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1. Une compétence du référentiel français de

1.4 La responsabilité et des principes éthiques

L’enseignant est qualifié, dans le titre de la compétence 6, d’ « éducateur responsable », sans autre explication ni référence à une quelconque définition. Nous nous interrogeons sur l’identité d’enseignant-éducateur et non plus sur celle d’enseignant-professeur, largement développée dans le référentiel de 2010. Relever les verbes mentionnés dans la compétence 6 et ayant l’enseignant pour sujet donne une première indication : accorder l’attention, accompagner, éviter toute dévalorisation, promouvoir l’égalité, assurer le bien-être, identifier et prévenir les comportements à risque. Répétés ou développés dans le référentiel, ces verbes constituent une constellation sémantique se référant à une première étymologie latine d’éduquer, educare, signifiant « prendre soin de ». L’enseignant éduque ainsi de diverses manières : il accompagne les élèves dans leur parcours d’information et d’orientation (C5, C11 et P1), il crée une relation de confiance et de bienveillance avec les élèves (P4) et les parents (C12), il tient compte de l’aspect cognitif, affectif et relationnel (C3). Homme de projet et d’actions éducatives, principalement en établissement scolaire (C11), l’éducateur est aussi celui qui fait « sortir de… pour mener vers ». L’enseignant éduque en menant vers les apprentissages collaboratifs entre élèves (C9), vers la coopération au sein de la classe mais aussi avec les parents d’élèves (C12) et les partenaires de l’école (C13), vers le développement d’échanges et de collaborations avec d’autres écoles. Il fait accéder à l’expression d’une parole et d’une pensée personnelles par la maîtrise de la langue française à des fins de communication (C7) et par l’utilisation d’une langue vivante étrangère dans les situations exigées par son métier (C8). Dans ces deux approches de l’identité de l’enseignant-éducateur, une compétence essentielle est à mettre en œuvre : le dialogue pratiqué dans un message clair et adapté à la situation (C11), constructif avec les parents d’élèves et leurs représentants (C12). Ainsi, l’enseignant sait conduire un entretien, pratiquer une médiation, animer des réunions dans des relations d’égalité et de non-discrimination ou de maltraitance (C11).

« Agir en éducateur responsable » : que recouvre ce premier segment de l’énoncé de la compétence 6 ? La responsabilité est mentionnée dans le propos introductif de la partie traitant des compétences communes à tous les professeurs :

Disposant d’une liberté pédagogique reconnue par la loi, ils exercent leur responsabilité dans le respect des programmes et des instructions du ministère de l’éducation nationale

ainsi que dans le cadre du projet d’école ou d’établissement, avec le conseil et sous le contrôle des corps d’inspection et de direction. (MENESR, 2013, p. 2)

Le terme « responsable » revêt deux significations. Tout d’abord, en rappel de l’étymologie latine respondere, est responsable l’individu capable de répondre de ses actes à quelqu’un. Ainsi, l’enseignant rend compte, dans un langage clair et adapté, de ses choix pédagogiques, de ses enseignements et de ses actions éducatives, du projet éducatif aux élèves, aux parents, aux autorités hiérarchiques. La coopération s’avère ainsi une forme de responsabilité auprès des élèves, des collègues, des parents, de la communauté éducative (C10 et C11). Une deuxième signification du terme « responsable » peut se référer aux apports de Hans Jonas qui développe

une responsabilité à l’égard du futur, une responsabilité « pour ce qui est à faire » et donc une responsabilité que nous appellerons prospective. Ici, nous nous trouvons chargés d’une responsabilité avant même d’avoir agi et elle exclut d’emblée toute possibilité de « ne rien faire »"(Jonas, 1998, cité par Métayer, 2008, p. 166).

Le référentiel de compétences s’entend ainsi non comme un texte enserrant l’agir de l’enseignant dans des prescriptions, ni même comme un mouvement de transformation de la profession (Perrenoud, 1999), mais comme un projet à mettre en œuvre. La notion explicite de « service d’éducation » confère à la responsabilité de l’enseignant une disposition et une disponibilité éthiques mettant l’épanouissement et la réussite de chaque élève au centre de ses préoccupations.

« Agir selon des principes éthiques » : ce deuxième segment de l’intitulé de la compétence 6 ne fait pas l’objet d’explications dans le texte du référentiel, mais d’une double mention. La première se situe dans le cadre de la définition des professeurs comme « acteurs du service public d’éducation » (MENESR, 2013, p. 2). L’enseignant connaît et met en œuvre les grands principes du système éducatif français (C2) qui, remarquons-le, se déclinent en liberté de l’enseignement, gratuité, neutralité, laïcité, obligation scolaire. Ces principes constituent des normes très générales et de grande portée, ne donnant pas d’indications précises sur les actions à accomplir ni sur les décisions à prendre. Selon Prairat (2014), trois attributs qualifient les principes : la régularité, la contrainte, la pratique partagée; seul le dernier attribut est énoncé dans le référentiel. D’ordre organisationnel et législatif, ces principes sont désormais nommés « éthiques » et non plus « déontologiques » comme dans le référentiel de 2010. Dans la deuxième partie de ce texte, on tentera de comprendre ce glissement terminologique. Dans l’immédiat et à la suite des

analyses de Martinez (2010), notons que parmi les principes habituellement cités figurent l’impartialité, l’objectivité, la continuité, l’obligation d’accueil, le droit d’obtenir une réponse, la discrétion, l’efficacité. Philippe Meirieu (2004) précise qu’un principe est un rappel à l’ordre orientant l’action quotidienne; parmi les 14 principes qu’il mentionne, nous retenons : l’école est un service et une institution, l’enseignant constitue une référence, les élèves préparent à l’école leur avenir et l’avenir du monde, l’enseignant a la responsabilité de communiquer des savoirs et une culture à tous les élèves, le professeur respecte et fait respecter la personne de chaque élève, le professeur s’interdit de travailler contre l’hétérogénéité, la recherche de la vérité suppose qu’il n’y ait pas de recours à la séduction, ni à la violence.

Au terme de notre analyse de la compétence éthique dans le référentiel de 2013, nous précisons deux affirmations. La première porte sur les énoncés de cette compétence. Développés dans une compétence particulière, la C6, ces énoncés ne s’y limitent cependant pas. Ils concernent les « pédagogues et éducateurs au service de la réussite de tous les élèves », les « acteurs du service public » et les « acteurs de la communauté éducative » (MENESR, 2013, p. 2). Bref, pour énoncer l’éthique de l’enseignant selon le référentiel de 2013, il convient de la considérer dans l’ensemble du texte et non dans une seule compétence. De cette première affirmation découle une seconde : la compétence éthique est une compétence transversale, elle constitue un élément de chaque compétence du référentiel. Ainsi, il conviendrait d’ajouter aux actuels énoncés de chaque compétence un item d’ordre éthique, sous mode de questions, de souhaits, de points de vigilance, de points de repères. Peut-on, par exemple, traiter la compétence « P5 Évaluer les progrès et les acquisitions des élèves » sans traiter l’éthique de l’enseignant- évaluateur, de ses postures de référence, de l’écriture et de la parole évaluatives (Pachod, 2013) ? L’éthique professionnelle concerne les finalités et les modalités de l’agir de l’enseignant dans toutes ses dimensions et localisations; elle ne se limite pas à des aspects juridiques et organisationnels, souvent traités en formation initiale d’enseignants.

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