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III – Caractéristiques stylistiques

1. Les esclaves (43 exemples)

Constituant environ la moitié de notre corpus de figurines et les 2/3 des personnages issus de la Nouvelle Comédie, les représentations d’esclaves sont largement majoritaires parmi les terres cuites théâtrales provenant d’Égypte. À l’instar des masques comiques de serviteurs, les figurines d’esclaves se trouvent en très grand nombre dans la petite plastique, ce qui témoigne de la popularité dont bénéficie ce personnage au sein de la société, suffisant à lui seul à représenter la comédie. La hiérarchie qui se dessine lorsque l’on compare les types de serviteurs les plus représentés dans les figurines est ainsi identique à celle établie pour les masques comiques : l’esclave principal apparaît là encore prédominant (33 exemples), même si l’on trouve également quelques représentations de cuisiniers (6 exemples).

Les figurines illustrant le personnage de l’esclave principal sont en premier lieu reconnaissables par la présence du masque correspondant à ce dernier (type 22 ou 27) dans la classification de Pollux. Les 27 exemples de notre corpus dont le corps est conservé portent généralement la tenue vestimentaire classique du serviteur grec, c’est-à-dire une tunique courte et légère, le chiton. Ce dernier est parfois remplacé par un autre type de tunique (exomide) ou est complété par une chlamyde attachée à l’épaule droite (cat. 37a-37b). On le trouve également dans certains cas portant un sac sur son épaule (cat. 35). Ces différents vêtements n’étant pas spécifiques aux serviteurs mais propres aussi aux hommes de condition modeste, ils ne constituent donc pas intrinsèquement un indice pour l’identification du personnage, le masque assurant déjà pleinement cette fonction. En revanche ils peuvent fournir des précisions sur la situation dans laquelle le personnage est représenté : ainsi, le port de la chlamyde ou du sac peut suggérer que l’esclave accompagne son maître en voyage449. Si la tenue vestimentaire de l’esclave semble à première vue réaliste, son caractère dramatique est souligné par la présence d’un justaucorps à manches longues et descendant jusqu’aux chevilles, porté sous le chiton (ex. cat. 37a-b) ; ce vêtement, qui constitue l’un des éléments principaux du costume de l’acteur comique450, est particulièrement visible dans les scènes dramatiques représentées sur les vases attiques et les vases dits « phlyaques » provenant

448 Cf. annexe 6, tableau 1.

449 GREEN 1994 ; GREEN, HANDLEY 1995, p. 58-70.

450 Ibid. ; MORETTI 2001, p. 150-151; GREEN 1997,p. 131-143, p. 134 ;WEBSTER,GREEN, SEEBERG 1995,

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d’Italie du Sud et datant du IVe s. av. J.-C.451. Tous les acteurs, quel que soit le rôle interprété,

portaient ce justaucorps qui marquait ainsi visuellement leur effacement au profit des personnages qu’ils incarnaient ; il s’agit donc d’une sorte de « peau dramatique » 452, neutre, qui avait pour objectif non pas de simuler la peau nue mais au contraire de signifier aux spectateurs la dimension théâtrale du costume. Cette convention scénique est reproduite dans la petite plastique, en particulier dans les figurines d’esclaves, où l’on distingue par conséquent deux tenues : la tenue extérieure, qui renvoie au personnage, et le justaucorps, qui renvoie à l’acteur. Au même titre que le masque, le justaucorps constitue donc un indice essentiel pour l’attribution de la figurine à l’univers dramatique.

Le choix des vêtements et accessoires par le coroplathe n’est donc pas arbitraire et obéit comme pour le masque à des codes visuels inspirés par les conventions scéniques en vigueur à l’époque hellénistique. Il en va de même pour la représentation du corps de l’esclave, qui se caractérise traditionnellement par un ventre rebondi souligné par les plis du

chiton ; cet embonpoint était créé sur scène par la présence d’un rembourrage contenu par le justaucorps porté par l’acteur. Dans l’Ancienne et la Moyenne Comédie, cet accessoire n’était pas seulement réservé aux esclaves mais composait le costume de tous les acteurs, quel que soit leur rôle453. La Nouvelle Comédie va cependant modifier ces conventions en supprimant le rembourrage pour tous les personnages à l’exception des serviteurs454. Le maintien de ce ventre factice pour le rôle de l’esclave permet de traduire visuellement d’une part son caractère joyeux et facétieux et d’autre part l’infériorité de son statut social par rapport aux autres. Au sein de la vision plus réaliste prônée par la comédie de Ménandre, les personnages de citoyens sont supposés être minces et vêtus à la mode de l’époque, afin d’être conforme à l’image que les Grecs se font du citoyen type. De la même manière, le statut de non-citoyen de l’esclave doit être également marqué. Cette différence physique est également importante en termes d’intrigue scénique car elle permet de légitimer le comportement et la personnalité de l’esclave : les spectateurs acceptent et apprécient ainsi ses manières rustres et inappropriées parce qu’il se place par définition en-dehors des normes sociales. Un personnage de citoyen

451 PIQUEUX A., « Le corps comique sur les vases « phlyaques » et dans la comédie attique », Pallas, 71, 2006,

p. 27-55.

452 GREEN, HANDLEY 1995, p. 58-70 ; WEBSTER,GREEN,SEEBERG 1995, p. 1-5.

453 Sur les changements physiques et vestimentaires des acteurs comiques et leur importance pour l’intrigue, cf.

GREEN 1997,p. 131-143.

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ayant une attitude aussi déplacée que l’esclave serait en revanche vivement critiqué par le public455.

Contrairement au faux-ventre, le phallus postiche, qui constituait également un des éléments principaux du costume de base de l’acteur comique des Ve et IVe s. av. J.-C. (pl. LVII,

fig. 2), disparaît complètement de la tenue de scène à l’extrême fin du IVe s. av. J.-C.456. Ce

changement marque la fin de la période de transition entre la Comédie Moyenne et la Comédie Nouvelle et l’adoption d’un nouveau mode de représentation des personnages. Leur reproduction dans la petite plastique hellénistique témoigne de la prise en compte par les coroplathes de ces modifications ; on notera cependant dans quelques exemples de notre corpus (cf. infra, cat. 36) la survivance de traits empruntés à l’Ancienne et à la Moyenne Comédie, dont le phallus postiche, élément qui sera développé un peu plus loin.

Concernant la pose du personnage de l’esclave, deux types se distinguent : les esclaves assis (17 figurines) et les esclaves debout (10 figurines). Le premier type, qui apparaît être le plus répandu aussi bien en Égypte que dans le reste du monde hellénistique et romain, est caractérisé dans sa grande majorité (15 exemples sur 17) par la présence d’un autel sur lequel est assis le personnage. Cette posture fait référence à une situation populaire dans la Nouvelle Comédie : l’esclave, craignant d’être châtié à cause de ses ruses et de son indiscipline, se réfugie sur un autel en quête de protection divine457. Ce motif, connu en Grèce depuis la fin du Ve s. av. J.-C.458, se diffuse largement à la période hellénistique et romaine, au point de

devenir une image stéréotypée de l’esclave, qui se décline en plusieurs variantes, selon la pose empruntée par le personnage. Ces différentes gestuelles de l’esclave assis ont fait l’objet d’un classement par Webster459 afin de souligner la prédominance éventuelle d’une posture en fonction des régions et des périodes ; nous avons donc repris cette typologie et adapté notre corpus, afin de souligner d’éventuelles originalités. Trois grands types de poses se dégagent ainsi parmi nos 15 figurines d’esclaves assis sur un autel, qui se distinguent par la position des bras :

455 Ibid. 456 Ibid., p. 140.

457 GREEN,HANDLEY 1995, p. 81.

458 Ibid., p. 36 (dans la tragédie) et p. 53 (dans la comédie d’époque classique). 459 WEBSTER,GREEN,SEEBERG 1995, p. 229-235.

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- Type 1 (type C17 de Webster) : jambes croisées, bras croisés sur la poitrine ou le ventre. 7 exemples (cat. 40.)

- Type 2 (type A2 de Webster) : jambes croisées, menton reposant sur la main droite, le bras gauche barrant la poitrine pour rejoindre le coude droit. 4 exemples (cat. 37a-b) - Type 3 (type C20 de Webster) : jambes croisées, mains jointes sur les genoux. 4

exemples (cat. 38)

Le premier type, le plus représenté dans notre corpus, constitue d’après Webster une spécificité égyptienne : effectivement, bien que la pose adoptée soit similaire à celle d’autres représentations d’esclaves produites hors d’Égypte460, les figurines égyptiennes portent seulement un chiton, contrairement aux autres qui possèdent en plus un manteau ; l’absence de l’himation ou du chitôn a conduit Webster à créer un type qui ne concerne que l’Égypte (type C17). Les coroplathes égyptiens auraient par conséquent créé un nouveau prototype en modifiant la tenue vestimentaire de l’esclave. Les deux autres types de pose et de costume que l’on rencontre le plus souvent en Égypte sont en revanche fréquemment attestés ailleurs, notamment en Grèce et en Asie Mineure pour le type 2 et en Campanie pour le type 3461. Les figurines fabriquées en Égypte suivent donc en termes d’attitude les modèles en vigueur à la période hellénistique et romaine mais elles peuvent aussi être des créations originales par rapport à la chaîne opératoire dans l’atelier.

Si la majorité des représentations d’esclaves assis adoptent des poses conventionnelles, il existe quelques exceptions : deux figurines, l’une en faïence et l’autre en ivoire et os, présentent chacune une pose que l’on pourrait qualifier d’inhabituelle, aucun parallèle n’ayant été recensé. Le premier exemple, découvert dans la nécropole d’Hadra à Alexandrie en 1972 et daté de la 2e moitié du IIIe s. avant notre ère462, se définit par un esclave

assis par terre, les deux bras levés, les jambes étendues et la tête tournée vers l’épaule droite (type D29 de Webster, cat. 36) ; la seconde figurine, également trouvée à Alexandrie et datée entre 50 av. et 50 apr. J.-C.463, porte une main sur la tempe, l’autre posée sur un bâton en passant le bras devant la poitrine (type D31 de Webster). Le fait que ces deux unica ne soient

460 BIEBER 1961, p. 104-105.

461 WEBSTER,GREEN,SEEBERG 1995, p. 229-235.

462Conservé au MGRAlex n° inv. 28851 ; NENNA 1995, p. 387-388, pl. LXX, 2-3 ; GRIMM G., « Orient und

Okzident in Der Kunst Alexandriens », Aegyptiaca Treverensia, I, Mainz, 1981, pl. 18 et pl. 14b ; HIMMELMANN 1983, p. 41, n. 94.

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pas en terre cuite peut d’ores et déjà soulever la question suivante : le type de matériau influe- t-il sur le degré d’innovation stylistique ?

Le cas des figurines d’acteurs produites en faïence mérite sur ce point toute notre attention ; dans son article consacré à six représentations d’acteurs en faïence464, datées des

III-IIe s. av. J.-C. et conservées au musée gréco-romain d’Alexandrie, M.-D. Nenna souligne

l’originalité de cette production non seulement par rapport aux fabrications non égyptiennes mais aussi par rapport au type de matériau employé. Ainsi, dans cette collection alexandrine des figurines d’acteurs en faïence, on note la présence de traits archaïsants, issus de l’Ancienne et de la Moyenne Comédie, et de caractéristiques propres à la Nouvelle Comédie. La figurine d’esclave citée ci-dessus fournit un exemple probant de ce mélange des styles (cat. 36): si l’attitude générale, de profil avec la tête tournée vers le spectateur, appartient à la Nouvelle Comédie, la pose gesticulatoire, le ventre proéminent et la présence du phallus apparaissant de la tunique courte font référence à la Comédie Ancienne et Moyenne. Le masque possède également des traits caricaturaux, avec un porte-voix à la fois profond comme dans l’Ancienne Comédie, et semi-circulaire, comme dans la Nouvelle Comédie. Cette combinaison claire et assumée entre caractéristiques anciennes et celles correspondant aux conventions scéniques en vigueur à l’époque hellénistique semble non seulement spécifique à l’Égypte ptolémaïque, mais également propre à la production en faïence, aucune figurine égyptienne en terre cuite ni même en métal n’offrant un tel mélange des genres465. De plus, les représentations d’acteurs en faïence présentent un aspect général grotesque plus marqué, qui relève sans doute davantage de l’art alexandrin que leurs homologues en terre cuite.

Il existe cependant parmi les représentations en terre cuite d’acteurs découvertes en Égypte quelques exemples présentant des caractéristiques qui diffèrent des types habituels : c’est notamment le cas d’une figurine découverte lors des fouilles de 1904 dirigées par Petrie à Ehnasya el-Medina, ancienne Hérakléopolis Magna (cat. 41)466. Cet objet fut mis au jour dans la maison K, dont la phase d’occupation a été datée entre le début du IIe s. et le milieu du

464 NENNA 1995, p. 387-390. 465 Ibid.

466 PETRIE 1905. Illustré seulement PETRIE,Roman Ehnasya (Herakleopolis Magna) 1904 : Plates and Texts

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IIIe s. de notre ère467, parmi une dizaine d’autres figurines représentant diverses divinités et un

acrobate468. Le personnage a été identifié comme étant un acteur comique, ainsi que l’indique la présence d’un masque : ce dernier se caractérise par une surface lisse, des yeux grands ouverts, un nez camus et une bouche semi-circulaire, légèrement en porte-voix. L’ensemble est bordé par une couronne de cheveux bouclés. Les dimensions imposantes du masque sont soulignées par la disproportion entre la tête, le cou très large et le reste du corps. L’originalité de cette représentation réside d’une part dans l’attitude du personnage et d’autre part dans la différence de traitement entre le corps et le vêtement : il est en effet agenouillé, seul cas où cette position est adoptée parmi les figurines inventoriées dans notre corpus. Il porte dans sa main droite un petit objet circulaire qu’il serre sur son ventre, sa main gauche tient contre sa poitrine un accessoire indéterminé469. Le traitement grossier des différentes parties du corps confère un aspect naïf au personnage : les lignes et les volumes sont faiblement modelés, notamment les épaules, les bras et les mains. Le vêtement se définit par une longue tunique sans manches ; le personnage porte également sous cette tunique son justaucorps d’acteur, reconnaissable aux manches longues marquées par un motif de marques verticales poinçonnées, qui fait référence au maillot à trous portés par les acteurs470.

Ce détail vestimentaire se retrouve sur d’autres figurines d’acteurs d’époque romaine, y compris en Égypte, où deux parallèles ont été trouvés : le premier, un brûle-parfum conservé au musée de Newark, représente un esclave de la Nouvelle Comédie assis sur un autel, qui sera abordé plus loin (pl. LX)471. Le second exemple, en bronze, est issu de la collection Fouquet472. D’après Webster, Green et Seeberg, la tunique longue associée à des manches à motifs (losanges ou points) apparaît comme la tenue typique des acteurs représentés dans les images théâtrales à partir des IIe et IIIe s. de notre ère473, ce qui

correspondrait à la datation supposée pour le contexte de trouvaille de la figurine d’Ehnasya, la plaçant ainsi comme l’une des plus récentes de notre corpus. Parmi les images conservées de cette période, citons par exemple un des deux fragments illustrant une scène de théâtre sur

467 PETRIE 1905, p. 26. Cette datation a principalement été établie grâce aux monnaies découvertes dans la

maison qui couvraient les règnes allant de Trajan (98-117) à Gallien (253-268).

468 Ibid.

469 AUTH 1998, p. 18. 470 Ibid.

471 Ibid., p. 15-20. Cf. infra p. 188.

472 PERDRIZET 1921, pl. 87, en haut à droite. 473 WEBSTER,GREEN,SEEBERG 1995.

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un sarcophage en marbre de provenance inconnue et conservé au musée du Louvre474 (pl. LVII, fig. 1) : daté du second quart du IIIe s. de notre ère, ce fragment représente trois

acteurs de comédie, tous vêtus d’un maillot à trous porté sous une tunique et d’un manteau. Le port chez les acteurs d’une tunique longue sans manches est également bien attesté sur les mosaïques de Ménandre à Mytilène, datées entre la fin du IIIe s. et la seconde moitié du IVe s.

apr. J.-C.475.

La figurine d’Ehnasya témoigne des choix réalisés par le coroplathe : le masque et le détail des manches du justaucorps ont fait l’objet d’un soin particulier, contrairement au reste du corps, qui est moins travaillé. On s’attache donc encore aux deux signes principaux de reconnaissance visuelle de l’acteur, à savoir le masque et le maillot à trous. Toutefois, le respect fidèle des conventions propres à la Nouvelle Comédie que l’on observe à l’époque hellénistique jusqu’au début de la période romaine apparaît ici nettement atténué. Il est ainsi très difficile d’identifier le personnage représenté : d’après le costume et le masque, il est probable qu’il s’agisse d’une version tardive de l’esclave de la Nouvelle Comédie, même si l’absence de barbe laisse planer le doute. La position agenouillée diffère également des poses connues pour ce type de personnage : elle pourrait être interprétée comme une attitude de prière ou, plus probable, de récitation. Peut-être s’agit-il d’un acteur déclamant des scènes de la Nouvelle Comédie, engagé pour divertir des invités lors de fêtes privées, ce qui justifierait sa posture et l’absence de masque bien défini476 ? Le parallèle qui sera fait plus loin avec le brûle-parfum conservé au musée de Newark permettra d’apporter d’autres éléments de réponse477. Néanmoins, ces originalités invitent à s’interroger sur la part d’influence égyptienne dans le traitement du corps et l’attitude.

Sur cette question, deux autres figurines retiendront notre attention (cat. 42), malgré l’absence de données contextuelles : pour la première478, conservée au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles, seule est préservée sa partie supérieure, sur une hauteur de 8 cm.

474 Fragments de sarcophage avec scènes de théâtre, Ma 950-Inv. Cp 6557, musée du Louvre ; publié dans

BIEBER 1961, p. 250, fig. 832 a-b ; GIROIRE C., ROGER D. (dir.), De l’esclave à l’empereur. L’art romain dans

les collections du musée du Louvre, Catalogue de l’exposition à Arles, musée départemental de l’Arles antique, 2008-2009, Musée du Louvre Editions, p. 219, n° 128 a et b. Nous remercions vivement Cécile Giroire, Conservateur du patrimoine au Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre pour avoir porté à notre attention sur ce parallèle.

475 CSAPO E., « Mise en scène théâtrale, scène de théâtre artisanale : les mosaïques de Ménandre à Mytilène, leur

contexte social et leur tradition iconographique », Pallas, 47, 1997, p. 165- 182.

476 AUTH 1998, p. 20. 477 Cf. infra p. 188. 478 N° inventaire E.03868a.

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Sa provenance précise et sa datation sont indéterminées ; en revanche, la seconde479 est conservée jusqu’aux genoux sur une hauteur de 15,6 cm mais on ne dispose d’aucune information sur la nature du contexte à l’exception d’une datation estimée aux IIe-Ier s. av.

J.-C. (cette datation reste hautement hypothétique en l’absence de contexte). Leur ressemblance suggère qu’elles appartiennent au même type. Elles représentent d’après leur masque un esclave principal de la Nouvelle Comédie, aisément reconnaissable au vu du soin accordé aux traits faciaux, fortement accentués, parmi lesquels on note la barbe striée déjà évoquée dans le chapitre sur les masques. Toutes les caractéristiques du masque correspondent au type hellénistique le plus fréquent de l’esclave principal. La speira est cependant ici remplacée par une couronne de feuillages rayonnante. La figurine la mieux préservée est debout, les mains sur les hanches, et porte une tunique moulante à manches courtes, fortement resserrée à la taille par une ceinture doublée nouée sur le devant. Le costume est entièrement décoré d’un motif de poinçons, relativement proche de celui qui orne sur les manches de la figurine d’Ehnasya. Il s’agirait par conséquent également du maillot à trous porté par les acteurs de la Nouvelle Comédie. Les traces de couleur blanche seraient dues, a priori, non pas à des ajouts de peinture mais à un gonflement de la couche de préparation480. Trois trous circulaires ont été percés : deux marquent la séparation entre les coudes et le buste, le troisième suggère sans doute la présence d’un phallus, non préservé.

Si aucun parallèle n’a été trouvé hors d’Égypte, l’attitude frontale du personnage, les mains posées de part et d’autre de son phallus, se retrouvent notamment sur certaines

figurines acéphales de Coptos, datées des IIe-Ier av. J.-C., qui représentent, d’après

G. Galliano, des personnages ithyphalliques parés de guirlandes de fleurs481. Bien que le vêtement soit différent et que l’absence de tête ne permette pas d’identifier avec certitude ces figurines comme des acteurs, leur style, proche de nos exemples, tend peut-être également vers une iconographie de type théâtral, les guirlandes apportant une dimension festive482.

En l’absence de parallèles non égyptiens, la question d’un type propre à l’Égypte se pose pour les deux figurines d’esclaves du Musée du Cinquantenaire de Bruxelles mais reste délicate à traiter : si la présence du phallus doit être considéré dans les représentations

479 Christie’s Sale Catalogue 27 octobre 2009, lot 152/ sale 5952, Londres. 480 Nous remercions Pascale Ballet pour cette explication.

481 Nous remercions Geneviève Galliano pour avoir porté à notre attention ces parallèles, issus du matériel étudié

dans le cadre de sa thèse de doctorat. Cf. GALLIANO 2011.