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Introduction de la première partie

Encadré 5: L’enseignement, un secteur syndical de militant×e×s

1.3 Les structures et modalités de fonctionnement des syndicats

À Bâle, notre enquête s’est déroulée dans trois syndicats : Unia, le SSP et Syna. Pour rappel, la fédération syndicale du VPOD-SSP est créée en 1905 et compte environ 35’000 syndiqué×e×s en 2014. Il s’agit donc d’une organisation de taille modeste qui compte une centaine de salarié×e×s dans toute la Suisse. Le SSP organise les métiers des secteurs publics et parapublics (enseignement, santé, social, personnel fédéral, cantonal et communal). Les régions du SSP s’organisent en sections communales (car les employé×e×s communaux ont des statuts spécifiques), en sections regroupant les professions publiques et parapubliques. Chaque région a une structure particulière en fonction de l’histoire syndicale locale et des réglementations auxquels sont soumis les personnels. Le SSP se caractérise par un fonctionnement fédératif très décentralisé. S’il a deux centrales (l’une à Zurich pour la Suisse allemande, l’autre à Lausanne pour la Suisse romande) la plupart des ressources viennent et sont attribuées aux régions. Il faut dire que contrairement à d’autres syndicats qui organisent des salarié×e×s soumis à des réglementations sectorielles nationales, les conditions de travail des salarié×e×s des services publics obéissent à des lois cantonales différentes d’un canton à l’autre, d’une commune à l’autre et d’un secteur à l’autre.

À Bâle, ce sont deux secrétaires administratives et quatre secrétaires syndicaux×ales qui travaillent à temps partiel dans les locaux du syndicat. Les métiers organisés sont principalement les pompiers, les salarié×e×s des transports publics, des métiers artisans et techniques (communes), le domaine de l’enseignement (du primaire à l’Université), de la culture, de la santé et du social. Le secrétariat fonctionne de manière totalement autonome de la centrale (qui se trouve à Zurich pour la Suisse allemande). Parmi les six permanent×e×s, aucun×e n’a de responsabilité hiérarchique vis-à-vis de ses collègues. Deux postes se répartissent le travail administratif de la région et les quatre postes de secrétaires syndicaux×ales se répartissent les secteurs. Chacun×e a une forte

autonomie de travail et doit rendre des comptes et construire son travail avec le ou les comités de son secteur.

Dans la même Union syndicale, mais couvrant les secteurs du privé, Unia est un syndicat dont la forme actuelle est récente. Il est le résultat en 2005 de plusieurs phases de fusion et en particulier, du rapprochement des deux grands syndicats de l’USS : la Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et de l’horlogerie (FTMH) et le Syndicat Industrie et Bâtiment (SIB). Il est, de loin, le plus grand syndicat en Suisse avec près de 200’000 membres en 2014. Sa structure est divisée principalement en quatre secteurs : bâtiment, arts et métiers, industrie et secteur tertiaire privé. Avec plus de 40 salarié×e×s à Bâle, un guichet avec une permanence syndicale et juridique et une caisse de chômage, le syndicat Unia Nord-Ouest de la Suisse est une organisation de taille. Le chiffre d’affaires régional s’élève à plus de 5 millions et les locaux occupent plusieurs étages du bâtiment. Le travail y est beaucoup plus divisé, spécialisé et hiérarchisé. Le fonctionnement du syndicat Unia est beaucoup plus hiérarchisé que les autres. Le comité directeur a du poids sur les régions. Au niveau régional, plusieurs niveaux de hiérarchies existent également. À Unia Bâle, plusieurs secrétaires « de base » organisent un même secteur en se répartissant le type d’entreprises ou les zones géographiques. L’équipe est dirigée par un×e responsable de secteur (voire un×e responsable de section dans d’autres régions). Au-dessus des responsables de secteurs, une direction régionale dirige Unia Bâle (bicéphale dans le cas bâlois). Malgré l’autonomie plus ou moins forte des régions et le pouvoir que peuvent exercer certaines directions régionales, on trouve encore une structure plus centralisée que dans les autres syndicats avec un comité directeur central et des responsables nationaux de secteurs qui ont du poids dans les orientations régionales. À Unia, que ce soit lors d’une manifestation, d’une récolte de signature, d’une campagne ou du recrutement, des objectifs et des ordres relativement stricts sont transmis par le comité directeur central avec des objectifs souvent chiffrés que les régions doivent atteindre. Pour finir, la formation des secrétaires est également formalisée et centralisée au niveau national.

En 2011, lors du début de l’enquête à Unia Bâle, il y a 7 permanent×e×s pour le secteur de la construction et de l’artisanat et 1 poste vacant, 6 dans l’industrie et 5 dans le tertiaire. Durant l’enquête, le secteur syndical du gros-œuvre est particulièrement occupé par le chantier titanesque d’un immense nouveau bâtiment de la foire de Bâle. Les syndicalistes y effectuent des passages réguliers, car des sous-traitants emploient des

ouvriers au noir et à des conditions largement en dessous des conventions collectives du secteur. Durant l’enquête, une campagne nationale pour la responsabilité des entreprises qui sous-traitent sur les chantiers occupe le travail syndical pendant plusieurs semaines. Dans le secteur, le rythme syndical est dicté par les renégociations tous les quatre ans de la convention collective de force obligatoire « convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse » à laquelle sont soumis 72'500 salarié×e×s dans toute la Suisse. Les métiers de l’artisanat ont quant à eux des conditions plus éclatées et les travailleur×euse×s ne sont pas tou×te×s soumis×es aux mêmes conditions de travail1.

À Unia Bâle, le syndicalisme dans l’industrie s’est construit dans le tissu local des grandes entreprises pharmaceutiques. De Novartis à Syngenta, de Roche à Clariant, les plus importantes multinationales de la Pharma et de la Chimie constituent à Bâle un pôle pour la recherche et quelques lieux de production demeurent actifs malgré de nombreuses délocalisations des usines de la région. Une convention collective de travail (CCT) de l’industrie chimico-pharmaceutique bâloise règle les conditions de travail des cols bleus. Les cols blancs n’y sont pas soumis directement, mais un certain nombre de règles en sont reprises dans les contrats individuels. Ce sont près de 4'000 salarié×e×s qui y sont soumis (cols bleus, dont 1'700 femmes) et environ 22'000 personnes qui y sont indirectement liées (cols blancs). Les syndicats Unia et Syna en sont signataires. Des éléments importants des conditions de travail (comme les grilles salariales et les augmentations annuelles) ne sont pas négociés dans la CCT, mais chaque année par les délégations du personnel directement dans les entreprises. Les salarié×e×s s’organisent donc dans les principales d’entre elles en groupes syndicaux et vont négocier ces conditions spécifiques, accompagnés du ou de la secrétaire syndical×e. Dans le secteur, les syndicalistes sont régulièrement confronté×e×s à des délocalisations importantes, en particulier dans la production. Les pertes d’emplois ces dernières années sont élevées. Je suis le travail syndical au moment de la fermeture d’une usine de production ainsi que la tentative de suppression de plusieurs centaines de postes à Novartis.

1 Pour donner un aperçu le plus exhaustif possible, rien que dans la région bâloise, de multiples CCT

réglementent les métiers de la construction et de l’artisanat. On trouve une CCT pour le secteur du second- œuvre de Bâle-Ville et Campagne et de Soleure ; une CCT des métiers liés aux toitures et aux murs (Bâle- Campagne), une CCT du secteur du jardinage (Bâle-Ville et Campagne), une CCT des plâtriers (Bâle- Ville), une CCT des plâtriers (Bâle-Campagne), une CCT des peintres et des plâtriers (Bâle-Campagne), une CCT des peintres (Bâle-Campagne), une CCT des serruriers et métiers associés (Bâle-Ville).

Dans le secteur tertiaire privé, le syndicat est implanté dans l’hôtellerie- restauration et la vente. Les deux groupes les plus actifs que nous suivons durant l’enquête sont ceux de la vente de détails et le groupe peu habituels des taxis1. Outre une CCT signée avec la COOP2 par Unia au niveau national, le secteur de la vente n’a pas de convention régionale. Un secteur dont les conditions de travail sont attaquées durant l’enquête par une tentative de prolongation des horaires d’ouvertures des magasins à Bâle le samedi, nous suivons sur plusieurs mois toute la campagne syndicale qui y est liée. Du lancement d’un référendum au vote populaire, Unia joue un rôle central pour obtenir un refus de la prolongation par les votant×e×s. Le syndicat cherche à négocier une CCT dans la branche, sans succès jusqu’à présent3. En plus des activités syndicales dans les secteurs, trois groupes d’intérêts sont actifs dans la région : celui des femmes, celui des jeunes, celui des migrant×e×s et également un groupe des travailleur×eus×es portugais×e×s. Nous suivons durant plusieurs mois le groupe d’intérêt des femmes.

Pour finir, Syna est le pendant du syndicat Unia dans la faîtière des syndicats chrétiens « Travail.Suisse ». Le syndicat interprofessionnel Syna (1998) regroupe 60 000 membres en 2014, constituant la deuxième force syndicale en Suisse en termes d’effectifs. Cette organisation est active dans les branches de l'artisanat, de l'industrie et dans les services. Contrairement à Unia4, Syna ne se restreint pas au seul secteur privé, mais couvre également le tertiaire parapublic dans certaines régions (le secteur de la santé en particulier). Syna met parfois en avant son éthique sociale chrétienne et ses principes de partenariat social, cependant, la référence chrétienne tend à s’effacer5. Couvrant des secteurs professionnels encore plus vastes qu’Unia, le secrétariat de Syna est de taille égale au SSP. La région emploie une secrétaire administrative à temps plein, deux

1 Le groupe syndical des taxis est une spécificité bâloise, mais il est très actif et tente en particulier d’obtenir

une meilleure loi cantonale dans le secteur des taxis, précarisé avant même l’arrivée d’Uber à Bâle. Il est atypique car les chauffeur×e×s de taxi sont rarement organisé×e×s syndicalement.

2 Deuxième chaîne de grande distribution en Suisse, regroupant environ 86'000 collaborateur×trices. 3 Désormais, des règles minimales pour les salaires et pour le nombre d’heures ont été fixées. Cela n’a pas

été fait dans une convention collective mais par le législateur étatique qui est l’instance qui valide également les réglementations sur les horaires d’ouverture.

4 Historiquement, au sein de l’Union syndicale suisse, c’est le Syndicat suisse des services publics qui

organise le secteur de la santé publique et parapublique. Ces dernières années, Unia a largement commencé à investir des moyens pour entrer dans le secteur de la santé, mais ce n’était pas du tout le cas durant les années de l’enquête dans la région.

5 L’enquête SynEga a retenu en plus au Tessin l'Organizzazione Christiano-Sociale Ticinese (OCST)

(1919). Cette organisation interprofessionnelle de 41 000 membres n’existe qu’au Tessin, canton italophone où elle est la principale structure syndicale. Elle organise les salarié×e×s du bâtiment, de la métallurgie et de l'artisanat, du secteur public et du secteur médico-social, du commerce et de la vente, de la Poste et de Swisscom.

secrétaires syndicaux et un responsable syndical de région. Le responsable est chargé du secteur tertiaire et les deux autres secrétaires se répartissent l’industrie, la construction et l’artisanat. Le syndicat est signataire de moins de conventions collectives à Bâle que celles citées dans le cas d’Unia et est présent surtout dans le second-œuvre (plâtriers- peintres), la chimie et la pharma et dans le secteur de la santé où Unia n’était pas du tout actif en 2011. Les sections régionales de Syna sont l’artisanat (Bâle-Ville), l’artisanat (Bâle-Campagne), l’industrie de Bâle et environs, les services et une section immigrants. À Syna, les liens hiérarchiques sont déjà plus distendus. Si un responsable régional coordonne le secrétariat, celui-ci est soumis à un comité de militant×e×s. Le poids du secrétariat central est également limité, à l’exemple des campagnes référendaires où les régions ont une marge de manœuvre pour véritablement les prendre en charge ou non. Les trois syndicats étudiés ont des structures organisationnelles et décisionnelles globalement très similaires. Deux instances sont de type législatif : le Congrès et l’Assemblée des délégué×e×s. Le Congrès se réunit en général tous les 4 ans. C’est une instance large, réunissant plusieurs centaines de personnes, où siègent des délégué×e×s des secteurs, des régions et des groupes d’intérêts. Entre un Congrès et l’autre, c’est l’Assemblée des délégué×e×s qui se réunit plusieurs fois par années. Le nombre de délégué×e×s est restreint comparé au Congrès, et c’est l’instance qui détermine les lignes d’action d’un Congrès à l’autre. Les trois syndicats ont également une instance nationale exécutive, le comité central, dédoublé chez Syna et Unia entre un Comité central et un Comité directeur de 5 à 9 membres. À l’exception du Congrès qui n’existe qu’au niveau national, les structures régionales sont du même type, avec une assemblée des délégué×e×s régionale (législatif) et un comité régional (exécutif). Unia est la seule structure à avoir en plus un comité directeur régional (exécutif également).

Les modes de prises de décision dans ces trois syndicats sont les mêmes : les décisions sont prises au vote et les désaccords tranchés à la majorité, ce qui est éloigné d’autres cultures organisationnelles analysées en France par Cécile Guillaume et où le mode de décision est basé sur la tentative d’arriver à un consensus (Guillaume 2018). Les dissensions internes peuvent être très fortes et le rapport de force peut totalement minoriser un courant face à un autre lors d’un vote. Une différence très importante entre les trois syndicats réside dans la composition des structures et dans qui dirige l’organisation. En effet, la spécificité d’Unia est que ses deux instances exécutives sont

essentiellement (pour le comité central) ou complètement (comité directeur) composées de permanent×e×s syndicaux×ales. À l’inverse, le SSP est le seul des syndicats étudiés à ne pas avoir du tout d’instance décisionnelle composée de salarié×e×s. Statutairement, ce sont les militant×e×s qui votent et décident même si les permanent×e×s ont le droit de participer aux instances sans droit de vote.

Tableau 7: Structure des 3 syndicats en 2016

Exécutif Législatif

UNIA (USS)

Comité directeur : 7 à 9 sièges dont une présidence et deux vice-présidences

Comité central (régions : 16 sièges; secteurs : 4 sièges; groupes d’intérêts : 8 sièges dont 2 pour GI femmes)

Congrès (tous les 4 ans) Assemblée des délégué×e×s

SSP (USS)

Comité national :

10 sièges dont celui de président×e et vice-président×e

Congrès fédératif (tous les 4 ans)

Assemblée des délégué×e×s

SYNA