquées dans le conflit des points de vue que la question éthique révèle et crée au sein des praxis éducatives. Une approche exodique incorpore le vécu de/et la « fragilité » comme limite et donne à la problématisation ses incidences anthropologiques basées sur le concept et la valeur de l’événement. Si la rupture entre l’expérience quotidienne et le travail scientifique ou philosophique permet le développement d’un processus authentique de problématisation, si une épistémologie problématologique peut prendre la place d’une épistémologie de la résolution des problèmes, la construction d’une pédagogie plus caractéristique de l’homme exigerait que cette épistémologie soulève d’une manière radicale la problématique des seuils réciproques entre des situations liminaires ou des opposés extrêmes, comme par exemple celle d’entre le vivre et le survivre – ce glissando effrayant mais nécessaire suggéré par la structure de seuil et soutenu par la tension du paradoxe, qui fait du problématique une catégorie existentielle et anthropologique.

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La logique d’intensités n’est pas intéressée à la délimitation complète des objets, mais à l’intensité des processus évolutifs, le concept de processus étant opposé à celui de système ou de structure, comme essayant de capturer l’existence dans l’acte lui-même de constitution, définition et déterritorialisation, un processus donc de fixation dans le « devenir», le concept de « devenir » étant vu comme la déterritorialisation absolue (Deleuze et Guattari, 1980).

Pourtant, discours et pratiques éducatives tendent à préparer systématiquement et emphatiquement des territorialisations, ce qui correspond à la formation d'un espace absolu (Lefebvre, 2001), abstrait, instrumental, qui reste un espace manipulé par toutes sortes d’autorités, dont le véritable sujet est le pouvoir étatique, politique. C’est un espace formel et quantifié dans et sur lequel tout se déclare, où « le vécu s’écrase et le conçu s’emporte » et qui fait croître « le silence des usagers » (Ibid., p. 63). Cet espace réduisant ou même niant les différences, privilégiant l’homogénéité, est en fait un espace instituant l’éducation et institué par elle (Théodoropoulou, 2009).

Le seuil devient un rythme, une structure ontologique, logique, pédagogique. Or, une « pédagogie du seuil » (Théodoropoulou, 2009; 2010) se fonderait plutôt sur une spatialité infinie fermant et ouvrant, dans un mouvement incessant et profondément créateur d’alternance entre ouvertures et fermetures et d’osmose entre les espaces. Penser par seuils, en effet, c’est distinguer la limite entre l’extérieur et l’intérieur justement comme un seuil dont le trépassement mène à la fois aux deux faces du sens et par là à ses aspects multiples9. On arrive ainsi à avoir une vue multiple de l’espace non seulement dans et autour de l’humain et l’humain dans et autour de l’espace, dans une « mouvance des frontières » (Deleuze et Guattari, 1980, p. 29, note 17) et d’entrées multiples, mais aussi avec des « strates où s’enracinent des unifications et totalisations, des massifications, des mécanismes mimétiques, des prises de pouvoir signifiantes, des attributions subjectives » (Ibid., p. 21)10. Pour la philosophie de l’éducation ainsi pensée, toucher à la limite en tant que seuil entre la théorie et la pratique, là où la limite sans être effacée se transforme en seuil pour gérer l’antinomie et la contradiction, décrit un travail qui organise et désorganise des manières de gestion des limites et d’équilibres. Sa position paradoxale (ainsi que le paradoxe d’une « position ») la soumet au risque de l’affrontement incessant avec la méduse

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