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D U LIEN TECHNOLOGIQUE AU LIEN SOCIAL

1.3 Appropriation sociale des TIC

1.3.1 Le lien social médiatisé par le lien technologique

1.3.1.2 Le lien social médiatisé

Si l’on essaie d’analyser le lien social par rapport aux changements qui seraient induits par les nouvelles technologies de l’information, plusieurs approches se confrontent : les optimistes (Lévy, 1997 ; Sue, 2001) et les ré-servés (Linard, 1996, Beslile, 1996).

La vision de Levy (1997) semble emprunt d’idéaux. Il pose l’appren-tissage réciproque comme médiation entre les hommes, les identités de-venant des identités de savoir. Pour lui, l’économie tournera autour de ce qui ne s’automatisera jamais complètement : la production du lien social, le relationnel. Il se réfère en cela à la vision du Mouvement des Réseaux d’Echange Réciproque des Savoirs (MRERS).

« La déterritorialisation (du cyberespace) suscite une véritable industrie de la restauration du lien social, cette ingénierie du lien social est l’art de faire vivre des collectifs intelligents et de valoriser au maximum la diversité des qualités humaines.(...) Au delà d’une in-dispensable instrumentation technique, le projet de l’espace du savoir incite à réinventer le lien social autour de l’apprentissage réciproque,

et parcourir une distance sociale plus importante, quand il passe par des liens faibles plutôt que forts. Cela est logique, car compte tenu de la transitivité des liens, des indi-vidus transmettent l’information à leurs proches, chaque proche la recevant plusieurs fois, jusqu’à ce que l’incitation à transmettre s’amenuise. C’est pourquoi de nombreuses recherches concluent à la nécessité de maximiser le nombre des liens faibles.

27La médiation humaine signifie dans notre recherche les échanges humains, l’interac-tion.

de la synergie des compétences, de l’imagination et de l’intelligence collective (Lévy, 1997, page 45) »

Or, la distance peut aussi rompre le lien avec le réel, le corps, la dis-cussion, voire, les rites d’interaction (définis par Goffman comme étant en face à face).

Selon le sociologue Roger Sue (2001), s’il y a un tel boom de la com-munication, de l’Internet, du portable, c’est qu’il y avait un besoin social important.

« Ces technologies ne sont pas n’importe quelles technologies. Ce sont des technologies de réseau. Pas de centre, pas de majorité. Tout le monde est récepteur et émetteur. Elles reflètent une nouvelle forme de rapport social. L’Internet est une belle métaphore du nouveau lien social. (Sue, 2001, page 8) »

Dans une perspective éducative, les propos sont plus réservés. Si les modalités d’échanges sont nombreuses via ces outils technologiques : ac-tions de formation sur l’Internet, groupe de travail pluridisciplinaire ou transversal, retour d’expérience, tutorat, coaching etc., cela ne signifie pas que la qualité de l’interaction et de la relation pédagogique en sera meilleure. En effet, les Technologies de l’Information et de la Communication édu-catives sont avant tout des technologies visant à faciliter l’accès en amé-liorant le transport, la transmission et la circulation de l’information. Les technologies informatiques en réseau ne peuvent ainsi pas prétendre assu-rer à elles seules la médiation psychologique et sociale qui aide les sujets à transformer l’information en connaissances personnelles et soutenir effi-cacement les épreuves de transformation de soi impliquées par l’aventure d’apprendre (Beslile, 1996 ; Linard, 1996).

« Si les dispositifs apportent de réels gains de confort, de faci-litation, d’efficacité et de satisfaction, l’interactivité technologique ne remplace pas l’interaction pédagogique. (Beslile & Linard, 1996, page 3) »

Linard (1996) porte une appréciation plutôt réservée sur la capacité des dispositifs de formation à médiatiser technologiquement des proces-sus d’apprentissage relevant de la médiation humaine. Elle décèle un cer-tain nombre de risques sociaux à l’usage des technologies. Pour elle, « ap-prendre à penser avec des machines qui ne pensent pas » a des limites, tout sim-plement, parce que « l’ordinateur ne peut modéliser que la seule composante logico-rationnelle de la démarche de l’apprenant ». Ajoutons que cela dépend aussi de la logique du concepteur du logiciel ou du dispositif mis en place intentionnellement par l’enseignant. Linard (1996) précise que la médiati-sation technique (qui vise à instrumenter des opérations par des outils) ne peut ainsi ni remplacer ni garantir la médiation humaine (qui vise à amé-nager une conciliation en vue d’une décision motivée entre points de vue plus ou moins antagonistes). Ce qui ne l’empêche pas, si l’on sait l’exploi-ter, d’enrichir de manière considérable l’exercice de la pensée naturelle en mettant au clair certains de ces mécanismes.

« Si les nouvelles technologies intellectuelles dans le traitement du seul aspect rationnel et technique du réel n’est pas rééquilibrée par des rapports interpersonnels et des contacts soutenus avec le réel sen-sible, elles risquent d’entraîner une détérioration en chaîne du tissu d’expérience affective et relationnelle qui est au fondement de l’intel-ligence, de la connaissance et de la vie sociale humaine. (Linard, 1996, page 186)

l’interac-tion pédagogique, notamment au niveau du tutorat, et bien souvent des séances en présentiel. En effet, le réseau augmente les outils de communi-cation disponibles (messagerie électronique, chat, forum) et l’interactivité, ainsi que la facilité à échanger, mais n’améliore pas forcément la qualité de l’interaction humaine. Bellier (2001) est une des rares à préciser que si l’échange est moins riche affectivement et émotionnellement qu’en face à face, il est plus propice au développement des compétences profession-nelles dont le pragmatisme est toujours un critère de performance.

« Plus ciblée, plus économe, plus opératoire cette médiation ne nous semble pas moins efficace. (Bellier, 2001, page 36) »

Revenons sur la notion de médiation et médiatisation que nous venons d’évoquer.