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Le théâtre en Égypte aux époques hellénistique et romaine : architecture et archéologie, iconographie et pratique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Pour l'obtention du grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE POITIERS UFR de sciences humaines et arts

Laboratoire Hellénisation et romanisation dans le monde antique (Poitiers) (Diplôme National - Arrêté du 7 août 2006)

École doctorale : Lettres, pensée, arts et histoire - LPAH (Poitiers) Secteur de recherche : Histoire de l'Art et Archéologie

Présentée par :

Adeline Le Bian

Le théâtre en Égypte aux époques hellénistique et romaine : architecture et archéologie, iconographie et pratique

Directeur(s) de Thèse : Pascale Ballet

Soutenue le 08 décembre 2012 devant le jury Jury :

Président Jean-Charles Moretti Directeur de l Institut de recherche sur l'architecture antique, CNRS-MOM - Université Lumière Lyon 2

Rapporteur Jean-Charles Moretti Directeur de l Institut de recherche sur l'architecture antique, CNRS-MOM - Université Lumière Lyon 2

Rapporteur Marie-Dominique Nenna Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire HISOMA (UMR 5189) - Université Lumière Lyon 2

Membre Pascale Ballet Professeur d'histoire de l'art et d'archéologie

-Université de Poitiers, équipe HeRMA

Membre Violaine Jeammet Conservateur en chef du département des Antiquités grecques,

étrusques et romaines - Musée du Louvre

Membre Yves Lafond Professeur d histoire grecque - Université de Poitiers,

équipe HeRMA.

Pour citer cette thèse :

Adeline Le Bian. Le théâtre en Égypte aux époques hellénistique et romaine : architecture et archéologie,

iconographie et pratique [En ligne]. Thèse Histoire de l'Art et Archéologie. Poitiers : Université de Poitiers, 2012.

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École D

Thèse présentée pour l’obte

Par M sou et

LE THÉÂTR

HELLÉNISTIQUE

ARCHÉOLOGIE

Thèse soutenue Membres du jury :

Jean-Charles Moretti (présiden Directeur de l’Institut d Université Lumière Lyo Marie-Dominique Nenna (rapp

Directeur de recherche Violaine Jeammet : Conservateur en chef d Musée du Louvre. Pascale Ballet : Professeur d’histoire de Yves Lafond : Professeur d’histoire gr Université de Poitiers UFR Sciences Humaines et Arts

Doctorale Lettres, Pensée, Arts et Histoire

tention du grade de Docteur en Histoire de l’Ar

r Mlle Adeline Le Bian (équipe HeRMA) ous la direction de Mme Pascale Ballet

et la co-direction de M. Yves Lafond

TRE EN ÉGYPTE AUX ÉPOQ

UE ET ROMAINE : ARCHITEC

GIE, ICONOGRAPHIE ET PRA

Volume 1 – Texte

ue en séance publique à Poitiers le 8 décembre 2

ent et rapporteur) :

t de recherche sur l'architecture antique, CNRS yon 2.

pporteur) :

he au CNRS, HISOMA, UMR 5189.

f du département des Antiquités grecques, étru

de l’art et d’archéologie. Université de Poitiers

grecque. Université de Poitiers, équipe HeRMA

Art et Archéologie

QUES

ECTURE ET

RATIQUE.

e 2012 S-MOM, trusques et romaines,

ers, équipe HeRMA.

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l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art."

Jean le Rond d’Alembert,

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REMERCIEMENTS

Après six ans de recherches, ponctués de rencontres, d’expériences et de voyages, ma passion pour l’archéologie, l’Égypte et le théâtre antique s’est à la fois agrandie et renforcée. Cette thèse, qui constitue en soi un aboutissement, mais qui, je l’espère, marque aussi un commencement, n’aurait sans doute jamais vue le jour sans le soutien, les conseils et les encouragements d’un grand nombre de personnes et d’organismes.

Je tiens tout d’abord à exprimer ma plus profonde gratitude à ma directrice de thèse, Pascale Ballet, qui dirige et soutient mes travaux depuis huit ans. Je lui dois mon premier séjour en Égypte en 2006, qui a confirmé ma vocation professionnelle. Depuis, elle m’a toujours apporté un appui indéfectible et des conseils précieux ; ses encouragements, sa confiance et son expérience ont été essentiels tout au long de mes recherches et ce, jusqu’au dernier jour. Je remercie également profondément mon co-directeur et directeur de l’équipe HeRMA, Yves Lafond, pour ses conseils, sa disponibilité et sa gentillesse. Il a constitué un soutien essentiel pour mes recherches. Je me dois bien sûr de citer l’ensemble de l’équipe HeRMA, qui m’a fourni un cadre professionnel d’une grande qualité d’écoute et d’accessibilité, et m’a permis de m’épanouir également dans l’enseignement. Sur ce point, je tiens à remercier tout particulièrement Pascale Ballet, Yves Lafond, Séverine Lemaître et Vincent Michel pour m’avoir confié pendant cinq ans des charges d’enseignement, ainsi que Nadine Dieudonné-Glad pour ses conseils et sa sollicitude.

Les séjours de recherche effectués en Égypte et en Grèce n’auraient pu avoir lieu sans le soutien et l’accueil de nombreux organismes, en particulier l’Institut Français d’Archéologie Orientale au Caire et l’École Française d’Athènes, qui m’ont chacun accordé une bourse d’un mois en 2008 et 2009. Mes remerciements s’adressent également au Centre d’Études Alexandrines, qui m’a accueillie avec la plus grande bienveillance durant deux semaines, me fournissant un cadre de travail exceptionnel par sa convivialité. Les recherches effectuées sur le terrain ont été possibles grâce à l’appui et aux conseils de nombreux spécialistes : Grzegorz Majcherek du Polish Centre of Mediterranean Archaeology, à qui je dois non seulement une visite guidée privée du site de Kôm el-Dikka mais également le libre

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pour m’avoir permis de séjourner deux semaines à Antinoopolis afin de réaliser l’étude des vestiges architecturaux du théâtre. Son soutien, son intérêt et ses conseils, associés à la gentillesse et à l’humour de toute l’équipe, ont été précieux. Je remercie également le Département des Antiquités Grecques et Romaines du British Museum pour m’avoir autorisée à venir étudier sur place les masques et les figurines théâtrales de leurs collections, ainsi que Mr Stephen Quirke, conservateur du Petrie Museum, pour m’avoir reçue et communiqué les copies des cahiers de notes de W. M. F. Petrie.

D’autres spécialistes ont également pris le temps de m’aider et de m’éclairer sur mes travaux durant ces six ans, qu’ils m’aient accueillie sur place, téléphoné ou écrit : je tiens à remercier profondément Jean-Charles Moretti, de l’Université de Lyon 2, Arthur Muller, alors directeur des Études antiques à l’EFA, et Jean-Yves Empereur, directeur du CEAlex, pour m’avoir reçue et fait part de leurs conseils avisés. Enfin, toute ma gratitude va vers la frange féminine des spécialistes de la coroplathie : Mervat Seif el-Din, Geneviève Galliano, Cécile Giroire et Florence Gombert-Meurice.

Enfin, ces recherches n’auraient mené à rien sans le soutien inconditionnel et les encouragements de ma famille et de mes proches, qui ont toujours cru dans ma démarche : mes parents et mon frère, dont la présence constante et l’appui moral ont constitué une base solide sur laquelle j’ai pu me reposer ; Antoine, ma moitié, qui m’a communiqué au quotidien de la patience, de la motivation, du courage et de la compréhension. Je remercie également tous mes amis et tous ceux qui m’ont aidée, de diverses manières, dans cette démarche. Je ne pourrai malheureusement pas les citer tous, mais ils se reconnaîtront. Néanmoins, une mention spéciale pour Maude, ma correctrice attitrée, Charlotte, Thomas, Julien, Grégory, Sylvain et Émeline. Enfin, un grand merci à toute l’équipe de fouilles de Bouto des années 2006 et 2008, ainsi qu’à l’équipe de fouilles de l’Aphrodision de Délos des années 2010 et 2012.

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1

Introduction………p.

7

Cadre historique, chronologique et géographique Axes de recherche et types de sources exploitées

Historique de la recherche et commentaire bibliographique La question du théâtre à l’époque pharaonique

PREMIÈRE PARTIE

LES ÉDIFICES THÉÂTRAUX

Chapitre I – Théâtres et villes d’Égypte

I – Époque ptolémaïque………p. 19

1 – Théâtres et capitales………..………..p. 22 a – Alexandrie : localisation du théâtre d’après la documentation textuelle b – Paphos : localisation du théâtre

2 – Théâtres et métropoles………p. 30

II - Époque romaine………..p. 33

1 – Delta et sa pointe………..…...p. 34 a – Péluse (Tell el-Farama)

b – Alexandrie : Kôm el-Dikka c – Memphis

2 – Moyenne Égypte……….……p. 41 a – Arsinoé (Medinet el-Fayoum)

b – Héracléopolis Magna (Ehnasya el-Medina) c – Oxyrhynchos (El-Bahnasa)

d – Antinoopolis (Sheikh’Ibada)

e – Hermopolis Magna (El-Ashmunein)

3 – Haute Égypte………..….p. 51 a – Apollonopolis-Heptakomia (Kôm Isfaht)

(9)

2 b – Répartition géographique c – Répartition chronologique

Chapitre II – Les théâtres d’Alexandrie et de Paphos

I – Le théâtre d’Alexandrie………..p. 59

1 – Données textuelles………..………….p. 59 2 – Données archéologiques………..…………p. 60

II – Le théâtre de Paphos………p. 63

1 – Contexte historique du monument………..p. 63 2 – Composantes architecturales………...p. 65

a – Le koilon b – Les parodoi

c – L’orchestra et le bâtiment de scène

3 – Les différents aménagements………...………...p. 67 4 - Originalité et perspectives………...p. 69

III – Le « théâtre » de Kôm el-Dikka à Alexandrie………...p. 72

1 – Composantes architecturales ………..p. 73 a – 1ère phase de l’édifice (milieu IVe-fin Ve s. apr. J.-C.)

b – 2e phase de l’édifice (début VIe-VIIe s. apr. J.-C.)

2 – Historique du monument……….p. 75 3 – Les auditoria………...…p. 77 a – Composantes architecturales b – Datation c – Fonction 4 – Fonctions du théâtre………...…….p. 82 a – Fonction(s) dans la 1ère phase (milieu du IVe s. apr. J.-C.)

(10)

3

I – Oxyrhynchos………p. 90

1 – Composantes architecturales………...p. 91 a – La cavea

b – L’orchestra et les aditus maximi c – Le bâtiment de scène

d – Le portique nord-est

2 – Caractéristiques stylistiques et décoratives……….p. 99 3 – Datation du monument………..p. 100 II – Antinoopolis………..p. 101 1 – Composantes architecturales………...p. 101 a – La cavea b – L’orchestra c – Le bâtiment de scène 2 – Le « Portique du théâtre »……….p. 104 a – État de conservation et tentative de restitution d’après la Description de

l’Égypte

b – Vestiges actuels

3 – Datation du monument………...p. 108

III – Péluse : théâtre de Tell el-Farama………....p. 108

1 – Composantes architecturales……….p. 109 a – La cavea

b – L’orchestra et les aditus maximi c – Le bâtiment de scène

2 – Historique du monument………...p. 114 a – Phase antérieure à l’édifice

b – Phase de construction et d’occupation du théâtre c – Phase d’abandon et de destruction

IV – Péluse : arènes-théâtre de Tell el Kana’is………p. 118

1 – Composantes architecturales……….p. 119 a – La cavea

(11)

4

V – L’architecture théâtrale en Égypte : synthèse………...p. 126

1 – Matériaux et techniques de construction………...p. 126 2 – Caractéristiques architecturales et stylistiques : modèles et parallèles……….p. 129

DEUXIÈME PARTIE

LES IMAGES DU THÉÂTRE : MASQUES DRAMATIQUES ET

FIGURINES D’ACTEURS

Chapitre I – Typologie des masques de théâtre et des figurines d’acteurs

I – Aspects techniques………...p. 137

1 – Les matériaux………p. 138 2 – Technique de fabrication des objets en terre cuite………p. 139

II – Questions de provenance et de chronologie……….p. 141

1 – Provenances et contexte du matériel étudié………..p. 141 2 – La question de la datation………..p. 143

III – Caractéristiques stylistiques………....p. 145

1 – Les masques………..p. 145 a. Les masques comiques

b. Les masques tragiques c. Les masques satyriques

2 – Les figurines d’acteurs………..p. 162 a. Personnages de la Nouvelle Comédie

b. Personnages du mime et de la pantomime c. Personnages de l’Atellane

3 – Autres types d’objets à motif théâtral………...p. 186 a – Les lampes à huile et brûle-parfums

b – La céramique

c – Les productions en verre : éléments d’incrustation et vaisselle d – Les sarcophages en pierre

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5

I – Contextes d’utilisation des masques et des figurines………...p. 202 II – Le souvenir scénique et sa postérité iconographique……….p. 208 III – La portée symbolique et religieuse……….p. 214

1 – En contexte domestique………p. 215 2 – En contexte funéraire………p. 218

TROISIÈME PARTIE

SYNTHÈSE : LA PRATIQUE THÉÂTRALE EN ÉGYPTE AUX

PÉRIODES HELLÉNISTIQUE ET ROMAINE

Chapitre I – « La scène et les coulisses »

I – Les contextes de spectacles dramatiques………...…p. 225

1 – Les concours………..p. 225 a – Sous la dynastie lagide

b – Sous l’Empire

2 – Les théôriai…..……….p. 230

II – Les artistes………..p. 232

1 – Les auteurs………...p. 232 a – Ménandre

b – Autres auteurs réputés à Alexandrie

2 – Les acteurs……….p. 236 a – Les spécialités

b – Les associations d’artistes c – Le statut des acteurs

(13)

6

I – Les différentes fonctions des théâtres en Égypte………..p. 259

1 – Le rôle des manifestations théâtrales………p. 259 2 – L’utilisation des théâtres en dehors des spectacles dramatiques………...p. 261

a – Cérémonies religieuses

b – Le théâtre d’Alexandrie : lieu d’événements historiques

II – La pratique théâtrale dans l’Égypte romaine et tardive :

l’héritage hellénistique……….…….p. 264

1 – La survivance des auteurs dramatiques grecs………...p. 264 a – La postérité des comédies de Ménandre

b – Les représentations de pièces « classiques » 2 – Le théâtre et la survivance de la culture gréco-romaine

à la période tardive………...p. 271

Conclusion……….p. 277 Bibliographie……….p. 283 Table des annexes………..p. 313

Annexe 1……….……….p. 315 Annexe 2……….……….p. 316 Annexe 3……….……….p. 324 Annexe 4……….……….p. 342 Annexe 5……….……….p. 343 Annexe 6……….……….p. 350 Annexe 7……….……….p. 357 Annexe 8……….……….p. 367

(14)

7

Cadre historique, chronologique et géographique

À la suite de la conquête d’Alexandre le Grand en 331 av. J.-C., l’Égypte accueille sur son territoire des immigrants grecs, s’enrichissant ainsi d’une nouvelle identité culturelle, que marquent des pratiques sociales et religieuses de type grec, jusqu’alors inédites dans la basse vallée du Nil. De cette rencontre entre la culture hellène et la culture égyptienne émerge une société hétérogène, marquée à la fois par l’introduction de cadres institutionnels hérités du modèle de la polis grecque et par le maintien et le respect de la tradition pharaonique. Au sein de ce processus d’hellénisation, le théâtre constitue un foyer d’expression et de diffusion de la culture grecque, bénéficiant par ailleurs d’un solide soutien royal : en effet, l’attachement que portent les Lagides à Dionysos, considéré comme l’archégète de la dynastie, offre un cadre particulièrement favorable au développement de la pratique théâtrale en Égypte et ce, dès le début de la période ptolémaïque. De plus, le développement des spectacles dramatiques en Égypte est également lié à la recrudescence et à la multiplication des concours dans l’ensemble du monde hellénistique.

En 31 av. J.-C ., la bataille d’Actium marque la victoire d’Octave, futur Auguste, sur Marc Antoine et Cléopâtre VII ;mettant ainsi un terme à la souveraineté lagide, Rome prend le

contrôle de l’Égypte, désormais réduite à l’état de province impériale dirigée par un préfet. Toutefois, si Auguste entreprend des modifications du système administratif et juridique de l’Égypte1, le pays conserve ses spécificités sociales, religieuses et culturelles. Le passage sous domination romaine s’inscrit ainsi dans la continuité des pratiques héritées de la période ptolémaïque. Néanmoins, l’arrivée de nouveaux immigrants d’origine romaine engendre de nouvelles formes de relations interculturelles, visibles notamment dans le monde des spectacles ; aux représentations et aux concours dramatiques s’ajoutent désormais des types de divertissements proprement romains, tels que les venationes et les munera. D’autres genres théâtraux vont également connaître un réél essor à cette période, comme le mime et la pantomime.

1 LEGRAS 2004, p. 29 : en tant que province impériale de type procuratorien, l’Égypte bénéficie cependant d’un

statut particulier, institué par Auguste sous forme d’actes concernant notamment les pouvoirs du gouverneur, le degré d’autonomie des cités grecques et les structures de la justice provinciale.

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8

période dite « tardive » ou byzantine, située au IVe s. apr. J.-C. Les limites chronologiques de

l’époque romaine et de l’époque byzantine sont cependant discutées dans le cas de l’Égypte2 : les dates de 284, correspondant à l’avènement de Dioclétien, et de 312, correspondant à la conversion au Christianisme de l’empereur Constantin, sont les plus souvent avancées. Les limites ainsi définies demeurent cependant flexibles et nous nous permettrons de déborder parfois de ce cadre chronologique si la datation des sources archéologiques et textuelles l’impose. Par exemple, l’étude architecturale du monument théâtral de Kôm el-Dikka à Alexandrie implique que l’on prenne en considération l’ensemble de la période tardive, du IVe

au VIIe s. apr. J.-C. De même, le dernier chapitre de la thèse, qui aborde la question de la

pérennité du théâtre en Égypte, traitera également de l’époque byzantine afin d’étendre notre sujet à d’autres perspectives.

En ce qui concerne le cadre géographique, le territoire égyptien sera uniquement pris en compte ; une exception sera toutefois faite pour la ville de Paphos, capitale-refuge du royaume lagide située sur l’île de Chypre, en raison de la présence d’un théâtre d’époque ptolémaïque. Les similitudes entre les villes de Paphos et Alexandrie et le bon état de conservation du théâtre ont déterminé la nécessité d’inclure ce site implanté en dehors de l’Égypte. Les autres territoires annexés au royaume lagide, la Cyrénaïque et le sud de la Palestine, ne seront pas abordés pour différentes raisons. D’une part, aucun théâtre d’époque hellénistique n’est attesté dans le sud de la Palestine3. D’autre part, si trois édifices dont la construction date de cette période ont été en revanche conservés en Cyrénaïque, respectivement situés à Apollonia (port de Cyrène), à Cyrène (site de Myrtusa) et à Ptolémaïs4, leur état hellénistique est mal connu. En effet, les théâtres d’Apollonia et de Cyrène ont subi de profondes transformations à l’époque romaine, occultant leur première phase de construction. Les vestiges du théâtre de Ptolémaïs ne sont pas suffisamment conservés pour obtenir une vision claire de l’architecture du monument. Face à ces limites archéologiques, nous avons donc préféré les exclure de cette étude. De plus, l’absence de vestiges de théâtre en Égypte à l’époque lagide nous aurait sans doute amené à privilégier les édifices de Cyrénaïque, ce qui nous aurait éloigné des spécificités du contexte égyptien

2 BAGNALL 2007.

3 LE GUEN 2003, p. 337. En revanche, nous aborderons, à titre de comparaison, les théâtres d’époque romaine de

cette région.

(16)

9 méditerranéen.

Axes de recherche et types de sources exploitées

La présente étude vise à mesurer le rôle du théâtre dans la société de l’Égypte hellénistique et romaine en tant que phénomène socioculturel. Cette problématique implique de considérer d’une part le théâtre en tant qu’édifice public et d’autre part en tant que pratique culturelle, afin de déterminer si l’Égypte gréco-romaine était sensible à l’univers dramatique – y compris au-delà des murs de l’édifice théâtral – et comment cette pratique se manifestait au sein de cette société pluriethnique. Ces deux dimensions inhérentes au théâtre, le monument et la pratique, seront abordées à travers l’étude de divers types de sources, que l’on peut diviser en deux catégories : les sources archéologiques et les sources textuelles. Le fait théâtral sera par conséquent traité dans ses dimensions matérielles (architecture, iconographie), éclairé par les textes relatifs au fonctionnement et à la place du théâtre dans la société de l’Égypte hellénistique et romaine. La confrontation et le croisement des données fournies par la documentation matérielle et textuelle au sein d’une problématique commune s’avéreront déterminants pour traiter le théâtre sous ses différents aspects.

Trois grands axes de recherche ont été définis, selon une logique de gradation : en premier lieu, nous aborderons l’étude du théâtre en tant qu’ouvrage architectural. Cette approche, essentiellement archéologique, sera également mise en relation avec les notions de cadre urbanistique et de parure monumentale des villes d’Égypte, à l’époque ptolémaïque puis à l’époque romaine. Il sera nécessaire de définir l’organisation et les conditions d’implantation de ce cadre urbanistique, afin de constater la répartition des théâtres sur le territoire égyptien et leur impact sur le paysage urbain. Outre les données archéologiques, nous aurons également largement recours à la documentation papyrologique afin de pallier les nombreuses lacunes architecturales. L’étude des vestiges appartenant à chacun des six édifices attestés par l’archéologie (dont le théâtre de Paphos) sera également incluse dans cette première partie, afin de définir les principales caractéristiques de l’architecture théâtrale en Égypte et de mesurer la place occupée par cette dernière au sein de l’ensemble des théâtres d’époque hellénistique et romaine.

(17)

10

l’univers théâtral et dionysiaque, étude qui sera essentiellement fondée sur un corpus regroupant les masques dramatiques et les figurines d’acteurs. Ces représentations témoignent non seulement de la diffusion et de l’adaptation d’une composante essentielle de la culture grecque et romaine en Égypte, mais également de l’attachement royal à Dionysos, divinité fondatrice de la pratique théâtrale. La variété des supports et des formes concernant les images du théâtre sera également abordée afin de souligner le vif engouement suscité par ce thème iconographique. L’étude stylistique et typologique de ce corpus et de ces diverses productions, qui fera l’objet d’un premier chapitre, sera suivie d’une réflexion portant sur les fonctions potentielles de ces objets et sur leurs modes de consommation en Égypte. Les contextes archéologiques égyptiens attestés pour certains d’entre eux permettront d’apporter certains éléments de réponse aux questions relatives aux usages ainsi qu’aux pratiques sociales et religieuses.

Notre propos s’orientera ensuite plus spécifiquement sur une synthèse des activités et des diverses manifestations associées à la pratique dramatique et à l’édifice théâtral ; celles-ci s’inscriront dans une première thématique intitulée « la scène et les coulisses », au sein de laquelle nous traiterons non seulement des contextes de représentations dramatiques, des dramaturges et des acteurs, mais également des questions de maintenance et de gestion du bâtiment. Le second chapitre de cette troisième et dernière partie posera la question du rôle joué par le théâtre dans les phénomènes de diffusion et de pérennité de la culture grecque en Égypte jusqu’à la période tardive. L’apport de la documentation textuelle, composée majoritairement par les sources papyrologiques, mais également par des inscriptions et des écrits d’auteurs anciens, s’avèrera précieux dans le développement de cette dernière partie.

Historique de la recherche et commentaire bibliographique

Les publications ayant permis la réalisation de cette thèse se divisent en trois domaines principaux : le théâtre à l’époque hellénistique et romaine (monuments et spectacles), la petite plastique égyptienne également associée à ces deux périodes et les ouvrages traitant des divers aspects de l’Égypte gréco-romaine, qu’ils s’inscrivent dans une perspective archéologique ou historique.

Concernant les références bibliographiques qui traitent des théâtres grecs et romains, très peu mentionnent la présence de tels édifices en Égypte, en raison de la quasi inexistence

(18)

11

spectacles qu’il accueillait et ce, dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Parmi ces ouvrages, celui de M. Bieber5 offre une étude à la fois large et détaillée d’une part sur l’évolution architecturale de l’édifice théâtral de l’époque classique à l’époque romaine, en lien avec les formes de représentations, la mise en scène et les acteurs, et d’autre part sur l’histoire de la dramaturgie, à travers ses origines, ses divers genres et ses auteurs. L’ancienneté de cette publication (1961) ne lui permet pas de restituer l’état actuel des connaissances, cependant elle reste une référence dans la connaissance du théâtre antique, éclairée par de nombreuses illustrations. Plus récemment, l’ouvrage en trois volumes de P. C. Rossetto et G. P. Sartorio6, parus entre 1994 et 1996, inventorie les recherches entreprises depuis le XVe siècle sur les édifices théâtraux. Enfin, deux ouvrages, datant respectivement de

2001 et 2006, proposent deux synthèses sur le théâtre sur lesquelles nous nous appuierons régulièrement : la première, rédigée par J.-Ch. Moretti7, concerne les différents aspects du théâtre en Grèce de l’époque archaïque à la fin de l’Antiquité tandis que la seconde, de F. Sear8, propose, à partir d’un vaste catalogue, une étude architecturale détaillée de l’ensemble des théâtres recensés dans l’Empire romain.

Les données textuelles relatives aux monuments, aux artistes et aux spectacles de l’Égypte gréco-romaine résultent en partie du dépouillement des différents recueils de papyrus et des banques de données papyrologiques électroniques, telles que le Cedopal (Centre de Documentation de Papyrologie Littéraire, Université de Liège) ou le DukeDatabank of Documentary Papyri. Les publications de M. Vandoni, de I. E. Stéphanis, et les travaux récents de F. Perpillou-Thomas, B. Le Guen et S. Aneziri sur les artistes et les associations de

technites dionysiaques ont constitué également des références incontournables9.

L’étude architecturale des théâtres attestés par l’archéologie en Égypte se fonde essentiellement sur les publications de travaux archéologiques anciens et récents, sur des monographies de sites, articles et rapports de fouilles publiés : les travaux de W. M. F. Petrie et de l’Egypt Exploration Society réalisés à Oxyrhynchos10, ceux de E. F. Jomard à

5 BIEBER 1961.

6 ROSSETTO, SARTORIO 1994. 7 MORETTI 2001.

8 SEAR 2006.

9 VANDONI 1964 ; STEPHANIS 1988 ; PERPILLOU-THOMAS 1993 ; id. 1995 ; LE GUEN 2001 ; id. 2004 ;

ANEZIRI 2003.

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12

l’Université de Varsovie12. L’édifice de Tell el Kana’is a quant à lui été étudié par l’Institut Suisse du Caire13. Les connaissances sur le théâtre de Paphos sont issues des résultats des campagnes de fouilles entreprises par l’Université de Sydney, sous la direction de J. R. Green14. Outre ces ouvrages, les édifices d’Antinoopolis et de Kôm-el Dikka ont fait l’objet d’une étude architecturale personnelle sur le terrain, rendue possible grâce au soutien et à l’appui respectifs de G. Majcherek (PCMA, Université de Varsovie) et R. Pintaudi (Institut « G. Vitelli », Université de Florence).

L’étude de la petite plastique et des productions d’objets à thématique théâtrale s’est à la fois basée sur la série des ouvrages spécialisés de T. B. L. Webster et de J. R. Green15, sur les catalogues de terres cuites issus des diverses collections muséographiques et sur les publications du matériel coroplathique mis au jour lors de fouilles anciennes et récentes sur plusieurs sites de la chôra, en particulier ceux du Delta (Bouto, Athribis, Tell el-Herr) et du Fayoum (Héracléopolis Magna, Karanis, Tebtynis). L’inventaire et l’étude stylistique de certains masques dramatiques et de certaines figurines théâtrales inclus dans notre corpus ont également été effectués sur place, dans les musées suivants : Musée du Louvre à Paris, British Museum et Petrie Museum à Londres, Musée du Caire, Musée Bénaki et Musée archéologique national à Athènes.

L’histoire de l’Égypte aux périodes grecque et romaine a fait également l’objet de nombreuses publications. Parmi celles-ci, les ouvrages de B. Legras, de A. K. Bowman et de R. S. Bagnall et D. W. Rathbone16 exposent de manière générale l’état des connaissances historiques et archéologiques sur l’Égypte de la conquête d’Alexandre à la fin de la période romaine. Les écrits de W. Huss et G. Hölbl17 se concentrent sur l’époque hellénistique. Sur la question de l’urbanisme en Égypte à la période romaine, l’ouvrage de R. Alston18, est

11 JOMARD 1809.

12 Cf. Série des rapports publiés dans les PAM sous la direction de G. Majcherek et de K. Jakubiak. 13 JARITZ et al. 1996.

14 GREEN, STENNETT 2002 ; GREEN et al. 2004.

15 WEBSTER 1967 ; WEBSTER, GREEN 1978 ; WEBSTER, GREEN, SEEBERG 1995 ; GREEN 1994 ; GREEN,

HANDLEY 1995.

16 LEGRAS 2004 ; BOWMAN 1986 ; BAGNALL, RATHBONE 2004. 17 HUSS 2001 ; HÖLBL 2001.

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13

attestés par la documentation textuelle. Ces deux publications soulignent l’importance des sources papyrologiques, dans un domaine où il existe très peu de vestiges.

L’inventaire des données archéologiques liées à l’architecture des édifices publics en Égypte a pu être établi grâce à certains ouvrages fondamentaux : le Dizionario dei nomi

geografici e topografici dell’ Egitto greco-romano d’A. Calderini, publié en 1966, Elementi

architettonici di Alessandria e di attri siti egiziani, de P. Pensabene, paru en 1993, ainsi que le

Repertorio d’arte dell’Egitto greco-romano, d’A. Adriani, datant de 196320. Enfin, la publication de J. McKenzie en 200721 sur l’architecture d’Alexandrie et de l’Égypte de l’époque lagide à l’époque byzantine a constitué une source bibliographique indispensable.

Sur la ville d’Alexandrie, plusieurs références révèlent, à partir de la documentation littéraire et matérielle, les différents aspects de la capitale lagide, sa richesse et son originalité. L’une des références concernant l’étude archéologique et topographique d’Alexandrie est indéniablement l’ouvrage de P. M. Fraser22. Il est également important de prendre en compte les travaux réalisés par les anciens directeurs du Musée gréco-romain d’Alexandrie, surtout G. Botti (directeur de 1892 à 1904), E. Breccia (1904-1932) et A. Adriani (1932-1940 et 1948-1952). Ces trois savants italiens ont en effet mené la quasi-totalité des fouilles et des sondages dans la ville et ses environs dans la première moitié du XXe siècle. Malgré le fait que

ces études soient anciennes, elles apportent encore aujourd’hui des données sur l’aspect de l’Alexandrie antique. Plus récemment, les travaux du PCMA ont contribué à rendre un état de la recherche : ainsi, B. Tkaczow propose dans Topography of ancient Alexandria23 un recensement complet des sites archéologiques alexandrins repérés par les fouilles et les sondages. Nous mentionnons également de nouveau la synthèse extrêmement documentée et illustrée de J. McKenzie sur l’architecture alexandrine. Enfin, les recherches actives menées par le Centre d’Études Alexandrines (CEAlex) sont rapportées entre autres dans la collection des Études Alexandrines24.

19 LUKASCEWICZ 1986.

20 ADRIANI 1966 ; CALDERINI 1966 ; PENSABENE 1993. 21 MCKENZIE 2007.

22 FRASER 1972. 23 TKACZOW 1993.

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Si l’édifice théâtral est un monument importé du monde grec, on peut néanmoins se poser la question de l’existence d’une forme de pratique théâtrale en Égypte à l’époque pharaonique25 . Le sujet est complexe, car il renvoie à la définition même du théâtre et à son origine. Nous souhaitions néanmoins en établir une brève synthèse introductive, afin d’établir s’il existe ou non un contexte dramatique préexistant à l’arrivée du théâtre grec en Égypte.

La découverte d’inscriptions, comme la stèle d’Ikhernofret26, comportant des récits mythologiques qui seraient « joués » par des prêtres, et la présence de papyrus où figurent des dialogues entre différents personnages représentés par des hiéroglyphes suivis de la mention

djed-medou (« sont dites les paroles ») suscitent un vif débat parmi les spécialistes27. Ces textes attestent-ils la présence de performances dramatiques dans le cadre de fêtes religieuses ? À ces documents s’ajoute une source iconographique : il s’agit d’un relief provenant de la chapelle orientale d’Osiris n°1, située dans le temple de Dendéra. Le relief illustre trois prêtres participant à une procession dans le cadre du festival de Khoiak ; l’un des personnages porte un masque représentant le dieu Anubis. Un exemple de ce type de masque, fabriqué en terre cuite et daté de 600 av. J.-C., est par ailleurs conservé au Pelizaeus Hildesheim Museum : mesurant 49 cm de haut et pesant 8 kilos, le masque est conçu pour recouvrir la tête jusqu’aux épaules. Il est percé de deux trous, placés au niveau du cou de la tête de chacal, afin de permettre à son porteur de voir. En revanche, il ne comporte aucune ouverture pour la bouche, ce qui laisserait supposer que le porteur du masque ne parlait pas28.

Malgré l’existence de masques et de textes comportant des annotations qui s’apparenteraient à des indications scéniques, on ne peut pour autant interpréter ces témoignages comme relevant de la pratique théâtrale, au sens où les Grecs l’entendaient. Il n’existe d’ailleurs aucune mention d’acteurs ou de spectacles dramatiques dans les sources

25 DRIOTON 1954 ; MIKHAIL L., « The Egyptological attitude to drama in ancient Egypt: is it time for a

revision ? », Part II, Göttinger Miszellen 77, 1984, p. 25-33 ; LEPROHON R. J., « Ritual Drama in Ancient

Egypt », in CSAPO E., MILLER M. C., The Origins of Theater in Ancient Greece and Beyond: From Ritual to

Drama, Cambridge University Press 2007, p. 259-292.

26 La stèle d’Ikhernofret a été trouvée à Abydos et est datée du règne de Sésostris III, XIIedyn, v. 1850 av. J.-C.

Elle est actuellement conservée au Ägyptisches Museum und Papyrussammlung de Berlin. Cf. GUNNELS N. L.,

« The Ikhernofret Stela as Theatre : A Cross-Cultural Comparison », Studia Antiqua, vol. 2, n° 2, Brigham Young University Press, 2002, p. 3-16.

27 SETHE K., Dramatische Texte zu altaegyptischen Mysterienspielen, Untersuchungen zur Geschichte und

Altertumskunde Aegyptens, X, Leipzig, 1928.

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En revanche, ces documents supposent la présence de « performances rituelles » réalisées lors des fêtes religieuses qui se déroulaient dans les temples : les processions faisaient ainsi l’objet de mises en scène, où les dieux prenaient vie par l’intermédiaire des prêtres qui se déguisaient. Des chants et de la musique accompagnaient peut-être ces manifestations. On ne peut par conséquent exclure l’idée d’une dimension dramatique dans la manière dont certains rites étaient pratiqués dans l’Égypte pharaonique, même si cette dimension demeure difficile à mesurer. Néanmoins, ce type de pratique religieuse en Égypte se rapproche peut-être de ce que l’on peut considérer comme la genèse des véritables spectacles dramatiques traités dans cette étude29.

L’arrivée du théâtre grec, définie par l’implantation du monument théâtral et par l’organisation de spectacles dramatiques destinés à un public, demeure par conséquent une réelle innovation en Égypte au début du IIIe s. av. J.-C. Celle-ci serait due à l’impulsion des

souverains lagides et de l’importance du culte dionysiaque, auquel le culte dynastique sera rapidement associé. L’apparition du théâtre en Égypte constitue ainsi une importation monumentale et culturelle qui participerait au prestige royal et au processus d’hellénisation du pays. Il s’agit maintenant de mesurer l’ampleur de ce phénomène et son évolution à travers l’étude de tous les témoins matériels et textuels conservés.

La thèse que nous présentons se compose de deux volumes : un volume de texte, contenant également des annexes placées à la fin, et un volume de planches consacré au catalogue d’objets et aux illustrations.

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PREMIÈRE PARTIE

Les édifices théâtraux

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CHAPITRE I – THÉÂTRES ET VILLES D’ÉGYPTE

Il convient de préciser que ce premier chapitre aborde exclusivement la place qu’occupe l’édifice théâtral au sein de la ville ; nous ne sélectionnerons par conséquent qu’une partie des informations fournies par la documentation. Seules les données relatives à l’emplacement des théâtres, aux relations spatiales que ceux-ci entretiennent avec les constructions urbaines avoisinantes et à leur rôle en tant que composante monumentale seront exposées ici. Lorsque ces éléments ne sont pas connus, nous présenterons les mentions textuelles attestant de l’existence d’un théâtre, afin d’obtenir une vision globale de la répartition géographique et chronologique de ce type de monument à l’époque lagide et romaine30. La question de la provenance des documents doit également être prise en compte : si la plupart d’entre eux dispose d’un contexte nous permettant de déterminer avec certitude le lieu d’implantation des théâtres, certains sont trop fragmentaires pour établir une correspondance entre le lieu de trouvaille du papyrus et le théâtre mentionné. Il faudra donc tenir compte du degré de fiabilité de l’information fournie.

Enfin, la division chronologique choisie ne correspond pas forcément à la période d’édification des théâtres ; en effet, dans le cas des monuments seulement attestés par la documentation textuelle, nous ne disposons pas le plus souvent de cette information. Nous avons par conséquent opté pour une séparation distincte entre les théâtres dont il est fait mention à la période lagide et ceux uniquement attestés dans la documentation d’époque romaine. En d’autres termes, certains théâtres classés dans la partie « époque romaine » peuvent avoir été édifiés à l’époque ptolémaïque mais nous n’en avons aucune preuve.

I – Époque ptolémaïque (

IIIe

-

Ier

s. av. J.-C.)

Contrairement aux autres royaumes hellénistiques, l’Égypte n’a fourni aucun vestige de théâtre datant de l’époque ptolémaïque ; le seul édifice actuellement conservé construit sous le règne des Lagides est situé hors d’Égypte, puisqu’il s’agit du théâtre de Paphos à Chypre, île annexée au royaume ptolémaïque en 294 av. J.-C. Paphos devient alors une

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20

capitale-refuge et Chypre va servir de plaque-tournante et de carrefour commercial entre l’Égypte et les autres royaumes hellénistiques.

Si l’édifice de Paphos constitue le seul témoin architectural d’un théâtre construit à l’initiative des Ptolémées, les sources textuelles permettent d’attester la présence d’au moins un théâtre à Alexandrie, ainsi qu’à Ptolémaïs Hermiou en Haute Égypte. Deux autres témoignages d’époque ptolémaïque, beaucoup plus délicats d’interprétation, permettent d’émettre l’hypothèse de l’existence d’un théâtre à Philadelphie et à Crocodilopolis/Ptolémaïs Euergétis dans le Fayoum.

Avant d’exposer le contenu de ces sources, il convient de s’interroger sur cette apparente rareté des édifices théâtraux au sein du royaume lagide et, a fortiori, sur les facteurs qui président à l’initiative de la construction de ce type de monument à l’époque hellénistique. L’édification des théâtres au sein des royaumes hellénistiques est généralement liée au développement urbanistique des villes qui sont fondées ou réaménagées sur le modèle de la

polis grecque31. En ce sens, les édifices publics contribuent au processus d’hellénisation en servant de cadre aux diverses institutions civiques et en devenant des centres de diffusion de la culture hellène. Or, en Orient, si les souverains séleucides mettent en place une politique urbanistique d’envergure32, force est de constater que la dynastie lagide semble peu concernée

par ce phénomène ; hormis la fondation de Ptolémaïs Hermiou en Haute Égypte par Ptolémée

Ier Sôter, aucune cité grecque n’a été créée sous le règne des Lagides. L’Égypte ne compte à

cette période que trois villes ayant le statut de polis : Alexandrie, la capitale, Naucratis, ancien comptoir commercial fondé au VIIe s. av. J.-C., et Ptolémaïs Hermiou, capitale administrative

du sud du pays qui remplace Thèbes33. En tant que centres autonomes, ces villes sont pourvues en principe de tous les édifices publics caractéristiques des cités hellénistiques ; ainsi, la construction de théâtres à Alexandrie et à Ptolémaïs Hermiou s’inscrit dans cette politique urbanistique et dépend de celle-ci.

On peut alors en déduire que le nombre très restreint de théâtres hellénistiques s’expliquerait essentiellement par la faible politique d’urbanisation des Lagides, limitant ainsi les cadres favorables à leur implantation. Les raisons pour lesquelles la dynastie lagide n’a pas favorisé la création de villes nouvelles en Égypte sont certainement d’ordre politique et

31 CHAMOUX 1985.

32 SARTRE 2001 ; LE GUEN 2003, p. 338, doc. 3 : on recense huit théâtres dans le royaume séleucide. 33HUSSON,VALBELLE 1992, p. 226-227 ; LEGRAS 2004, p. 114-119.

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21

économique34 : contrairement aux autres rois hellénistiques, les Lagides n’ont vraisemblablement pas souhaité urbaniser un pays dont la prospérité économique reposait depuis plusieurs siècles sur des structures principalement rurales. De plus, à l’époque pharaonique, les capitales de nomes et les bourgades étaient déjà chargées d’assumer les tâches administratives, judiciaires et fiscales à une échelle locale ; il n’était donc pas nécessaire de créer de nouveaux centres de pouvoir35. Le pays possédait une organisation bureaucratique centralisée bien avant la conquête gréco-macédonienne. L’Égypte ptolémaïque conserve donc un visage assez traditionnel, majoritairement rural, mais dont la capitale est fondée sur le modèle de la polis grecque ; celle-ci est par conséquent dotée d’institutions culturelles véhiculant les valeurs de l’hellénisme36.

Comme nous l’avons mentionné, deux des trois poleis, Alexandrie et Ptolémaïs Hermiou, possédaient un théâtre. Rien ne permet de supposer que la troisième cité grecque, Naucratis, ait eu un théâtre à cette période37. Concernant Ptolémaïs Hermiou, le théâtre n’a malheureusement laissé aucune trace architecturale et son existence n’est mentionnée que dans une seule inscription, l’OGIS 4938 ; il s’agit d’un décret honorifique de la cité en l’honneur d’un certain Antiphilos, fils d’Agathanôr, datant du règne de Ptolémée III Evergète

(246-221 av. J.-C.). Le texte, gravé sur une plaque de marbre, est restitué ci-dessous39 :

1 ..αι..ια — — — — — — πόλεως· ἀπ[ο]δέδωκ[ε]ν δὲ Ἀντίφιλος τὸν ἀγ[ῶ]- να ἄξιον τοῦ τε βασιλέως καὶ τῆς πόλεως, [ὅπ]ως φαίνηται ἡ πόλις φιλοτίµως καὶ ἀξί- 5 ως ὑποδεχοµένη τοὺς παρὰ τοῦ βασιλέως [παραγ]ινοµένους, δεδόχθαι τῶι δήµωι, σ[τ]ε- [φαν]ῶσαι Ἀντίφιλον Ἀγαθάνορος κισσοῦ στε- [φ]άνωι πατρίωι ἐν τῶ[ι θε]άτρωι τῆι πέµπτηι καὶ εἰκάδι τῆι τοῦ βασ[ι]λ[έ]ως ἡµέραι φιλοτι- 10 [µ]ίας ἕνεκα τῆς εἰς τὸν [βασιλέα], καὶ εἶναι αὐ- [τ]ὸν πολίτην τῆς Πτολεµαιέων πόλεως. 34 LEGRAS 2004,p.90-96. 35 BOWMAN 1986.

36 Sur l’histoire du royaume lagide, HÖLBL 2001 ; HUSS 2001 ; THOMPSON 2005. 37 Sur Naucratis et l’historique des fouilles, cf. LEONARD 1997.

38 BERNAND 1992.

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22 [δ]εδόσθαι δ’ αὐτῶι καὶ ἐγγόνοις σίτησιν [ἐ]µ πρυτανείωι διὰ βίου κα[ὶ] προεδρίαν ἐν τοῖς ἀγ̣ῶσιν, καὶ τοὺς πρυτάνεις καταχωρίσαι 15 [α]ὐτὸν εἰς φυλὴν Πτολεµαιίδα καὶ δῆµον Β[ερε]- νικέα, τὸν δὲ γραµµατέα τῆς βουλῆς ἀναγ[ρά]- 17 [ψαι τὸ] ψήφισµα τόδ[ε] ἐν σ[τ]ήλη[ι] καὶ — — — — —

L’inscription précise l. 7-8 qu’Antiphilos fut couronné dans le théâtre, ce qui suppose qu’un tel édifice existait à Ptolémaïs Hermiou au IIIe s. av. J.-C. Nous ne disposons cependant

d’aucune information sur son aspect ou son emplacement.

En revanche, le théâtre d’Alexandrie, bien qu’aucun vestige ne puisse lui être attribué avec certitude, est cité dans de nombreuses sources : textes antiques, récits de voyageurs, études modernes, cartes, autant de témoignages qui nous permettent de déterminer sa localisation.

1 – Théâtres et capitales

a – Alexandrie : localisation du théâtre d’après la documentation textuelle

Nous avons choisi d’exposer le contenu de cette documentation de manière chronologique, en proposant pour chaque source le texte original et sa traduction, suivi d’un bref commentaire visant à mettre en valeur les indices fournis.

Les sources antiques

1. Polybe, Histoire, XV, 30, 4-8: [4] ἤδη δὲ τῶν περὶ τὴν αὐλὴν εὐρυχωριῶν καὶ τοῦ σταδίου καὶ τῆς πλατείας πλήρους ὑπαρχούσης ὄχλου παντοδαποῦ καὶ τῆς περὶ τὸ ∆ιονυσιακὸν θέατρον προστασίας, [5] πυθόµενος τὸ συµβαῖνον Ἀγαθοκλῆς ἐξηγέρθη µεθύων, ἄρτι καταλελυκὼς τὸν πότον, καὶ παραλαβὼν τοὺς συγγενεῖς πάντας πλὴν Φίλωνος ἧκε πρὸς τὸν βασιλέα. [6] Καὶ βραχέα πρὸς τοῦτον οἰκτισάµενος καὶ λαβόµενος αὐτοῦ τῆς χειρός, ἀνέβαινεν εἰς τὴν σύριγγα τὴν µεταξὺ τοῦ Μαιάνδρου καὶ τῆς παλαίστρας κειµένην καὶ φέρουσαν ἐπὶ τὴν τοῦ θεάτρου πάροδον. [7]

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Μετὰ δὲ ταῦτα, δύο θύρας ἀσφαλισάµενος τὰς πρώτας, εἰς τὴν τρίτην ἀνεχώρησε µετὰ δυεῖν ἢ τριῶν σωµατοφυλάκων καὶ τοῦ βασιλέως καὶ τῆς αὑτοῦ συγγενείας. [8] Συνέβαινε δὲ τὰς θύρας εἶναι δικτυωτὰς διαφανεῖς, ἀποκλειοµένας δὲ διττοῖς µοχλοῖς.

« [4] Les avenues voisines du palais, le stade et l’esplanade étaient déjà envahis par une foule composée de gens de toutes sortes et il en était de même de la place située devant le théâtre de Dionysos, [5] quand Agathoclès, réveillé de son ivresse à la nouvelle de ce qui se passait – il avait depuis peu mis fin à la beuverie –, se présenta chez le roi, accompagné par tous les membres de sa famille, à l’exception de Philon. [6] Après avoir adressé à l’enfant quelques brèves paroles pour déplorer la situation, il le prit par la main et l’emmena dans la galerie située entre le Maiandros et la palestre et conduisant jusque vers l’entrée du théâtre. [7] Il fit verrouiller les deux premières portes et se retira vers la troisième avec deux de ses gardes du corps, le roi et sa famille. [8] Ces portes étaient faites de barreaux et on pouvait voir au travers. Elles étaient fermées par deux barres.»40.

2. César, La Guerre civile, III, 112, 8-941 :

(8) In eo tractu oppidi pars erat regiae exigua, in quam ipse habitandi causa initio erat inductus, et theatrum coniunctum domui quod arcis tenebat locum aditusque habebat ad portum et ad reliqua naualia. (9) Has munitiones insequentibus auxit diebus, ut pro muro obiectas haberet neu dimicare inuitus cogeretur.

« (8) Il y avait dans ce quartier de la ville une petite portion du palais, où César s'était d'abord logé en arrivant ; elle était jointe à un théâtre servant de citadelle, et communiquant au port et à l'arsenal. (9) Il en augmenta les fortifications les jours suivants, pour s'en faire un rempart, afin qu'on ne pût pas le forcer à combattre. »

3. Strabon, Géographie, XVII, 1.942 :

[9] Ἔστι δ´ ἐν τῷ µεγάλῳ λιµένι κατὰ µὲν τὸν εἴσπλουν ἐν δεξιᾷ ἡ νῆσος καὶ ὁ πύργος ὁ Φάρος, κατὰ δὲ τὴν ἑτέραν χεῖρα αἵ τε χοιράδες καὶ ἡ Λοχιὰς ἄκρα ἔχουσα βασίλειον.

40HARTOG,ROUSSEL, 2003, p. 895-896. Trad. Denis Roussel.

41 Bibliotheca Classica Selecta (BCS), Université Catholique de Louvain. Trad. de la BCS. 42 YOYOTTE, CHARVET 1997, p. 88 n. 107, p. 89.

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24 Εἰσπλεύσαντι δ´ ἐν ἀριστερᾷ ἐστι συνεχῆ τοῖς ἐν τῇ Λοχιάδι τὰ ἐνδοτέρω βασίλεια, πολλὰς καὶ ποικίλας ἔχοντα διαίτας καὶ ἄλση· τούτοις δ´ ὑπόκειται ὅ τε ὀρυκτὸς λιµὴν καὶ κλειστός, ἴδιος τῶν βασιλέων, καὶ ἡ Ἀντίρροδος νησίον προκείµενον τοῦ ὀρυκτοῦ λιµένος, βασίλειον ἅµα καὶ λιµένιον ἔχον· ἐκάλεσαν δ´ οὕτως ὡς ἂν τῇ Ῥόδῳ ἐνάµιλλον. Ὑπέρκειται δὲ τούτου τὸ θέατρον· εἶτα τὸ Ποσείδιον, ἀγκών τις ἀπὸ τοῦ ἐµπορίου καλουµένου προπεπτωκώς, ἔχων ἱερὸν Ποσειδῶνος· ᾧ προσθεὶς χῶµα Ἀντώνιος ἔτι µᾶλλον προνεῦον εἰς µέσον τὸν λιµένα ἐπὶ τῷ ἄκρῳ κατεσκεύασε δίαιταν βασιλικὴν ἣν Τιµώνιον προσηγόρευσε. Τοῦτο δ´ ἔπραξε τὸ τελευταῖον, ἡνίκα προλειφθεὶς ὑπὸ τῶν φίλων ἀπῆρεν εἰς Ἀλεξάνδρειαν µετὰ τὴν ἐν Ἀκτίῳ κακοπραγίαν, Τιµώνειον αὑτῷ κρίνας τὸν λοιπὸν βίον, ὃν διάξειν ἔµελλεν ἔρηµος τῶν τοσούτων φίλων. Εἶτα τὸ Καισάρειον καὶ τὸ ἐµπόριον καὶ ἀποστάσεις, καὶ µετὰ ταῦτα τὰ νεώρια µέχρι τοῦ ἑπτασταδίου. Ταῦτα µὲν τὰ περὶ τὸν µέγαν λιµένα.

« En entrant dans le Grand Port, à main droite, on trouve l’île et la tour de Pharos ; à main gauche, les récifs et la pointe de Lochias, avec un bâtiment royal. Et pénétrant dans le port on arrive, sur la gauche, aux bâtiments royaux, « du dedans », qui font suite à celui du Lochias et comprennent des bosquets et de nombreuses résidences aux constructions variées. Au-dessous de ces bâtiments s’étend le port artificiel et fermé, propriété privée des rois, comme l’est aussi Antirrhodos, île située en avant du port artificiel, possédant un palais royal et un petit port. Elle fut dénommée ainsi, comme si elle était la rivale de Rhodes.

Au-dessus du port artificiel se trouvent le théâtre, puis le Poseidion, coude faisant saillie depuis ce que l’on nomme l’Emporion, et qui porte un temple de Poséidon. Antoine prolongea ce coude jusqu’au milieu du port par un môle et, à l’extrémité de ce môle, fit bâtir une résidence royale qu’il surnomma Timonion. Ce fut la dernière chose qu’il fit quand, abandonné par ses partisans, il partit pour Alexandrie après sa défaite à Actium, ayant décidé de passer le reste de ses jours comme un autre Timon, jours qu’il avait l’intention de vivre seul, loin de ses si nombreux amis. Viennent ensuite le Kaisarion, puis l’Emporion et les entrepôts, auxquels succèdent les arsenaux, s’étendant jusqu’à l’Heptastade. Voilà ce qu’on trouve dans le Grand Port et autour. »43.

Ces extraits, appartenant à trois grandes œuvres de la littérature antique, nous apportent des éléments non négligeables sur la situation topographique du théâtre : Strabon et César soulignent tous deux le fait que l’édifice était installé sur une hauteur, à la fois proche

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des palais et de la zone portuaire, surplombant l’île d’Antirrhodos. Ce secteur correspondrait donc au centre de la ville, dénommé Néapolis, situé à l’est de l’intersection des deux artères principales de la cité, la voie Canopique et la rue des Palais. C’est là qu’était implanté le quartier monumental et résidentiel, appelé à l’époque romaine le Broucheion, dont les limites sont mal définies ; le quartier du Broucheion jouxtait celui des Basileia, la zone des palais. Le centre de la ville accueillait vraisemblablement plusieurs édifices publics, tels que le gymnase et l’agora44. La présence d’un théâtre à cet endroit ne serait donc pas surprenante, si l’on songe aux principes urbanistiques mis en œuvre dans bon nombre de cités hellénistiques, où le centre correspond à un espace public et monumental.

Si l’on s’attarde sur le début de la phrase de Strabon, « Au-dessus de celui-ci (c’est-à-dire le port artificiel) se trouve le théâtre […]», et sur le terme « citadelle » (« arcis ») employé par César, on peut sans doute imaginer le théâtre dans une position surélevée par rapport au reste de la ville, probablement adossé à une colline, comme il est d’usage pour les théâtres hellénistiques. En le choisissant comme lieu de retranchement lors de la guerre d’Alexandrie en 48 av. J.-C., César nous prouve la valeur stratégique du lieu. La conque des gradins était peut-être orientée au nord, offrant aux spectateurs une vue imprenable sur le port et les palais, avec lesquels le théâtre communiquait. Reprenons un extrait de la phrase originale de Polybe afin de mieux comprendre la nature de cette relation entre le théâtre et les palais : « […], ἀνέβαινεν εἰς τὴν σύριγγα τὴν µεταξὺ τοῦ Μαιάνδρου καὶ τῆς παλαίστρας κειµένην καὶ φέρουσαν ἐπὶ τὴν τοῦ θεάτρου πάροδον. »

L’auteur mentionne une galerie intérieure couverte45 (σύριγγα), située entre le Méandre ou Maiandros46 (Μαιάνδρου ) et la palestre (παλαίστρας), qui conduisait à la

parodos du théâtre (φέρουσαν ἐπὶ τὴν τοῦ θεάτρου πάροδον). La présence d’un tel couloir voûté, peut-être partiellement souterrain, reliant directement les palais à l’édifice théâtral, souligne le lien étroit qui unissait les rois lagides au théâtre, sujet que nous aborderons de manière détaillée dans la troisième partie.

44 Sur les monuments alexandrins : FRASER 1972 ; EMPEREUR 1998 ; BERNAND 1998 ; BALLET 1999a.

45 D’après la définition du Liddell-Scott Greek-English Lexicon, le mot σῦριγξ (Syrinx) désigne une flûte de Pan.

Par extension, il est également utilisé pour définir tout ce qui est de forme tubulaire. La galerie mentionnée par Polybe devait donc ressembler à un tunnel voûté. Cf. GINOUVES 1998, p. 167, note 215 et 177.

46Bien qu’il ait parfois été considéré comme un édifice, le Méandre semble plutôt avoir été, compte tenu de son

homonymie avec le fleuve d’Asie Mineure, un canal servant à alimenter en eau la palestre voisine. Cf. GROS

1998, p. 224. D’après HARTOG, ROUSSEL 2003, p. 896, n. 57, « Le Maiandros (ou Méandre) était sans doute un

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Les récits de voyageurs

Ce corpus de textes, fruit du travail réalisé par Oueded Sennoune dans le cadre d’un doctorat dirigé par J.-Y. Empereur47, réunit 309 récits de voyageurs qui ont visité Alexandrie du Moyen Âge au début du XXe s.. Grâce à sa mise en ligne sur le site Internet du Centre

d’Études Alexandrines, nous avons pu bénéficier de cette précieuse source pour recenser les mentions relatives au théâtre d’Alexandrie : cinq récits y font référence de manière explicite. Ils sont présentés ci-dessous selon leur date de parution.

1. CHRISTOPHORI VON HAIMENDORF FÜRERI (17 août au 6 sept. 1565)

Haimendorf Füreri, Ch. Von, Itinerarium Ægypti, Arabiae, Palaestinae, Syriae Aliarumque

regionum Orientalium, Nürnberg, 1621261, p. 9-10.

« Près de l’autre partie de la ville qui regarde le port ancien, se trouve une tour sur laquelle on monte la garde. Non loin d’elle, il y en a deux autres très grandes et solides, qui se font [p. 10] vis-à-vis pour défendre le vieux port. À gauche de là, se dresse une autre tour, très puissante et ceinte d’une muraille comme une forteresse et un peu plus haut une autre encore. On les appelle tour de César et une garnison de Janissaire les occupe. Autrefois, en ce lieu,

rappelle-t-on, s’élevait le palais royal des Ptolémées, dont on voit encore trois colonnes et le théâtre. Il y a là aujourd’hui une mosquée et un très bel hôpital. »

2. PIETRO DELLA VALLE (du 25 oct. au 1er nov. 1615)

Della Valle P., Voyages de Pietro della Valle, dans la Turquie, l'Égypte, la Palestine, la

Perse, les Indes orientales et autres lieux, présenté par E. Carneau et F. Le Comte, Rouen, R. Machuel, 1745, p. 298-299.

« Sur le bord de la mer, proche les murs de la ville, où sont les deux obélisques, on voit les ruines d'un bâtiment superbe, considérable sur tous les autres, qui avance beaucoup dans la mer, qui a des issues & des fausses portes pour entrer et sortir de la ville par les murailles, d’où M. le Consul me [p. 299] dit, que je pouvoit juger & tenir de-là pour certain, qu’il avoit été autrefois le palais de Cléopâtre ; et il y a bien de l’apparence, parce que cette maison

Royale d’Alexandrie, dont il est fait mention dans les Commentaires de César,

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conjointement avec le Théâtre, qui devait être au lieu où sont les deux Obélisques & avec les issues hors de la ville, que Strabon décrit aussi être à main gauche en entrant sur le grand Port, ne pouvait être mieux ni plus avantageusement située en quelqu’autre endroit de la ville que celui-là. »

3. CLAUDE SICARD (1712-1726)

Martin M., Sauneron S., Œuvres, Lettres et relations inédites, Relations et mémoires

imprimés, Parallèle géographique de l'ancienne Égypte et de l'Égypte moderne, Le Caire, Ifao, Paris, 1982, tome II, p. 254-260.

« En effet en les examinant avec attention, l’on voit que c’est dans la plaine, qui aboutit à la porte de Rosette, qu’étoient les Palais des Ptolomées, leur ancienne bibioteque, les sépulcres d’Alexandre, & des Ptolomées. Car proche leur Palais, ils avoient au Sud du Lochias un petit port, qui ne servoit qu’à eux. L’entrée en étoit fermée par des jettées de pierres, qui paroissent encore dans la Mer. Ce port s’étendoit jusqu’à l’Isle Antirhodus, qu’on nomme le

Pharillon, dans laquelle il y avoit un palais, & un theâtre. »

4. RICHARD POCOCKE (29 sept. au 24 oct. 1737) Pococke R., Voyages de Richard Pococke, Paris, 1772, p. 11.

« C’était aussi dans ce port que se trouvait l’île Antirrhodes, où il y avait un palais & une petite baie. Cette île paraît avoir été entièrement détruite par la mer, et elle était vraisemblablement vis-à-vis des obélisques ; car l’on voit encore quantité de ruines dans la mer, et l’on en tire souvent de très belles colonnes. On parle d’un théâtre qui était

au-dessus, et de la partie de la ville qui portait le nom de Neptune, et où on lui avait bâti un temple. Je crois que c’était vers l’angle que forme la baie. »

Même auteur, p. 19 :

« Le théâtre, à ce qu’on prétend, était au haut de la ville, au-dessus & vis-à-vis de l’île Antirrhodes, je veux dire sur la montagne qui est près de la porte de Rosette, et qu’on appelle Coum-Dimas. J’en juge par sa figure. On y creusait lorsque j’arrivai à Alexandrie, pour en tirer les pierres. »

(35)

28 5. CLAUDE-ÉTIENNE SAVARY (1778)

Savary C.-É., Lettres sur l'Égypte, Paris, Onfroy, 1785-1786438, p. 23.

« Dans le grand port, on trouvoit la petite île d’Antirhode, où l’on avoit élevé un théâtre et une maison royale. »

Ces récits font preuve d’une certaine cohérence entre eux puisqu’ils reprennent pour la plupart les indications fournies par Strabon et César et ne font mention d’aucun vestige visible susceptible d’appartenir au théâtre. Cependant, certains des auteurs nous fournissent des renseignements sur les lieux et monuments qui occupaient au moment de leur visite le secteur qu’ils supposent être celui de l’ancien théâtre. Ainsi, en 1565, Christophori Von Haimendorf Füreri parle de la Tour de César, d’une mosquée et d’un hôpital. Pietro della Valle mentionne « les deux Obélisques », qui correspondent certainement aux obélisques dressés devant le

Kaisarion qui sont restés en place jusqu’au milieu du XIXe s., également appelés « aiguilles de

Cléopâtre ». Richard Pococke place le théâtre sur une colline dénommée Coum-Dimas, près de la porte de Rosette. Ces indications, malgré l’extrême prudence qui s’impose quant à leur fiabilité, convergent néanmoins vers la même zone et sont confirmées par deux cartes de la ville datant du XIXe s., inventoriées dans l’Atlas historique de Gaston Joudet paru en 1921

(pl. II et III)48. En revanche, la présence éventuelle d’un deuxième théâtre sur l’île d’Antirrhodos, comme le déclarent Claude Sicard et Claude-Étienne Savary, demeure incertaine. Même s’il est probable qu’il y ait eu plusieurs théâtres à Alexandrie, les fouilles sous-marines entreprises dans ce secteur ne font état d’aucun vestige susceptible d’appartenir un édifice de ce type49.

Cartes et études de la 2e moitié du XIXe et du XXe s.

C’est au milieu du XIXe s. que l’étude de la topographie et de l’urbanisme de

l’Alexandrie antique prend réellement son essor, nous offrant un nouveau champ de recherche à travers des publications à caractère scientifique. En se fondant toujours sur l’analyse des textes de Strabon, de César et de Diodore de Sicile, qui constituent les trois sources incontournables pour la connaissance d’Alexandrie, des savants de milieux très divers se sont

48 JOUDET 1921. Voir notamment pl. XXXIV à l’emplacement indiqué par la lettre S, légendée « Site of the

theatre », et pl. XXXV au lieu appelé « Fort Crétin », qui correspondrait au même endroit.

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