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III – Caractéristiques stylistiques

2. Les soldats (8 exemples)

Bien que cette catégorie pose des problèmes d’identification et donc de classification, elle se place en second en termes de fréquence de personnages. Les figurines en question sont toutes datées de l’époque ptolémaïque, généralement des IIIe-IIe s. av. J.-C., et se caractérisent

par une taille uniforme, variant entre 8 et 10 cm de haut. L’avers représente un jeune personnage masculin debout sur un petit socle circulaire (cat. 46-50) : ses bras, légèrement repliés, sont placés de part et d’autre de son ventre rebondi, et il tient généralement un objet arrondi dans une de ses mains, qui semble s’apparenter à une bourse. L’autre main repose sur la hanche, où l’on distingue sur certains exemples la présence d’une épée dans un fourreau (cat. 47). Il porte un chiton court, une chlamyde attachée à l’avant et une kausia, large béret de feutre ou de cuir d’origine macédonienne490. Le visage, rond, présente des traits peu marqués, conférant un aspect enfantin ou adolescent à la figure. Quelques mèches de cheveux s’échappent de la kausia. Le revers de chaque figurine se définit par une surface grossièrement travaillée et comporte, sur les exemples conservés, un trou circulaire.

Dans la plupart des publications et des catalogues de musées recensant les terres cuites, ce type de figurine est classé soit parmi les représentations de jeunes hommes, soit parmi les figures de soldats ou de cavaliers macédoniens. Si la tenue vestimentaire et les accessoires permettent effectivement de définir le personnage comme tel, sa posture et son ventre proéminent peuvent suggérer également un lien avec l’univers théâtral. Malgré l’absence de masque constatée dans la plupart des exemples où la tête est conservée, il semble

488BIEBER 1961, p. 100-101 ; GREEN 1997, p. 140. Sur la figure du cuisinier dans la comédie grecque cf.

BERTHIAUME G., Les rôles du mágeiros, Mnemosyne, suppl. 70, 1982 ; DOHM H., Mageiros. Die Rolle des

Kochs in der griechisch-römischen Komödie, Zetema 32, Munich, 1964 ; GIANINI A., « La figura del cuoco nella

commedia greca », Acme 13, 1960 p. 135-216.

489 Cf. annexe 6, tableau 2.

490 Portée à l’origine par les souverains et les soldats macédoniens à partir du milieu du IVe s. av. J.-C., la kausia

devient à l’époque hellénistique un couvre-chef pour les hommes adultes et surtout les jeunes garçons. Cf. HORNUNG-BERTEMES K., « Die sogenannten Kausia-Darstellungen aus Demetrias », in MULLER 1997,

p. 181-206; FREDRICKSMEYER E. A., « Alexander the Great and the Macedonian Kausia », Transactions of the

American Philological Association, The Johns Hopkins University Press, vol. 116, 1986, p. 215-227 ; KINGSLEY B., « Alexander's "Kausia" and Macedonian Tradition », Classical Antiquity, University of California

Press, vol. 10, n° 1, 1991, p. 59-76 ; SAATSÜGLOU-PALIADELI C., « Aspects of Ancient Macedonian Costume »,

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plausible, d’après J.R. Green, d’associer certaines de ces images avec la figure du soldat de la Nouvelle Comédie491 (cf. supra les types 15 et 16 de Pollux), personnage populaire chez Ménandre qui est souvent représenté comme un jeune homme extraverti et vantard492. Le fait que le costume du soldat de la Nouvelle Comédie soit d’origine macédonienne n’est pas surprenant si l’on tient compte du contexte politique qu’a connu Ménandre dans la seconde moitié du IVe s. av. J.-C.493 : d’après S. Lape494, Ménandre, fervent défenseur de la culture

démocratique athénienne, aurait pensé la figure du soldat vantard comme une personnification du pouvoir macédonien. En apparaissant dans l’intrigue comme un rival pour le jeune citoyen cherchant à conquérir sa bien-aimée, le personnage du soldat serait une allégorie des relations conflictuelles entre les cités grecques et l’autorité des premiers souverains hellénistiques. La couleur politique de Ménandre reste cependant très discutée, certains spécialistes, comme A. Blanchard, présentant à l’inverse le poète comme un conservateur pro-macédonien495. Sans aller plus avant dans le débat sur le message politique sous-jacent à l’œuvre de Ménandre, ces arguments fournissent une explication sur l’aspect macédonien de ce personnage, le seul représenté ainsi dans le répertoire scénique de la Nea.

Bien que nous penchions donc davantage pour interpréter ce type de figurines pansues comme représentant le soldat de la Nouvelle Comédie, cela ne signifie pas pour autant que toutes les figures de jeune garçon portant une kausia et un vêtement de tradition macédonienne soient de nature théâtrale, surtout dans les exemples où seule la tête est conservée : le personnage peut également être interprété comme un jeune cavalier ou un enfant vêtu du costume macédonien. Ce type est effectivement répandu en Égypte au début de la période hellénistique, en particulier dans la petite plastique alexandrine496, en référence à l’origine des premiers immigrants. Afin d’éviter des ambiguïtés, nous n’avons recensé dans notre corpus que les exemples où le corps était suffisamment préservé pour émettre

491 GREEN et al. 2003, p.56 ; BIEBER 1961, p. 98-99 ; WEBSTER,GREEN,SEEBERG 1995, p. 1-5.

492 Le personnage de Polémon dans La Tondue (Perikeiromene) en offre un exemple probant. Ménandre pouvait

cependant inverser cette image et donner au personnage du soldat un caractère sensible et sentimental, comme l’officier Thrasonidès dans le Haï (Misumenos), qui tombe amoureux de Crateia, une de ses captives. Cf. BLANCHARD 2000, p. 8-9.

493 Cf. partie III, p. 232.

494 LAPE S., Reproducing Athens: Menander's Comedy, Democratic Culture, and the Hellenistic City, Princeton

University Press, Princeton, 2004, p. 62-67.

495 BLANCHARD 2007, p. 10-11 ; cf. MAJOR W.E., « Menander in a Macedonian World », GRBS, 38, 1997, p. 41-

73, qui considère également que les comédies de Ménandre révèlent une position en faveur de l’autorité macédonienne.

496 BALLET 2007, p. 237-240 ; LECUYER Cl., Recherches sur les ateliers de coroplathes. Les images de l’enfance

en Méditerranée orientale aux époques hellénistique et romaine, thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2004 ; SZYMAŃSKA 2005, p. 69-71 ; KASSAB TZEGÖR 2007.

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l’hypothèse qu’il s’agisse d’un acteur, l’aspect « bedonnant » du personnage constituant le critère principal.

Par ailleurs, le personnage du soldat de la Nouvelle Comédie est pratiquement le seul représentant de la catégorie des jeunes hommes dans les figurines d’acteurs en terre cuite découvertes en Égypte. Contrairement aux masques comiques qui illustrent 6 ou 7 types différents de jeunes hommes, les figurines inventoriées dans notre corpus n’expriment aucunement cette diversité du répertoire scénique de la Nea. De plus, elles se distinguent également sur ce point des autres régions du bassin méditerranéen, où l’on trouve non seulement des représentations du personnage du soldat mais également celles d’autres figures masculines issues de la Nouvelle Comédie, tels que les fils de famille ou les « parasites ». Seule une tête masculine conservée au British Museum, datée des IIIe-IIe s. av. J.-C.497 (cat.

51), pourrait être interprétée comme représentant un acteur portant un masque de jeune

homme, si l’on en juge par les contours visibles autour du visage et des yeux ; la chevelure en forme de speira associée à la rondeur des traits, aux joues rebondies et aux lèvres charnues tendent vers le personnage du jeune homme délicat ( n° 13 de Pollux).