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U N CADRE CONCEPTUEL DIALOGIQUE

3.3 Vers une communauté apprenante

3.3.2 L’apprentissage social et la construction de l’identité

3.3.2.2 La dialectique participation/réification

La dialectique est présentée par Wenger (1998) comme une des clefs pour comprendre la dynamique d’une communauté de pratique. Cette dualité est au coeur de la négociation de sens, activité fondamentale de la communauté. Cette négociation de sens est similaire au processus du Faire œuvre dont nous avons dessiné quelques contours dans la section précédente. Dameron et Josserand (2005), reprenant Wenger, propose la définition suivante :

« La négociation de sens peut être définie comme processus per-manent dans lequel les membres d’une communauté de pratiques sont engagés. Dans ce processus, ces derniers négocient et produisent des significations de leur activité commune, une signification étant ce qui

« exists neither in us, nor in the world, but in the dynamic relation of living in the world » (Wenger, 1998, page 54). »

La négociation de sens résulte d’interactions suivies, ancrées dans un contexte, qui conduit à la construction d’engagements mutuels, d’un

pro-jet commun, ces deux dimensions étant constitutives de la communauté de pratique. La négociation de sens repose sur la dialectique participa-tion/réification. La participation renvoie à l’engagement visible, identi-fiable d’un individu dans une communauté. Elle se caractérise par une reconnaissance mutuelle de cet engagement et prend forme dans des in-teractions et des actions. Par leur participation, les individus montrent leur implication. Pour Wenger (1998), elle est étroitement liée à la construction identitaire.

« A defining characteristic of participation is the possibility of de-veloping an « identity of participation », that is, an identity consti-tuted through relations of participation. (Wenger, 1998, page 56) »

La reification est, quant à elle, à la fois un processus et le résultat de ce processus. Elle consiste à donner forme à la négociation de sens.

« We project our meanings into the world and then we perceive them as existing in the world, as having a reality. (Wenger, 1998, page 58) »

Les réifications sont des éléments tangibles comme des concepts, outils, textes et rites produits par la communauté et preuves de son existence. Se-lon Dameron et Josserand (2005), ces « formes » ou éléments permettent de développer et de renforcer la confiance de la communauté en sa solidité et sa pertinence. Pour ces derniers, la négociation de sens apparaît comme un processus mouvant dans lequel « chaque réification génère plus d’en-gagement et de participation ». Nous discuterons, dans le dernier cha-pitre de cette thèse, de cette tension dynamique entre les deux processus car celle-ci peut rencontrer quelques distorsions ou déséquilibres, comme,

par exemple, la déficience d’éléments réifiés ou plus précisemment d’élé-ments réifiés visibles. Par exemple, les rites/interactions essentiellement informelles (comme celles initiés par téléphone) ne donne aucune visibi-lité au collectif d’une éventuelle construction identitaire puisque les contri-butions concrètes dans un répertoire commun sont minimes. La consoli-dation de l’engagement des membres et de leur participation peut donc souffrir d’un trop peu de réification formelle. Pour Wenger, le contraire est également vrai : un trop plein de réification peut déconnecter la commu-nauté de la pratique et de la négociation de sens.

« As a focus of attention that can be detached from pratice, the reification may even be seen with cynicism, as an ironic substitute for what it was intende to reflect. (Wenger, 1998, page 61) »

C’est d’ailleurs en partie ce que démontre Gongla et Rizzuto (2001)suite à des déséquilibres permanents ou temporaires entre les processus parti-cipation/réification. Les conditions d’apparition de ces déséquilibres se-ront étudiées dans le cadre des communautés d’apprenants, et non pas de pratique, au sein de notre environnement d’étude, le campus du CERAM Sophia Antipolis.

3.4 Synthèse

La participation à la vie d’une communauté est toujours source d’ap-prentissage puisqu’elle contribue à la construction de l’identité (Wenger, 1998, Henri et Pudelko, 2006). Ceci met en relief le rôle primordial du pro-cessus collectif qu’est l’acte de signification partagé et son origine tantôt positive (nous communiquons car nous partageons), tantôt négative (nous

communiquons suite à une incompréhension). Du point de vue de notre recherche, les propriétés de l’apprentissage sociale seraient donc le jeu continu de conflits, de déséquilibres, d’incompréhensions, de destructura-tions/structurations des connaissances qui sont en œuvre pour apprendre ensemble. Le processus de Faire œuvre et la négociation de sens seraient ainsi à la base de tout apprentissage individuel et collectif.

FIG. 3.1: Faire Oeuvre, au centre des processus

La médiation sociale, dans un dispositif d’apprentissage, porte la no-tion de décentrano-tion et de centrano-tion (Peraya, 2005, page 415) qui est com-prise comme un « choc des pensées qui est à l’origine de la réflexion comme processus dynamique d’intégration des points de vue ».

« Ces notions concerne l’ensemble des rapports sociaux dans la mesure où ceux-ci contiennent toujours la représentation mentale d’autrui ou du monde partagé. (Meunier & Peraya, 2005, page 415) »

La centration serait à l’origine du processus du Faire œuvre individuel (pro-cessus introspectif), alors que la décentration serait à l’origine de la confron-tation des points de vue (de la négociation de sens). Elle serait ainsi por-teuse d’interaction sociale et de lien social fort. Celle-ci s’effectuerait dans

l’intersubjectivité (Bruner, 1999). Nous avons abordé, à la lumière de plu-sieurs courants scientifiques (socio-constructivistes, phénoménologie, psy-chosociologie) la place de l’individuel et du collectif dans le Faire œuvre . Il est désormais intéressant de formuler, dans le contexte spécifique de l’usage éducatif des technologies, la manière dont peut se concrétiser les esquisses topologiques des échanges intégrant les liens sociaux forts ou faibles, en multiplicité des lieux (physiques ou virtuels).